Histoire de l’habitat social français
La question du logement, qu’il soit social ou non, ne date pas d’hier. De nombreuses politiques (sociales, économiques, investissements…) ont été menées et des lois votées, au cours des siècles, dans le but d’essayer d’améliorer les conditions de vie de tous les ménages français. Cela ne s’est pas fait en un jour et encore aujourd’hui en France, la question du logement est loin d’être résolue. Dans cette partie, nous reviendrons sur l’histoire du logement social depuis la Révolution Française jusqu’à aujourd’hui.
La création de la Société Française des Habitations Bon Marché (HBM)
Après la Révolution Française, plus d’un tiers de la population vit dans la pauvreté, ce qui représente environ 10 millions de personnes. Les ménages vivent dans des logements insalubres, non équipés de sanitaires. Les propriétaires ont le droit de les obliger à quitter leurs logements à n’importe quel moment. Avec l’apparition de l’économie libérale et de l’industrialisation au 19ème siècle, les conditions de travail et de vie de toutes les classes sociales vont être bouleversées. On note à cette époque une augmentation importante de la démographie. En 1789, on comptait en France à peine 30 millions d’habitants. Ce nombre atteignait les 38,3 millions en 1891. La population française reste majoritairement rurale mais les villes commencent à se développer, à prendre de l’ampleur, toutefois de façon très inégale. En effet, les villes industrielles, comme Saint Etienne dont l’histoire est liée à la métallurgie et au textile, se développent plus vite que les autres. L’essor de l’industrialisation va obliger les ouvriers-paysans à quitter définitivement les campagnes pour venir s’installer en ville. Les conditions de vie et d’hygiène sont déplorables, et le manque de logements pour cette classe laborieuse va se fait sentir. L’amélioration des conditions de logements va devenir une priorité pour le vicomte A. de Melun. Son combat contre le logement insalubre va déboucher le 13 avril 1850 à l’adoption d’une loi relative à l’assainissement et à l’interdiction des logements insalubres. Cette loi instaure une commission d’assainissement « chargée de surveiller les logements insalubres mis en location ou occupés par d’autres que le propriétaire ». Mais cette loi ne connaîtra pas un vif succès puisque la grande majorité des élus locaux sont propriétaires. Pour autant, d’autres hommes politiques et penseurs sociaux vont reprendre le flambeau. « A côté de la question du droit ou non de l’Etat à intervenir dans le domaine du logement, les débats tournent autour de deux axes : Faut-il loger les familles ouvrières dans des pavillons individuels ou dans des logements d’immeubles collectifs ? Est-ce que l’accession à la propriété pour les classes populaires est plus favorable que la location ? » .
De nombreuses divergences vont apparaître. On aura d’un côté les partisans de l’accession à la propriété pour ces classes, et de l’autre, les partisans qui veulent regrouper les ouvriers dans des cités près des usines, de façon à améliorer le rendement et donc l’économie. De ces divergences vont naître différents projets de cités tels que le Familistère de Godin ou encore la Cité Menier, qui inspireront les constructions des futurs Habitations Bon Marché (HBM).
La construction de logements sociaux : initiative privée ou engagement de l’Etat ?
Le 20ème siècle va donner au logement social tout un bagage de lois et de dispositions réglementaires. Avant la première guerre mondiale, le mouvement en faveur de l’habitat social prend de l’importance en Europe. La France, comme ses voisins européens, s’intéresse au logement social et vote quatre lois en sa faveur.
La Loi Siegfried (30 novembre 1894) : J.Siegfried et G.Picot, deux hommes politiques engagés, soulignent « l’urgence et le caractère inéluctable de la construction d’habitations à bon marché ». Cette loi novatrice offre la possibilité aux Caisses d’épargnes et à la Caisse des Dépôts et Consignations d’ouvrir leurs fonds aux organismes qui veulent construire des logements HBM ce qui déplaît fortement aux sénateurs. De plus, cette loi propose différentes exonérations d’impôts pour les futurs propriétaires. Mais la Loi Siegfried ne connaît pas le succès escompté. Cette loi n’oblige pas les promoteurs ou organismes (sociétés anonymes ou coopératives) à construire des logements bon marché. Elle représente plus une politique d’incitation à l’initiative privée qu’une politique d’obligation.
La Loi Strauss (12 avril 1906) : Depuis le vote de la loi Siegfried, il n’y a pas eu d’amélioration notable pour le logement (eau potable rare, pas de sanitaires). Face aux constats de l’échec de l’initiative privée, P.Strauss, radical-socialiste, modifie et complète les dispositions de 1894. Le nouveau texte de loi vise à élargir le pouvoir de la puissance publique. La loi est adoptée le 12 avril 1906 et « rend obligatoire l’instauration d’au moins un comité de patronage des HBM dans chaque département. Il permet aux communes et aux départements d’employer une partie de leurs fonds sous forme de dons de terrains, de prêts et de souscriptions d’obligations et d’actions pour venir en aide aux sociétés d’HBM. »
La Loi Ribot (10 avril 1908) : A. Ribot, partisan de l’accession à la propriété pour tous les travailleurs, va proposer un projet de loi sur ce thème. Cette loi instaure les sociétés de crédit immobilier qui bénéficieront de l’aide financière des établissements charitables, des collectivités locales et des Caisses d’épargnes. Elles auront le droit « de prêter à des personnes aux faibles ressources les 80% de ce qui était nécessaire soit pour l’acquisition ou la construction d’une maison salubre, soit pour l’achat d’un champ ou d’un jardin de un ha maximum qu’elles s’engagent à cultiver personnellement » (création des jardins ouvriers soutenue par l’abbé J.Lemire qui crée en 1897 la Ligue du coin de Terre et du Foyer). La loi Ribot va instituer les aides à la pierre, aides financières de l’Etat, permettant la construction, la réhabilitation de logements locatifs ou en accession à la propriété. Ces aides publiques sont versées sous la forme de subventions ou sous la forme de prêts avantageux aux organismes HLM, aux futurs propriétaires, aux constructeurs de logements libres. Cette politique des aides à la pierre est toujours appliquée aujourd’hui mais les subventions accordées ont fortement diminué.
La Loi Bonnevay (22 décembre 1912) : Cette loi est en totale rupture avec les trois précédentes qui ont toujours voulu favoriser l’initiative privée. Ce texte énonce que « les pouvoirs publics ont non seulement le droit mais le devoir d’intervenir » dans le logement social. « Cette loi donne aux communes et aux départements la possibilité de demander la création de sociétés agréées ou d’offices publics qui seraient chargés de l’aménagement, la construction et la gestion d’immeubles salubres, ainsi que de l’assainissement de maisons existantes, la création de cités jardins ou de jardins ouvriers. De plus, ces offices communaux ou départementaux d’HBM, qui sont des établissements publics constitués par des décrets rendus en Conseil d’Etat, sont autorisés à réaliser, dans le cadre des ensembles de logements qu’ils construisaient, des locaux à usage collectif (buanderie, bains-douches, garderie…).» Ces différents services proposés vont donc permettre d’améliorer le quotidien des ménages logés dans les HBM sur le plan de l’hygiène notamment.
Le premier Office Public HBM est crée en août 1913 à La Rochelle, celui de Paris en janvier 1914. Mais la première guerre mondiale va freiner le développement des Offices Publics. Les conséquences de la première guerre mondiale sont multiples. D’abord les pertes humaines sont très importantes. Ensuite la production industrielle, tournée exclusivement vers l’armement, ne s’est pas modernisée. Enfin, de nombreux logements, environ 450 000, ont été détruits et endommagés par les bombardements et les combats. Sous la pression de la population, l’Etat a indemnisé les sinistrés de la guerre pour qu’ils puissent reconstruire leurs logements mais à l’identique. Ce type de reconstruction ne permettra pas de réaménager les villes de façon plus réfléchie et de favoriser la construction de logements sociaux. Le nombre de logements disponible est toujours inférieur à la demande mais l’Etat, pendant plus de 10 ans, n’est pas intervenu pour relancer la construction de logements sociaux. Ce manque d’initiatives a inexorablement accentué la crise du logement en France.
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Table des matières
Introduction
Partie 1: Le monde du logement social en France : origine et etat actuel
1. Histoire de l’habitat social français
2. Les différentes lois pour le logement
3. Les acteurs du logement social en France
4. Les différents organismes HLM en France
Partie 2: La crise du logement social en France
1. Une diminution incontestable de l’appui financier de l’Etat au logement social
2. Organismes HLM et Etat : une vision souvent divergente de la politique de l’habitat
3. Un monde du logement social français en pleine mutation
Partie 3: Etudes des strategies de differents organismes hlm
1. Des ESH de taille nationale ou plurirégionale, apparition de grands groupes de bailleurs sociaux
2. Le cas des ESH sur le territoire Sud Loire en région Rhône-Alpes
3. Les différentes stratégies patrimoniales de ces ESH
Conclusion
Bibliographie
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