Reconstruction de l’identité professionnelle et prise de risque lors d’une réorientation en prévention

À ce jour, nous ne connaissons pas de travaux qui aient été réalisés sur la dynamique identitaire de la reconstruction de l’identité professionnelle des chargés de prévention des risques professionnels (CPRP), agents de l’État travaillant au ministère des Armées, confrontés à une réorientation professionnelle. En revanche, la dynamique identitaire professionnelle a été travaillée par de nombreux chercheurs, dans le cadre de métiers spécifiques en lien en autre avec l’enseignement ou à la santé.

Les délocalisations, les restructurations de services au sein de la fonction publique ont eu pour conséquence de contraindre les agents à rechercher un autre poste parmi les offres d’emplois proposées, quitte à changer d’orientation professionnelle pour rester dans leur ministère. Devant l’ampleur de cette situation, le ministère des Armées a élaboré un processus de « préservation de l’emploi » en développant une politique visant à accompagner les agents dans leur nouvelle affectation, en mettant en place un conseiller mobilité carrière (CMC), une formation adaptée au métier choisi. Comme la prévention occupe une place de plus en plus importante dans le milieu professionnel, elle est devenue pour les agents une voie de reconversion possible. Le chef d’organisme (chef de corps, directeur) étant responsable du personnel placé sous son autorité, la réglementation en vigueur lui impose de nommer une personne chargée de le conseiller dans le domaine de la prévention, cette personne porte le nom de chargé de prévention des risques professionnels (CPRP). Au sein du ministère des Armées, cette fonction est mentionnée dans le décret n° 2012-422 du 29 mars 2012, article 10 .

Le CPRP est chargé de veiller à la mise en place de l’application de la réglementation et d’informer le chef d’organisme de tous les dysfonctionnements constatés. Les modalités de désignation et les attributions sont fixées par l’arrêté du 9 avril 2013 . Lorsque le chef d’organisme décide de nommer un agent au poste de CPRP, il a l’obligation de :

• L’envoyer en formation « santé, sécurité au travail » pour qu’il puisse tenir sa fonction et acquérir les connaissances souhaitées ;
• À son retour, le chef d’organisme le nomme officiellement dans sa fonction et transmet le document le désignant aux autorités (à l’inspecteur du travail, autorité des ressources humaines, représentants du personnel) ;
• Puis, au regard de la fiche de poste, le chef d’organisme rédige la lettre de cadrage dans laquelle il définit le périmètre d’activité du CPRP et ses attentes. La lettre de cadrage est ensuite insérée dans le recueil des dispositions de prévention. Puis elle est commentée aux représentants du personnel civil et militaire, lors de la première réunion qui suit sa réalisation et le nom ainsi que la fonction du CPRP sont mentionnés dans l’organigramme de l’organisme. Ainsi, par ces différentes étapes, le CPRP devient un acteur de la prévention et agit au profit de la collectivité. Cette activité s’inscrit donc dans un processus de professionnalisation où les savoirs, savoir-être et savoir-faire devraient être reconnus et donner accès à la reconnaissance du chef d’organisme, de la hiérarchie intermédiaire et du personnel. Au sein du ministère, il y a deux types de recrutement soit :

• À partir du concours de technicien supérieur d’études et fabrications (TSEF) spécialité, santé, sécurité au travail et environnement (interne/externe), le recrutement s’effectue à partir du Bac ou d’un diplôme supérieur (bac+2) (recrutement externe), et pour les internes, une ancienneté de quatre ans au sein de la fonction publique est exigée ;
• Dans le cadre d’une reconversion professionnelle, ou sur volontariat, dans ces deux modes d’accès, aucun niveau scolaire n’est exigé.

Le ministère des Armées a toujours offert aux agents qui veulent s’investir en « santé, sécurité au travail » la possibilité d’avoir un développement de carrière intéressant, en permettant aux ouvriers (es) d’état ou aux fonctionnaires catégorie C la possibilité de devenir fonctionnaire catégorie A, en étant « ingénieur santé, sécurité au travail ». Ce type de développement de carrière n’est pas exceptionnel. Il demande à l’agent qui s’engage dans ce champ professionnel, d’être rigoureux dans ses choix, d’acquérir des connaissances et aimer avoir des responsabilités. De par sa fonction de conseiller auprès du chef d’organisme et de l’ensemble du personnel travaillant dans cet organisme, il peut être amené en cas d’accident à devoir s’expliquer devant un juge, si ce dernier recherche la faute, au regard du manque à la sécurité.

Aujourd’hui plus qu’hier, la prévention est entrée dans le champ du travail en imposant aux chefs d’organisme de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en mettant en place des actions de prévention des risques professionnels, d’information et de formation, ainsi qu’une organisation avec les moyens adaptés. En outre, le chef d’organisme doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. Par ces différentes actions, il a une obligation de résultat : il est donc judiciairement responsable.

Pour avoir exercé et enseigné cette fonction, nous en connaissons les difficultés rencontrées : elles se situent à la fois dans la mise en application de la réglementation et dans l’acceptation des agents à se conformer aux règles imposées. Cette fonction demande au CPRP de s’impliquer fortement dans son activité, en ayant des qualités humaines où la communication, l’empathie, la diplomatie sont nécessaires pour s’imposer et convaincre les agents du bien-fondé des actions préconisées. Toutes les actions déployées sont orientées vers un seul but, éviter les accidents et les maladies professionnelles. Si malgré toutes les précautions prises, un accident ou une maladie professionnelle se manifestaient, les mesures préventives doivent être pensées pour en limiter les effets sur l’homme et l’environnement.

Les enjeux

La fin du vingtième et le début du vingt et unième siècle ont vu le monde du travail se transformer en une gigantesque compétition mondiale, imposant à la fonction publique de se réorganiser et de repenser leur mode de fonctionnement. Les agents concernés par ces changements ont été contraints de se réorienter professionnellement, afin leur permettre de continuer leur parcours professionnel et d’appréhender l’avenir avec confiance dans leur nouvelle activité. Pour comprendre la situation, il nous faut expliquer les enjeux et démontrer qu’ils touchent la structure organisationnelle et les agents.

La réforme organisationnelle dans la fonction publique

Depuis de nombreuses années, les institutions régaliennes de l’État ont été soumises à d’importants changements organisationnels (délocalisation, restructuration, fusionnement). Elles ont dû intégrer dans leur mode de fonctionnement la théorie de la « nouvelle gestion publique » (NGP), une approche pragmatique de la division du travail, pour mieux gérer le rapport coût/efficacité de leurs services. Pour être conformes à la réforme, ces changements ont eu deux effets majeurs :
• Le premier d’imposer aux organismes de repenser l’organisation du travail en favorisant le partage des rôles entre le pilotage et l’exécution ;
• Le second d’effectuer une analyse de l’activité permettant de placer les agents au bon poste du service rendu, en s’assurant de la bonne gestion des deniers de l’État.

Le travail occupe une place centrale dans la vie de chaque individu. Nous sommes conscients des effets « négatifs » sur les personnes qui en sont privé (chômage) ou qui éprouvent de grandes difficultés à se projeter ou à retrouver un emploi qui leur convient lors d’une réorientation professionnelle parce qu’il constitue un point d’entrée dans la « démocratie », où chaque personne apporte sa contribution et est utile à la collectivité. Nous pouvons également souligner que le travail est en lien avec la notion d’économie puisque le travail est la source principale des revenus donnant accès à la consommation et à l’insertion sociale.

L’analyse étymologique du mot « travail » nous informe qu’il a été en lien avec la notion de déchéance voir de punition : « tu produiras ton pain à la sueur de ton front ; femme tu enfanteras dans la douleur » (livre de la Genèse). Alors que chez les Grecs, le travail renvoie à la peine de l’esclave, tandis que les hommes libres exerçaient des activités intellectuelles, comme la politique. En latin le mot travail a pris dans le sens de « tripaliare » (torturer) et « tripalium » (instrument à trois pieux, qui servait aux femmes pour accoucher, mais aussi comme un instrument de torture). Cette connotation spécifique a contribué à « déconsidérer » le terme « travail », en faisant le lien avec le travail harassant, d’où la notion de pénibilité. Au fil du temps, le terme a évolué dans le sens où le travail apparaît comme un moyen de récompense et d’émancipation avec une finalité libératrice. Lorsqu’elle s’interroge sur le travail, Royer souligne qu’il y a un salut dans le travail, car selon cette auteure :

« L’incertitude du salut au-delà de la mort pousse à chercher dans le travail le signe d’une prédestination positive au salut ». (Royer, 2002, p 19) .

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Table des matières

Introduction
Partie I : Terrain et problématique de la recherche
Chapitre I : Le terrain de la recherche
1 Les enjeux
Chapitre II : Une problématique historique à multiples facettes
Introduction
1 La prévention un support technique dans la reconstruction de l’identité professionnelle et la construction de soi
Synthèse de la partie historique
Chapitre III : La réglementation
1 Le droit administratif
2 Les acteurs et les outils d’analyse des situations à risque
Synthèse
Partie II : État de l’art
Chapitre I : L’identité un concept dynamique
Introduction
1 L’identité
2 L’identité un concept complexe
3 Un processus progressif d’élaboration de la conscience de soi
4 L’identité et le « moi »
5 Le « soi » et l’identité
6 La subjectivité
7 La subjectivité et la communication
Synthèse
8 Un regard sur l’identité au travers des différents courants
Synthèse de ces différents courants
9 Le constructivisme et l’identité
10 Processus interactionniste de l’identité
11 Dynamiques identitaires et transition
12 La construction de l’identité dans cette phase de reconstruction
13 L’identité professionnelle
Synthèse de l’identité professionnelle
Chapitre II : Le risque
1 Qu’est-ce qu’un risque
2 Le risque un « artefact symbolique »
3 Perception du risque et prise de risque
Synthèse
Chapitre III : La professionnalisation
Introduction
1 L’approche anglo-saxonne de la professionnalisation
2 L’approche française de la professionnalisation
3 Les différents aspects de la professionnalisation
4 La professionnalisation d’un CPRP
Synthèse
Partie III : Retour sur la problématique et hypothèses
Chapitre I : Problématique
Chapitre II : Hypothèses
Partie IV : Etude de terrain : Méthodologie, entretiens, analyse
Chapitre I : Méthodologie
1 Population
2 Méthodologie
Chapitre II : Les entretiens
Introduction
1 Jean
2 Béatrice
3 Alain
4 François
5 Isabelle
6 Armand
Chapitre III : Analyse des entretiens
Introduction
1 Structuration identitaire des futurs CPRP qui s’engagent dans la fonction
2 La « Métis » au cœur des dynamiques identitaires
3 Le choix de la fonction de CPRP comme devenir professionnel
4 La formation comme support à la professionnalisation
5 La logique dans l’engagement stratégique et identitaire
6 Les difficultés rencontrées et les stratégies déployées
7 Les premiers ressentis dans la fonction
8 La remise en question personnel du CPRP
9 Un enjeu : réduire les tensions
10 Enjeu relationnel et émotions
11 La perception des risques et les effets en termes de professionnalisation
12 Les effets de la tension identitaire sur la fonction
13 La fonction de CPRP comme enjeu de construction identitaire
14 Le réseau professionnel comme force d’action
15 Réduire l’incertitude par le partage de l’information
Partie V : Conclusions
Conclusion

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