Reflexions sur la politique linguistique senegalaise

La question du recours aux langues nationales dans l’enseignement a fait l’objet de beaucoup de débats dans les pays africains nouvellement indépendants. Cette ferme volonté des décideurs politiques à vouloir donner plus de crédibilité aux langues autochtones est due au multilinguisme que nous notons dans nos pays, mais aussi à l’officialisation des langues étrangères dans les anciennes colonies. C’est le cas du Sénégal qui verra le français devenir sa langue officielle. Cette politique est née aussi en réaction contre les politiques éducatives qui se sont fondées sur l’unilinguisme ou le monolinguisme et qui prônaient que l’Etat Nation ne saurait être fondé en dehors de l’unité de la langue, de l’unité de la culture ou de l’unité de l’histoire.

Ainsi, cette conception scientifique européenne du progrès économique qui en exclut le développement du patrimoine linguistique est loin de pouvoir se réaliser car la langue est le moyen privilégié pour exprimer la pensée d’un peuple. Il est compréhensible ainsi qu’en dépouillant un peuple de sa langue on le vide de son génie (B. Faye, 98-99 : p8). Le premier pas donc de la lutte pour la liberté de tout peuple doit être celui du développement de sa langue. De ce fait, la présence d’une langue étrangère qui s’ajoute au multilinguisme africain va créer au lendemain des indépendances un problème sérieux quant aux choix des langues. La langue de l’ancien colonisateur est loin d’être le ciment unificateur des nations comme on l’a tant pensé, et que la situation linguistique des pays africains en général est loin d’être assimilable à la situation européenne car ici, la langue officielle nous est parvenue à cause de la colonisation et en plus de cela les pays africains sont naturellement plurilingues.

Ce multilinguisme doit donc être pris en compte du moment où nous concevons que les facteurs d’un développement réellement efficace réside dans la prise en charge des données véritablement africaines. Ces données linguistiques dont nous fait part la linguistique, (celle dont le domaine d’usage prend en charge les questions sociales de la langue : la sociolinguistique) vont mettre les décideurs africains en général et Sénégalais en particulier devant des problèmes éducatifs plus ou moins difficiles à résoudre, les forçant à identifier des politiques linguistiques adaptées à leur situation linguistique mais aussi à leurs objectifs éducatifs. Car si l’éducation nationale a pour objectif la préparation des conditions d’un développement total qui fera l’œuvre de toute la nation, si, au-delà des intérêts personnels elle se donne comme objectif de former des hommes et des femmes qui travailleront inéluctablement pour la construction nationale, cette éducation ne doit en aucun cas se faire en dehors de la société. C’est dire qu’elle doit prendre en charge l’ensemble des couches de la société au lieu d’utiliser des modèles qui vont à l’encontre de la situation du pays en question.

La situation sociolinguistique du Sénégal

Classification des langues 

On doit la classification des langues africaines au linguiste et anthropologue américain J. H.Greeberg. Selon ses classifications, les langues du Sénégal appartiennent à la famille Nongo-Kordofanienne (Greeberg J.H.cité par Dreyfus et al 2004 : p23). Ainsi cette famille est subdivisée en plusieurs groupes dont deux qui figurent dans l’atlas linguistique du Sénégal. il s’agit du groupe ouest atlantique composé des langues telles que : le wolof, le seereer, le pulaar, appelées langues sénégalaises ; les langues bak : joola ( joola, gusilay, karon, kwatay, bayotte), manjaaku (manjaaku, pepel, mankagne), balant (balant[foe]), les langues tenda (bassari, bédik konyagi) , le bajaranke, le baïnouk ; elles sont aussi appelées langues du Sénégal oriental, les langues cangin ( none, ndut, saafi, palor, léhar).

Quant au groupe mandé, il est composé des langues telles que : le manding, le soninké, et/ou sarakolé le malinké. Il y a aussi la présence du créole portugais qui constitue un groupe linguistique à part (Dreyfus et al 2004 : p23). Les langues du groupe ouest atlantique ont cependant des caractéristiques particulières. On y retrouve des classes nominales et un stock de racines communes. La quasi-totalité des radicaux y sont de types syllabiques Consonnevoyelle-consonne (CVC) ou Consonne-Voyelle Consonne-Voyelle (CVCV) (Dialo, A, 1983 :6). On note aussi qu’en général dans ces langues, l’affixe de classe est préfixé au radicale à l’exception du pulaar où elle est suffixée. Ainsi, une autre particularité les distingue des autres types de langues. Il s’agit entre autres de l’absence de ton dans leur structure prosodique chose que nous retrouvons dans les langues du groupe mandé ce qui fait qu’on les appelle aussi des langues à ton.

Au niveau de ces langues du groupe ouest-atlantique, on note une présence d’accent d’intensité non distinctif et quasi fixe qui porte sur la première ou la deuxième syllabe du mot. Elles sont aussi caractérisées par un système d’alternance consonantique à l’initiale des radicaux, par un système verbal à deux ou trois voix et par des affixes d’extension verbale. Quant au pulaar et au seereer, ils présentent une série moins homogène d’alternance que les autres langues. Malgré cette multitude de langues, il n’en demeure pas moins que celles-ci ont la même dynamique langagière. Ce qui fait qu’elles entretiennent des statuts et des rapports différents.

Statuts et rapports entre les langues 

Parler du statut et du rapport entre les langues au Sénégal revient à montrer d’une part les fonctions qu’elles remplissent (statuts) et d’autre part les relations qu’elles entretiennent (rapports). Ainsi, le choix des langues a été fait dans un contexte de colonisation. Victime de cette situation, la population sénégalaise se voit imposée une langue étrangère, le français, qui sera la langue officielle du pays selon deux lois: celle n° 60- 045 du 29 août 1960 portant révision de la constitution du 24 janvier 1959 et la loi n° 63- 22 du 07 mars 1963 qui stipulent chacune en son article premier alinéa 2 que : « la langue officielle de la République du Sénégal est le français » (P. Faye, 2013 : p116). Grâce à ce privilège, la langue de l’ancien colonisateur sera langue de l’administration, des médias mais surtout langue d’enseignement. Depuis lors, le statut du français reste statique du fait que c’est cet unilinguisme officiel que nous retrouvons jusqu’à présent.

Pour ce qui est des langues du territoire dénommées langues autochtones puisque n’ayant pas en ces temps-là de statut, c’est grâce à la loi constitutionnelle n° 78- 60 du 28 décembre 1978 que certaines d’entre elles seront promues au rang de langues nationales. Cette loi en son article premier alinéa 2 stipule que : « la langue officielle du Sénégal est le français ; les langues nationales sont le diola, le malinké, le poular, le sérère, le soninké et le wolof ». Mais il faut noter que c’est à partir de 2001 que le statut de langue nationale sera donné à toute langue du territoire qui sera codifiée grâce à la loi n° 2001- 03 du 22 janvier 2001. Elle stipule en son article premier que ; « la langue officielle du Sénégal est le français. Les langues nationales sont le diola, le malinké le poular, le sérère, le soninké, le wolof [sic] et toute autre langue nationale [sic] qui sera codifiée ».

Parlant du rapport entre les langues, Calvet nous montre que la situation sociolinguistique du Sénégal est un modèle de diglossies enchâssées (Calvet 1994 cité par P. Faye 2008- 2009 : p12). En effet, dans la première diglossie nous avons le français comme variété haute et le wolof comme variété basse et dans la deuxième diglossie le wolof devient variété haute et les autres langues nationales comme la variété basse. Ainsi, pour ce qui est du rapport entre le français et le wolof, Cissé nous indique clairement que le wolof est parlé et compris par plus de 80% des sénégalais qui sont des locuteurs de cette langues à un titre ou à un autre. Mais il est la langue maternelle de 39% de la population (Cissé, 2011 : p2). L’expansion du wolof comme il le mentionne est indéniable ; tend à supplanter le français dans les domaines qui lui étaient jusqu’ici réservés. Il poursuit en disant:

« Ce qui justifie cette hégémonie du wolof est son utilisation fréquente dans presque toutes les communications orales comme dans l’administration, dans les tribunaux et même dans l’enseignement. Le wolof devient aussi la langue des grandes agglomérations mais aussi langue des confréries religieuses dont celle qui l’utilise comme principale vecteur de diffusion demeure la puissante confrérie mouride » (Cissé, 2011 : p2). 

Selon toujours cissé ; « même si la langue française domine dans la presse écrite et la télévision, il n’en demeure pas moins que le wolof soit utilisé dans la plupart des émissions culturelles. Dans les radios privées, 70% des émissions s’effectuent en wolof » (Cissé, 2005 : p369). Ce recours au wolof comme le décrit Ndao ressort du fait que la langue officielle est perçue comme un facteur d’aliénation soit qu’elle est incapable de traduire les réalités africaines (Ndao, 1990 : p442).

Force est de reconnaitre aussi que le wolof ne s’est pas limité dans les domaines précités car comme nous le constatons dans la musique sénégalaise il n’y a aucune autre langue qui puisse rivaliser avec le wolof. La quasi-totalité des chants ̏ mbalax ̋ sont faits en wolof. Quant au ̏ rap ̋ quelle que soit l’influence de l’anglais, le recours à la langue wolof est incontournable.

Malgré que le français soit la langue officielle par laquelle les gouvernements légifèrent, les campagnes électorales nationales et même les tournées politiques se font en wolof. Ainsi, cette hégémonie de la langue nationale wolof face à la langue officielle du pays nous met sans doute dans une incertitude de ce que serait la langue wolof dans les années à venir. Est-ce que le wolof pourra remplacer le français ? Toutefois, le constat que nous avons fait est qu’il n’y a aucune volonté manifeste de la part de nos autorités politiques à vouloir remplacer le français par le wolof. Mais nous pensons qu’un jour par la force des choses, ce contact habituel entre le wolof et français aboutirait à un bilinguisme officielle sans que cela génère des problèmes ethnolinguistiques car nous sommes tous conscients de cette domination du wolof sur le plan des usages. Mais vouloir remplacer le français avec le wolof n’est pas à notre avis chose rentable puisque le wolof n’est pas une langue de communication internationale.

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Table des matières

Introduction
Première partie : La situation sociolinguistique du Sénégal
Chapitre 1 : Classification des langues
Chapitre 2 : Statuts et rapports entre les langues
Chapitre 3 : Situations sociolinguistiques en milieu scolaire
Deuxième partie : La politique linguistique
Chapitre 1 : Notions théoriques
Chapitre 2 : Les différentes phases de la politique linguistique du Sénégal
Troisième partie : les avantages de l’apprentissage des langues nationales dans le système éducatif sénégalais
Chapitre 1 : dans l’enseignement formel
Chapitre 2 : Dans l’enseignement non formel
Chapitre 3 : Les défis
Troisième partie : les perspectives
Chapitre 1 : Une planification linguistique des langues nationales
Chapitre 2 : L’enseignement effectif des langues nationales
Chapitre 3 : L’apport de la société civile
Conclusion
Références bibliographiques

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