Management du risque à l’hôpital

En France, le secteur de la santé fait régulièrement l’objet de réformes, la plus récente (2009) étant particulièrement importante : la loi Hôpital Patient Santé Territoire. Leurs objectifs visent à optimiser et sécuriser la prise en charge des patients, tout en améliorant la performance du système sanitaire. Ainsi, en ce qui concerne le domaine hospitalier, l’environnement juridique est particulièrement important : la prévention et la réduction de l’iatrogénie médicamenteuse, inscrites comme priorités[40] de santé publique dans la loi n° 2004-806 du 9 août 2004, le décret n° 2008-1121 du 31 octobre 2008 relatif au contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations, etc.

Plus récemment, les organisations liées à la politique du médicament et la gestion des risques au niveau des établissements de santé sont désormais définies par les textes publiés suite à la loi Hôpital Patient Santé Territoire. Le décret n° 2010-1029 du 30 août 2010 définit la politique du médicament et des dispositifs médicaux stériles dans les établissements de santé. Celui-ci précise notamment le rôle des commissions ou conférences médicales d’établissements et l’intégration du programme et du bilan des actions d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins. Quant à la gestion des risques, le décret n° 2010-1408 du 12 novembre 2010 relatif à la lutte contre les événements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé, précise les objectifs et l’organisation à mettre en place. Ces deux textes viennent d’être complétés par l’arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé.

De la pratique courante en gestion des risques en centre hospitalier aux évolutions actuelles 

La culture des risques et de la sécurité n’est une thématique étudiée que depuis peu. Ceci est d’autant plus vrai dans le domaine de la santé et plus particulièrement dans les établissements de santé ou chez les professionnels de terrain. D’un point de vue de la gestion des risques, les pratiques actuelles dans les hôpitaux restent encore peu développées. Le système de santé a du mal à évoluer : un décalage important existe entre ce qui se passe sur le terrain (c’est-à dire dans les établissements hospitaliers auprès du patient) et le cadre normatif ou réglementaire. Dans des secteurs plus industriels, les méthodes et pratiques ont évolué plus rapidement et certaines ont d’ores et déjà fait leurs preuves. Il semble donc intéressant d’évaluer leur transposition dans le domaine de la santé. Ce chapitre va, dans un premier temps, mettre l’accent sur les pratiques courantes actuelles dans les établissements de santé en gestion des risques. Dans un second temps, les théories et méthodes d’analyse des risques qui ont su émerger au cours des dernières années seront décrites.

Les pratiques courantes en gestion des risques en établissement hospitalier

Définition de la notion de risque 

Etymologiquement, le mot risque est un mot emprunté (1557) à l’italien risco qui représente le latin médiéval risicus ou riscus. Certains rapprochent le mot risque du latin resecare (enlever en coupant) ou resecum, qui signifie « ce qui coupe », puis « rocher escarpé, écueil » et ensuite « risque encouru par une marchandise transportée en bateau », d’autres d’une racine romane rixicare, élargissement du latin classique rixare « se quereller » qui a produit rixe, associant les valeurs de combat à celles de danger [130].

La notion de risque est présente au quotidien, souvent confondue avec celle de danger. Selon Simone Veil, « le risque est un besoin essentiel de l’âme. L’absence de risque suscite une espèce d’ennui qui paralyse autrement que la peur, mais presque autant. D’ailleurs, il y a des situations qui, impliquant une angoisse diffuse sans risques précis, communiquent les deux maladies à la fois. Le risque est un danger qui provoque une réaction réfléchie ; c’est-à-dire qu’il ne dépasse pas les ressources de l’âme au point de l’écraser sous la peur. Dans certains cas, il enferme une part de jeu ; dans d’autres cas, quand une obligation précise pousse l’homme à y faire face, il constitue le plus haut stimulant possible. La protection des hommes contre la peur et la terreur n’implique pas la suppression du risque ; elle implique au contraire la présence permanente d’une certaine quantité de risque dans tous les aspects de la vie sociale ; car l’absence de risque affaiblit le courage au point de laisser l’âme, le cas échéant, sans la moindre protection intérieure contre la peur. Il faut seulement que le risque se présente dans des conditions telles qu’il ne se transforme pas en sentiment de fatalité »[146].

De manière plus concrète, le concept de risque associe à la fois la notion de danger et de probabilité : probabilité de survenue de dommages. Le dictionnaire Larousse introduit cette notion de probabilité puisqu’il définit le risque comme « un danger, inconvénient plus ou moins probable auquel on est exposé »(1997). Au contraire, le dictionnaire Robert met l’accent sur la notion de risque plus ou moins prévisible.

Le Dictionnaire du droit privé de Serge Braudo définit le risque comme « un événement dont l’arrivée aléatoire, est susceptible de causer un dommage aux personnes ou aux biens ou aux deux à la fois ». « Le risque est la probabilité qu’un effet spécifique se produise dans une période donnée ou dans des circonstances déterminées. En conséquence, un risque se caractérise par deux composantes : la probabilité d’occurrence d’un évènement donné ; la gravité des effets ou des conséquences de l’évènement supposé à pouvoir se produire »(Directive Seveso 2 1996).

Le risque en santé : origine et définition

Des spécialistes se sont préoccupés des risques en santé tout au long de l’histoire[50], mais l’intérêt pour cette notion a augmenté ces dernières années, surtout à partir du drame du sang contaminé qui a eu lieu en France en 1985. « L’analyse des risques s’est rapidement développée en un ensemble d’activités centrées sur l’identification, la quantification et la caractérisation des menaces qui pèsent sur la santé humaine et l’environnement. Elles sont regroupées sous la dénomination générale d’évaluation des risques »[50]. Selon l’Occupational Health and Safety Assessment Series, le risque est une « combinaison de la probabilité et de la (des) conséquence(s) de la survenue d’un événement dangereux spécifié ». Dans son rapport sur la santé dans le monde, l’Organisation Mondiale de la Santé s’intéresse à la notion de risque en santé et fait remarquer que, même dans un domaine aussi précis que la santé, il n’existe pas une, mais des définitions du risque en santé.
• « Un risque peut être considéré comme une probabilité, par exemple, la réponse à la question « quel est le risque de contracter le VIH/SIDA par suite de la piqûre d’une aiguille contaminée » ?
• Un risque peut être considéré comme un facteur qui augmente la probabilité d’une issue sanitaire défavorable ; on dira par exemple que la malnutrition, la non potabilité de l’eau et la pollution de l’air intérieur comptent parmi les principaux risques pour la santé de l’enfant.
• Un risque peut être considéré comme une conséquence. Par exemple, quel risque court-on en conduisant en état d’ivresse ? (Réponse : le risque d’avoir un accident).
• Un risque peut correspondre à une éventualité malencontreuse ou à une menace. Par exemple, y a-t-il un risque à circuler en moto ? » .

Au sein des établissements hospitaliers, durant ces quinze dernières années, la notion de risque s’est considérablement développée. Les premières lois sur l’évaluation des soins apparaissent (Loi 91-748, 1991 qui intègre la première notion de qualité du système de santé, notamment avec la création des Schémas Régionaux d’Organisation Sanitaire (SROS)[115]) qui très vite vont déboucher sur le principe d’accréditation, puis de certification des centres hospitaliers, la création d’Agences Nationales d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES), ancêtres de la Haute Autorité de Santé (HAS) et la création d’Agences Régionales de l’Hospitalisation (ARS) (ordonnances Juppé), « ayant pour mission de distribuer les subventions en fonction de l’activité de chaque établissement »[115]. Puis vient la loi de 1998 qui créée les agences de sécurité sanitaire et la loi Kouchner qui propose de recentrer le système sur le patient. « Des avancées majeures sont réalisées sur le plan des droits des patients, qui d’objets de prestation de santé deviennent sujets à part entière du système »[143]. Enfin, la loi de 2004 oblige les professionnels à signaler tout évènement grave et force ainsi l’évaluation des pratiques médicales.

Le système hospitalier peut être considéré comme un système complexe. Des tendances émergent, depuis quelques années, visant à le comparer au monde industriel, en intégrant tout de même des spécificités. Le client est alors le Patient, les enjeux restent différents, et surtout, le déroulement des activités reste presque exclusivement basé sur l’humain, et non technologique. D’un point de vue qualitatif, l’objectif des établissements de santé est d’assurer la qualité des soins et la sécurité des patients. Ces objectifs introduisent donc de nouvelles dimensions : humaines, éthiques, sociales, médicales, etc. Le patient devient donc un client à part entière, client qu’il va falloir satisfaire le plus rapidement possible et du mieux possible. Ainsi les patients, les professionnels et l’organisation sont soumis à différents types de risques [10] :
• techniques,
• financiers,
• nucléaires,
• bactériologiques,
• etc.

Les pratiques courantes en gestion des risques en milieu hospitalier 

Malgré les cadres réglementaires qui se mettent en place depuis plusieurs années et que nous décrirons plus précisément dans la partie suivante, le fonctionnement pratique des établissements de santé peut varier selon la structure. En effet, plusieurs paramètres entrent en jeu, paramètres qui divergent en fonction des établissements :
• taille et missions spécifiques,
• historique de l’établissement,
• type d’hospitalisation (court, moyen, long séjour),
• difficulté de coordination entre les trois principales catégories d’acteurs impliqués: infirmières, médecins prescripteurs et équipe pharmaceutique, qui ne partagent pas toujours la même perception du risque lié à la prise en charge médicamenteuse,
• variation des modalités d’organisation des flux physiques et des flux d’informations,
• configuration monosite ou multisite,
• moyens humains disponibles,
• présence ou absence d’une plateforme logistique,
• utilisation ou non de la vaste offre industrielle de matériel de rangement, de stockage, de transport, de protection, d’identification,
• système d’information et niveau d’informatisation, automatisation.

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Table des matières

Introduction
I La Problématique
1 De la pratique courante en gestion des risques en centre hospitalier aux évolutions actuelles
1.1 Les pratiques courantes en gestion des risques en établissement hospitalier
1.1.1 Définition de la notion de risque
1.1.2 Le risque en santé : origine et définition
1.1.3 Les pratiques courantes en gestion des risques en milieu hospitalier
1.2 De l’évolution de la culture de sécurité
1.2.1 Analyse des risques a posteriori
1.2.2 Analyse des risques a priori
1.2.3 Les notions essentielles de la culture de sécurité
1.2.4 La culture de sécurité des soins
2 Place du risque dans la prise en charge médicamenteuse du patient dans les établissements de santé
2.1 Les principales causes de la iatrogénie
2.1.1 Iatrogénie médicamenteuse : définitions
2.1.2 Les conséquences et les chiffres liés à la iatrogénie médicamenteuse
2.2 Mise en perspective d’un cas particulier de la iatrogénie médicamenteuse : la vulnérabilité liée aux chimiothérapies
2.2.1 La notion de vulnérabilité en santé
2.2.2 Exemple d’une population jugée vulnérable : les patients sous traitement anticancéreux
2.3 L’approche systémique de la iatrogénie médicamenteuse : mise en exergue de la prise en charge médicamenteuse du patient
2.3.1 Les différentes étapes de la prise en charge médicamenteuse
2.3.2 Une prise en charge médicamenteuse particulière : celui des chimiothérapies
3 Démarche méthodologique
3.1 De la nécessité de prendre en compte de nouveaux paramètres
3.1.1 Les limites des théories et méthodes actuelles
3.1.2 L’émergence de nouvelles théories
3.2 Des méthodes de première génération aux méthodes de troisième génération
3.2.1 Le modèle STAMP et l’analyse des dangers STPA
3.2.2 La méthode FRAM
II La Pratique
4 La méthode AMDEC appliquée au circuit des chimiothérapies – CHU de Nice
4.1 Description du système et de la méthode
4.2 Objectifs
4.3 Résultats
4.3.1 AMDEC sans technologie
4.3.2 AMDEC avec automate : CytoCare®
4.3.3 AMDEC avec RFID
4.3.4 AMDEC avec Automate + RFID
4.4 Analyse des résultats et conclusion
5 Mise en place de la méthode FRAM pour le processus des chimiothérapies : Modèle fonctionnel
5.1 La fonction <Médecin.Prescrire>
5.1.1 La fonction <Médecin.Echanger informations>
5.1.2 La fonction <Médecin.Diagnostiquer>
5.1.3 La fonction <Médecin.Identifier traitement>
5.1.4 La fonction <Médecin.Informer patient>
5.1.5 La fonction <Médecin.Saisir ordonnance>
5.2 La fonction <Pharmacien.Valider pharmaceutiquement>
5.3 La fonction <Préparateur.Préparer>
5.3.1 La fonction <Préparateur.Passer>
5.3.2 La fonction <Préparateur.Fabriquer>
5.3.3 La fonction <Préparateur.Emballer>
5.4 La fonction <Manutentionnaire.Stocker produits initiaux>
5.5 La fonction <Manutentionnaire.Stocker produits finaux pharmacie>
5.6 La fonction <Infirmière.Stocker produits finaux service>
5.7 La fonction <Manutentionnaire.Transporter>
5.7.1 La fonction <Manutentionnaire.Retirer dispositif PUI>
5.7.2 La fonction <Manutentionnaire.Livrer chimiothérapie>
5.8 La fonction <Infirmière.Administrer>
5.8.1 La fonction <Infirmière.Préparer administration>
5.8.2 La fonction <Infirmière.Vérifier identité patient>
5.8.3 La fonction <Infirmière.Administrer poche>
5.8.4 La fonction <Infirmière.Enregistrer administration>
5.9 La fonction <Infirmière.Suivre>
5.9.1 La fonction <Infirmière.Suivre2>
5.9.2 La fonction <Médecin.Evaluer traitement patient>
5.10 La fonction <Manutentionnaire.Eliminer>
5.11 La fonction <Infirmière.Sortir>
5.12 Modélisation FRAM des sous-fonctions du circuit des chimiothérapies
6 Application de FRAM à la prise en charge médicamenteuse : introduction des technologies
6.1 FRAM : tableau de bord
6.1.1 La théorie
6.1.2 La pratique
6.2 FRAM : Adaptation du modèle et analyse des scénarii technologiques
6.2.1 1ère technologie : un automate de reconstitution des chimiothérapies
6.2.2 2nde technologie : la RFID
6.2.3 Association de la technologie RFID et de l’Automate
6.3 L’outil informatique
6.3.1 Du modèle à l’outil
6.3.2 Spécification de l’environnement FRAMDEC
6.3.3 L’architecture technologique de l’environnement FRAMDEC
6.3.4 La base de données FRAMDEC
Discussion
Comparaison FRAM/AMDEC
Intégration au système des incidents
Les quatre dimensions de la performance de la prise en charge médicamenteuse
Les perspectives pour FRAM
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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