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RECHERCHES BIBLIOGRAPHIQUES
En avril 2013, les publications relatives à la pharmacocinétique, aux mécanismes d’actions et aux effets toxiques du chlordécone ont été recherchées dans MEDLINE et dans TOXLINE avec les mots clés suivants : « Chlordecone » or « Kepone » or « 143-50-09 » sans autre limite. On recherche aussi les profils toxicologiques rédigés par les institutions nationales et internationales en charges de l’évaluation des risques sanitaires. Les références bibliographiques qui correspondent à l’un des 8 critères suivants sont exclues :
Les abstracts et actes de conférences
Les éditoriaux
Les synthèses à visée générale (pesticides, organochlorés, reprotoxiques au travail etc.)
Les références anonymes (pas de nom d’auteur)
Les doublons de référence
Les études d’écotoxicités
Les études de mise au point de tests chimiques ou biochimiques
Les études portant uniquement sur le mirex, le photomirex ou le kelevan
La lecture du titre et du résumé permet ensuite de classer les études retenues en différentes catégories d’intérêt pour l’évaluation des risques sanitaires :
1. Pharmacocinétique (absorption, distribution, métabolisation, excrétion) ;
2. Mécanismes d’actions ;
3. Effets toxiques ;
4. Etudes épidémiologiques ;
5. Synthèses ou monographies et divers.
9 Numéro d’enregistrement du chlordécone dans la base de données chimiques mondiales «
ANALYSE DU MODE D’ACTION A FAIBLE DOSE CHRONIQUE
La connaissance des modes d’action par lesquels un effet toxique se produit permet de traiter plusieurs aspects fondamentaux dans l’évaluation des risques : la causalité, la concordance entre espèces, la possibilité ou non d’un seuil de dose sans effets et les facteurs pouvant influencer la sensibilité intra et inter individuelle. L’objectif ici n’est donc pas d’exposer l’ensemble des connaissances disponibles mais de rapporter celles qui contribuent à éclairer l’un ou l’autre de ces aspects. En revanche, tout est mis en oeuvre pour recueillir toutes les études scientifiques publiées dans une revue à comité de lecture. Ainsi, excepté la qualité scientifiques et la pertinence des résultats pour nos objectifs, il n’y a pas d’autres critères d’exclusion a priori.
Partie descriptive
Les données rapportées ici ne constituent pas un état de l’art au sens où l’ensemble des résultats de chaque étude, généralement nombreux, seraient décrits exhaustivement. Il existe déjà bon nombre de synthèse sur les effets toxiques du chlordécone il n’est donc pas nécessaire d’en réaliser une de plus. On se concentre sur les informations qui correspondent à nos critères de sélection pour la dérivation de FER à faible dose. Seuls les résultats significativement différents d’un groupe témoins sont rapportés. D’une manière générale, les conclusions de chaque étude sont rapportées le plus fidèlement possible tout en restant cohérentes avec le ciblage sur nos objectifs. Une synthèse, lorsqu’elle est nécessaire, est donnée au début du chaque paragraphe (encadré). Des explications sur certains paramètres non triviaux sont renvoyées en note de bas de page. Elles sont le plus souvent obtenues dans Wikipédia.
Critères de sélection des effets potentiels à faible dose
L’analyse systématique des connaissances disponibles sur le mode d’action (MDA) a pour but d’identifier les effets du chlordécone qui peuvent survenir à faible dose. Ultérieurement ce sont les effets pour lesquels une fonction exposition-réponse sera dérivée. Seront sélectionnés, à condition qu’il n’y ait pas d’incohérence entre les données humaines et animales ou, d’incohérence entre les espèces animales testées, les effets dont le mode d’action correspond à au moins 2 des 3 critères suivants :
1. Le mécanisme d’action est observé à faible dose ( 1 μM ou < 1 mg/kg/j).
2. L’étude montre que l’effet est irréversible.
3. Le mécanisme d’action est identique à celui d’une maladie humaine « fréquente ».
Le registre des faibles doses a été déterminé après inventaire des dosages utilisés dans les études disponibles. L’irréversibilité doit avoir été étudiée ou mentionnée par les auteurs de l’étude. Les maladies fréquentes sont celles qui touchent plus d’une personne sur mille au cours de la vie. Si au moins deux de ces conditions sont remplies, on considère alors que l’effet peut-être sans seuil. Ensuite, d’autres aspects sont pris en compte pour conforter ou atténuer le niveau de confiance que l’on a dans l’absence de seuil à faible dose. Ces critères sont au nombre de cinq mais aucun d’entre eux ne peut-être une cause d’exclusion. Ils permettent de pondérer le score de chaque mécanisme d’action en faveur ou en défaveur de l’hypothèse d’un effet à faible dose :
1 Cohérence des mécanismes chez l’animal et chez l’homme
2 Cohérence des mécanismes dans une même espèce
3 Synergie d’effet avec une autre substance commune
4 Mise en évidence par l’étude d’autres substances ubiquitaires ayant le même effet
5 Utilisation d’un témoin positif dans l’expérimentation
Nous appelons substances ubiquitaires, celles qui sont retrouvées dans la grande majorité des échantillons d’enquêtes de biosurveillance en population générale, au nombre desquelles on compte les métaux (As, Cd, Cr, Hg, Ni, Pb, Zn) et des organiques non volatiles comme le BP-A, les PCB, les Dioxines, les HAP {InVS, 2011 ; InVS, 2013}.
Finalement on calcul un score pour chaque mécanisme d’action. Chacun des 8 critères prend une valeur de 0 ou 1 (oui ou non). Ils sont sommés dans leur groupe, puis on multiplie la valeur des deux groupes sauf si le groupe des cinq critères donne une somme égale à 0. Dans ce cas, la valeur obtenue est celle du premier groupe de trois critères. Cette procédure permet d’éviter que les cinq derniers critères éliminent un effet qui aurait une valeur non nulle sur l’un des trois critères principaux portant sur « le potentiel d’absence de seuil ».
PHARMACOCINETIQUE
L’objectif de l’analyse des connaissances pharmacocinétiques réalisée ici est d’apporter des informations sur : 1. les différences animal / homme, 2. La distribution interne du chlordécone chez l’homme, 3. la relation quantitative entre une dose externe orale et la concentration sanguine résultante chez l’homme.
Le premier point est important pour l’extrapolation à l’homme des connaissances toxicologiques développées chez l’animal. Le second permet d’identifier les organes ou les tissus les plus imprégnés par le chlordécone ce qui peut renforcer le niveau de confiance que l’on a quant à sa responsabilité causale sur tel ou tel effet. Le troisième point permet de convertir les doses utilisées dans une expérimentation animale en concentrations équivalentes de chlordécone dans le sang chez l’homme. La chlordéconémie est l’indicateur d’exposition mesuré actuellement dans les études épidémiologiques réalisées aux Antilles françaises.
On ne s’intéresse pas au passage cutané du chlordécone car ce produit chimique n’est plus fabriqué ni utilisé quel que soit l’usage. Il fait partie des 23 produits chimiques actuellement interdits par la convention de Stockholm10. Il n’y a donc plus d’expositions cutanées à la substance pure mais en cas de nécessité des données sur cet aspect sont disponibles {Heatherington, 1998 ; Shah, 1987 ; Shah, 1989}.
FONCTION EXPOSITION-REPONSE (FER)
Analyse de la causalité
La question de la causalité est importante quand on dérive une fonction exposition-réponse à partir d’étude épidémiologique parce qu’une association statistique, ce que mesure les risques relatifs les odds ratios et les autres indicateurs de risques, ne suffit pas à prouver que le facteur étudié est bien la cause de la maladie. Concernant les études animales cette question est moins importante puisqu’il s’agit d’expérimentations et non pas d’observations. Théoriquement, l’expérimentation permet de maitriser tous les facteurs potentiels de confusion car la seule chose qui change d’un groupe à l’autre est la quantité d’exposition au facteur étudié. Dans une étude épidémiologique, le facteur étudié peut tout simplement être un artéfact du vrai facteur causal. Dans ce cas si l’on agit sur l’artéfact et que cette action ne modifie pas le facteur causal, alors il n’y aura pas de bénéfices pour la santé publique. Il faut réunir d’autres critères pour vérifier la responsabilité étiologique d’un facteur. Les critères de causalité de Bradford Hill {Hill, 1965} sont bien connus et utilisés de longue date :
Force de l’association (risque relatif ou odds ratio) ;
Cohérence (répétition des observations dans différentes populations) ;
Spécificité (une cause produit un effet) ;
Temporalité (les causes doivent précéder les conséquences) ;
Relation dose-effet ;
Plausibilité biologique ;
Preuve expérimentale (chez l’animal ou chez l’homme) ;
Analogie (possibilité d’explications alternatives).
Ces critères restent soumis à une appréciation plus ou moins subjective par le ou les évaluateurs qui font l’analyse de la causalité. Dans un article publié récemment, Greenland passe en revue les méthodes, les pratiques et les pièges les plus couramment rencontrés dans l’étude de l’attribution causale en épidémiologie {Greenland, 2015}. En dépit d’outils statistiques qui peuvent être simples ou très sophistiqués, l’attribution étiologique nécessite toujours des hypothèses au-delà de la validité usuelle des tests statistiques. Ces autres hypothèses auront généralement peu de crédibilité ou de plausibilité lorsque les mécanismes d’action sont inconnus {Greenland, 2015}.
Notre démarche d’évaluation des risques sanitaires commence par l’analyse des connaissances expérimentales sur les modes d’actions. C’est pourquoi on ne réalisera pas l’analyse des critères de causalité de Hill pour les résultats épidémiologiques. A la place on ne retiendra que les études épidémiologiques portant sur une maladie, ou plus généralement un effet du chlordécone, qui correspond à ceux sélectionnés par l’analyse des modes d’actions.
Sélection des études
Les critères de sélection des études (chez l’animal ou chez l’homme) pouvant être utilisées pour dériver une fonction exposition-réponse sont :
1. Les études épidémiologiques de type étiologique (cohortes ou cas témoins).
2. Les études expérimentales chez l’animal respectant les guidelines de l’OCDE ou de l’US-EPA, avec au minimum 2 groupes de doses en plus du groupe témoin.
3. Effets étudiés correspondant aux dangers sélectionnés dans l’analyse des modes d’actions
4. Mesure quantitative de l’exposition au chlordécone (biomarqueurs ou doses externes)
5. Durée d’exposition 1 an ou exposition in utero + post natal,
6. Diagnostic médical ou histopathologique de la maladie
7. Tests statistiques des indicateurs de risque
8. Contrôle des cofacteurs (tabagisme, poids, âge, sexe, niveau de revenus, etc.) dans les études épidémiologiques
Méthode de dérivation des FER
Dans un scénario officiel d’évaluation des risques, l’objectif général est de protéger la population des expositions pouvant conduire à des risques inacceptables. Ici, on cherche à connaitre quel est le niveau des risques sanitaires dans la population guadeloupéenne exposée au chlordécone. Ce n’est pas seulement l’effet critique (défini comme étant le premier à survenir par ordre croissant d’exposition ou de dose) qui nous intéresse mais tous les effets potentiels des faibles doses. Il y aura donc autant de FER que d’effets du chlordécone à faible dose pour lesquels il existe des données quantitatives humaines ou animales modélisables. Ensuite, on recherche des données moyennes (espérance mathématique) et non pas seulement les données dans l’espèce et/ou le sexe le plus sensible. Si un effet est plus marqué dans un sexe ou dans une espèce que dans l’autre tout en étant significatif dans les deux sexes ou les deux espèces la FER devra représenter le risque moyen des deux sexes, ou des deux espèces. En revanche, si l’effet est significatif dans un seul des deux sexes, la FER dérivera uniquement des données de ce sexe et s’appliquera, dans l’évaluation des risques, aux seules personnes du sexe correspondant.
La dérivation des FER à partir d’études animales comme à partir d’études épidémiologiques comporte deux étapes : définir un point de départ (POD), extrapoler linéairement le POD vers l’origine. L’extrapolation concerne donc ce qui a été défini comme la gamme des « faibles doses », c’est-à-dire la zone sans données connues. Cette extrapolation linéaire revient à faire explicitement l’hypothèse qu’à faible dose, la probabilité de survenu de l’effet est proportionnelle à la quantité d’exposition. L’hypothèse de linéarité, de la relation dose réponse aux faibles doses, fait l’objet de débats relatés dans l’introduction. Il n’est pas question ici d’apporter une preuve de l’existence ou de l’absence de relation dose réponse à faible dose, mais plutôt de montrer qu’en faisant de cette hypothèse un postulat de départ, l’évaluation des risques devient quantitative sans pour autant interdire la prise en compte d’un seuil de dose « sans effet ». Subordonner la prise en compte d’un seuil au développement initial d’une fonction exposition réponse sans seuil doit permettre de produire des résultats beaucoup plus utiles pour les décisions de sécurité sanitaire.
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Table des matières
1. INTRODUCTION
1.1. PROBLEMATIQUE
1.2. ETAT DES LIEUX SUR LES RELATIONS DOSES REPONSES
1.2.1. Présentation
1.2.1. Sans seuil
1.2.2. Avec seuil
1.2.3. Hormésis
1.3. OBJECTIFS
1.4. ETUDE DE TERRAIN : LE CHLORDECONE EN GUADELOUPE
2. MATERIELS ET METHODES
2.1. DEFINITIONS
2.1.1. Dose et exposition
2.1.2. Faible dose
2.1.3. Risque
2.1.4. Fonction exposition-réponse (FER)
2.2. RECHERCHES BIBLIOGRAPHIQUES
2.3. ANALYSE DU MODE D’ACTION A FAIBLE DOSE CHRONIQUE
2.3.1. Partie descriptive
2.3.2. Critères de sélection des effets potentiels à faible dose
2.4. PHARMACOCINETIQUE
2.5. FONCTION EXPOSITION-REPONSE (FER)
2.5.1. Analyse de la causalité
2.5.2. Sélection des études
2.5.3. Méthode de dérivation des FER
2.5.4. A partir d’études chez l’homme
2.5.5. A partir d’études chez l’animal
2.6. EXPOSITIONS DE LA POPULATION EN GUADELOUPE
2.6.1. Présentation
2.6.2. Cas des données censurées à gauche
2.6.1. Ajustement de fonctions de distributions
2.6.2. Organisation des données pour l’évaluation des impacts
2.7. EVALUATION DES RISQUES ET DES IMPACTS SANITAIRES
2.7.1. Sans seuil de dose
2.7.2. Avec seuil de dose
2.7.3. Evaluation alternative avec les données d’expositions externes
2.8. COUTS DES IMPACTS ET BENEFICES DE LA PREVENTION
2.8.1. Impacts en année de vie perdue
2.8.1. Valeur d’une année de vie perdue
2.8.2. Estimations des bénéfices sanitaires
2.9. COUTS DES PROGRAMMES DE PREVENTION
2.10. ANALYSES DE SENSIBILITE
2.10.1. Modèles analysés
2.10.2. Méthode d’analyse
2.10.3. Caractéristiques des variables et des simulations
3. RESULTATS
3.1. RECHERCHES BIBLIOGRAPHIQUES
3.2. DANGERS DU CHLORDECONE A FAIBLE DOSE CHRONIQUE
3.2.1. Préambule
3.2.2. Mode d’action sur le système endocrinien
3.2.3. Mode d’action sur le sang
3.2.4. Mode d’action sur le foie
3.2.5. Mode d’action sur le système nerveux
3.2.6. Mode d’action cancérigène
3.2.7. Mode d’action sur le développement du système nerveux
3.2.8. Mode d’action sur le développement de la fertilité
3.2.9. Mode d’action sur la fertilité
3.2.10. Mode d’action sur le système immunitaire
3.2.11. Mode d’action sur les reins
3.2.12. Mode d’action trémorigène
3.2.13. Mode d’action divers
3.2.14. Synthèse
3.2.15. Scores des modes d’action
3.3. PHARMACOCINETIQUE DU CHLORDECONE
3.3.1. Absorption
3.3.2. Distribution
3.3.3. Métabolisation
3.3.4. Excrétion
3.3.5. Différences animal / homme
3.3.6. Relation entre dose orale et concentration sanguine chez l’homme.
3.4. FONCTIONS EXPOSITIONS RISQUES (FER)
3.4.1. Etudes disponibles
3.4.2. FER dérivées d’études chez l’homme
3.4.3. FER dérivées d’étude chez l’animal
3.4.4. Variabilité des FER
3.4.5. Ajustement des FER sur la mortalité
3.5. EXPOSITIONS DE LA POPULATION GUADELOUPEENNE
3.5.1. Etudes disponibles
3.5.2. Expositions exprimées en concentrations sanguines
3.5.1. Expositions exprimées en doses externes
3.5.2. Populations concernées
3.6. COUTS UNITAIRES DES IMPACTS
3.6.1. Années de vie perdues par décès (DALYs)
3.6.2. Impacts en points de QI perdus
3.6.3. Synthèse
3.7. COUTS DES PROGRAMMES DE PREVENTION
3.8. EVALUATION DES RISQUES DES IMPACTS ET DES COUTS SANITAIRES
3.8.1. Sans seuil de dose
3.8.1. Avec seuil de dose
3.8.1. Evaluation alternatives avec les données d’exposition externes
3.9. ANALYSE DE SENSIBILITE
3.9.1. Fonction de distribution et valeurs paramétriques
3.9.2. Sensibilité du coût des impacts aux variables d’entrées
4. DISCUSSION
4.1. ANALYSE DU MODE D’ACTION
4.2. DANGERS DU CHLORDECONE A FAIBLE DOSE
4.3. MODELISATION BMD
4.4. FER DERIVEES D’ETUDES EPIDEMIOLOGIQUES
4.5. DIFFERENCE DE CONSTRUCTION DES FER
4.6. REGROUPEMENT DES JEUX DE DONNEES
4.7. CANCERS DE LA PROSTATE
4.8. DEVELOPPEMENT COGNITIF
4.9. CANCERS DU FOIE
4.10. EXPOSITION
4.10.1. Représentativité des données épidémiologiques
4.10.2. Expositions externes
4.11. MONETARISATION DES IMPACTS SANITAIRES
4.12. COUT DES IMPACTS SANS SEUIL
4.13. COUT DES IMPACTS, EVALUATIONS ALTERNATIVES
4.14. COUT DES PROGRAMMES DE PREVENTION
5. CONCLUSION
6. SIGLES
7. ANNEXE 1
8. ANNEXE 2
9. BIBLIOGRAPHIE
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