Généralités sur les piles et accumulateurs au lithium
Principe de fonctionnement
Un générateur électrochimique est un système permettant de convertir l’énergie chimique en énergie électrique. Il permet ainsi de contrôler en son sein une réaction chimique entre un matériau réducteur et un matériau oxydant, et de canaliser dans le circuit extérieur les électrons mis en jeu, générant ainsi un courant électrique. Ce dispositif est au moins constitué de deux électrodes (positive et négative), chacune étant le siège de demi-réactions d’oxydo-réduction, et d’un électrolyte assurant le transport d’ions entre ces électrodes. Celles-ci sont de bons conducteurs électroniques, et éventuellement de bons conducteurs ioniques (conducteurs mixtes), tandis que l’électrolyte, conducteur ionique, doit lui être un isolant électronique pour éviter tout risque de court-circuit. Dans le cas d’un accumulateur les réactions d’oxydo-réduction sont réversibles, le système peut ainsi être rechargé par l’apport d’énergie électrique. Lorsqu’une des réactions aux électrodes est irréversible, on parle alors de système primaire ou de pile. Dans un accumulateur au lithium , l’électrode négative est constituée de lithium métallique et l’électrode positive est un matériau d’insertion du lithium.
Lors de la décharge, le lithium est le siège de la réaction d’oxydation suivante :
Li → Li⁺ + e⁻
Les électrons transitent via le circuit électrique extérieur jusqu’à l’électrode positive, créant ainsi le courant électrique, tandis que les ions lithium migrent à travers l’électrolyte et s’insèrent dans le matériau d’électrode positive. L’insertion simultanée d’ions lithium et d’électrons permet la réduction du matériau d’électrode positive.
Les grandeurs caractéristiques
Les grandeurs caractéristiques d’un générateur sont principalement son potentiel de fonctionnement et sa capacité. La durée de vie calendaire du générateur, qui correspond au nombre de cycles décharge/charge pour lequel la capacité reste supérieure à 80 % de la capacité initiale, ainsi que l’autodécharge du générateur sont aussi des critères à prendre en compte. Le potentiel à l’équilibre d’une batterie Eoc (exprimée en Volts) dépend des propriétés thermodynamiques des matériaux d’électrode et peut être défini par l’équation :
Eoc= Φc- Φa
où Φc est le potentiel de l’électrode positive et Φa le potentiel de l’électrode négative. Néanmoins le potentiel de fonctionnement d’une cellule électrochimique branchée sur un circuit extérieur est toujours inférieur à cette valeur théorique à cause d’une chute ohmique et de la polarisation induite aux électrodes :
Ed= Eoc – (ηact(c) + ηconc(c)) – (ηact(a)+ ηconc(a)) – iRt
où :
– Ed est le potentiel de fonctionnement
– ηact(c) et ηact(a) sont les polarisations d’activation (liées au transfert électronique) respectivement à l’électrode positive et à l’électrode négative
– ηconc(c) et ηconc(a) sont les polarisations de concentration (liées à la diffusion des espèces électroactives dans l’électrolyte, et éventuellement dans le matériau d’électrode) respectivement à l’électrode positive et à l’électrode négative
– i est le courant appliqué (A)
– Rt est la résistance interne de la batterie (Ohm)
Cependant, le lithium présente quelques inconvénients pour une utilisation rechargeable avec un électrolyte liquide. Dans cette configuration, le re-dépôt de lithium métallique lors de la charge est peu compact, sa densité dépendant fortement de la densité de courant appliquée. De plus cette morphologie particulière de l’électrode l’a rend très réactive vis-à-vis de l’électrolyte liquide [2, 3] et favorise au bout de plusieurs cycles la formation de dendrites. Ces dernières, en traversant l’électrolyte, peuvent générer des court-circuits et provoquer un échauffement local et un emballement thermique à l’origine de nombreux incidents. L’utilisation d’un électrolyte solide, mécaniquement robuste et chimiquement plus inerte, permet de s’affranchir de ces phénomènes et rend possible la réalisation de microbatteries tout solide ayant une électrode négative de lithium métallique.
Piles au lithium
Pour la réalisation de piles, l’emploi du lithium à l’électrode négative, associé à une cathode judicieusement choisie (potentiel élevé) permet d’obtenir les plus fortes valeurs d’énergie massique et une tension nettement plus élevée (~4 V) que celle des piles alcalines (1,5 V). Ceci permet de diviser par deux environ le nombre d’éléments à placer en série dans un module. De plus, le phénomène d’autodécharge est faible, ce qui permet un stockage sur une longue durée et la plage de température de fonctionnement est large, allant de – 40°C à + 170°C (en fonction du type de pile utilisé). Comme pour les autres systèmes primaires (piles au zinc, à l’argent,…) les piles au lithium existent sous différents formats : bouton, cylindrique (géométrie bobine ou à électrodes spiralées) ou prismatique et les capacités stockées vont du mAh à 1000 Ah. L’emploi du lithium comme électrode négative impose cependant des dispositifs de sécurité et le suivi de consignes spécifiques lors de leur transport, de leur utilisation et de leur recyclage. La mise en œuvre d’une pile inclut la mise en place d’un opercule de dépressurisation (pour éviter l’explosion suite à une montée en pression), de dispositifs électriques pour éviter les régimes de décharge trop élevés (il s’agit d’un élément appelé PTC pour « positive thermal coefficient » qui est mis en série et dont la résistance électrique augmente avec la température), une recharge accidentelle (diode), ou une montée en température (arrêt de la décharge par rupteur). Parmi les nombreux systèmes existants, on peut distinguer trois familles de piles au lithium suivant la nature de la cathode et/ou de l’électrolyte utilisés : les piles à cathode liquide, les piles à cathode solide et les piles à électrolyte solide.
Les piles à cathode liquide
Leur particularité est que le matériau d’électrode positive est liquide et joue à la fois le rôle de matériau d’électrode actif électrochimiquement (se réduisant lors de la décharge) et de solvant de l’électrolyte. Lors de l’introduction de la solution cathodique au sein de la pile, il y a un court-circuit puisque l’anode et la cathode sont en contact. Ce court-circuit est cependant provisoire. En effet, la réaction directe d’oxydo-réduction à la surface du lithium conduit à la formation d’une couche de passivation ou SEI (Solid Electrolyte Interphase) qui est un bon conducteur ionique et un isolant électronique. Dès que la SEI est formée, la pile n’est plus en court-circuit et peut fonctionner normalement. Le principal inconvénient de ce système est que la formation de la SEI induit une baisse de tension du système. Si celle-ci est trop épaisse, la résistance interne de la pile peut devenir très importante, rendant la pile inopérante. Dans ce type de pile, l’anode de lithium est employée telle quelle ou plaquée sur un collecteur de courant. Du côté de la cathode, une structure poreuse de composition carbonée sert à la fois de collecteur de courant et de réceptacle aux produits de réaction insolubles dans l’électrolyte. La solution électrolytique est formée du matériau cathodique qui joue le rôle de solvant et d’un sel de lithium (LiAlCl4 par exemple). Des additifs sont souvent ajoutés afin d’améliorer la solubilité du sel de lithium dans l’électrolyte, d’améliorer sa conductivité ionique et/ou de contrôler la formation de la couche de passivation.
Pile à cathode solide
Elles sont constituées d’une anode de lithium et d’une cathode composite comprenant la matière active, un additif conducteur électronique (noir d’acétylène ou graphite) et un liant polymère tel que du polytétrafluoroéthylène (PTFE), excepté dans la pile Li/(CF)x. L’électrolyte organique est un mélange de sel de lithium (LiClO4, LiBF4,…) et de solvants dont la nature (carbonate de propylène, dioxolane, tétrahydrofurane, diméthoxyéthane,…) et les proportions sont optimisées pour chaque couple électrochimique et pour chaque plage de température de fonctionnement. Le séparateur est un film non tissé constitué de fibres de polypropylène ou un film microporeux qui permet la séparation mécanique et l’isolation électronique des deux électrodes, tout en assurant le transfert des ions.
La pile Li/MnO2 a été l’une des premières piles commercialisée en 1976, remplaçant avantageusement les piles salines et alcalines grâce à des densités d’énergie au moins deux fois plus importantes. La pile Li/(CF)x, développée au début des années 70 par Matsuhita (Japon) fait aussi partie des premières piles au lithium commercialisées. Elle présente l’avantage d’avoir de bonnes performances électrochimiques même à basse température (- 20 °C) et une très faible autodécharge. La pile Li/CuO a été commercialisée par SAFT dans les années 70 [5]. Les avantages de ce système sont une capacité volumique importante (4260 Ah/l pour CuO seul), de très bonnes performances notamment à un faible régime de décharge, une très bonne capacité de stockage (5 % de perte de capacité seulement, après 10 ans de stockage à température ambiante) et une utilisation possible à des températures élevées (jusqu’à 150°C). Enfin FeS2 est actuellement employé dans les piles commerciales Energizer ‘Ultimate Lithium’ [6]. Ces piles dont la tension est de 1,5 V peuvent remplacer avantageusement les piles alcalines classiques dans les applications courantes. Leur densité d’énergie est d’environ 560 Wh/l et 310 Wh/kg en format AA contre 370 Wh/l et 130 Wh/kg pour une pile alcaline. FeS2 est aussi employé dans des piles au lithium thermiquement activées. Dans ce type de pile, l’électrolyte est un mélange de sels fondus tel l’eutectique 0,6 LiCl-0,4 KCl dont la température de fusion est de 352°C. L’électrode négative est un alliage de lithium (par exemple Li-Al), ayant un point de fusion plus élevée (Tfusion>700°C) que celui du lithium de manière à rester solide à la température de fonctionnement de la pile. L’électrolyte étant solide et inerte à température ambiante, ce type de pile peut être stocké pendant de longues périodes (jusqu’à 20 ans). La décharge de la pile se déclenche lorsque sa température atteint le point de fusion de l’électrolyte (l’élévation de température est assurée par une cartouche chauffante). Ainsi les piles Li/FeS2 thermiquement activées sont conçues pour un fonctionnement entre 400°C et 500°C [1, 7] et sont adaptées à des applications particulières dans le domaine militaire ou spatial (alimentation électrique de certains armements, alimentation de secours pour les sièges éjectables d’avions de chasse, alimentation de lanceurs ou de satellites…).
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Table des matières
Introduction Générale
Références
Chapitre 1 : Généralités et étude bibliographique
1) Généralités sur les piles et accumulateurs au lithium
1.1) Principe de fonctionnement
1.2) Les grandeurs caractéristiques
1.3) Intérêt du lithium
1.4) Piles au lithium
1.4.1) Les piles à cathode liquide
1.4.2) Pile à cathode solide
1.4.3) Piles à électrolyte solide
2) Les microbatteries au lithium
2.1) Description et spécificités des microbatteries au lithium
2.2) Critères de performance des microbatteries au lithium
2.3) Matériaux d’électrode
2.3.1) Électrode positive
2.3.2) Électrode négative
2.4) Matériaux d’électrolyte
2.5) Etat de l’art académique
2.6) Etat de l’art industriel et applications des microbatteries au lithium
3) Matériaux de conversion
3.1) Mécanisme de la réaction de conversion
3.2) Influence de la nature du cation et de l’anion
3.3) CuO
3.3.1) Mise en évidence du mécanisme de conversion
3.3.2) Amélioration de la réversibilité de la réaction de conversion dans CuO massif
3.3.3) Etude électrochimique de CuO en couche mince
4) Conclusion
Références
Chapitre 2 : Elaboration et caractérisation physico-chimique des couches minces de CuO
1) Préparation des couches minces de CuO
1.1) Description de l’enceinte
1.2) Cible et porte-substrat
1.3) Préparation et choix des substrats
1.4) Paramètres de dépôts étudiés
2) Optimisation de la concentration d’oxygène pour l’obtention de couches minces stœchiométriques de CuO
2.1) Evolution de la vitesse de dépôt
2.1.1) Détermination de la vitesse de dépôt
2.1.2) Influence de la concentration d’oxygène sur la vitesse de dépôt
2.2) Identification des phases obtenues par diffraction de rayons X
2.3) Détermination de la composition chimique des couches minces
2.3.1) Conditions expérimentales
2.3.2) Composition chimique des couches minces
2.4) Evolution de la conductivité électronique
3) Etude de l’influence des paramètres de dépôt sur les propriétés physicochimiques des couches minces préparées sous une concentration d’oxygène de 12 %
3.1) Evolution de la vitesse de dépôt
3.1.1) Influence de la distance cible-substrat et de la configuration
3.1.2) Influence de la pression totale
3.2) Caractérisation chimique des couches minces de CuO
3.2.1) Composition chimique des couches minces
3.2.2) Homogénéité chimique des couches minces en fonction de l’épaisseur
3.3) Caractérisation morphologique et structurale des couches minces de CuO
3.3.1) Modes de croissance des couches minces
3.3.2) Morphologie et structure des couches minces préparées en configuration parallèle
3.3.2.1) Influence de la température
3.3.2.2) Influence de la pression totale
3.3.2.3) Influence de la distance cible-substrat
3.3.3) Morphologie et structure des couches minces préparées en configuration inclinée
3.3.3.1) Influence de la pression totale
3.3.3.2) Influence de la température
3.3.4) Affinement du profil des diffractogrammes des rayons X
3.3.5) Etude par goniométrie de texture
4) Conclusion
Références
Chapitre 3 : Etude du comportement électrochimique de CuO en couche mince
1) Conditions des tests électrochimiques
1.1) Montage des piles bouton
1.2) Cyclage électrochimique
1.3) Cyclage galvanostatique d’une pile bouton témoin
2) Influence des paramètres de dépôt sur le comportement électrochimique des couches minces
2.1) Couches minces préparées en configuration horizontale
2.1.1) Influence de la température
2.1.2) Influence de la pression totale
2.1.3) Influence de la distance cible-substrat
2.2) Couches minces préparées en configuration inclinée
2.2.1) Influence de la pression totale
2.2.1.1) Couches minces déposées sur un substrat chauffé à 350 °C
2.2.1.2) Couches minces déposées sur un substrat non chauffé
2.2.2) Influence de la température
2.3) Conclusion
3) Etude du comportement en cyclage
3.1) Influence des bornes de potentiel
3.2) Influence du régime de courant
3.3) Influence de l’épaisseur des couches minces
3.3.1) Couches minces préparées à 350 °C (configuration inclinée, 1 Pa)
3.3.2) Couches minces préparées à TA (configuration inclinée, 1 Pa)
4) Etude approfondie du comportement électrochimique des couches minces préparées en configuration inclinée
4.1) Evolution de la morphologie au cours du cyclage
4.1.1) Couches minces préparées à 350°C sous une pression totale de 1 Pa
4.1.2) Couches minces préparées à TA sous une pression totale de 1 Pa
4.2) Etude des mécanismes liés à l’insertion/désinsertion du lithium au cours du cyclage
4.2.1) Rappel de l’état de l’art
4.2.2) Analyse par voltamétrie cyclique des processus redox mis en jeu et comparaison avec la littérature
4.2.3) Etude par Spectroscopie photoélectronique à rayonnement X (XPS)
4.2.3.1) Conditions expérimentales
4.2.3.2) Etude des couches minces préparées à température ambiante
4.2.3.3) Etude des couches minces préparées à 350 °C
4.2.3.4) Conclusion
4.2.4) Etude par microscopie électronique en transmission
5) Protection de l’électrode par un dépôt de LiPON
6) Evaluation des performances d’une micropile Li/CuO
7) Intégration des couches minces de CuO dans une microbatterie au lithium
7.1) Elaboration du système tout solide
7.2) Etude du système CuO/LiPON/Li
7.2.1) Comportement lors d’un cyclage voltamétrique
7.2.2) Comportement lors d’un cyclage galvanostatique
8) Conclusion
Références
Conclusion Générale
