Le combustible utilisé dans une grande partie des réacteurs à eau pressurisée (REP) est le dioxyde d’uranium UO2 enrichi à 5% en isotope U235. Lors de son utilisation dans le cœur de la centrale, le combustible se trouve sous forme de pastille dans des gaines en alliage de zirconium. À la fin de vie du combustible, ces pastilles sont conservées dans les gaines et entreposées plusieurs années le temps du refroidissement avant le traitement de ces déchets, leur recyclage, l’entreposage et le stockage à très long terme. Le dioxyde d’uranium UO2 est connu pour être instable thermodynamiquement à température et pression ambiante et pour s’oxyder. Lorsque la stœchiométrie en oxygène augmente, l’oxyde d’uranium change de phase. Les phases sur-stœchiométriques connues sont, dans l’ordre d’oxydation croissante : UO2, U4O9, U3O7 puis U3O8. Il faut s’assurer de la stabilité du matériau sur le long terme pour éviter tout accident comme une fuite du matériau combustible. Pour éviter toute exposition du combustible radioactif à l’air, et donc pour respecter des critères de sécurité, il faut une connaissance approfondie du matériau, de ses structures et ses changements de phases.
Structures et propriétés de l’oxyde d’uranium stœchiométrique et sur-stœchiométrique
Structure et propriétés superioniques de l’oxyde d’uranium stœchiométrique
La structure fluorine de UO2
Le dioxyde d’uranium noté UO2 présente une structure fluorine. Le groupe d’espace du matériau est ??3̅?. Les atomes d’uranium sont disposés en cubique face centrées (c.f.c) et les atomes d’oxygène en cubique simple (c.s). Ils occupent les sites tétraédriques du réseau c.f.c d’uranium. Une autre façon de décrire la maille est que les atomes d’uranium occupent les sites 4a en position 0 0 0 et les atomes d’oxygène occupent les sites 8c aux positions ¼ ¼ ¼ et ¾ ¾ ¾. La maille conventionnelle d’UO2 est constituée de 12 atomes : quatre atomes d’uranium et huit atomes d’oxygène. la structure fluorine et une maille élémentaire à 12 atomes d’UO2. La maille étant cubique, seul un paramètre de maille suffit à la décrire, il est égal à 5.47Å à température ambiante. Le cristal est considéré ionique et la liaison U-O est considérée iono-covalente. La charge formelle portée par les atomes d’oxygène est -2 et par celle par les atomes d’uranium est +4. L’ionicité de Pauling de la liaison U-O du matériau est de 0.67. Les travaux de J. K. Fink ont permis de recenser les propriétés physique, thermodynamique et de transport du matériau.
Formation d’une phase superionique
Il est connu qu’au-delà de 2400K le matériau présente une transition de Bredig . Cette transition superionique est due à la formation de paires de Frenkel d’oxygène. Lorsque la température augmente les atomes d’uranium restent dans leur position initiale fluorine et les atomes d’oxygène diffusent en dehors de ces sites et deviennent quasi liquide. Un témoin de cette transition est un pic observé dans l’évolution des capacités thermiques ?? en fonction de la température : à la température de la transition de Bredig, la courbe a une forme lambda. Lorsque la température continue d’augmenter, la fusion du matériau est atteinte autour de 3120K. Dans le chapitre suivant, nous étudions en détail cette transition superionique à l’aide d’un potentiel à charge variable et le comparons à des études faites avec des potentiels de paires.
Les différentes phases de l’oxyde d’uranium surstœchiométrique
Le diagramme de phases
Les phases sur-stœchiométriques qui se forment lors de l’oxydation de UO2 sont U4O9 et U3O7 qui gardent une structure fluorine. Puis U3O8 qui est thermodynamiquement stable mais ne présente plus une structure fluorine. Ce changement de structure de U3O8 génère une dilatation du matériau. Cette dilatation est non voulue pour l’entreposage du matériau dans les gaines car dangereuse, pouvant entrainer une fissuration de la gaine et un relâchement des produits de fission, des actinides. Pour une meilleure connaissance des mécanismes mis en jeu, l’étude du diagramme de phase est essentielle.
Concernant le diagramme de phase aux stœchiométries d’intérêt, plusieurs observations peuvent être faites. Aux basses températures un domaine biphasé constitué de UO2 et U4O9 est détecté. Cela pour toutes les stœchiométries intermédiaires entre 2 et 2.234. Aucune autre phase n’apparait dans ce domaine de température. Lorsque la température augmente, une transition de phase s’effectue et un domaine monophasé appelé UO2+x apparait. La température de transition dépend de la stœchiométrie. Ce sont uniquement des mesures expérimentales ou des modèles basés sur des données expérimentales qui ont permis de placer ladite transition de phase. La complexité du matériau rend difficile toute étude en simulation, mais ce sont typiquement ces études qui pourraient apporter des pistes de compréhension quant à la réorganisation des atomes d’oxygène lors de cette transition. De plus, la phase aux hautes températures monophasée UO2+x est largement méconnue. De nombreuses études ont été menées pour déterminer l’organisation des atomes d’oxygène dans cette phase. Dans la suite nous présentons certaines de ces hypothèses.
Les défauts ponctuels et agrégats d’oxygène dans UO2+x
Le dioxyde d’uranium est instable à température ambiante et s’oxyde. Ce surplus d’oxygène se traduit par l’ajout de interstitiels isolés ou d’agrégats d’oxygène dans la maille sous-jacente qui reste fluorine. C’est-à-dire que les atomes d’uranium gardent leur emplacement en cubique face centrées, les atomes d’oxygène restent en cubique simple et des agrégats d’oxygène se forment dans cette structure. Leur formation modifie localement l’arrangement des atomes d’oxygène présents.
Il y a quatre défauts ponctuels possibles dans UO2+x : des interstitiels d’oxygène OI, des interstitiels d’uranium UI ou des lacunes d’oxygène VO ou d’uranium VU. Les défauts ponctuels majoritaires dans l’oxyde d’uranium sur-stœchiométrique sont les interstitiels d’oxygène et les lacunes d’uranium. À l’aide de mesures de dilatation L. Desgranges et al. ont montré que la concentration d’interstitiels d’oxygène était 100 fois supérieure aux lacunes d’uranium dans l’oxyde sur stœchiométrique. À des stœchiométries proches de 2 et aux températures inférieures à 1300K, des études en DFT ont montré que les lacunes d’uranium étaient le défaut majoritaire. En revanche, aux hautes températures et aux stœchiométries élevées en oxygène c’était l’interstitiel d’oxygène (isolé ou en cluster) qui primait . Une autre étude en DFT de F. Bruneval et al. a montré que les lacunes d’uranium diffusent très peu ce qui explique les différences entre observations expérimentales où les interstitiels d’oxygène sont majoritaires et la DFT où se sont les lacunes d’uranium. Il est possible que les deux défauts soient présents mais comme la diffusion des lacunes d’uranium est faible, ce sont les interstitiels d’oxygène qui sont visibles expérimentalement. Dans l’article de F. Bruneval et al., le modèle correspondant le mieux aux observations expérimentales est donc celui ne considérant que les interstitiels d’oxygène. Puisque notre étude se focalise principalement sur le dioxyde d’uranium sur-stœchiométrique entre UO2 et U4O9 pour les températures entre 0 et 2000K, nous considérons dans la suite que les interstitiels d’oxygène sans nous préoccuper des lacunes d’uranium.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – BIBLIOGRAPHIE
Partie I – Structures et propriétés de l’oxyde d’uranium stœchiométrique et sur-stœchiométrique
1. 1. Structure et propriétés superioniques de l’oxyde d’uranium stœchiométrique
1. 1. 1. La structure fluorine de UO2
1. 1. 2. Formation d’une phase superionique
1. 2. Les différentes phases de l’oxyde d’uranium sur-stœchiométrique
1. 2. 1. Le diagramme de phases
1. 2. 2. Les défauts ponctuels et agrégats d’oxygène dans UO2+x
1. 3. La phase U4O9
1. 3. 1. Présentation de la structure à 0K
1. 3. 2. Les différentes phases de U4O9 en température
Partie II – Présentation des potentiels empiriques et étude des agrégats avec les différents potentiel
1. 4. Les potentiels empiriques
1. 4. 1. Présentation générale
1. 4. 2. Construction des différents potentiels
1. 5. Stabilité des phases UO2 et U4O9 comparé à UO2+x en fonction du potentiel
CHAPITRE 2 – ÉTUDE EN DYNAMIQUE MOLÉCULAIRE DES DIFFÉRENTES PHASES D’UO2+X ENTRE UO2 ET U4O9 ET DES TRANSITIONS DE PHASES
Partie I – Dynamique moléculaire en température de trois domaines du diagramme de phase UO2+x avec SMTB-Q : UO2, UO2 – U4O9 et U4O9
2. 1. La stœchiométrie UO2
2. 1. 1. Etude de la transition superionique de UO2
2. 1. 2. Etude des distances U-O dans UO2
2. 1. Les stœchiométries UO2+x avec 0.01 ≤ x ≤ 0.234 en température
2. 2. 1. Construction des boîtes de simulation
2. 2. 2. Étude des COT et de leur rayon en fonction de la stœchiométrie et de la température
2. 2. 3. Apparition de COT dits ‘multiples’
2. 2. 4. Organisation des I5CX dans la maille
2. 3. Caractérisation de la phase U4O9
2. 3. 1. Évolution du paramètre de maille
2. 3. 2. Description de l’agrégat COT et comportement en température
2. 3. 3. Comparaison spécifique entre la phase chauffée et refroidie à la stœchiométrie 2.234
2. 3. 4. Description des différentes phases de U4O9 : α, β, γ et UO2+x
Partie II – Étude complémentaire du diagramme de phases UO2 – U4O9 en dynamique moléculaire avec le potentiel de Yakub
2. 4. Le diagramme de phase UO2+x à pression constante
2. 4. 1. Construction des boîtes de simulation
2. 4. 2. Évolution du nombre d’agrégats, étude de leur nature et arrangement
2. 4. 3. Etude de la phase U4O9
2. 4. 4. Comparaison avec SMTB-Q et limites de la dynamique moléculaire
2. 5. Le diagramme de phase UO2+x à volume constant
2. 5. 1. Construction des boîtes de simulation
2. 5. 2. Évolution du nombre de COT
2. 5. 3. Arrangement des COT dans la maille
2. 5. 4. Conclusion
2. 6. Comparaison entre NVT et NPT
CHAPITRE 3 – MÉTHODES DE CALCUL D’ENERGIE LIBRE
3. 1. Introduction aux méthodes de calcul d’énergie libre
3. 1. 1 Méthodes à l’équilibre
3. 1. 2 Méthodes hors équilibre
3. 2. La méthode Monte-Carlo des Chemins (MCC)
3. 2. 1. La méthode Monte Carlo générale
3. 2. 2. Construction du programme – Echantillonnage
3. 2. 3. Calcul du potentiel chimique : estimateur et conditionnement
3. 2. 4. Amélioration de la convergence
CHAPITRE 4 – ÉTUDE DES PHASES DE UO2+X ET LEURS TRANSITIONS AVEC LE CODE MONTE CARLO DES CHEMINS
4.1. Mise en place des calculs
4.2. Convergence des calculs
4.3. Évolution du potentiel chimique avec la température
4. 3. 1. Le potentiel de Morelon
4. 3. 2. Les potentiels de Yakub et Cooper
4. 3. 3. Comparaison des taux d’acceptation avec la mise en place d’un biais sur les retraits
4. 3. 4. Discussion
4.4. Les agrégats formés dans les structures
4. 4. 1. Le potentiel de Morelon
4. 4. 2. Le potentiel de Yakub
4.5. Arrangement des agrégats
4. 5. 1. La stœchiométrie U4O9
4. 5. 2. Comparaison aux stœchiométries intermédiaires
4.6. Conclusion et perspectives
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
RÉFÉRENCES
