DEFINITION
La définition du paludisme grave a connu au plan historique une certaine évolution. Au XIX eme siècle, Laveran définissait la -notion d’accès pernicieux palustre comme une forme suraiguë de paludisme à P. falciparum susceptible de tuer le malade en 36-72 heures si un traitement spécifique n’est pas rapidement et correctement institué [25]. En 1990, à cette notion de pemiciosité l’OMS substitue celle de paludisme grave. Il se définissait selon l’OMS par la présence de formes asexuées de P. falciparum à l’examen sanguin et d’une ou de plusieurs des 10 manifestations suivantes qui sont dites critères majeurs [61] :
-Neuropaludisme avec un coma stade II (score Glasgow < 9 chez l’adulte et les enfants âgés de plus de 5 ans ou un score de Blantyre < 2 chez les plus jeunes enfants).
-Crises convulsives généralisées et répétées ; plus de 2 épisodes ou une phase postcritique de plus de 15 minutes
-Collapsus circulatoire
-Hémorragies diffuses ou CIVD
-Hémoglobinurie massive
-Hypoglycémie (glycémie<2,2 mmol/l ou 0,4g/l)
-Anémie sévère avec hématocrite< 15% ou Hémoglobine< 5 g/dl
-Acidose sanguine : pH artériel<7,25 ou taux de bicarbonate <15mmol/l
-Insuffisance rénale: diurèse <400 ml/24heures ou 12ml/KG/24H, créatininémie
>265mmol/l ou 30mg/l.
-Œdème pulmonaire ou syndrome de détresse respiratoire.
Il existait d’autres manifestations contingentes dites critères mineurs ne suffisant pas à elles seules à définir le paludisme grave mais devant inciter à la vigilance. Il s’agit de :
-L’obnubilation ou la prostration qui sont moins marquées que le coma Stade II et peuvent être retrouvées en lieu et place de celui-ci.
-La parasitémie élevée(> 5% chez un sujet non immun)
-L’ictère clinique ou biologique avec un taux de bilirubinémie > 50µmol/l
-L’hyperthermie: température> 41°C ou hypothermie: température< 36°
En 2002, cette définition de l’OMS a été actualisée [60]. Elle a été élargie par rapport à la précédente en tenant compte des disparités épidémiologiques et cliniques rencontrées dans les diverses régions du monde. Les nouveaux critères actualisés sont les mêmes chez l’adulte comme chez l’enfant ; ils sont de deux types, cliniques et biologiques ainsi la notion de critères majeurs et mineurs disparaît.
Fréquence du paludisme grave en milieu pédiatrique
Le paludisme est la première endémie mondiale avec 40% de la population mondiale exposées soit deux milliards trois cent millions de personnes [18, 24,60]. La mortalité due au paludisme, estimée à entre un million cinq cent mille et deux million sept cent mille de décès chaque année [38,48]. Environ un million d’enfants de moins de cinq ans meurent chaque année de ce fléau dans le monde et quatre vingt dix pour cent de ces décès se passent dans nos pays c’est à dire en Afrique subsaharienne. En effet le paludisme y sévit sur un mode endémoépidémique; 120 000 personnes dont 90% d’enfants seraient malades chaque année. Il est la première cause d’hospitalisation, de mortalité et de morbidité chez les enfants de moins de 5 ans [19]. Environ 500000 enfants décèdent chaque année en Afrique du paludisme grave. Huit pour cent (8%) des cas d’infections à Plasmodiumfalciparum au cours de leur évolution sont considérés comme paludisme grave. A ce stade, la maladie a un mauvais pronostic, avec une létalité de 30 à 50% malgré un traitement efficace. Au Sénégal, de récentes études ont montré que le paludisme grave représentait 5,3% de l’ensemble des admissions, 16% des urgences pédiatriques et 39,9% des affections fébriles de l’enfant [7]. Comme dans beaucoup de pays africains, l’âge de survenue des formes graves de paludisme varie de 8 mois à 15 ans, avec une moyenne de 5,6 ans [7]. La prédominance masculine des formes graves de paludisme est classique dans la littérature.
LES CONDITIONS GEO-CLIMA TIQUES
En zone tropicale chaude et humide, le paludisme sévit sur le mode endémique avec parfois des poussées épidémiques liées à la pluviosité abondante. En zone subtropicale ou tempérée chaude, le paludisme est saisonnier. Au Sénégal, le climat est de type soudano-sahélien avec une pluviométrie correspondant à 3 zones climatiques :
-une forestière au sud
-une savane arborée au centre
-une désertique au nord.
Cette structuration correspond à des faciès épidémiologiques spécifiques du paludisme. Trois faciès épidémiologiques sont décrits :
• Zone de paludisme stable : La transmission est intense et quasi permanente
• Faciès équatorial : ce sont les forêts et savanes d’Afrique centrale. La prémunition y apparaît vers l’âge de 5 ans la morbidité s’étale sur toute l’année.
• Faciès tropical: savanes humides d’Afrique de l’Ouest et de l’Est (cas du Sénégal) la morbidité est plus importante en saison des pluies. On notera la . recrudescence saisonnière longue de 6 à 8 mois; la prémunition apparaît vers l’âge de lOans.
• Zone de paludisme intermédiaire : ce sont les savanes sèches sahéliennes ; La transmission est faible à recrudescence saisonnière courte (6 mois). La prémunition est beaucoup plus longue à apparaître avec possibilité de paludisme grave chez l’adulte.
• Zone de paludisme instable :
*faciès désertique : ce sont les steppes
*faciès austral : les plateaux du sud de l’Afrique
*faciès montagnard: ce sont les zones situées au dessus de lOOm d’altitude; la transmission y est faible et épisodique. Pas de prémunition : la quasi totalité de la population peut être touchée lors des épidémies.
• Paludisme urbain : la transmission est faible au centre, plus intense en périphérie. La prémunition est tardivement acquise avec des formes graves observées tout âge.
Tous ces faciès peuvent être modifiés par les cours d’eaux et les reliefs. Au Sénégal, les formes graves surviennent principalement pendant et après la saison des pluies qui s’étale généralement de Juillet à Octobre [7].
L’hypothèse de la perméabilité
Cette hypothèse énoncée par MAEGRAITH grâce à des études réalisées sur le singe RHESUS infecté par le plasmodium Knowlesi, suggère qu’une toxine (Toxine plasmatique de Maegraith), pouvant être une kinine et libérée par les hématies parasitées, est responsable de l’augmentation de la perméabilité vasculaire, principalement de la barrière hémato-encéphalique par altération de la respiration cellulaire du fait de l’action de cette toxine sur les phosphorylations oxydatives. Il en résulte une fuite du plasma d’où l’œdème cérébral et le coma qui s’en suit [27,50]. Ainsi des études récentes montrent que les pressions cérébro-spinales initiales sont au contraire élevées chez les enfants africains atteints du paludisme grave ce qui peut être dû à un œdème cérébral [35]. Toutefois, des résultats d’études menées chez des adultes thaïlandais contredisent l’hypothèse de la perméabilité. En effet chez les adultes dans le coma, le passage d’albumine sérique humain marqué à l’iode 125 à travers la barrière hématocérébrospinale est trois fois plus faible que dans le modèle du singe Rhésus de Maigraith [25]. D’autre part, chez des patients atteints de paludisme grave, les pressions initiales de liquide cérébro-spinal étaient normales dans 79% des cas et même plus basses pour les cas mortels [58]. Aussi si l’hypothèse de la perméabilité est de plus en plus abandonnée dans la physiopathologie du paludisme grave de l’adulte, elle reste toujours de mise dans celle de l ‘enfant [25,58].
L’hypothèse immunologique
Des mécanismes immuns mis en évidence sur des modèles ammaux sont d’une grande importance pour la compréhension de la pathogénie des glomérulonéphrites, de certaines formes graves de paludisme cérébral et de certains types de lésions cérébrales (55,56]. Chez l’homme, les infections par P. falciparum déclenchent des réactions immunitaires à médiation cellulaire et humorale. L’atteinte neurologique retrouvée dans le paludisme grave résulterait en partie de l’hyperactivation du système nerveux central par les antigènes plasmodiaux (56]. L’hypothèse de l’action d’un complexe immun vasculaire au niveau des vaisseaux cérébraux à également été émise. On a rapporté des cas de glomérulonéphrites prolifératives lors du paludisme grave or cette pathologie est un marqueur classique de l’existence d’une maladie immunologique sous jacente. Toutefois, c’est la nécrose tubulaire aigue rénale qui est la lésion la plus rencontrée dans le paludisme grave [58].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS SUR LES ASPECTS ACTUELS DU PALUDISME GRAVE DE L’ENFANT
I. DEFINITION
II- ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES DU PALUDISME GRAVE
DE L’ENFANT
11.1. La fréquence du paludisme grave en milieu hospitalier pédiatrique
11.2. Pathogénicité du parasite
II.3. Résistance et susceptibilité aux formes graves
11.4. Les conditions géoclimatiques
III – PARASITOLOGIE
Ill.1. Agent pathogène
III.2. Cycle évolutif
IV- PHYSIOPATHOLOGIE DU PALUDISME GRAVE
IV.1. LES TROUBLES DE LA CONSCIENCE
IV.1.1. L’hypothèse de la perméabilité
IV.1.2. Hypothèse mécanique
IV.1.3. L’hypothèse immunologique
IV.1.4. Rôle des plaquettes
IV.1.5. Le coma
IV.2. L’anémie
IV.3. La détresse respiratoire
IV .4. L’hypoglycémie
IV.5. La défaillance rénale
IV.6. L’hémoglobinurie
IV. 7. L’ictère
IV.8. Les perturbations de l’hémostase
V-ASPECTS CLINIQUES DU PALUDISME GRAVE DE L’ENFANT
V.1.Le neuropaludisme
V.2.Les formes cliniques
V- DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE
V.1. Bilan d’orientation et préthérapeutique
V.2. Diagnostic de certitude
VI-ASPECTS THERAPEUTIQUES
VI.1-TRAITEMENT CURATIF
VI.1.1. Traitement spécifique
VI.1.2. Traitement symptomatique
VI.1.3. Evolution
VI.2-TRAITEMENT PREVENTIF
VI.2.1. Prévention primaire
VI.2.2. Prévention secondaire
CHAPITRE II : NOTRE ETUDE
I- CADRE D’ETUDE
II- OBJECTIFS
III- METHODOLOGIE
111.1-Population de l’étude
111.2-Collecte et analyse des données
111.2.1- Collecte des données
111.2.2- Limites de l’étude
111.2.3- Analyse statistique
RESULTATS
I-Au plan épidémioïogique
II- Au plan clinique
III-Au plan biologique
IV- Au plan radiologique
V- Au plan évolutif
VI- Recherche des facteurs pronostiques de décès
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