Prévalence de l’agression sexuelle

Prévalence de l’agression sexuelle

L’agression sexuelle d’ un enfant par une femme a longtemps été considérée comme un crime d’exception, car les taux officiels d’arrestations et d’aveux pour ce type d’abus sexuel sont extrêmement faibles (environ 5 %; Cortoni, Hanson, & Coache, 2009). En outre, on n’ envisage mal que des femmes peuvent commettre des agressions de nature sexuelle en raison du rôle maternel défini pour les femmes dans la société et les attentes qui s’y rattachent (Ford, 2006; Saradjian & Hanks, 1996). Cependant, un nombre croissant d’ ouvrages porte sur ce crime particulier, suggérant qu’il serait beaucoup plus fréquent qu’on ne le croyait (Gannon & Cortoni, 2010). Bien que le phénomène commence à recevoir plus d’attention et à être l’objet de certaines recherches, il n’en demeure pas moins que les caractéristiques des femmes commettant des agressions sexuelles ont été peu investiguées jusqu’à présent (Gannon & Alleyne, 2013). Compte tenu du peu de données empiriques et probantes sur le sujet, des conséquences dévastatrices sur les victimes et les agresseurs et de l’état limité des compréhensions actuelles du phénomène, le but principal de cet essai est d’ effectuer une revue de la documentation disponible sur les femmes auteures d’agressions sexuelles (FAAS), de proposer une synthèse cohérente des connaissances et d’émettre des hypothèses pour les études futures.

Afm de mieux les connaitre, l’état des connaissances actuelles relatives aux F AAS sera présenté. Suite à une brève présentation des notions de base, les facteurs permettant de mieux comprendre l’agression sexuelle commise par les femmes seront exposés. Diverses typologies de F AAS seront ensuite présentées et discutées. Enfm, des propositions et hypothèses pour les recherches futures seront proposées.

L’agression sexuelle 

Définition de l’agression sexuelle

Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSSQ, 2012), une agression sexuelle est un geste à caractère sexuel pouvant être posé avec ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement de la personne visée ou par une manipulation affective ou du chantage (par exemple auprès d’enfants). L’agression sexuelle vise à amener une autre personne à se soumettre à ses propres désirs en abusant de son pouvoir, en utilisant intentionnellement une contrainte ou une force indirecte ou directe, ou en la menaçant implicitement ou explicitement. Les droits fondamentaux de la personne sont donc bafoués, notamment au plan de son intégrité physique et psychologique. Le Code criminel reconnait trois niveaux d’agression sexuelle: simple (n’occasionnant pas ou peu de blessures corporelles à la victime), armée (dans des circonstances aggravantes; par exemple possession, utilisation ou menace à l’aide d’ une arme; menace d’ infliger des blessures corporelles à une autre personne que la victime; commission de l’acte en compagnie d’une autre personne) et grave (causant des blessures, des mutilations, une défiguration de la victime ou mettant sa vie en danger; (Ministère de la Sécurité publique du Québec, MSPQ, 2012).

Plusieurs comportements spécifiques peuvent correspondre à cette définition de l’agression sexuelle, tant qu’ ils soient non désirés de la victime: baisers à caractère sexuel, attouchements, masturbation, contacts buccaux sur les parties génitales, pénétration anale ou vaginale et frotteurisme. Pour être considérés comme agression sexuelle, ces comportements doivent être commis sans le consentement de la personne ou sur un mineur n’ayant pas l’ âge de fournir un consentement valable (MSSSQ, 2012). Outre l’agression sexuelle, plusieurs autres comportements sexuels prohibés par la loi existent, tels que le leurre d’enfant par ordinateur, l’exhibitionnisme, le voyeurisme, la bestialité, l’ inceste, l’incitation à des contacts sexuels et l’exploitation sexuelle (MSPQ, 2012).

Prévalence de l’agression sexuelle 

Au Québec, 4958 infractions sexuelles ont été rapportées aux policiers en 2011 , incluant 3749 agressions sexuelles (6 % de toutes les infractions contre la personne enregistrées au cours de l’ année 2011). Le taux d’ agressions sexuelles se chiffrait à 47 pour 100000 habitants au Québec (MSSSQ, 2011) et 63 pour 100 000 au Canada en 2011 (Statistique Canada, 2011).

Prévalence des femmes auteures d’agressions sexuelles (FAAS) 

Au Québec, 96 % des infractions sexuelles enregistrées en 20 Il ont été commises par des hommes, dont les trois-quarts étaient adultes. Ainsi, seulement 4 % des responsables des crimes sexuels enregistrés au Québec sont des femmes. Ceci correspond exactement aux estimés que l’on fait généralement de la prévalence des femmes parmi les responsables d’agressions sexuelles, soit de 4 à 5 % (Cortoni & Hanson, 2005; Cortoni et al., 2009; Saradjian, 2010)

Cependant, ces estimés concernent l’ ensemble des agressions sexuelles, tous types confondus (solitaire ou en groupe, en contexte criminalisé ou non, envers des enfants, des adolescents ou des adultes, intra- et extrafamilial). Étant donné que les FAAS s’en prennent beaucoup plus souvent à des enfants qu’à des adultes, leur proportion devrait significativement augmenter parmi les agressions sexuelles d’enfants. En outre, ces rapports sont basés sur des données officielles et quelques sondages donnant des résultats hétérogènes. Or, il est connu que les rapports officiels génèrent nécessairement des taux inférieurs à la réalité (seuls les crimes connus peuvent être compilés), mais ce biais est plus particulièrement prononcé pour les FAAS. Notamment, les actes commis par les femmes ont plus de chances d’ être incestueux (Miccio-Fonseca, 2000; Rudin, Zalewski, & Bodmer-Turner, 1995; Turner, Miller, & Henderson, 2008) et les enfants ont généralement moins tendance à inculper leurs parents. De plus, ces gestes sont souvent commis dans le cadre de la dispense de soins (changement de couches, prise de bain, etc.), ce qui les fait souvent passer inaperçus (Lewis & Stanley, 2000). il est également connu que les corps policiers, les différents intervenants, et la société en général ont davantage tendance à nier l’existence des crimes sexuels commis par les femmes, ce qui fait qu’ ils ont tendance à les banaliser (Ford, 2006; Saradjian & Hanks, 1996). Ces crimes sexuels sont donc moins souvent rapportés ou punis. En outre, chez les garçons, plusieurs victimes d’agressions sexuelles par une femme ne rapportent pas ce type de gestes, entre autres par crainte d’être ridiculisés (Saradjian & Hanks, 1996).

Quant aux sondages effectués auprès de la population générale, ils fournissent de bien meilleurs indicateurs que les données officielles, mais il est souhaitable de distinguer ceux qui portent spécifiquement sur la victimisation juvénile et de considérer séparément les garçons et les filles. Par exemple, lorsqu’on demande à des adultes de la population générale américaine s’ ils ont déjà été victimes d’ attouchement ou d’abus sexuels durant leur enfance (moins de 18 ans), c’est 10 à 15 % des hommes et environ 25 % des femmes qui répondent par l’affirmative (Dube et al., 2005; Finkelhor, 1994). Au niveau mondial, 8 % des hommes et 20 % des femmes rapportent avoir été sexuellement abusés au moins une fois durant leur enfance (Pereda, Guilera, Foms, & Gamez-Benito, 2009). Et si la majorité des agressions sexuelles, incluant celles commises envers les enfants, est effectivement le fait d’hommes ou de couples, environ 20 % des garçons et 5 % des filles abusés sexuellement rapportent que l’abuseur était une femme seule (Dube et al., 2005; Finkelhor & Hotaling, 1984). La question n’est donc plus à savoir si l’ampleur du phénomène mérite de s’ y attarder, mais bien pourquoi il existe.

Facteurs relatifs aux F AAS 

À l’ intérieur de cette section, il sera d’abord question des facteurs développementaux, psychologiques, sociaux et démographiques associés aux agressions sexuelles commises par des femmes. Les motifs expliquant l’agression sexuelle seront ensuite présentés pour terminer avec une description des victimes des F AAS.

Facteurs développementaux 

Durant leur enfance, plusieurs FAAS rapportent avoir vécu des expériences d’abus sexuel, émotionnel ou physique (Wijkman, Bijleveld, & Hendricks, 2010). D’abord, une importante proportion de F AAS rapportent avoir été agressées sexuellement durant leur enfance (Kaplan & Green, 1995; Lewis & Stanley, 2000; Miccio-Fonseca, 2000; Wijkman et al., 2010). Lorsqu’elles sont comparées aux hommes auteurs d’agressions sexuelles (HAAS), aux femmes contrevenantes (Miccio-Fonseca, 2000) et aux femmes incarcérées (Christopher, Lutz-Zois, & Reinhardt, 2007; Green & Kaplan, 1994; Kaplan & Green, 1995), les F AAS sont celles qui rapportent le plus avoir vécu une situation d’abus sexuel. Ces abus sexuels seraient également plus sévères et plus fréquents que ceux vécus par les HAAS (Miccio-Fonseca, 2000) et plus sévères que ceux vécus par des femmes qui n’ont pas commis des agressions sexuelles (Kaplan & Green, 1995). Outre des abus de nature sexuelle, les F AAS rapportent davantage avoir été victimes d’abus émotionnels et physiques (Gannon, Rose, & Ward, 2008; Grayston & De Luca, 1999) ou de négligence (Strickland, 2008) que d’autres femmes, criminelles ou non. De fait, les femmes ayant commis un crime non sexuel perçoivent leur famille comme négligente, alors que les F AAS percevraient leur famille comme abusive (Green & Kaplan, 1994). Pour ce qui est des caractéristiques des abus sexuels subis par les FAAS durant leur enfance, il semble que la durée constitue un facteur prédisant la possibilité de commettre plus tard une agression sexuelle chez la femme (Christopher et al., 2007). De même, la durée de l’ abus, sexuels ou non, à l’ enfance est intimement liée à l’apparition de troubles mentaux (section suivante) et de troubles neuropsychologiques.

Facteurs psychologiques 

La majorité des F AAS présenterait des problèmes de santé mentale (Kaplan & Green, 1995; Lewis & Stanley, 2000; Roe-Sepowitz & Krysik, 2008) qui seraient considérés sévères (Johansson-Love & Fremouw, 2006). La prévalence des troubles de la personnalité serait d’ ailleurs élevée chez les FAAS (Wijkman et al., 2010). Le trouble de la personnalité limite (Green & Kaplan, 1994; Lewis & Stanley, 2000; Vandiver & Walker, 2002) et le trouble de personnalité évitant (Green & Kaplan, 1994) seraient prédominants. Les troubles de la personnalité dépendante (Wijkman et al., 2010) et histrionique (Grayston & De Luca, 1999) seraient également présents dans la population des F AAS. Pour ce qui est des autres psychopathologies, le syndrome de stress posttraumatique (SSPT) est parfois diagnostiqué chez ces femmes suite aux graves expériences d’ abus vécus durant leur enfance (Grayston & De Luca, 1999). Des troubles de l’ humeur sont aussi diagnostiqués chez ces femmes (Green & Kaplan, 1994), comme la dépression (Kaplan & Green 1995; Lewis & Stanley, 2000; Vandiver & Walker, 2002). Les F AAS sont sujettes aux tentatives de suicide (Miccio-Fonseca, 2000) et à l’ abus de substances (Christopher et al., 2007; Johansson-Love & Fremouw, 2006; Kaplan & Green, 1995). Notons que la validité des diagnostics de troubles mentaux auprès des FAAS varie substantiellement d’ une étude à l’ autre, si bien que les comparaisons de prévalences avec des femmes criminelles non sexuelles varient également (Gannon et al., 2008). Finalement, plusieurs F AAS présenteraient un fonctionnement intellectuel limite ou une déficience intellectuelle (Falier, 1995; Lewis & Stanley, 2000) .

Toutefois, le seul fait de présenter une psychopathologie n’explique pas que certaines femmes commettent des agressions sexuelles. La majorité des femmes présentant un SSPT, par exemple, ne sont pas des FAAS et toutes les FAAS ne souffrent pas de SSPT. Selon Green et Kaplan (1994), ce serait l’ interaction entre les psychopathologies et certains facteurs de risque qui serait déterminante (comme les expériences d’abus sexuels et physiques, la sexualité débridée, une faible estime de soi et un besoin de contrôle)

En résumé, plusieurs F AAS rapportent avoir subi des abus sexuels, émotionnels ou physiques, mais ces expériences ne sont ni caractéristiques des F AAS ni suffisantes pour expliquer la commission d’agressions sexuelles.

Facteurs sociaux 

Bien que les F AAS représentent une population hétérogène, elles présentent, en tant que groupe, des particularités interpersonnelles et familiales communes.

Relations interpersonnelles. Les FAAS ont souvent une faible estime d’ellesmêmes (Saradjian & Hanks, 1996). Elles se sentent donc inférieures lors de contacts sexuels et sociaux (Strickland, 2008). Dans plusieurs cas, elles n’auraient pas véritablement d’ amis proches et chercheraient à se faire accepter à tout prix (Matthews, 1993). Elles seraient limitées au niveau de leurs habiletés interpersonnelles et présenteraient des déficits dans leurs capacités à comprendre les autres, ainsi que sur les plans de l’ intimité, de l’empathie, ainsi qu’au niveau de leurs capacités personnelles et de l’affirmation de soi. Ces limites sont associées à des difficultés importantes au plan des responsabilités et des engagements (Lawson, 2008). Les besoins personnels et physiques sont également plus difficiles à combler dans ces conditions (Lawson, 2008), de même que le choix d’un partenaire intime adéquat (Strickland, 2008). D’ailleurs, plusieurs FAAS agissent sous l’ influence d’ un conjoint déviant ou n’interviennent pas pour arrêter une situation d’abus perpétrée par leur conjoint alors qu’elles en sont informées. Certaines, à travers cette interaction avec leur partenaire d’abus sexuel, en viennent parfois à croire qu’elles doivent abuser sexuellement une tierce personne pour être intimes avec lui et lui plaire (Gannon et al., 2008) .

Structure et relations familiales. Certaines F AAS rapportent provenir d’une structure familiale instable en raison, par exemple, d’un abandon par un parent ou d’une séparation (Tardif, Auclair, Jacob, & Carpentier, 2005). Des données en apparence contradictoires peuvent ressortir selon les échantillons, une majorité de F AAS provenant par exemple de cellules familiales intactes (mais nocives; Wijkman et al., 2010).

Conclusion

Le but principal de cet essai était d’effectuer un relevé de la documentation disponible sur les F AAS pour ensuite proposer un portrait des connaissances actuelles, puis d’émettre des hypothèses pour les études futures.

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Table des matières

Introduction 
Contexte théorique 
L’agression sexuelle
Définition de l’agression sexuelle
Prévalence de l’agression sexuelle
Prévalence des femmes auteures d’agressions sexuelles (FAAS)
Facteurs relatifs aux F AAS
Facteurs développementaux
Facteurs psychologiques
Facteurs sociaux
Relations interpersonnelles
Structure et relations familiales
Facteurs démographiques
Motifs de l’agression sexuelle
Description des victimes des F AAS
Un portrait type de la F AAS
La typologie de Mathews, Matthews et Speltz (1989)
La typologie de Vandiver et Kercher (2004)
Typologie de Sandler et Freeman (2007)
La typologie de Wijkman, Bijleved et Hendricks (2010)
Synthèse des typologies quantitatives
Les typologies qualitatives
Propositions et hypothèses
La dimension « préférence sexuelle »
Les dimensions « cognition sociale» et « fonctionnement cognitif»
La dimension « santé mentale»
Conclusion

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