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Etat initial, état de référence, métriques et seuils
L’évaluation des impacts cumulés consiste à estimer l’impact d’une action planifiée sur un récepteur, en combinaison avec d’autres actions. Un récepteur environnemental est défini comme n’importe quelle caractéristique écologique qui est sensible à une action : l’identification des récepteurs à risque pour une action proposée est donc essentielle, de même que la définition de métriques adaptées pour quantifier leur évolution. Ces récepteurs à risque sont souvent associés à la notion de composante environnementale d’intérêt, Valued Environmental Component (VEC) en anglais. Dans le cas où l’on considère par exemple l’effet d’une action sur la biologie, cela suppose d’identifier les espèces et les stades de développement qui seront considérées. Des métriques sont nécessaires pour caractériser l’état du système (via les VEC considérées) et son évolution potentielle. Les métriques utilisées sont souvent des indicateurs ou indices composites, construits à partir de l’agrégation de variables renseignant sur l’état du système, de telles façon que l’information résultante soit utile aux décisionnaires et aux parties prenantes. Pour être pertinentes, ces métriques doivent pouvoir être confrontées à des gammes de valeur et/ou des seuils permettant de caractériser l’état du système et son écart par rapport à sa référence, et d’identifier les composantes de l’environnement les plus susceptibles d’être impactées, ou de constater que certaines de ces composantes sont déjà affectées. Là aussi, il semble important que des métriques communes puissent être utilisées par plusieurs CEA, ce qui suppose de développer ou adapter des référentiels communs, pertinents sur une zone ou dans un contexte donné. La définition de seuils permettant de décider que des effets sont acceptables et/ou insupportables pour l’écosystème doit également être explicitée.
La caractérisation de l’état initial de l’environnement au moment du CEA passe par la confrontation à un état de référence. Celui-ci est défini comme l’état d’un site où les conditions sont telles que le biote y est le produit de processus évolutifs naturels et biogéographiques, en l’absence relative d’effets de l’activité humaine moderne. Il peut advenir qu’il n’existe pas de mesure de référence pour un récepteur, et que son état au moment des évaluations individuelles soit pris comme référence. La non intégration des données historiques est connue comme le syndrome de la référence glissante (shifting baseline syndrome) et peut conduire au fil du temps à une dégradation du récepteur. La comparaison entre états de référence et initial est une étape essentielle du CEA, qui dans certains cas (cf les méthodes plus bas) constitue même l’essentiel de l’évaluation. Elle permet en effet d’identifier les tendances issues du passé, ainsi que les activités humaines passées ou en cours et leur résultantes, de mieux cerner les enjeux pour les différentes VECs , et le cas échéant de définir des objectifs réalistes. Enfin, une bonne connaissance des actions passées et de leurs effets cumulés, qui suppose une définition pertinente de l’état initial, pourrait être mise à profit pour atténuer les effets cumulés : atténuer les effets des développements présents et passés, quand c’est possible, pourrait parfois permettre d’améliorer l’état du milieu et ainsi d’envisager de nouveaux projets, sinon non acceptables compte tenu de leurs effets cumulés attendus avec les développements passés.
METHODES EXISTANTES
Différentes classifications existent pour les méthodes de CEA, qui diffèrent par l’angle d’entrée adopté : objectifs visés, type d’outils utilisés, données mobilisées. Une méthode doit être capable de rendre compte des trois composantes causales suivantes :
• les sources des changements environnementaux cumulés (Cumulative Environnemental Change en anglais : CEC), pouvant émaner d’activités simples ou multiples, de nature similaire ou non ;
• les trajectoires ou processus d’accumulation, avec des CEC qui s’accumulent dans le temps et l’espace de façon additive ou interactive ;
• les différents types d’effets cumulés.
On retiendra essentiellement deux classifications, dont on verra qu’elles ne sont pas indépendantes.
Approches basées sur les facteurs de stress (Stressor-based) vs approches basées sur les effets (Effect-based)
On peut distinguer les méthodes basées sur les stress ou perturbations (stressor-based en anglais) et les méthodes basées sur les effets (effect-based).
Les approches « stressor-based » consistent à décrire le projet considéré, identifier les facteurs de stress potentiels associés aux différentes phases du projet, identifier les récepteurs environnementaux ou les composantes de l’écosystème auxquelles on attribue de la valeur (Valued Ecosystem Components : VECs), et identifier enfin les trajectoires d’effet induites par l’interaction entre facteurs de stress et VECs. Cette dernière étape suppose la compilation de données disponibles. Les effets résiduels sont alors déterminés après la prise en compte des éventuelles mesures de compensation, et leur importance comparée à des seuils, le plus souvent définis en fonction d’objectifs d’aménagement du territoire. Cette approche est considérée comme efficace pour identifier les impacts locaux potentiels de projets spécifiques sur les composantes de l’environnement ; elle est toutefois limitée en ce que son application suppose que tous les facteurs de stress associés à un projet spécifique soient connus, et les interactions entre facteurs de stress et composantes de l’écosystème caractérisées pour le contexte considéré, ce qui n’est pas toujours le cas.
Les approches « effect-based » ont été développées plus récemment au Canada et visent une échelle plus large que les précédentes (plusieurs centaines de milliers de km² dans les exemples), en considérant l’état actuel de l’environnement comme résultant de perturbations antérieures (encore en cours ou passées) et en essayant d’identifier les sources non connues de stress et leurs interactions à une échelle plus large. Une des limites majeures de cette approche est qu’elle ne permet pas de démarche prédictive : une source de stress n’est identifiable qu’après qu’un effet induit ait été mesuré. Elle suppose de plus de disposer d’un large ensemble de données, couvrant une longue période. Son apport principal est l’identification des seuils qui ont déjà été franchis, l’évaluation de la capacité de l’environnement récepteur à être soumis à des stress anthropiques supplémentaires, et l’identification des facteurs de stress sur lesquels porter l’attention.
Les auteurs adoptant cette classification concluent que ces deux approches sont en fait complémentaires, l’approche basée sur les effets devrait précéder celle basée sur les facteurs de perturbation, et celle-ci devrait être suivie, dans le cas où un projet est effectivement mis en œuvre, par une campagne de suivi permettant d’évaluer si les effets constatés sont conformes aux prédictions, pour permettre d’améliorer la connaissance d’une part, et adapter les mesures de gestion le cas échéant d’autre part (Figure 4).
« Reference condition » désigne ici l’état de référence abordé dans le paragraphe sur la définition des états initial et de référence, et « Existing condition » l’état initial c-a-d actuel. « Future condition » est l’état résultant du projet, prédit par l’approche basée sur les effets, puis observé par le suivi post-projet
Approches analytiques vs approches de planification
Une autre classification peut être proposée, qui distingue approches analytiques et approches de planification. Pour les premières, l’évaluation des effets cumulés est une activité qui génère essentiellement de l’information, en se basant sur une analyse et une démarche scientifiques, pour générer un flux d’information vers les décideurs, afin qu’ils puissent prendre des décisions fondées. Pour les deuxièmes, les principes de la planification sont utilisés pour déterminer une hiérarchie dans un choix d’allocation de ressources. Le choix final est dans ce cas basé sur des normes sociales explicites, qui fondent les règles de décision pour comparer et hiérarchiser des scénarios alternatifs, et aboutir à un compromis entre objectifs environnementaux, économiques et sociaux. Ici l’évaluation des impacts cumulés est vue comme un corollaire de la planification globale : elle va donc plus loin que la fonction analytique de collecte d’information, analyse et interprétation, pour inclure également une évaluation quantitative des critères considérés, une orientation multi-objectifs et une prise de décision participative. Pour rendre compte correctement des trois points énoncés plus haut (sources multiples de changements ; processus d’accumulation additifs ou interactifs ; effets cumulés de natures diverses), une méthode doit idéalement pouvoir représenter :
1. L’accumulation temporelle des effets, qui advient quand l’intervalle entre une perturbation et les suivantes est trop court pour que le système, une de ses composantes ou un processus en jeu puisse récupérer de cette perturbation. Le respect de ce critère suppose donc que la méthode d’évaluation puisse considérer à la fois la durée et la fréquence des perturbations. Elle doit aussi pouvoir intégrer un horizon de temps long pour détecter les changements induits à long terme, ou les effets retard.
2. L’accumulation spatiale des effets, qui se produit quand la distance spatiale entre perturbations est plus petite que la distance requise pour supprimer ou disperser les perturbations. Une méthode d’évaluation doit pouvoir rendre compte de l’échelle géographique à laquelle se manifestent les perturbations, permettre de définir les limites spatiales de l’étude en cohérence, et permettre de représenter la façon dont les perturbations et leurs effets sont différentiés dans l’espace. Elle doit aussi pouvoir prendre en compte à la fois les flux/mouvements à travers les frontières à la même échelle (par ex intrarégionale) tout comme entre les différentes échelles (local à régional puis global). La capacité à considérer la distribution spatiale, notamment surfacique est particulièrement importante, parce que l’évaluation des effets cumulés est souvent menée dans un contexte régional.
3. Les différents types de perturbation, qui proviennent de sources multiples, ou de perturbations provenant de la même source, mais répétée dans le temps ou l’espace.
4. Les processus d’accumulation, qui résultent des relations qui lient cause et effet. Une méthode doit pouvoir rendre compte de la façon dont le système évolue.
5. Les effets fonctionnels, c.-à-d. l’altération des processus (flux d’énergie, cycle de nutriments, succession) ou les modifications des propriétés fonctionnelles (par ex : capacité d’assimilation, de transport, dépassement de seuil modifiant le fonctionnement du système). Ceci implique de pouvoir prendre en compte des changements évolutifs dans le temps, d’accumulation dans le temps, des effets retard ou des effets liés à des seuils de déclenchement.
6. Les effets structurels, qui incluent les changements de populations, la modification d’habitat, et les altérations des ressources géophysiques (air, eau, sol). Comme pour les effets fonctionnels, une méthode doit être capable d’identifier, d’analyser et d’évaluer les changements structurels dans le système environnemental, une de ses composantes ou processus. Ce type de changement est perçu comme essentiellement spatial ; il suppose de pouvoir prendre en compte l’accumulation spatiale, les effets de fragmentation ou les flux entre frontières.
Ces critères permettent surtout d’évaluer la composante analytique, plus que de planification de ces méthodes. En général, les méthodes appréhendent mieux la dimension spatiale que la dimension temporelle. Ceci est en partie lié à la disponibilité limitée de données antérieures, mais reflète surtout une difficulté inhérente à prendre en compte des processus variant dans le temps. Par ailleurs, la nature variable et aléatoire des processus complique leur intégration dans nombre de méthodes. Ceci suggère que les développements futurs soient plutôt orientés vers des méthodes capables d’analyser et évaluer les trajectoires d’accumulation. Les méthodes basées sur la modélisation, par exemple via des modèles de simulation numériques, et s’appuyant sur des systèmes d’information géographiques semblent actuellement celles qui permettent d’appréhender la problématique de l’évaluation des effets cumulés et ses multiples facettes de la façon la plus satisfaisante. D’autres méthodes, a priori moins complexes, comme par exemple les matrices interactives ou les méthodes d’analyse de réseau peuvent également apporter des réponses intéressantes ; le recours à des outils d’information géographiques parait par contre relativement incontournable. Différentes classes de méthodes peuvent être combinées pour chaque cas particulier, en fonction de la nature du problème considéré, de l’objectif de l’évaluation, de l’accès aux données et de leur qualité, des ressources disponibles. Il semble en effet nécessaire, pour dérouler une évaluation de l’impact cumulé complète, d’articuler plusieurs méthodes pour à la fois analyser et évaluer les causes, trajectoires et effets.
De par la structure propre aux bassins versants et au rôle de transfert du vecteur eau, les effets environnementaux sur les systèmes rivière sont cumulatifs par nature dans le temps et l’espace. Presque toutes les activités se déroulant sur le bassin versant altèrent directement les paramètres environnementaux, qu’il s’agisse du sol, de la topographie ou de la végétation. Ceci modifie en retour les transferts d’eau, de sédiments, de matière organique et de polluants jusqu’au cours d’eau : l’état de celui-ci est largement fonction des types d’interaction et des processus qui adviennent dans l’ensemble du territoire délimité par le bassin versant. Pourtant, malgré les spécificités qu’ils énoncent, les articles qui traitent du CEA sur un bassin versant, peut-être parce qu’ils abordent le cas de grands bassins versants (plusieurs centaines de milliers de km²), ne prennent pas en compte de façon explicite la connectivité des processus de transferts sur les bassins, qui sont considérés comme des juxtapositions de surfaces, sauf pour ce qui concerne le réseau hydrographique sensu-stricto (c-à-d que les flux provenant de l’amont du cours d’eau sont intégrés).
Echelle et gouvernance, des notions très liées
L’échelle, tant spatiale que temporelle, à laquelle mener le CEA doit permettre d’englober l’ensemble des effets induits. Pourtant, assez fréquemment, l’évaluation d’effet cumulé est menée à l’échelle spatiale du projet individuel, à l’instar des évaluations d’impact environnemental basées sur des projets. Or ceci n’est souvent pas pertinent pour les évaluations d’effets cumulés, dans la mesure où les projets individuels peuvent ne contribuer que pour une faible part aux effets cumulés sur les ressources considérées, induits par l’interaction de perturbations multiples. A l’inverse, une autre difficulté est liée au fait que quand l’échelle considérée croît, des problèmes locaux (c-à-d projet-spécifiques) peuvent s’estomper et d’autres devenir plus importants (perturbations à l’échelle du paysage). Dans le cas particulier des rivières, l’ensemble des processus du bassin versant ne s’expriment pas à la même échelle spatiale.
Une solution peut être d’adopter une approche multi-échelle, qui permet un focus sur les zones les plus affectées, avec une résolution plus fine, et à l’inverse une attention moindre aux composantes de l’environnement non affectées. Une telle méthode articulant différentes résolutions spatiales / degrés de précision permettrait une analyse extensive des impacts cumulés de l’ensemble des projets, développements ou pratiques en cours, mais aussi une analyse plus intensive sur un site ou pour un projet spécifique. Mener l’étude à une telle échelle donne par ailleurs accès à une plus grande gamme de mesures de gestion autour du ou des projets envisagés, au niveau du(es) type(s) de mesures à mettre en œuvre.. On conçoit toutefois qu’une telle démarche soit plus du ressort d’une instance stratégique que du pétitionnaire pour un projet spécifique. Le choix de l’échelle est en effet étroitement lié à celui de gouvernance : mener une évaluation d’effets cumulés à une échelle qui dépasse celle d’un projet individuel et englobe d’autres projets est plus facilement envisageable pour une organisation exerçant à cette échelle que pour un pétitionnaire.
Un point qui ressort avec force de l’analyse est la nécessité, exprimée par quasiment tous les auteurs16, que les évaluations d’effets cumulés soient pilotées par une agence ou organisation dédiée, à une échelle régionale ou une échelle qui englobe l’aire de plusieurs projets pouvant potentiellement conduire à la nécessité d’évaluer des effets cumulés. Les arguments portent à la fois sur la disponibilité et l’accessibilité des données, sur la définition de métriques et d’échelles de valeurs définies de façon transparente et partagées, sur l’objectivité de l’évaluation, nécessaire pour assurer son acceptabilité par la société civile.
Dans une optique de planification, le fait de travailler à une échelle supra permet également d’optimiser le choix des projets à développer ou non, ainsi que la réduction ou la compensation plus efficaces des effets induits. Cela permet aussi un suivi de ces effets. Ce suivi assurera en retour, d’une part le cas échéant de mieux gérer l’après-projet, d’autre part d’alimenter les connaissances sur les relations cause-effet, qui restent une nécessité incontournable pour toute évaluation pertinente. Seule une telle organisation peut disposer des moyens (financiers, en compétences et en temps) et de la volonté suffisante sur le long terme pour mener à bien une telle démarche, considérée comme une démarche récursive et qui s’inscrit dans le temps long. Les pétitionnaires des projets « englobés » par cette démarche peuvent participer au processus d’acquisition de données, en s’appuyant notamment sur un cahier des charges commun, permettant de capitaliser et valoriser au mieux les données et de développer au mieux les connaissances sur les relations cause-effet, ainsi que d’abonder le financement de l’ensemble de la démarche d’évaluation.
La démarche d’évaluation des effets cumulés est dans la littérature plutôt vue comme relevant d’une démarche de planification mais, comme cela a été souligné au début de cette partie, les articles scientifiques abordant les CEA portent rarement sur des études projet-spécifiques et traitent souvent essentiellement de méthodologie, ce qui est susceptible d’induire un biais dans l’analyse. Pour autant, le fait que les évaluations projet-spécifiques soient le plus souvent sévèrement évaluées met également en lumière la difficulté à mener de façon pleinement satisfaisante les CEA projet-spécifiques.
INFLUENCE LOCALE D’UNE RETENUE : PRINCIPAUX PROCESSUS EN JEU
Le fonctionnement hydrologique d’une retenue peut être influencé par de nombreux processus. Ils sont le plus souvent analysés de façon quantitative par une démarche de bilan hydrique de la retenue s’attachant à estimer les flux relatifs à chacun des processus. Ces derniers peuvent être résumés en distinguant les processus à l’origine de flux entrants dans la retenue des processus à flux sortants (Figure 6). Les flux en entrée sont constitués : (i) des écoulements en entrée de la retenue ; (ii) des apports par les précipitations directes à la surface de la retenue ; (iii) des éventuels apports par la nappe, si les échanges retenue-nappe sont ascendants ; (iv) des apports par flux de condensation (ie, une évaporation négative). Les flux en sortie sont constitués : (i) des pertes par infiltration si les échanges retenue-nappe sont descendants ; (ii) des pertes par évaporation ; (iii) des prélèvements en retenue ; (iv) des débits en sortie de la retenue..
La variation du volume dans la retenue est donc égale à la différence entre flux entrants et flux sortants. La phase exploratoire avait mis en évidence une connaissance limitée de ces différents termes, qui méritait d’être approfondie.Si la retenue est située sur une rivière, les
écoulements entrants correspondent majoritairement au débit de la rivière en amont de la retenue. Sinon, il s’agit des écoulements générés sur le bassin versant de la retenue.
Infiltration
Les échanges entre le plan d’eau et la zone aquifère sont difficiles à quantifier, car leur calcul strict demanderait une connaissance précise des propriétés hydrauliques et topographiques du terrain supportant la retenue, ainsi que des niveaux d’eau dans la retenue et dans la nappe sous-jacente. Ils peuvent toutefois être approchés selon différentes méthodologies similaires à celles utilisées dans l’étude des échanges entre une nappe et une rivière. L’infiltration est un processus essentiellement étudié et quantifié dans le cas de retenues destinées à la recharge de nappes, les nappes étant exploitées pour l’irrigation notamment : l’infiltration y est donc au maximum favorisée, contrairement aux retenues que l’on trouve en France. Pour ces retenues, l’infiltration peut atteindre 75 à 80 % de l’eau interceptée par la retenue. Pour les retenues servant au stockage d’eau en surface, la valeur médiane du flux d’infiltration se situe aux alentours de 1-2 mm/jour ; des retenues engendrant des pertes de 4-5mm/jour doivent être considérées comme posant problème et entrainer la recherche de solution.
Évaporation
Les pertes par évaporation sont susceptibles de représenter une part importante du bilan hydrique, des valeurs de près de 40% des flux entrants étant souvent citées et représentant, rapportées à l’ensemble des retenues présentes sur un territoire, un volume significatif. La mesure de ce flux est difficile, et malgré le recours à des techniques complexes (scintillométrie*, Eddy Covariance*) reste entachée d’incertitude. L’estimation numérique à partir de variables atmosphériques est également possible mais reste un sujet de recherche. De plus, le flux d’évaporation dépend à la fois des particularités climatiques, des spécificités de la retenue (surface, profondeur, configuration, écoulement ou non) et de celles son environnement. Des relations entre la pan-évaporation* (c-à-d évaporation sur des bacs de classe A) et l’évaporation depuis les retenues, selon les caractéristiques de ces dernières et la période de l’année ont été développées sur certains bassins. Elles sont toutefois spécifiques au bassin versant sur lequel elles ont été développées. Les études convergent sur le fait que l’évaporation d’une petite retenue est généralement plus faible que les mesures de pan évaporation ou celle d’un environnement non lacustre, du fait que l’air au-dessus de la retenue tend à se saturer en humidité, de façon moins efficace cependant que pour les grands lacs. Les valeurs hautes mesurées ou estimées sont souvent de 3 à 5 ou 6 mm/jour, voire 9 mm/jour, sur des périodes pouvant dépasser 100 jours, et représenter 1300 à 1400 mm/an.
Dans certains pays des techniques ont été développées pour réduire ce flux évaporatoire : 1/ ajout d’un produit créant un film en surface, 2/ ajout de colorant pour modifier l’albédo de la retenue, 3/ couverture partielle ou totale de la retenue, 4/ aménagement des berges pour limiter le vent, 5/ optimisation d’un réseau de retenues (en exploitant tout d’abord les retenues dont la température est la plus élevée).
Pluie directe
Elle correspond à l’apport d’eau par la pluie directement à la surface d’eau libre de la retenue. Le flux associé à la pluie directe est généralement assez faible par rapport aux autres termes du bilan hydrique, excepté dans des zones où les flux de circulation sont très faibles. Lorsqu’il est estimé, l’apport par la pluie directe l’est à partir de la surface de l’eau de la retenue et des précipitations mesurées par des instruments classiques (pluviographe, pluviomètre).
Débits entrant et sortant
Le débit entrant dans une retenue dépend de sa position dans le bassin versant, de sa connexion au cours d’eau, et des caractéristiques du bassin (pédologie, géologie climat, occupation des sols) ; il est donc difficile de donner des ordres de grandeur sans préciser un contexte. Si la retenue est connectée à une rivière, les débits entrants peuvent être facilement mesurés directement. S’il s’agit d’une retenue collinaire, l’estimation des débits entrants est plus complexe. Les débits entrants peuvent être modélisés. Dans ce cas, plusieurs méthodes et modèles permettent d’estimer ce flux entrant, le plus simple étant celui développé par le Soil Conservation Service aux USA et considérant que le flux ruisselant est proportionnel à la pluie précipitée sur le bassin d’alimentation de la retenue, le coefficient de proportionnalité (Curve Number) dépendant notamment de la forme du bassin, de sa pente, du type de sol et de son humidité.
Le débit sortant est généralement facilement accessible en termes de mesure. Cependant, l’information sur les débits sortant de l’ensemble des retenues d’un bassin est rarement disponible. Comme les débits entrants, les débits sortant sont fortement variables en fonction des conditions climatiques et physiographique locales, mais dépendent également du mode de gestion des retenues. Si les débits sortant ne sont pas accessibles par la mesure, ils sont alors simulés. Dans ce cas, le mode de fonctionnement de la retenue pris en compte pour l’estimation du débit sortant est important. Or, il faut souligner que l’essentiel des retenues étudiées sont pilotées selon une gestion de type « fill-and-spill » c’est-à-dire qu’elles ne restituent de l’eau que par débordement, quand elles sont pleines. Le débit sortant est donc une résultante du volume d’eau de la retenue, du débit entrant, des flux d’infiltration et d’évaporation, et des prélèvements éventuels dans la retenue. Selon ce mode de gestion, l’impact instantané de la retenue est binaire : i) la retenue est partiellement vide et elle réduit alors de 100 % le ruissellement et le débit entrant, ou ii) elle est remplie à sa capacité maximum, l’effet sur le ruissellement et le débit est alors nul, la retenue restituant à l’aval les volumes entrant. Les autres types de retenues, pourvues d’un dispositif assurant un débit minimum, ou soumises à une gestion « active » ne sont que peu abordés.
La pratique de l’irrigation est susceptible d’avoir en retour un effet sur les flux dans l’hydrosystème et les apports aux retenues, en augmentant par exemple les flux de ruissellement depuis les surfaces irriguées vers les retenues. Cet aspect a rarement été abordé, et si l’irrigation augmente effectivement la teneur en eau du sol, une étude menée sur un bassin versant de l’Alberta (Canada) n’a pas montré d’effet significatif sur le ruissellement. En zone de rizières inondées par contre, ces flux méritent effectivement d’être pris en compte.
Prélèvements dans la retenue
Dans l’essentiel des études, les prélèvements en eau dans les retenues visent à irriguer les cultures ou à abreuver les animaux. Ces flux, qu’il s’agisse de leur cumul ou de leur dynamique temporelle, sont souvent entachés d’une grande incertitude. Deux grands types de méthodes sont mobilisés pour les quantifier.
Une première approche, utilisée surtout en Australie, considère que les prélèvements annuels représentent un certain pourcentage de la capacité totale de la retenue. Ce pourcentage, obtenu par enquête auprès des propriétaires des retenues ou parfois par télédétection s’avère très variable, en fonction des usages (irrigation vs. abreuvement du bétail) et des régions : de 35% en Australie Occidentale à 83% en Victoria pour l’irrigation, pour une moyenne de 83% pour l’ensemble de l’Australie et des variations de 10 à 400%. Les pourcentages semblent plus stables pour l’abreuvement, de l’ordre de 50%. Ces prélèvements sont supposés constants au cours de l’année, ou répartis temporellement en fonction des usages connus.
La deuxième approche s’appuie sur la caractérisation de la demande : les besoins liés à l’abreuvement sont considérés comme constants au cours de l’année (par ex 35 litres par unité de bétail tropical et par jour pour une étude au Burkina Faso). Les besoins liés à l’irrigation sont au mieux assimilés aux besoins des plantes irriguées, sans tenir compte de la différence qu’il peut y avoir entre besoin en eau des cultures, demande en eau des agriculteurs (qui intègre à la fois un objectif de rendement et des contraintes liées au temps et au matériel disponibles) et usage effectif de l’eau (qui intègre l’effet supplémentaire d’éventuelles restrictions administrative ou de pannes du matériel). Compte tenu du peu d’informations en général disponibles, qui concernent au mieux le volume annuel prélevé et/ou la surface irriguée et le type de culture, et de l’absence de données sur les règles de gestion des prélèvements, les prélèvements d’irrigation sont ainsi assimilés aux besoins des cultures, calculés en fonction du coefficient cultural des cultures (kc, qui varie dans le temps) et de l’évapotranspiration potentielle (ETP). Cette estimation permet de prendre en compte les conditions climatiques de l’année en cours, y compris leurs variations intra-annuelles.
On voit ainsi que ce terme important du bilan hydrique de la retenue, qui peut représenter un pourcentage significatif des flux sortants, notamment dans le cas de retenues fill-and-spill, est assez mal connu, tant en cumul qu’en dynamique temporelle.
Pour ce qui concerne les stratégies de prélèvements quand plusieurs retenues sont disponibles (retenue collinaire vs retenue collective) ou qu’une retenue est une ressource parmi d’autres (nappe, rivière), elles ne sont que très rarement abordées dans la littérature scientifique.
EFFETS CUMULES : DES METHODES D’EVALUATION DIFFERENTES POUR DES RESULTATS QUI CONVERGENT
Les effets cumulés des retenues sur l’hydrologie peuvent essentiellement être déduits d’observations, ou du recours à la modélisation. Si les méthodes d’évaluation des effets cumulés des retenues sur l’hydrologie d’un bassin versant diffèrent, c’est surtout la variété des indicateurs utilisés pour en rendre compte, et la diversité des situations étudiées qui rendent difficile la comparaison des résultats et la mise en évidence des déterminants de ces effets.
L’effet des retenues sur un régime hydrologique peut être apprécié en théorie à travers l’analyse d’une diversité de débits caractéristiques. L’effet sur le débit annuel est celui le plus souvent reporté. La réduction du débit annuel atteint souvent 20 à 30% (Figure 7). L’impact des retenues sur les débits annuels varie cependant d’une étude à l’autre, sans qu’il soit possible d’établir des liens de causalité entre la diminution du débit annuel et des facteurs simples comme des descripteurs de densité de retenues (en nombre ou en volume), la précipitation annuelle, ou le débit annuel. Des réductions importantes du débit sont en effet quantifiées pour des valeurs très variables de ces facteurs.
Cela s’explique par le fait que d’autres facteurs, tels que la capacité d’équipement et les valeurs annuelles des pluies et des débits, contrôlent en partie l’effet sur le débit annuel. Ainsi, on suppose que les prélèvements de l’eau des retenues (volume et répartition dans le temps), la variabilité hydrologique annuelle et la répartition spatiale des retenues sont des facteurs importants. Par ailleurs, les descripteurs (densité spatiale en volume ou en effectif des retenues) constituent des moyennes spatiales sur l’ensemble du bassin versant. Or, on peut supposer que, pour une même densité, l’impact puisse être différent selon que les retenues soient réparties de façon homogène dans le bassin ou situées majoritairement en amont ou en aval de celui-ci, ce qui influence leur capacité de remplissage. Enfin, l’impact sur le débit annuel dépend des relations entre la répartition des prélèvements, qui vident les retenues, et la distribution dans le temps des débits, qui tendent à alimenter les retenues : les retenues peuvent ainsi se remplir une ou plusieurs fois au cours d’une année hydrologique, et la pluviométrie annuelle ne suffit pas comme descripteur. Toutefois, une constante est que pour un réseau de retenues donné, son effet est d’autant plus important que l’année est sèche, c’est-à-dire marquée par des faibles précipitations et/ou des débits inférieurs aux moyennes interannuelles (Figure 8a).
L’effet des retenues est parfois analysé à travers un indicateur volumique correspondant à la réduction du volume annuel écoulé en rivière ramené à la capacité volumique cumulé des retenues. Cet indicateur montre que l’impact des retenues est souvent supérieur à leur capacité de stockage. Des valeurs de 2 à 3 m3/m3 (Figure 8b), voire 3 ou 4 m3 sont ainsi estimées en Australie, mais aussi aux US ou en Espagne, traduisant que les retenues se remplissent et subissent des prélèvements (volontaires pour des usages ou involontaires via l’infiltration et l’évaporation) plusieurs fois au cours de l’année, le volume d’eau exploité pouvant ainsi être supérieur à la capacité de stockage.
Figure 8 : a) Impacts des retenues sur les débits moyens annuels selon que l’année est sèche, humide ou plutôt moyenne. b) Impact d’un m3 de retenues agricoles sur les débits : les valeurs supérieures à 1 indiquent qu’une capacité d’1 m3 de retenue conduit à une réduction des débits de plus de 1m3.
Les quelques études menées sur les débits de crue ou les débits d’étiage montrent un effet significatif sur ces débits, avec des réductions maximum reportées de 45 % pour les débits de crue, et de 60 % pour les débits d’étiage. La capacité des retenues à se remplir n’est que peu fréquemment abordée, bien qu’elle puisse être problématique, notamment pour celles situées en tête de bassin. La variabilité interannuelle des débits est également affectée par la présence de retenues, et son évolution peut avoir des conséquences sur l’écologie. En général, l’impact des retenues est plus important en phase de remplissage des retenues puisque les retenues à débordement (de type « fill-and-spill ») ne laissent pas l’eau s’écouler en aval : cette période de transition entre des basses eaux et hautes eaux reste en général une période de débits modérés, et les flux alimentant les retenues sont alors conséquents par rapport aux volumes qui s’écoulent dans les rivières. A l’image du débit annuel, tirer des éléments de généricité sur la variation des débits caractéristiques d’un régime hydrologique induite par un réseau de retenues, ou sur les relations de causalité entre cette variation et des descripteurs simples du réseau de retenues, du climat et de l’hydrologie est un exercice difficile. D’une part le corpus d’études et les données associées sont souvent trop limités pour en développer une analyse statistique. D’autre part, d’autres facteurs, en lien notamment avec les usages et la gestion de l’eau des retenues, pourraient peser dans la relation de causalité.
Ce résumé des principaux effets cumulés des retenues sur l’hydrologie est basé sur deux principaux types d’études : celles basées sur l’observation (une demi-douzaine d’études) et celles basées sur la modélisation (une vingtaine). Ces deux méthodes sont présentées ci-dessous. Le déséquilibre dans l’utilisation entre les deux méthodes s’explique en partie par la difficulté de disposer d’observations relatives à un état de référence « sans retenue ». Selon les études, l’état de référence correspond à l’état d’un bassin similaire non influencé, ou est déduit d’une analyse de la trajectoire temporelle des caractéristiques du bassin et de son hydrologie. Une autre méthode consiste à estimer l’impact cumulé comme la somme de l’impact de chaque retenue, impact déduit des débits observés en amont et en aval des retenues, et ce, en plusieurs points du bassin et sur plusieurs années. Cela nécessite un effort important en termes de moyens d’observations sur des durées importantes.
Méthodes basées sur les observations
Les études basées sur des observations sont peu nombreuses, et souvent antérieures aux années 1980. Les travaux recensés sont majoritairement des thèses ou rapports, et certains ont pu échapper aux recherches bibliographiques. Plusieurs démarches sont utilisées pour quantifier les impacts des retenues à partir d’observations : 1) le suivi amont/aval des débits des retenues présentes sur le bassin et de leurs variations de volume, ou d’un ensemble représentatif de retenues présentes dans le bassin, 2) le suivi de bassins versants jumeaux mais équipés différemment en retenues, 3) l’analyse multifactorielle de chroniques longues de débits, de données météorologiques et des informations sur le développement des retenues.
Les études recensées portent sur des bassins situés au Nord-Ouest des Etats Unis, au Nordeste brésilien, en Chine, Nouvelle Zélande ou Afrique du Sud, donc dans des contextes climatiques et de densité de retenues variés. La diversité des situations, mais aussi des débits caractéristiques analysés par ces études, rend de nouveau difficile la comparaison des résultats et la déduction de règles quantitatives. Toutefois, l’ensemble des études concluent à une réduction des débits due aux retenues, parfois induite davantage par les pertes dues à l’évaporation ou l’infiltration (Figure 9), qu’aux usages de l’eau. Ces pertes peuvent par exemple conduire à ce qu’un m3 de capacité de retenue induise une réduction du volume écoulé de 3 à 4 m3. Sur certains bassins, les pertes par infiltration au sein de la retenue peuvent contribuer à pérenniser l’écoulement du cours d’eau aval qui était à l’origine intermittent. La réduction des débits, variable dans le temps à la fois au cours de l’année et entre les années peut être particulièrement marquée pour les débits de crues et d’étiage. Comme noté précédemment, il a été observé que la réduction est d’autant plus marquée que l’année est sèche. Compte tenu de la variété des situations et des descripteurs d’impact utilisés dans les différentes études, il est difficile de formuler des conclusions générales plus précises, et qui seraient transposables au contexte hexagonal.
Méthodes basées sur la modélisation
L’essentiel des travaux qui abordent l’effet cumulé des retenues sur l’hydro(géo)logie a recours à la modélisation. Il s’agit de simuler les écoulements en un ou plusieurs points du bassin versant comportant des retenues, ainsi que le plus souvent l’état hydrique de ces dernières. L’effet cumulé du réseau de retenues est alors estimé sur la base d’indicateurs hydrologiques calculés à partir de simulations réalisées avec et sans prise en compte des retenues dans le modèle, comme illustré par exemple sur la Figure 10 pour un ensemble de bassins versants en Australie.
Figure 10 : Impacts des réseaux de retenues sur les débits des rivières en été, en hiver et en moyenne sur l’année. La différence de débit est rapportée à la capacité cumulée des retenues. A gauche l’impact sur les faibles débits, au milieu sur les débits moyens et à droite sur les forts débits. Les valeurs sont une compilation d’estimations faites par modélisation sur un ensemble de bassins versants dans la province de Victoria – Australie-.
Les démarches de modélisation sont diverses, et varient notamment en fonction des objectifs visés, des données disponibles, ainsi que des «habitudes de modélisation» des personnes ou organismes menant l’exercice de simulation. On peut les distinguer notamment selon la description qu’ils font de la distribution spatiale des retenues et de leurs caractéristiques, ainsi que de la façon dont ils conceptualisent et calculent les flux au sein du bassin versant.
Des représentations de réseaux de retenues très variées entre les modèles
Le mode de représentation spatiale du réseau de retenues dans un bassin versant constitue une des principales clés de différenciation dans les modélisations recensées dans la littérature scientifique. Les représentations peuvent être classées selon trois grandes catégories : (i) une représentation spatiale explicite, où chaque retenue est prise en compte individuellement, (ii) une représentation globale, où le réseau de retenues est représenté sous la forme d’une retenue unique équivalente, (iii) une représentation statistique, qui rend compte des classes de capacités de retenues. Mode de représentation des retenues et modèles hydrologiques sont liés : certains modèles adoptent une représentation globale par suite de manque d’informations suffisamment détaillées sur les retenues, alors que leur structure leur permettrait de rendre compte de la distribution spatiale de celles-ci, mais d’autres sont « par nature » contraints à une représentation globale ou statistique, comme cela sera explicité plus loin.
La représentation spatialement explicite des retenues présente l’intérêt de simuler l’effet cumulé des retenues à différents niveaux d’organisation, et notamment d’amont en aval du réseau hydrographique. Elle permet de quantifier des impacts locaux qui pourraient être gommés à plus grande échelle quand seul l’impact global à l’exutoire du bassin versant est calculé. Rarement mise en œuvre, en raison du manque de données suffisamment exhaustives sur les caractéristiques du réseau de retenues (nombre, localisation, caractéristiques géométriques, prélèvement, cf Chapitre III, ce mode de représentation implique de plus que le modèle hydrologique soit capable de simuler les débits entrants et/ou les flux de ruissellement entrant dans chaque retenue.
La représentation globale par retenue équivalente est la plus utilisée. Le réseau de retenues collinaires présentes sur une portion de l’espace est représenté sous la forme d’un réservoir équivalent, auquel sont affectées des caractéristiques dérivant de l’ensemble des retenues présentes sur cette portion d’espace. Selon le modèle et les données disponibles, une seule retenue équivalente peut être utilisée pour l’ensemble du bassin versant, ou une pour chacun des sous bassins, voire des mailles. Selon les modèles, l’écoulement alimentant la retenue équivalente correspond à celui simulé sur l’ensemble du (sous) bassin versant, ou à une fraction de ces flux. Dans ce dernier cas, la fraction est alors supposée correspondre à la fraction surfacique du (sous) bassin versant drainé par les retenues (rapport du cumul des aires drainées des retenues sur la surface totale du bassin versant). Sa frugalité en données et la simplicité de mise en œuvre du modèle associé, constituent les principaux atouts de cette représentation. Ce faisant, seule l’influence du réseau de retenues à l’exutoire du bassin versant ou du sous bassin versant supportant la retenue équivalente peut être simulée, excluant la possibilité d’une simulation spatialisée des débits le long des biefs du réseau hydrographique. Cette limite (qui peut être levée si le découpage en sous bassins est réalisée à haute résolution) pose problème si l’on cherche par exemple à estimer l’influence des retenues sur la qualité de l’habitat écologique au niveau spatial des biefs. Cette représentation implique par ailleurs deux hypothèses fortes, dont la validité est rarement respectée : i) l’influence d’une retenue est indépendante de sa position dans le (sous) bassin versant et par rapport au cours d’eau, nonobstant son influence sur les différentes composantes de l’écoulement et du bilan hydrique, ii) les flux d’eau contrôlant la vidange et le remplissage de la retenue sont homogènes sur le (sous) bassin versant. De plus les connexions existant éventuellement entre des retenues du (sous) bassin versant ne peuvent être prises en compte. Or, les effets locaux en matière de climat, de sol, de lithologie et d’occupation du sol peuvent avoir un poids important dans la genèse des écoulements.
La représentation statistique considère un ensemble de réservoirs équivalents, chaque réservoir équivalent moyennant les caractéristiques des retenues d’une classe de capacité. L’état et le fonctionnement hydrologique de chaque réservoir équivalent sont simulés par le modèle en fonction des flux entrant et sortant des retenues. Cette représentation peut être vue comme une variation de la représentation par retenue globale équivalente. Le fonctionnement de chaque classe de retenues dépend du modèle : selon le cas, le débit d’entrée peut par exemple ne dépendre que de l’aire drainée estimée pour cette classe de retenue, ou inclure également tout ou partie des débits sortant d’une autre classe de retenues, considérées compte tenu de leur capacité moindre être situées en amont et connectées à la classe aval. Ainsi cette représentation implique de poser des règles de connexion entre les classes de réservoirs, et entre ces classes et l’exutoire, ainsi que la répartition des débits entres les réservoirs et l’exutoire. Dans les applications, ces règles semblent le plus souvent être basées sur une expertise empirique plutôt que sur une analyse de la topologie des retenues, du réseau hydrographique et des écoulements sur le bassin d’application. La Figure 11 illustre par exemple la conceptualisation des connexions et de la répartition des flux utilisés dans le modèle brésilien WASA.
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Table des matières
CHAPITRE INTRODUCTIF
I.1 Elements de contexte
I.1.1 Contexte et objectifs de l’expertise
I.1.2 Usages et tendances d’évolution des petites retenues à travers le monde
I.2 Règlementation française en lien avec les retenues et politique de gestion quantitative
I.2.1 Règlementation sur la gestion quantitative et lien avec les retenues
I.2.2 La prise en compte des effets cumulés des retenues dans le cadre de la réforme des études d’impact
I.2.3 Eclairage sur la prise en compte des petites retenues agricoles dans la règlementation étrangère à travers
quelques exemples
I.3 Domaines abordés par l’expertise
I.4 Démarche adoptée pour l’expertise scientifique collective
I.4.1 Les enseignements de la phase exploratoire
I.4.2 Les limites et les questions en suspens mises en évidence par la phase exploratoire
I.4.3 La démarche adoptée
CHAPITRE II METHODES D’EVALUATION DES EFFETS CUMULES
II.1 Définitions et concepts utilisés pour l’évaluation des effets cumulés
II.1.1 Différents types d’effets cumulés
II.1.2 Etat initial, état de référence, métriques et seuils
II.2 Méthodes existantes
II.2.1 Approches basées sur les facteurs de stress (Stressor-based) vs approches basées sur les effets (Effectbased)
II.2.2 Approches analytiques vs approches de planification
II.2.3 Echelle et gouvernance, des notions très liées
II.2.4 Conclusions
CHAPITRE III RECENSEMENT DES RETENUES ET DE LEURS CARACTERISTIQUES
CHAPITRE IV EFFETS CUMULES DES RETENUES SUR L’HYDROLOGIE
IV.1 Influence locale d’une retenue : principaux processus en jeu
IV.1.1 Infiltration
IV.1.2 Évaporation
IV.1.3 Pluie directe
IV.1.4 Débits entrant et sortant
IV.1.5 Prélèvements dans la retenue
IV.2 Effets cumulés : des méthodes d’évaluation différentes pour des résultats qui convergent
IV.2.1 Méthodes basées sur les observations
IV.2.2 Méthodes basées sur la modélisation
IV.3 Conclusion sur les effets cumules des retenues sur l’hydrologie
CHAPITRE V EFFETS CUMULES DES RETENUES SUR LE TRANSPORT SEDIMENTAIRE ET L’HYDROMORPHOLOGIE DES COURS D’EAU
V.1 Effet d’une retenue sur le devenir des sédiments et la morphologie des cours d’eau
V.1.1 Une retenue piège les sédiments
V.1.2 …et modifie la morphologie du cours d’eau aval de façon complexe.
V.2 Effets cumulés des retenues sur le transport sédimentaire et l’hydromorphologie des cours d’eau
V.2.1 Effets cumulés sur le piégeage des sédiments
V.2.2 Effets cumulés sur l’ajustement morphologique du cours d’eau
V.3 Analyse critique et perspectives pour l’évaluation opérationnelle de l’impact cumulé
CHAPITRE VI EFFETS CUMULES DES RETENUES SUR LES CARACTERISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES DES COURS D’EAU
VI.1 Effet d’une retenue sur la qualité physico-chimique de l’eau
Le cas particulier de l’eutrophisation
VI.2 Effets cumulés des retenues sur les caractéristiques physico-chimiques des cours d’eau
VI.2.1 Effets cumulés des retenues sur le devenir de l’azote
VI.2.2 Effets cumulés des retenues sur le devenir du phosphore
VI.2.3 Effets cumulés des retenues sur la qualité physico-chimique des cours d’eau : approches conceptuelles
VI.2.4 Conclusion
CHAPITRE VII EFFETS CUMULES DES RETENUES SUR LE COMPARTIMENT BIOLOGIQUE DU COURS D’EAU ET DE SON BASSIN VERSANT
VII.1 Effets d’une retenue sur les compartiments biologiques du cours d’eau
VII.1.1 Réponses aux drivers primaires
VII.1.2 La retenue : un obstacle à la dispersion
VII.1.3 …….Support de biodiversité
VII.1.4 …..mais source d’espèces exogènes et souvent invasives
VII.1.5 Exemples de réponse multifactorielle : réponses des communautés d’invertébrés benthiques en présence d’une retenue
VII.2 Effets des retenues sur les compartiments biologiques du cours d’eau et de son bassin versant
VII.2.1 Des effets largement liés à la densité de retenues sur un bassin-versant
VII.2.2 La fragmentation des habitats et l’évolution de la connectivité du milieu influencent en profondeur les biocénoses aquatiques
VII.2.3 Des outils et méthodes mobilisables pour aborder les impacts écologiques
VII.2.4 Des méthodes d’évaluation destinées à prévoir l’évolution des communautés à l’échelle du territoire
VII.3 Conclusion
CHAPITRE VIII CONCLUSION
Effets d’une retenue isolée
Effets cumulés des retenues
Des besoins de données et de recherche en suspens
Echelles de temps et d’espace : deux notions clés pour l’évaluation des effets cumulés.
Glossaire
Sigles et acronymes
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