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L’innocuité de la déambulation
Les risques qui peuvent exister pendant la déambulation sont la chute et l’hypotension orthostatique. Le CNGOF nous décrit les différentes causes possibles d’une chute : l’hypotension artérielle, la somnolence induite par les morphiniques, le bloc-moteur et les problèmes de proprioception. [15] La littérature ne rapporte cependant qu’un seul cas de chute depuis le début des travaux sur l’APDD. [6] [12] [16] La surveillance rapprochée avant chaque lever ainsi que l’obligation d’accompagnement et les règles strictes à respecter permettent de limiter ces risques. De plus, le risque de chute est diminué par la levée de la compression aorto-cave, responsable principale des hypotensions artérielles, et par la disparition du bloc-moteur grâce aux solutions diluées d’AL délivrées par bolus. [15]
Tous les travaux réalisés jusque-là s’accordent sur l’innocuité de la déambulation sous APD, autant pour la femme que pour le fœtus, si les critères de surveillance à l’induction sont respectés. [2] [3] [12] [19]
Les bienfaits possibles de l’analgésie péridurale déambulatoire
L’impact sur les paramètres obstétricaux
La durée du travail
Une des principales accusations de l’APD est d’allonger le temps de travail. Des études ont été menées sur les effets la déambulation pendant le travail, sans toujours y associer l’analgésie. Les résultats diffèrent selon les méthodes et les critères d’étude. Certains, tels que Stewart, Karraz et Flynn ont montré une diminution du temps de travail grâce à la déambulation et la mobilisation. [13] [20] [21] D’autres montrent surtout un effet sur la phase de latence, première phase du travail obstétrical : Payen et Kuczkowski s’accordent sur un raccourcissement de celle-ci. [12] [17]
L’accélération du travail par la déambulation pourrait s’expliquer par l’effet de la station verticale. En effet, par cette position, les axes de poussée des contractions utérines et de la gravité s’accordent pour accélérer la descente du fœtus dans l’excavation pelvienne. Les travaux de Payen et Kuczkowski démontrent également que la station verticale permet une augmentation de l’activité utérine et de l’intensité des contractions. [12] [17] Sachant que les contractions sont le moteur du travail obstétrical, une intensité plus importante est intéressante.
Cependant, d’autres études, telles que celles de Stalla-Bourdillon, Vallejo ou Frénéa réfutent cette hypothèse et ne démontrent aucune différence concernant le temps de travail, qu’il y ait ou non déambulation. [6] [20] [21]
Le mode d’accouchement
Une autre accusation de l’APD est d’augmenter le taux d’extractions instrumentales et de césarienne par la création de présentations dystociques ou d’hypoxie fœtale. Payen et Kuczkowski ont démontré qu’en plus de réduire le temps de travail, la déambulation réduit le nombre d’extractions instrumentales. [12] [17] Stewart cite Gupta qui, en 2004, a montré une diminution de 18% des extractions instrumentales grâce à l’APDD. [13]
D’un autre côté, certains n’ont trouvé aucune différence concernant le mode d’accouchement en comparant le travail en décubitus dorsal ou en déambulation. [6] [22] [23]
L’utilisation d’ocytocique
Le travail obstétrical peut être aidé par une perfusion d’ocytocique lorsque les contractions utérines ne sont pas suffisantes en nombre ou en intensité pour permettre la dilatation du col de l’utérus et la descente du fœtus. Les travaux de Payen et Read, repris dans un article du CNGOF, nous démontrent qu’une heure de déambulation a le même effet qu’une perfusion d’ocytocine sur la contractilité utérine. [12] [15] [24] Seuls les travaux de Karraz ne trouvent pas de différence sur l’utilisation d’ocytociques. [18] Tous les autres s’accordent à dire que la déambulation permet de diminuer l’utilisation d’ocytocique pour le travail. [6] [12] [19] [21]
L’impact sur l’état néonatal
Le rythme cardiaque fœtal
Le RCF est surveillé tout au long du travail, d’autant plus lorsque la patiente a recours à l’APD. Le lever, avec la disparition de la compression aorto-cave permet un meilleur débit utéro-placentaire avec une meilleure perfusion placentaire et donc une réduction du nombre d’anomalies du RCF. [12] [15] [16] [17] [19]
Le score d’Apgar [annexe 4]
Kuczkowski et Flynn démontrent un meilleur score d’Apgar chez les fœtus dont la mère a déambulé pendant le travail par rapport à celles restées allongées. Dans les travaux de Flynn, une différence significative est retrouvée avec un score de 8,8 en moyenne à 1 minute pour les femmes qui ont déambulé contre un score de 7,5 pour les femmes restées allongée. La différence est moins flagrante à 5 minutes avec un score de 9,9 contre 9,4 en moyenne. [17] [19]
Les études montrant ces différences reposent sur un faible nombre de patientes : 34 dans chaque groupe pour les travaux de Flynn. D’autres études ne retrouvent pas ces différences. C’est le cas de Payen et Collis ainsi que le Docteur Jacob-Bordereau au CHU de Caen lors de son étude menée en 2014. [3] [12] [23]
L’impact sur les paramètres anesthésiques
Réduction de la compression aorto-cave
L’APD classique impose le décubitus dorsal aux patientes. Dans cette position, l’utérus gravide entraine une compression de l’aorte et de la veine cave inférieure sur la colonne vertébrale mais aussi des artères utérines. En permettant la station verticale, l’APDD entraine la levée de cette compression, donc un meilleur retour veineux, une meilleure perfusion placentaire avec amélioration du débit utéro-placentaire et ainsi une meilleure activité utérine.
Cela a de nombreux effets positifs sur le déroulé du travail. Stewart nous démontre qu’un meilleur retour veineux entraine moins d’hypotension maternelle. [13] Une meilleure activité utérine est synonyme de contractions plus efficaces. Selon Payen, une meilleure perfusion placentaire n’est pas liée à une amélioration du score d’Apgar à la naissance mais Kuczowski nous montre le contraire. [12] [17]
Diminution du risque thrombo-embolique
La grossesse est une période à fort risque thromboembolique par l’état d’hypercoagulabilité, le mauvais retour veineux lié à la compression des vaisseaux par l’utérus gravide et les lésions des parois endothéliales. L’accouchement est tout particulièrement à risque, notamment lorsque la patiente reste alitée tout le long. Nous savons qu’il faut au minimum cinq pas pour activer la pompe surale et permettre le retour veineux. La déambulation sous APD permettrait donc naturellement de diminuer le risque thromboembolique en favorisant le retour veineux des membres inférieurs. [15] [16]
Réduction des complications nerveuses du post-partum
Par la disparition du bloc-moteur et la capacité de bouger les jambes, la patiente va éviter les attitudes vicieuses pourvoyeuses de lésions nerveuses, comme typiquement la position tailleur. De même, une malposition sur les étriers lors de la phase expulsive pourra être corrigée par la patiente elle-même selon son ressenti et ainsi éviter des complications nerveuses.
Favorise les mictions spontanées
Sous APD, il est fréquent que les patientes ne ressentent pas le besoin d’uriner. Nous avons recours à des sondages urinaires réguliers pour éviter une distension vésicale trop importante et laisser la place à la présentation de descendre dans le bassin.
Avec la levée du bloc-moteur dans l’APDD, les patientes conservent toutes les sensations dont celle de devoir uriner. Cela entraine une réduction du nombre de sondages vésicaux. C’est un confort pour la patiente lors de son travail, permettant une plus grande autonomie et ainsi une meilleure satisfaction.
Au-delà de cet aspect, nous observons une diminution des complications urinaires en post-partum. Comme Weiniger l’a démontré, la miction spontanée est plus efficace qu’un sondage vésical : le volume résiduel post-miction est plus faible. Les infections urinaires du post-partum sont causées par une mauvaise vidange de la vessie et l’apport possible de germes lors du sondage vésical, qui reste un geste invasif. Une augmentation des mictions spontanées lors de l’accouchement est alors synonyme d’une réduction des complications urinaires dans le post-partum. [25]
L’impact sur le vécu de l’accouchement
Diminution de la douleur
Dans de nombreux travaux, nous retrouvons une différence dans les quantités d’AL pour obtenir une analgésie suffisante pour les patientes. Frénéa montre une différence de 2mg/h dans la consommation de Bupivacaïne : le groupe « décubitus » a eut besoin de 8,4mg/h d’AL contre 6,4mg/h dans le groupe « déambulation ». [21] Payen démontre que, même sans analgésie, la déambulation permet à la patiente de mieux supporter les contractions utérines. [12] Depuis le début des recherches sur l’APDD, Collis a été le seul à ne montrer aucune différence entre ses deux groupes d’étude. [23] La déambulation peut être considérée comme une distraction de la douleur.
La diminution des doses d’AL est également liée à la technique. En effet, la PCEA permet à la patiente de choisir de niveau de sensations qu’elle souhaite. Généralement, les femmes choisissent de sentir les contractions et la progression de leur enfant ce qui induit des doses plus faibles.
Une plus grande autonomie
L’APDD permet à la femme de conserver une plus grande autonomie durant son accouchement. La disparition du bloc-moteur lui permet d’être libre de ses mouvements. Elle peut choisir la position qui lui est confortable et en changer quand bon lui semble. La technique de la PCEA permet à la patiente de choisir son niveau de confort et les sensations qu’elle souhaite conserver ou non. Elle peut ainsi conserver les sensations de poussée, l’envie d’uriner et la capacité de se rendre aux toilettes pour ne pas avoir recours aux sondages évacuateurs effectués par les sages-femmes (SF). Par ces quelques éléments, elle peut gérer son accouchement et se sent plus actrice du travail. Cette autonomie conservée est le point commun entre toutes les études réalisées sur l’APDD. Elle est le garant d’une amélioration de la satisfaction des patientes concernant leur analgésie et leur prise en charge en salle de naissance. [3, 6, 12, 13, 15, 16, 17, 26, 27]
L’augmentation des sensations de poussées
Le bloc-moteur ne supprime pas que les sensations dans les membres inférieurs. Celles du bassin sont également atténuées voire effacées. Les patientes ne ressentent donc plus le fœtus qui progresse et les sensations de poussée au moment de l’expulsion. Les dosages compatibles avec la déambulation permettent de conserver toutes ces sensations. Cela contribue énormément au vécu de l’accouchement : les femmes ressentent le travail qui avance et savent quand le moment de l’expulsion est arrivé. Ce sont alors elles qui savent quand la naissance va arriver, ce n’est pas le professionnel de santé qui dicte quand pousser.
L’implication de l’accompagnant
Un des critères pour permettre la déambulation est la présence d’un accompagnant. Généralement, cette personne se trouve désemparée et ne sait pas comment aider la femme en travail. Dans l’APDD, elle a un rôle à jouer en étant impliquée dans la surveillance et en aidant à la mobilisation. Cet aspect participe à la satisfaction de la femme enceinte sur sa prise en charge. L’APDD a un impact limité sur les paramètres obstétricaux, anesthésiques et néonataux, tout en restant sans danger pour la femme et l’enfant. Son véritable point fort est de permettre une plus grande autonomie pour la patiente et d’offrir un rôle à l’accompagnant. Ces derniers arguments sont garants d’une meilleure satisfaction de la femme et du couple sur l’analgésie et la prise en charge de l’accouchement. Malgré les faibles effets sur le reste de la prise en charge, l’APDD devrait être proposée à chaque femme ne présentant pas de contre-indication pour lui assurer le meilleur vécu possible de son accouchement. Au CHU, un protocole existe depuis 2014 mais il semblerait que l’APDD ne soit pas régulièrement proposée aux patientes.
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Table des matières
Glossaire
Introduction
1. La prise en charge de la douleur
1.1. L’ère de l’analgésie péridurale
1.2. Les controverses de l’analgésie péridurale
1.3. Une volonté de retour à plus de physiologie
2. Une alternative possible : l’analgésie péridurale déambulatoire
2.1. Définitions
2.2. Les recommandations
2.3. La technique
2.4. Les règles à respecter
2.5. La surveillance clinique
2.6. L’innocuité de la déambulation
3. Les bienfaits possibles de l’analgésie péridurale déambulatoire
3.1. L’impact sur les paramètres obstétricaux
3.2. L’impact sur l’état néonatal
3.3. L’impact sur les paramètres anesthésiques
3.4. L’impact sur le vécu de l’accouchement
Objectifs et hypothèses
1. Objectifs de l’étude
2. Hypothèses
Matériels et méthodes
1. Critères d’inclusion et d’exclusion
2. Nombre de sujets
3. Support
5. Lieu
6. Outils de recueil des données
7. Accords obtenus préalablement à la mise en place de l’étude
8. Analyse des données
9. Analyse statistique
Résultats
1. Caractéristiques de la population
2. Connaissances sur les effets de la déambulation pendant le travail sous analgésie péridurale
3. Les connaissances et la pratique de l’APDD
3.1. La pratique générale
3.2. Analyse ciblée sur les réponses de ceux ayant déjà pratiquée l’APDD
4. Freins au développement de l’APDD au CHU de Caen
5. Leviers à l’utilisation de l’APDD : surveillance indispensable et formation
Discussion
1. Analyse des résultats
1.1 Objectif principal
1.2 Objectifs secondaires et hypothèses
2. Forces et faiblesses de l’étude
3. Propositions et perspectives
Conclusion
Références bibliographiques
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