Le concept du développement durable
Ce mémoire porte sur le thème du développement durable. Cette thématique, en plus d’être d’actualité, soulève des problématiques qui sont selon nous fortes et qui prennent sens dans l’enseignement. Les instructions officielles du Ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports incluent ce thème depuis plusieurs années pour y accorder une place particulière.
Origines et évolution du développement durable
Le terme de « développement durable » a des origines remontant au XVIIIe siècle, notamment par le biais des réflexions devancières de l’économiste britannique Thomas R. Malthus, qui montrait alors l’insuffisance des ressources terrestres pour sustenter la population. Selon Jégou (2007), ce terme ne refait surface qu’à l’aube des années 1970. En effet, l’allemand Ernst Haeckel créé la discipline scientifique « écologie », qui évolue par la suite à des fins politiques et idéologiques. Un an plus tard, en 1971, le ministère de l’environnement est créé en France. Le rapport Meadows – autrement nommé Les Limites à la croissance – est publié en 1972 et procède à une modélisation informatique à partir de différents paramètres : l’industrialisation, la population, la production alimentaire, la pollution et l’utilisation de ressources non renouvelables. Ce modèle résulte en une croissance démographique grandissante, provoquant pollution et surconsommation (Jégou, 2007). Dans une dynamique semblable, le rapport Brundtland de 1987 – également appelé Notre avenir à tous – introduit le terme de « développement durable », reposant sur deux aspects fondamentaux : l’environnement et développement, ainsi que l’impact sur les générations présentes et futures (Leleu-Galland et Meylan, 2020). Ce rapport servira de fondement pour le Sommet de la Terre de Rio en 1992, qui consolide l’importance du développement durable.
Lange (2020), s’appuyant sur le concept de Crutzen , parle désormais d’un changement d’époque géologique : de l’Holocène, nous serions passés à ’Anthropocène. Cette nouvelle ère, marquant plusieurs ruptures, fait débat dans la communauté scientifique et caractérise l’impact irréversible de l’activité humaine sur la planète Terre, « dont la question climatique et celle de la biodiversité en seraient les manifestations les plus prégnantes » (ibid, p.190). Dans le champ de l’éducation et de l’enseignement, Lange décrit tout d’abord une rupture qualifiée de complexe car une multitude de rapports émergent entre les champs disciplinaires, ce qui complexifie son enseignement. D’autre part, cet auteur pointe l’incertitude des savoirs à transmettre, qui ne sont plus stabilisés. Enfin, l’influence grandissante des industries et des lobbies peut impacter certaines études scientifiques, et ainsi indirectement les savoirs scolaires à transmettre.
Au sein de l’Education Nationale
En lien avec le domaine de l’enseignement, le thème de l’environnement est généralisé à l’ensemble des élèves dans les années 2000 en France, où l’expression « éducation à l’environnement » s’étend. Selon Matagne, cette éducation à l’environnement renferme des débats théoriques et pédagogiques, des expérimentations ainsi qu’une accumulation de savoirs (2013, p. 4). L’année 2004 marque la création de la Charte de l’environnement, qui attribue à la protection de l’environnement des droits et des devoirs. Une première circulaire de 2004 mène, selon Orange Ravachol (2014) à une multitude d’appuis dans et entre les disciplines. La deuxième phase de généralisation de l’éducation au développement durable, via la circulaire du 5 avril 2007, dégage quatre volets principaux : environnemental, économique, social et culturel. A l’école, on parle alors d’« éducation à » (la santé, l’environnement, la sexualité, aux médias et à l’information, la sécurité, parmi d’autres). Englobées dans les « éducations à » se trouvent les questions socialement vives (ou QSV), qui relèvent des controverses dans le monde de la recherche, mais également au sein même d’une société. Selon Simonneaux et Le gardez (2011, p.15), « les questions socialement vives sont un champ de recherche émergent qui vise à prendre en compte ces nouvelles relations en gestation entre la société et son école ». Ainsi, l’éducation au développement durable – contrairement à l’éducation à l’environnement – comporterait une dimension économique et sociale, rendant possible une approche interdisciplinaire (Simonneaux et Legardez, p. 23).
Au sein du Ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, la circulaire du 27 août 2019 concerne la nouvelle phase de généralisation de l’éducation au développement durable. Elle annonce la mise en place d’un plan d’actions autour de huit axes et invite les écoles et les établissements du secondaire à perpétuer des activités en faveur de la protection de l’environnement. Les actions mises en œuvre doivent être concrètes et doivent favoriser l’implication des élèves, tout en restant en lien avec les municipalités : cela peut être l’occasion d’installer des hôtels à insectes, par exemple. Cette circulaire fait également référence au tri des déchets qui doit être systématisé auprès des élèves pour les sensibiliser.
Le renforcement de l’éducation au développement durable est détaillé dans la circulaire de septembre 2020, en lien avec l’Agenda 2030 . Ce texte justifie la nécessité de modifier les programmes scolaires à la rentrée 2020 pour lier davantage les enseignements traditionnels à l’éducation du développement durable et pour développer cette transdisciplinarité. A ce jour, l’éducation au développement durable est largement mentionnée dans les programmes scolaires, et ses enjeux sont vastes et multiples. Pour illustrer cette urgence, Jean-Marc Lange (2020, p.189) écrit : « Le monde des humains se trouve confronté à l’accélération du temps de la nature ». Il semble alors primordial de se pencher sur son enseignement dès l’école primaire, d’autant plus que son aspect interdisciplinaire permet de l’aborder à partir de multiples disciplines : français, éducation civique et morale, géographie, sciences et technologie, mathématiques, enseignement physique et sportif. Comme l’écrit Cournil (2020, p.364), il semble essentiel pour les établissements publics, comme pour les collectivités territoriales ou encore les organisations privées, de s’interroger sur une sensibilisation et de basculer vers une prise de conscience forte des élèves.
Le concept des déchets
Généralités sur le développement durable
Comme le dit Audigier, « le caractère politique du développement durable, et par là de l’EDD, place directement celle-ci dans la perspective de la formation du citoyen » (2011, p.47). Cette éducation est donc incluse dans le parcours citoyen de chaque élève. C’est une mission confiée à l’école qui débute dès la scolarisation des enfants, comme le défend Doussot en expliquant que cette éducation au développement durable est au primaire surtout liée aux problématiques de gestion de l’eau et de déchets (2014, p.2). Il reste nécessaire de gravir les marches de l’éducation au développement durable de manière graduelle, pour que les concepts abordés soient en adéquation avec l’âge des enfants. Doussot (2013, p.90) parle également de la mission de l’école qu’est l’éducation : dans l’éducation au développement durable, il traduit cela par une « éducation au choix […] pour apprendre à agir sur le monde ». Le rôle de l’enseignant est donc de développer l’esprit critique des élèves et également de les éduquer au choix. Orange Ravachol (2014) défend en ce sens l’importance de la problématisation, car de multiples enjeux sont mobilisés sur la question du développement durable : des enjeux actuels mais également futurs. Les élèves doivent donc être amenés à se questionner et à rechercher des réponses aux problèmes posés devant être scientifiquement acceptables, tout en considérant leurs dimensions politique et éthique.
Ainsi, notre objet de recherche va concerner les déchets et les composantes suivantes : le recyclage, le compostage et la réutilisation des déchets. Effectivement, cet objet de recherche fait partie intégrante de l’Agenda 2030 de l’ONU et de ses 17 objectifs. Parmi ces 17 objectifs se trouve l’objectif 12 intitulé « Consommation et production responsables », qui traite notamment du gaspillage alimentaire et de réduction des déchets. En maternelle, c’est alors l’occasion de sensibiliser les élèves aux déchets et de se questionner sur la réutilisation de ces derniers, d’autant plus dans le contexte actuel de production de masse et de société de consommation. L’enjeu ici est d’éveiller la conscience des élèves et de faire émerger certaines réflexions liées aux déchets face à des constats qui s’imposent à nous et que l’on rencontre dans nos vies quotidiennes : des déchets restant au sol, l’émergence d’un continent en plastique au milieu du Pacifique, des décharges sauvages… Autant d’éléments concernant les déchets que les élèves sont amenés à voir au quotidien et qui constituent une réelle problématique, à la fois territoriale et internationale.
Néanmoins, comment, avec de jeunes enfants, dépasser cette conception du développement durable qui ne se résumerait qu’à des gestes éco-citoyens ? Comment développer chez les élèves de réelles compétences citoyennes pour les familiariser avec les enjeux mondiaux impliqués dans le développement durable ? Au sein même des compétences citoyennes, Audigier (2011, p.50 51) détache des compétences cognitives et les décrit comme relatives aux savoirs. Ces savoirs sont indispensables à mobiliser pour former pleinement un citoyen, car c’est à partir des savoirs qu’un individu pourra prendre une décision et émettre un avis critique selon le contexte étudié. S’ajoutent aux compétences citoyennes des compétences éthiques. Ces dernières rappellent les droits et les devoirs applicables à chacun d’entre nous ; ce sont des compétences essentielles à enseigner à de jeunes enfants. Enfin, des compétences sociales sont mises en avant et concernent directement le vivre ensemble. Ce vivre ensemble est inculqué dès la préscolarisation des élèves, mais il reste nécessaire de poursuivre cet enseignement et de l’alimenter pour pouvoir, in fine, mener les élèves à de réelles compétences citoyennes. Toujours selon Audigier (2011, p.51) : « construire la finalité citoyenne de l’EDD […] interdit de réduire ce projet uniquement à l’enseignement de comportements normatifs, si raisonnés qu’ils soient ».
Définitions
Avant de poursuivre cette recherche, il semble essentiel de définir en amont les termes qui vont être utilisés. D’une part pour être au clair dans nos propres connaissances ; d’autre part pour être également au point face aux élèves afin d’utiliser des termes appropriés.
Tout d’abord, il semble pertinent de définir ce qu’est un déchet, car c’est indéniablement une définition qui ressortira auprès des élèves. Selon l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (A.D.E.M.E.), appelée aussi l’Agence de la transition écologique : « un déchet correspond à tout matériau, substance ou produit qui a été jeté ou abandonné car il n’a plus d’utilisation précise ». Auprès des élèves, un déchet peut être défini comme un objet dont on ne veut pas.
La définition du recyclage peut être la suivante, selon le dictionnaire Larousse : « ensemble de techniques ayant pour objectif de récupérer des déchets et de les réintroduire dans le cycle de production dont ils sont issus » . En outre, Orange Ravachol (2014, p.7) distingue le recyclage de la réutilisation d’un déchet. Elle décrit le recyclage comme une modification de l’objet initial par réintroduction dans le cycle de production. Le nouvel objet peut donc être identique au premier par transformation, ou bien encore constituer un objet différent. Le recyclage est une notion concrète, qui concerne directement les élèves puisqu’ils sont confrontés chaque jour au tri de leurs déchets, que ce soit à l’école, chez eux ou encore dans la rue.
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Table des matières
Introduction
Questionnement
Partie théorique
1. Le concept du développement durable
a) Origines et évolution du développement durable
b) Au sein de l’Education Nationale
2. Le concept des déchets
a) Généralités sur le développement durable
b) Définitions
3. Le concept des conceptions initiales
Cadre méthodologique
1. Rappel de la question de recherche et hypothèse
2. Présentation de l’école
3. Présentation de la classe
4. Présentation du recueil de données
a) Lien aux programmes scolaires
b) Cadrage de la séquence
i. Le recueil des conceptions initiales des élèves – séance 1
ii. La réduction des déchets – le compostage, séance 2
iii. La réutilisation des déchets – le défi, séance 3
iv. Le tri des déchets – les poubelles de tri, séance 4
v. Le recueil des conceptions finales des élèves – séance 5
Analyses des données et résultats
1. Présentation de l’analyse
2. Analyses
a) Le recueil des conceptions initiales des élèves – séance n°1
i. La réduction des déchets
ii. La réutilisation des déchets
iii. Le tri des déchets
iv. La confusion entre le recyclage et la réutilisation des déchets
v. Les autres interventions
vi. Les remarques sur la pollution
vii. Les interventions lors de la première séance
b) Recueil final des conceptions des élèves – séance finale
i. La réduction des déchets
ii. La réutilisation des déchets
iii. Le tri des déchets
iv. Les autres interventions
v. Les interventions lors de la séance finale
Discussion des résultats
1. Les résultats
a) Présentation des principaux résultats
b) Les concordances et les discordances dans les résultats
c) L’inattendu dans les résultats
2. Retour sur l’hypothèse
3. Les limites soulevées
Conclusion
Bibliographie
Annexes
