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Le palladium commercial
Autre source de palladium
Au-delà d’une concentration définie, appelée concentration micellaire critique (CMC), une micellisation ou agrégation a lieu49. Au niveau de la CMC, l’interface atteint une couverture quasi maximale et, pour minimiser davantage l’énergie libre du système, les molécules de tensioactif commencent à s’agréger dans la solution. Au-dessus de la CMC, le système peut se décomposer en une couche monomoléculaire adsorbée, en monomères libres et en tensioactifs micellisés dans la phase, ces trois états étant en équilibre. Au-dessous de la CMC, l’adsorption correspond à un équilibre dynamique entre des molécules de tensioactif arrivant et quittant continuellement la surface (Figure 18).
Ce phénomène d’auto-association est dit de type entropique. Il n’est pas dû à une attraction entre les molécules polaires, mais plutôt à la structure particulière de l’eau et aux modifications de cette structure au voisinage des parties apolaires des tensioactifs. La solubilisation d’une molécule non polaire entraine une diminution de son entropie standard. De plus, les contacts eau-groupements non polaires diminuent l’agitation des molécules d’eau qui adoptent une structure ordonnée aux interfaces, ce qui est énergétiquement défavorable. La réduction de l’entropie standard de l’eau est minimisée lorsque les molécules non polaires s’associent. Bien que cette association s’accompagne d’une diminution de leur entropie propre, elle permet à l’eau de retrouver une conformation de basse énergie, ce qui est thermodynamiquement plus favorable. Ce phénomène est appelé « effet hydrophobe »
Il est à noter qu’il existe de nombreux facteurs qui peuvent modifier la valeur de la CMC d’un tensioactif. La nature des parties hydrophile et hydrophobe qui le composent joue sur sa balance hydrophile-lipophile (HLB). De ce fait, elle joue un rôle important sur la CMC et sur la polarité globale du tensioactif50 :
➢ La partie hydrophobe
Dans le cas d’une série de tensioactifs ayant une tête polaire identique, la CMC va tendre à diminuer lorsque la longueur de la chaine hydrophobe va augmenter. Dans le cas d’un tensioactif non-ionique, cet effet est exacerbé51. La CMC va vers un minimum pour les chaines contenant plus de 18 atomes de carbone où la variation de sa valeur devient quasi-nulle et ce, en raison d’un phénomène d’enroulement des chaines longues. De plus, la nature même de la chaine hydrophobe a un impact sur la CMC. En effet, un tensioactif possédant une chaine fluorocarbonée a une CMC beaucoup plus faible qu’un tensioactif avec une chaine hydrocarbonée de même longueur.
➢ La partie hydrophile
Le groupe hydrophile définit la plupart du temps la classe à laquelle le tensioactif appartient. Il s’agit d’une donnée importante car, à chaine équivalente, la CMC des tensioactifs ioniques est généralement plus élevée par rapport à celle des tensioactifs non-ioniques, avec des concentrations micellaires critiques respectives de l’ordre de 10-2 mol.L-1 et 10-4 mol.L-1.
➢ La nature du contre-ion
Dans le cas des tensioactifs de type ionique la distance entre la tête polaire et le contre-ion a également son importance. Plus le nombre de charge et la polarisabilité sont élevés, et plus la liaison ionique créée va être forte. Cela va écranter la charge du tensioactif et diminuer les répulsions électrostatiques ce qui entraîne la baisse de la valeur de la CMC52.
Où v est le volume occupé par la chaine hydrophobe, lc sa longueur maximale et a0 la surface maximale occupée par la partie hydrophile (Figure 19).
Ces différents assemblages peuvent être caractérisés par différents paramètres tels que :
• La forme
• La taille de l’assemblage avec le rayon hydrodynamique (RH) et le rayon de giration (RG)
• Le nombre d’agrégation (Nag)
De plus, lorsque leur concentration aqueuse dépasse environ 40%poids, ils auront tendance à former des phases cristallines liquides (ou mésophases lyotropes). Ces systèmes correspondent à une agrégation étendue de molécules de tensioactif en grandes structures organisées.
En raison de ces différentes propriétés et de la diversité des structures qu’ils sont capables de former, les tensioactifs trouvent des applications dans de nombreux processus industriels, comme agents émulsifiants, mouillants, moussants, détergents… 54–57.
Grâce à une grande variété au niveau de la structure de ces tensioactifs et de la synergie offerte par des systèmes de tensioactifs mixtes, il est possible de comprendre l’intérêt croissant pour les études fondamentales et les applications pratiques.
Ces différents paramètres peuvent être déterminés par différentes techniques d’analyse de la lumière telle que la diffusion dynamique de la lumière (DLS) ou bien la diffusion des rayons-X aux petits angles (SAXS).
La tête polaire peut être neutre ou chargée (positivement ou négativement), de petite taille ou bien même de type polymère. La queue hydrophobe quant à elle est de manière plus générale une chaine hydrocarbonée, simple ou double, mais peut également être fluorocarbonée, en partie ou entièrement (cas des perfluorocarbures), ou bien même contenir des groupements aromatiques. De manière plus générale, les tensioactifs peuvent être classés en trois catégories (Tableau 7-Tableau 8) :
➢ Les ioniques, anioniques ou cationiques, qui une fois en solution se dissocient en deux espèces chargées de manière opposée (le tensioactif ionique ainsi que son contre ion).
➢ Les non ioniques, composés par un groupement fortement polaire, comme par exemple un polyoxyethylène (-O-CH2-CH2-O-)58.
➢ Les zwitterioniques, qui sont composés à la fois d’un groupement chargé négativement et d’un autre groupement chargé positivement59.
De nos jours, les tensioactifs synthétiques sont des composants essentiels dans de nombreux procédés et formulations industriels. Selon la nature chimique précise du produit, les propriétés d’émulsification (formation de mélanges eau/huile), de détergences et de formation de mousse, par exemple, peuvent être diverses. Le nombre et la disposition des groupes hydrocarbonés ainsi que la nature et la position des groupes hydrophiles vont déterminer les propriétés tensioactives de la molécule. Par exemple, passer d’une chaine hydrocarbonée en C12
à une en C20 permet d’obtenir une meilleure détergence tandis que le mouillage et la formation de mousse quant à eux sont bien meilleurs avec des chaines plus courtes.
Parmi les différentes classes de tensioactifs, les anioniques sont les plus utilisés, principalement en raison de la facilité et du faible coût de fabrication. Ils contiennent une tête chargée négativement, comme cité précédemment tel que des carboxylates (-CO2-), des sulfates (-OSO3-) ou bien des sulfonates (-SO3-). On les retrouve principalement dans les produits cosmétiques, les émulsifiants et les savons.
Les tensioactifs cationiques ont des têtes chargées positivement comme par exemple l’ion triméthylammonium (-N(CH3)3+) et sont principalement utilisés dans des applications liées à leur absorption sur des surfaces. Celles-ci sont généralement chargées négativement (par exemple, un métal, des plastiques, des minéraux, des fibres, des poils et des membranes cellulaires) de manière à pouvoir être modifiées lors du traitement avec les tensioactifs cationiques. Ils sont donc utilisés comme agents anticorrosifs et antistatiques, assouplissants, revitalisants et bactéricides. Les non-ioniques contiennent des groupes ayant une forte affinité pour l’eau en raison de fortes interactions dipôle-dipôle résultant des liaisons hydrogène avec les molécules d’eau environnantes, les éthoxylates (-(OCH2CH2)nOH) peuvent être cités comme exemples. Un avantage par rapport aux tensioactifs ioniques est que la longueur des groupes hydrophiles et hydrophobes peut être modifiée pour obtenir une efficacité maximale d’utilisation. Ils trouvent des applications dans les détergents et les émulsifiants à basse température.
Les zwitterioniques constituent la plus petite classe de tensioactifs en raison de leur coût de fabrication souvent élevé. Cependant, ils se caractérisent par d’excellentes propriétés dermatologiques et une compatibilité cutanée. De plus, en raison de leurs faibles propriétés irritantes pour les yeux et la peau, ils sont couramment utilisés dans les shampooings et les produits cosmétiques.
Dans le cadre des travaux de recherche réalisés au cours de cette thèse, deux familles de tensioactifs non ioniques ont été étudiées. Dans un premier temps nous avons travaillé avec des tensioactifs de types oligomère appelés « télomères », développés et largement utilisés au sein de l’équipe CBSA. C’est avec cette première classe de tensioactifs que nous avons réalisé la preuve de concept consistant à produire une phase aqueuse micellaire contenant du palladium issu du recyclage de déchets électroniques et à l’utiliser directement en catalyse. Dans le but de comprendre les différents phénomènes mis en jeu lors de l’étape d’extraction et de la catalyse, nous avons également travaillé avec une autre famille de tensioactifs baptisés « DendriTAC » de structure dendronique. Ces derniers tensioactifs ont la particularité d’avoir une structure beaucoup plus modulable que celle de leurs homologues télomères ce qui est intéressant pour des études de relation structure-activité plus complètes. En variant la longueur et la nature de la chaine, hydrocarbonée ou fluorée, la nature et la taille de la tête par variation de l’arborescence, nous pouvons moduler la taille et la forme de l’assemblage micellaire et déterminer si ces paramètres influencent le taux d’extraction et de récupération du palladium et permettent leur utilisation en catalyse micellaire.
Parmi les différents tensioactifs développés par l’équipe, notre choix s’est porté sur les tensioactifs de types TAC. Il s’agit d’une famille de tensioactifs dont la synthèse aisée permet d’aboutir en un nombre limité d’étapes à des quantités de produits de l’ordre du gramme.
Dans le cas des tensioactifs de type TAC la nature amphiphile de ces molécules vient du fait qu’elles sont composées simultanément de n motifs Tris, constituant la tête polaire des tensioactifs, ainsi que d’une chaine hydrocarbonée ou perfluorocarbonée, constituant la queue apolaire des tensioactifs. De manière générale, ces composés sont nommés HxTACy ou FxTACy où x représente le nombre de carbones de la chaine hydrophobe et y le degré de polymérisation du télomère (Figure 21)69.
Dans plusieurs de ses études B. Lipshutz relie la performance qu’offre un tensioactif, en catalyse, avec la taille de l’auto-assemblage formé par celui-ci. Différents tensioactifs ont été caractérisés dans le but de voir l’impact de la structure du tensioactif sur les propriétés physiques de l’assemblage. Que ce soit dans le cas des télomères fluorés ou bien hydrocarbonés la longueur de la chaine hydrophobe mais également le degré de polymérisation ont été modulés (Tableau 9).
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Table des matières
1. Chapitre I Introduction
1.1. Etat de l’art
1.1.1. La chimie verte
1.1.2. La catalyse micellaire
1.2. Le palladium : Intérêts et enjeux
1.2.1. Physico-chimie du palladium
1.2.2. Le marché du palladium
1.2.3. Le palladium commercial
1.2.4. Autre source de palladium
1.2.5. Valorisation des déchets électroniques par extraction liquide/liquide
1.3. Utilisation de tensio-actifs : Preuve de concept
1.4. Objectifs de la thèse, stratégie abordée
2. Chapitre II Synthèse des tensioactifs et caractérisation des leurs assemblages
2.1. Les systèmes amphiphiles
2.1.1. Généralités
2.1.2. Assemblages des tensioactifs en milieu aqueux
2.1.3. Classification et applications des tensioactifs
2.2. Les tensioactifs de type télomère
2.2.1. Historique des télomères du THAM
2.2.2. Synthèse des H/F-TAC et nomenclature
2.2.3. Caractérisation
2.2.4. Le PolyTris
2.3. Les tensioactifs de type dendronique
2.3.1. Généralités
2.3.2. Synthèse et nomenclature
2.3.3. Caractérisation structurale de la molécule
2.3.4. Caractérisation structurale de l’assemblage des tensioactifs
2.4. Conclusion
3. Chapitre III Préparation des solutions micellaires contenant du Pd
3.1. Etude comportementale du Pd
3.1.1. Récupération du palladium en milieu conventionnel
3.1.2. Récupération du palladium en milieu micellaire
3.1.3. Conclusion sur l’utilisation des tensioactifs pour récupérer le palladium
3.2. Caractérisation des phases micellaires enrichies en palladium
3.2.1. Caractérisation des interactions palladium-tensioactif
3.2.2. Etudes de la compétition entre les extractants et les tensioactifs
3.2.3. Transfert d’espèces organiques au cours de l’extraction liquide/liquide
3.2.4. Etudes de la charge de phases aqueuses micellaires à partir de phases organiques contenant du palladium
3.3. Préparation de phases micellaires pour l’utilisation directe en catalyse
3.3.1. Généralités
3.3.2. Essais sur petite échelle
3.3.3. Dosages d’acide au cours du procédé
3.3.4. Essais sur grande échelle
3.4. Conclusion
4. Chapitre IV La catalyse micellaire
4.1. Les réactions de couplage catalysées
4.2. La catalyse micellaire
4.3. Dosage des réactions de couplage
4.3.1. Choix de la méthode de dosage
4.3.2. Choix de la méthode de traitement de la réaction
4.4. La réaction de Suzuki-Miyaura
4.4.1. Généralités
4.4.2. La réaction de Suzuki-Miyaura en milieu micellaire
4.5. La réaction de Buchwald-Hartwig
4.5.1. Généralités
4.5.2. La réaction de Buchwald-Hartwig en milieu micellaire
4.6. Couplage par un tensioactif dendronique
4.6.1. Couplage de Suzuki-Miyaura
4.6.2. Couplage de Buchwald Hartwig
4.7. Conclusion
5. Conclusion et perspectives
6. Partie Expérimentale
7. Bibliographi
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