Le sujet touchant la sociologie religieuse ou plus précisément le rite de possession est tout à fait neuf et original au sein du Département de sociologie. Presque aucune étude n’a jamais été faite sur les Sakalava du Boeny ; s’il y en a eu, c’est surtout sur les Sakalava du Menabe. Etant originaire de la Région Boeny, notre choix du thème a été fait sans hésitation. Non seulement la facilité d’accès sur le terrain, mais aussi la connaissance de plusieurs individus susceptibles de nous aider ont constitué un atout majeur dans la réalisation de nos investigations.
Dans la région Boeny en général, et au sein de la Commune Urbaine de Mahajanga en particulier, le rituel du « tromba » est très pratiqué chez les Sakalava. Quelle que soit son origine ethnologique, le « tromba » désigne à la fois le malade dans lequel les esprits ont élu domicile, l’état physique de la possession ainsi que la confrérie des possédés qui en résulte. En effet, c’est un terme qui traduit aussi bien la réincarnation d’un esprit royal qui souhaite s’adresser à son peuple, à travers l’état de transe d’un individu pour entrer en contact avec les esprits. Il groupe aussi l’ensemble des malades guéris qui ont assumé la possession, et qui pourront à leur tour se mettre en transe sans passer à nouveau par d’autres médiums. Bien qu’il y ait quelques variantes mineures dans les formes, la similitude des cérémonies du « tromba sakalava » pratiquées dans les différentes régions de l’île permet de reconstituer les principales étapes du rituel.
GENERALITES SUR LE BOENY ET LE TROMBA
La région Boeny
Localisation et délimitations
Située sur la partie nord-ouest de la Grande Île, la région Boeny est composée de 6 districts dont Mahajanga I comme chef-lieu de région, Mahajanga II au nord, Soalala à l’extrême sud-ouest, Mitsinjo à l’ouest, Marovoay au centre-sud et Ambato Boeny à l’Est. La région occupe une superficie totale de 29.830 km² .
Par rapport aux autres régions, celle du Boeny est délimitée géographiquement :
• au nord par la région Sofia ;
• à l’est par la région Betsiboka ;
• au sud par la région Melaky ;
• à l’ouest par le Canal de Mozambique.
Relief et paysage
La côte de la région présente généralement un aspect tourmenté avec des estuaires et un vaste delta. Les mangroves et les plages et sable s’alternent. Le littoral de la zone va de la baie de Mahajamba (au nord-ouest) à celle de Marambitsy (au sud-ouest). Les zones de pêche maritime se caractérisent par leurs conditions physiques, hydrographiques et par leurs ressources biologiques. Toutes les zones de pêche correspondent à des baies ayant des caractères communs :
– une profondeur relativement faible ;
– la nature vaseuse ou sablo-vaseuse du fond ;
– la présence de zones de mangroves bien développées.
Hydrographie
Par ailleurs, la région Boeny est largement drainée par un réseau hydrographique particulièrement dense qui met à sa disposition un capital en eau inestimable, susceptible de dynamiser les activités liées au transport fluvial et maritime, à l’alimentation en eau et à l’énergie hydroélectrique. Les rivières sont constituées par : la Betsiboka, la Mahavavy et la Mahajamba.
Les conditions féminines et la répartition ethnique
Les conditions féminines sont déplorables, avec la persistance de certaines mœurs et pratiques traditionnelles, comme l’union libre, la polygamie et l’endogamie dans certaines ethnies ; ajoutées à cela, une nuptialité précoce chez les jeunes filles, une faible valorisation du travail de la femme, laquelle est souvent reléguée aux travaux d’appoints. Comme partout à Madagascar, l’analphabétisme est un phénomène endémique qui constitue encore un frein au développement régional : les femmes sont majoritairement analphabètes. La répartition ethnique : la population régionale est composée d’ethnies et de races disparates notamment dans les grands centres urbains tels que Mahajanga I et Marovoay. Toutefois, la prédominance de l’ethnie sakalava sur les zones côtières est plus marquée, ainsi que celle des émigrants des Hautes Terres dans la partie centrale à Marovoay et à Ambatoboeny. La carte géographique ci-après va nous donner plus de clarté. Elle constitue le moyen le plus efficace pour relever, analyser et comprendre les relations spatiales entre les régions voisines et l’intérieur de la dite région : la région Boeny .
La commune urbaine de Mahajanga I
Situation géographique
Sur le plan géographique, la commune urbaine de Mahajanga I est située dans le centre-ouest de la province de Mahajanga, sur la rive droite de la Bombetoka. La côte de la ville qui s’étire sur 10 km est baignée par les eaux salées du Canal de Mozambique. Sa superficie est de 53 km² , soit 0,35% de celle de la province. Dans le cadre de la géographie administrative, la commune en question est à la fois chef-lieu de la province de Mahajanga et chef-lieu de la région Boeny, et est aussi la capitale du royaume Sakalava. Cette commune est limitée à l’Ouest par le Canal de Mozambique, à l’est, au sud et au nord par le district de Mahajanga II.
Historique
Afin de mieux comprendre le présent, il serait mieux remonter dans le passé. A l’origine, la ville était le lieu d’implantation d’une population « Antalaotra » qui avait établi des comptoirs commerciaux sur la côte ouest de Madagascar (dont celui de « Langany » dans la baie de Mahajamba) et qui s’installèrent à l’embouchure de la Betsiboka vers 1715 ; ils nommèrent cette ville « Moudzi wa Angaya » ou Moudzangaïa qui signifie « la cité des fleurs » en langage antalaotra. ème Au cours du XVIII siècle, bien que faisant partie du royaume sakalava du Boeny, la cité jouissait d’un statut autonome particulier. Au début du XIXème siècle, le roi Radama 1er entreprit la conquête du Boeny et combattait à plusieurs reprises les troupes de la royauté sakalava.
Andriamandisoarivo suivant les directives d’Andriamisara, donna le nom «Andriamisara Efadahy » (Andriamandisoarivo, Andriandahifotsy, Andriamboeniarivo, Andriamisara). C’est un roi sakalava, très célèbre qui avaient dirigé Mahajanga pendant une grande partie de l’époque ante-coloniale. Il avait son propre Doany, renommé depuis 1973 « Doany Miarinarivo » à Mahajanga I, située dans le quartier de Tsararano Ambony. Il convient de mentionner que le «Doany » est un lieu sacré pour les communautés traditionalistes.
Selon la tradition orale et étymologiquement, le terme Mahajanga vient de l’arabe «Moudzi wa angaya » signifiant « ville de fleurs ». Aujourd’hui, à l’entrée de l’Hotel de ville le mot Mahajanga en caractères arabes, est écrit sur la balustrade à la jonction des deux escaliers principaux. Durant l’époque coloniale, les étrangers avaient transformé le mot en français, et cela donna le terme Majunga. En outre, les Comoriens avaient aussi construit leur propre expression « Moujanga ». Fondée en 1745, la capitale du Boeny fut tranférée de Marovoay à Mahajanga. A l’époque, commerçants ou négriers, des Arabes et des Indiens se livraient déjà à un trafic florissant sur les côtes malgaches.
La population
D’après les données statistiques de la Commune Urbaine de Mahajanga I, en 2006, l’effectif total de la population est estimé à 120.456 habitants. Au cours de cette même période, le taux de croissance démographique est de 2,4%. L’ensemble de trois phénomènes sociaux donne ce taux : naissance, décès et migration de la population. D’une vision globale, la ville est cosmopolite avec la forte présence de divers groupes sociaux. Les flux successifs de migrants ont refoulés les autochtones sur leurs pratiques traditionnelles. La religion traditionnelle, accompagnée de ses rites et ses interdits représente encore un élément fondamental d’identité culturelle et d’unité ethnique dont les Sakalava sont très fiers. La commune en question est composée de 26 fokontany dont on peut faire une légère distinction en matière d’activité quotidienne et d’ethnicité.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : GENERALITES SUR LE BOENY ET LE TROMBA
Chapitre I : La région Boeny
1.1. Localisation et délimitations
1.2. Relief et paysage
1.3. Hydrographie
1.4. Effectif de la population
1.5. Mouvements migratoires
1.6. Les conditions féminines et la répartition ethnique
Chapitre II : La commune urbaine de Mahajanga I
2.1. Situation géographique
2.2. Historique
2.3. La population
Chapitre III : Dimension culturelle et religieuse des croyances et des pratiques rituelles
3.1. Définitions
3.2. Tendances et motivations
3.3. Tromba : pratique cérémonielle anti-modernité
PARTIE II : PSYCHANALYSE DU TROMBA ET SACRALISATION
Chapitre IV : Interaction entre le symbolique et le statut de l’individu
4.1. La puissance du symbolique : de la cosmologie à la thanatologie
4.2. Discours et introjection : des rites aux mythes
4.3. L’essence des bénédictions royales
Chapitre V : Croisé d’opinions et d’attitudes
5.1. Typologie des tromba sakalava
5.2. La royauté et sa volonté de pérennisation
Chapitre VI : Obligation ou volonté libre de cohabitation avec la modernité
6.1. Volonté libre de cohabitation
6.2. Témoignages
PARTIE III : PROSPECTIVES DE LA DIALECTIQUE PRATIQUE POPULAIRE ET IDENTITE ROYALE
Chapitre VII : Le tromba en tant qu’autorité politique
Chapitre VIII : Fusion entre identité royale et identité populaire
8.1. Interaction dans la pratique du tromba
8.2. Identité de fonction et de faits
8.3. Servilité de fait et servilité symbolique chez les Sakalava
Chapitre IX : Tromba, multiculturalité, interculturalité
9.1. Des culturalités régionales à la malgachéité
9.2. De la malgachéité à l’universalité
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE
LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUE
LISTE DES ACRONYMES
GLOSSAIRE
