Les Escherichia coli commensaux
Les E. coli qui colonisent le système digestif des mammifères sans causer de maladie sont décrits comme des E. coli commensaux. Ils font partie de la flore digestive normale de leurs hôtes (Rasko, et al., 2008). Les nombreux micro-organismes, dont les E. coli commensaux, qui composent la flore digestive aident à prévenir la colonisation des agents pathogènes par différents mécanismes comme par la compétition des nutriments, la protection physique de la muqueuse pour empêcher l’adhérence, et la production de substances inhibitrices (Stecher and Hardt, 2008). La diète, le poids corporel, la morphologie du tractus intestinal et le temps de rétention du contenu digestif font varier la quantité des E. coli dans le tube digestif de l’hôte. Par exemple, la prévalence des Escherichia coli chez les humains est de plus de 90% du microbiote comparé à 23% chez les oiseaux et de 56% chez les animaux sauvages (Tenaillon et al., 2010). Le rassemblement des groupes phylogénétiques par sites tempérés ou tropicaux témoigne de l’influence de l’origine géographique et des conditions hygiéniques de leur hôte sur les caractéristiques phylogénétiques (Escobar-Paramo et al., 2004).
Les Escherichia coli intestinaux pathogènes
Les E. coli entéropathogènes (EPEC), les E. coli entérotoxinogènes (ETEC) et les E. coli producteurs de toxines shiga (STEC) composent le groupe intra-intestinal. Ces pathotypes causent des maladies digestives chez l’humain et parfois chez les animaux. Les EPEC, responsables des diarrhées infantiles, possèdent une capacité unique d’attachement et d’adhérence à la paroi intestinale. En effet, les EPEC comme les STEC peuvent sécréter l’intimine (eae) responsable des lésions intestinales attachantes et effaçantes (Alonso et al., 2012). Contrairement aux EPEC, tous les groupes d’âge sont sensibles aux toxines libérées par les ETEC. Les ETEC adhèrent d’abord à l’épithélium intestinal grâce à des facteurs de colonisation (CF) et ensuite libèrent des toxines entérotoxiques (stables et instables à la chaleur) (Isidean et al., 2011). Ces toxines provoquent la diarrhée, très souvent associée au voyageur qui a séjourné dans des conditions sanitaires doûteuses ou a ingéré de l’eau contaminée. Les STEC se manifestent par des éclosions sévères de maladies aux conséquences graves chez l’homme. Les toxines Shiga (Stx) 1 et 2 relâchées par les STEC inhibent la synthèse protéique et sont responsables des symptômes de diarrhée, de colite hémorragique et/ou du syndrome urémique hémolytique. La souche O157 :H7, associée initialement à la consommation de viande de bœuf haché, est régulièrement responsable de ces éclosions (Rangel et al., 2005). Ce type a aussi été retrouvé à l’occasion dans la viande de volaille (Doyle and Schoeni, 1987). Certaines des souches STEC atteignent aussi les animaux, par exemple, la maladie de l’œdème chez le porc et la dysentérie ou la diarrhée chez le veau (Fairbrother and Nadeau 2006). Les E. coli intestinaux présentent un danger réel et non-négligeable pour la santé humaine et ils doivent être considérés même si ces pathotypes n’ont pas une forte dominance avec la volaille. Enfin, les E. coli extraintestinaux (ExPEC), pathotype du groupe extraintestinal, affectent des sites hors du système gastro-intestinal. Ils atteignent le système urinaire, le système circulatoire, le système nerveux central et parfois le système respiratoire. Les ExPEC ont plusieurs particularités qui seront discutées dans la section suivante.
Utilisation des antibiotiques en aviculture
Les agents antimicrobiens sont des médicaments essentiels à la santé et au bien-être de l’homme et des animaux. L’OIE considère que le recours aux agents antimicrobiens est indispensable en médecine vétérinaire, car ces produits sont essentiels au traitement et au contrôle des maladies infectieuses des animaux. Ainsi une gamme très variée d’antibiotiques est utilisée contre diverses maladies pour améliorer le rendement de production des animaux. Il s’agit entre autres des :
– ß-lactames,
– Macrolides,
– Aminoglycosides,
– Tétracyclines,
– Quinolones,
– Sulfamidés,
– Lincosamides,
– Phénicolés (Giguère et al., 2013)
Les principales classes d’antibiotiques utilisés en Afrique de l’Ouest sont les tétracyclines, les sulfamides, les macrolides et les ß-lactames (Mensah et al., 2014) (Dognon et al., 2018). Outre leur usage à but thérapeutique, les antibiotiques sont également utilisés en élevage comme facteurs de croissance (sous forme d’additifs alimentaires), en agriculture comme agents de protection des plantes et aussi en aquaculture (Pham Kim, 2011). En médecine vétérinaire et en particulier en aviculture, les antibiotiques sont utilisés de plusieurs manières en fonction de l’objectif visé.
Impact de l’utilisation des antibiotiques en aviculture
Les antibiotiques sont employés comme principal moyen de lutte contre les infections bactériennes en médecine vétérinaire, que ce soit dans les élevages d’animaux de production ou pour soigner les animaux de compagnie. En aviculture particulièrement, la thérapie antimicrobienne est un outil indispensable pour réduire les énormes pertes dans l’industrie de la volaille, provoquées par les infections bactériennes. Ainsi, l’utilisation d’antibiotiques a deux objectifs : thérapeutique et zootechnique. Les antibiotiques ont tout d’abord une utilisation thérapeutique visant l’éradication d’une infection présente (but curatif) ou la prévention d’une infection possible, à l’occasion d’un transport, d’une vaccination ou autre stress (but prophylactique). À côté de cet usage thérapeutique, on trouve une utilisation propre à l’élevage de rente : l’utilisation zootechnique. Cependant leur utilisation abusive à différentes fins n’est pas sans conséquences. Celles-ci sont d’ailleurs responsables de la sélection de souches résistances aux antibiotiques. En élevage, des études ont clairement établi le lien entre utilisation d’antibiotiques per os et développement de résistances dans les flores commensales. Cette réalité est inquiétante car comme les bactéries commensales sont très nombreuses, la probabilité de dissémination des résistances est élevée. (AFSSA, 2006 ; Angulo et al., 2004 ; Madec et al., 2012 ; Van Den Bogaard et Stobberingh, 2000). Les molécules ayant un cycle entéro-hépatique qui sont administrées par voie parentérale se retrouvent aussi dans le tube digestif. Dans ce cas, la flore commensale peut aussi être exposée. (AFSSA, 2006 ; Madec et al., 2012). La prise d’antibiotiques par voie per os perturbe l’équilibre de la flore digestive et induit une pression de sélection favorisant les bactéries résistantes. Même s’il est possible de retrouver des entérobactéries résistantes dans des populations non soumises à la prise d’antibiotiques, la fréquence de ces cas est largement moindre que dans les populations soumises à un traitement antibactérien (AFSSA, 2006 ; Angulo et al., 2004). Les conséquences de la dissémination dans l’environnement des résidus d’antibiotiques, voire d’antibiotiques inchangés, et de flores commensales ayant développé des résistances inquiètent aussi la communauté scientifique. Les voies de dissémination des résidus d’antibiotiques et des résistances sont l’eau (en aquaculture particulièrement), le lisier, le fumier et les poussières (AFSSA, 2006 ; Angulo et al., 2004, ANSES, 2013).). En effet, des souches salmonelles résistantes ont été retrouvées dans les fientes de volailles ainsi que dans les selles d’humains (prélèvements hospitaliers) d’une même zone géographique. Cet antibiotique était une céphalosporine de troisième génération à large spectre donc un antibiotique critique. Ainsi, en arrêtant l’utilisation chez les volailles, une baisse significative des résistances a été démontrée tant chez les volailles que chez les humains (Dutil et al., 2010). En réalité l’usage des antibiotiques modifie l’écologie des bactéries et contribue à la sélection des bactéries résistantes (Baquero and Garau, 2010) d’où le phénomène appelé résistance aux antibiotiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
CHAPITRE 1 : LA PRODUCTION AVICOLE AU SENEGAL
1.1. Généralités
1.2. La filière avicole au Sénégal
1.3. Les types d’élevages avicoles au Sénégal
1.3.1. Le type traditionnel
1.3.2. Le type moderne
1.4. Les contraintes sanitaires en élevage avicole
CHAPITRE 2 : GENERALITES SUR ESCHERICHIA COLI
2.1. Définition
2.2. Morphologie
2.3. Caractères culturaux
2.4. Caractères biochimiques
2.5. Classification des Escherichia coli
2.5.1. Les Escherichia coli commensaux
2.5.2. Les Escherichia coli pathogènes
2.5.2.1.Les Escherichia coli intestinaux pathogènes
2.5.2.2. Les Escherichia coli extra-intestinaux pathogènes (ExPEC)
2.6. Importance des Escherichia coli (ExPEC et APEC) en santé publique
CHAPITRE 3 : LA RESISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES
3.1. Généralité sur les antibiotiques
3.1.1. Introduction
3.1.2. Mode d’action des antibiotiques
3.1.3. Utilisation des antibiotiques en aviculture
3.1.3.1. Utilisation en prophylaxie
3.1.3.2. Utilisation à titre curatif
3.1.3.3. Utilisation en métaphylaxie
3.1.3.4. Utilisation en tant qu’additifs alimentaires
3.1.4. Classification des antibiotiques en aviculture selon l’OIE
3.1.4.1. Généralités
3.1.4.2. Antibiotiques vétérinaires autorisés
3.1.4.3. Antibiotiques vétérinaires prohibés
3.1.5. Impact de l’utilisation des antibiotiques en aviculture
3.2. La résistance aux antibiotiques
3.2.1. Définition et généralités
3.2.2. Les types de résistance
3.2.2.1. La résistance naturelle
3.2.2.2. La résistance acquise
3.2.3. Biochimie de la résistance
3.2.3.1. Résistance croisée
3.2.3.2. Co-résistance
3.2.4. Mécanismes biochimiques de la résistance aux antibiotiques
3.2.4.1. Désarmement ou inactivation enzymatique de l’antibiotique
3.2.4.2. Blindage
3.2.4.2.1. Diminution de perméabilité
3.2.4.2.2. Efflux actif
3.2.4.3. Camouflage ou modification de la cible
3.2.5. Mécanismes génétiques de la résistance aux antibiotiques
3.2.5.1. Supports génétiques de la résistance
3.2.5.1.1. Le chromosome
3.2.5.1.1.1. Résistance naturelle
3.2.5.1.1.2. Résistance acquise
3.2.5.1.2. Les éléments génétiques mobiles
3.2.5.1.2.1. Les plasmides
3.2.5.1.2.2. Séquences d’insertion et transposons
3.2.5.1.2.3. Les intégrons
3.2.6. La transmission des résistances
3.2.6.1. Transmission verticale
3.2.6.2. Transmission horizontale
3.2.7. Evolution des résistances
3.2.8. Prévalence de la résistance des Escherichia coli aux antibiotiques chez la volaille
3.2.9. Impact de l’antibiorésistance en santé publique
3.2.10. Les résistances zoonotiques les plus inquiétantes actuellement
3.2.11. Situation de la lutte contre la résistance aux antibiotiques dans le monde
DEUXIEME PARTIE : ÉTUDE EXPERIMENTALE
CHAPITRE 1 : MATERIEL ET METHODE
1.1. ZONE D’ETUDE
1.2. MATERIEL
1.2.1. Fiche d’enquête (Annexe)
1.2.2. Matériel de terrain
1.2.3. Matériel de laboratoire
1.2.3.1. Gros matériel
1.2.3.2. Petit matériel et consommables
1.2.4. Matériel biologique
1.2.5. Les milieux de culture utilisés
1.2.5.1. Milieux de conservation et transport des prélèvements
1.2.5.2. Milieux de culture pour l’isolement des E. coli
1.2.6. Autres
1.2.7. Disques d’antibiotiques
1.3. METHODE
1.3.1. Sur le terrain
1.3.1.1. Le questionnaire d’enquête (Annexe)
1.3.1.2. Les prélèvements
1.3.1.2.1. Prélèvements cloacaux
1.3.1.2.2. Peaux de cou de poulets
1.3.2. Au laboratoire
1.3.2.1. Méthode d’isolement des Escherichia coli
1.3.2.2. Conservation des souches de E. coli
1.3.2.3. Tests de sensibilité aux antibiotiques (Réf. CA-SFM)
1.3.2.4. Gestion et analyse des résultats
2.1. Résultats de l’enquête
2.2. Résultats des prélèvements d’échantillons
2.3. Résultats d’isolement des souches E. coli
2.4. Résultats des tests de sensibilité des souches E. coli aux antibiotiques
2.4.1. Prévalence de la résistance aux antibiotiques des souches testées
2.4.1.1. Prévalence de la résistance aux antibiotiques suivant la localité
2.4.1.2. Prévalence de la résistance aux antibiotiques selon le type de production
2.4.1.3. Prévalence de la résistance aux antibiotiques suivant la nature du prélèvement
2.4.2. Profil de résistance des souches à phénotype BLSE
CHAPITRE 3 : DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS
3.1. Discussion
3.1.1. Discussion de la zone d’étude
3.1.2. Discussion de la méthodologie
3.1.2.1. Echantillonnage
3.1.2.2. Choix des échantillons
3.1.2.3. Analyses de laboratoire
3.1.3. Discussion des résultats
3.1.3.1. Résultats de l’enquête
3.1.3.2. Résultats des tests de sensibilité aux antibiotiques
3.1.3.2.1. Prévalence de la résistance aux antibiotiques selon le type de production
3.1.3.2.2. Prévalence de la résistance aux antibiotiques en fonction de la localité
3.1.3.2.3. Prévalence de la résistance aux antibiotiques en fonction de la nature du prélèvement
3.1.3.3. Souches de E. coli à phénotype BLSE
3.2. Recommandations
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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