Du droit communautaire des contrats on a que trop parlé. Tel est peut-être le sentiment général vis-à-vis d’un sujet qui souffre d’être trop « à la mode ». L’affirmation n’est pas dénuée de tout fondement, puisque, totalement vierge il y a seulement quelques années, le thème suscite aujourd’hui l’intérêt des organes officiels comme de la doctrine.
Les institutions communautaires les premières se sont saisies du sujet. En 1989, le Parlement européen invitait la communauté des juristes européens à réunir ses efforts en vue du rapprochement du droit privé des États membres . Réitérant son appel en 1994 et 2001 , le représentant des peuples européens remplit parfaitement son rôle d’agitateur d’idées. Les conclusions de la Présidence du Conseil européen de Tampere relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice indiquent dans le même sens : « en ce qui concerne le droit matériel, une étude générale doit être réalisée sur la nécessité de rapprocher la législation des États membres en matière civile afin d’éliminer les obstacles au bon déroulement des procédures civiles » . C’est toutefois la Commission européenne, par l’intermédiaire d’une communication adoptée le 11 juillet 2001 , qui a officialisé l’intérêt communautaire pour le droit des contrats.
L’engouement de la doctrine pour la question mérite aussi quelques explications. Le sujet a commencé par intéresser les spécialistes du droit comparé des États membres , puis cet intérêt s’est étendu à d’autres spécialistes de la matière juridique, principalement étrangers . Ce très récemment que l’on a pu constater que les juristes français avaient aussi investi ce nouveau champ de recherche. Le thème, entendu de façon extensive, donne lieu aujourd’hui à de nombreux articles , colloques et autres ouvrages collectifs .
Malgré cette accélération du rythme du débat, tout porte à croire que le jugement émis ci-dessus est en partie inexact. Loin d’avoir été trop souvent abordée, la question semble l’avoir été de manière imprécise. Le plus souvent, en effet, ce sont des sujets périphériques au droit communautaire des contrats qui ont intéressé les auteurs. C’est ainsi que l’on a, le plus souvent, évoqué la question très générale de « l’européanisation du droit privé » , fondée sur une double imprécision. La notion d’« européanisation », tout d’abord, signifie tout et son contraire… Désigne-t-on une influence d’origine européenne ou communautaire ? Envisage-t-on une influence directe ou simplement indirecte ? La notion de droit privé présente, quant à elle, des difficultés particulières au regard du droit communautaire. Tout d’abord, le droit privé recouvre une réalité particulièrement large puisqu’il est constitué de l’ensemble des règles qui gouvernent les rapports des particuliers entre eux .
Si l’influence du droit européen ou communautaire s’est fait sentir, ces dernières années, sur certains domaines précis tels que le droit judiciaire ou le droit pénal , une étude portant sur l’européanisation du droit privé supposerait que l’on examine des secteurs aussi divers que le droit commercial, le droit du travail, le droit international privé, le droit civil et la procédure civile. On s’aperçoit ici du caractère largement prospectif de l’entreprise. Un membre de la Commission européenne, Monsieur Bangemann, affirme en ce sens : « Les Traités européens posent des limites assez restreintes à la création d’une législation communautaire qui comprend le droit privé dans sa totalité. Ils ne contiennent pas une seule disposition qui autorise l’Union européenne à l’unification du droit privé, ce qui serait cependant nécessaire pour une initiative de l’Union européenne selon le principe des compétences spécifiques d’attribution » . Il faut, par ailleurs, convenir que l’étude de l’influence communautaire sur chacun de ces domaines présente un intérêt tel qu’elle mérite certainement une approche autonome plutôt que globale sous un intitulé de droit privé européen.
Dans le maquis des réflexions suscitées par ce nouveau champ de recherche, le thème de l’adoption d’un « Code civil européen » est certainement celui qui a le plus marqué les esprits . Si cet emballement doctrinal se justifie pleinement au regard de la valeur hautement symbolique et des potentialités de la notion employée, il mérite tout de même d’être contenu. Tout d’abord, fondement d’une majeure partie du système juridique français, le droit civil, à l’instar du droit privé, possède un domaine particulièrement étendu que le droit communautaire ne peut prétendre, en tout cas dans l’immédiat, recouvrir entièrement.
Le droit civil est, à la fois le droit des personnes, des biens, des obligations, des successions… Ensuite, le concept de codification, pouvant être défini au plan supraétatique comme l’opération consistant à énoncer des règles en forme écrite, dans un ordre systématique et de manière obligatoire pour les États qui y participent, demeure assez éloigné des considérations communautaires. En dépit de la formidable extension du champ d’action des institutions européennes, la conception pragmatique des pères fondateurs des Communautés, selon laquelle : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble ; elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait » , demeure vivace et relègue vraisemblablement au second plan l’idée de codification d’ensemble .
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE : LES FAIBLESSES DU DROIT DES CONTRATS
TITRE I – L’INCONSISTANCE DU DROIT COMMUN
Chapitre 1 – La « faisabilité » d’un droit commun : le modèle des principes du droit européen du contrat
Chapitre 2 – L’insuffisance du droit positif
TITRE 2 – LES INCOHÉRENCES DU DROIT SPÉCIAL
Chapitre 1 – Le domaine de l’intervention communautaire
Chapitre 2 – Les instruments de l’intervention communautaire
Conclusion de la première partie
DEUXIÈME PARTIE : LA FORCE DES DROITS DES CONTRACTANTS
TITRE 1 – LES DROITS DU CONTRACTANT PROFANE
Chapitre 1 – Une protection générale : la protection contre les clauses abusives
Chapitre 2 – Des protections spécifiques
TITRE 2 – LES DROITS DU CONTRACTANT PROFESSIONNEL
Chapitre 1 – La protection directe des droits du contractant professionnel : l’agent commercial
Chapitre 2 – La protection indirecte des droits du contractant professionnel : l’exemple des contrats de distribution
Conclusion de la deuxième partie
CONCLUSION GÉNÉRALE
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