Les paragangliomes sont des tumeurs rares en règle générale bénignes, d’origine neuroendocrinienne: ils dérivent des paraganglions, amas de cellules neuroendocrines disséminés dans l’ensemble de l’organisme. Les formes cervicales les plus classiques concernent les sites carotidiens et vagaux. Le diagnostic est relativement aisé tant sur le plan clinique que paraclinique. Tout le problème est de l’évoquer de façon systématique devant une tuméfaction latérocervicale isolée chez un sujet d’âge moyen. La forme tympano-jugulaire présente la tumeur la plus fréquente de l’oreille moyenne mais également de l’os temporale. Les termes de paragangliome non chromaffine, chémodectome et tumeur glomique sont synonymes dans la littérature. Il s’agit d’appellations utilisées en fonction d’interprétations changeantes et qui ont été pérennisées en dehors de bases scientifiques. Actuellement, seul le terme de paragangliome est validé par l’ensemble des histologistes. La nomenclature utilise le terme de paragangliome suivi de sa localisation: paragangliome carotidien, paragangliome vagal, paragangliome tympano-jugulaire. Les paragangliomes de la tête et du cou ont une origine embryologique et une identité histopathologique commune. Le caractère vasculaire, la notion de formes familiales et multifocales, les moyens d’exploration par l’imagerie, l’approche thérapeutique peuvent autoriser une étude globale de ces tumeurs, dont la topographie s’étale depuis la base du crâne jusqu’à la crosse aortique.
ORIGINE EMBRYOLOGIQUE DES PARAGANGLIOMES
La neurulation
La neurulation est l’étape embryonnaire au cours de laquelle les futures structures faciales s’individualisent. Le stade qui prélude à cette transformation aboutit à la mise en place des trois feuillets embryonnaires:
● l’ectoblaste, destiné à la formation du système nerveux central, du revêtement cutané et du mésenchyme cervico-céphalique.
● le chordo-mésoblaste, ébauche de l’ensemble du squelette, des muscles, du Système cardio-vasculaire, des reins et du conjonctif.
● l’endoblaste, ébauche de l’ensemble du tube digestif et de l’arbre respiratoire.
➤ La plaque neurale
Vers le 21è jour, le chordo-mésoblaste induit l’ectoblaste sus-jacent à devenir un tissu neuroblastique ou neuroectoblastique présomptif, déterminé à former la plaque neurale.
➤ La gouttière neurale
Vers le 25è jour, la plaque neurale se déforme par modifications cytosquelettiques des éléments cellulaires, aboutissant à deux reliefs paramédians droit et gauche, préludant à la formation de la gouttière neurale.
➤ Le tube neural
Au cours de la troisième semaine, les bourrelets neuraux se rencontrent et fusionnent dans la future région rhombencéphalique, et progressent en avant et en arrière pour développer le tube neural.
➤ Ségrégation des lignées cellulaires
L’accolement des bourrelets neuraux par contacts jonctionnels, a pour Conséquence la ségrégation des trois futures lignées cellulaires du neurectoblaste, qui correspondent aux futures cellules entrant dans la constitution du pôle céphalique:
-les neuroblastes du tube neural (futures cellules neuronales et gliales du système nerveux central)
● les cellules de l’ectoderme qui fournissent les placodes épiblastiques à l’origine des ganglions sensoriels et l’épiblaste céphalique, futur épiderme.
● les cellules des crêtes neurales, à proximité de l’accolement des bourrelets neuraux.
Les crêtes neurales
Les crêtes neurales forment le relief des bourrelets neuraux, lors du stade de la gouttière neurale. Constituées de cellules de l’ectoblaste primaire, cette région de plicature siège entre le tube neural présomptif en dedans et l’épiblaste présomptif en dehors. Lorsque la fusion des bourrelets neuraux s’effectue, les cellules ectoblastiques jointives perdent leur statut épithélial stationnaire qui devient mobile et mésenchymateux. Ce phénomène encore mal élucidé, est pourtant la clé de voûte de ce groupe cellulaire transitoire appelé crêtes neurales. Il convient d’emblée de distinguer les cellules des crêtes neurales céphaliques (CNC), de celles du niveau troncal (CNT).
Migration des crêtes neurales
Après leur individualisation, les cellules des C.N.C. forment deux colonnes bilatérales et symétriques sous l’épiblaste de couverture de l’embryon et audessus du tube neural. Elles vont migrer, et perdre leur compétence de cellules épithéliales jointives et stationnaires pour devenir des cellules de type mésenchymateux. Deux courants de migration sont discernables :
● un courant antérieur ophtalmo-frontal en direction du cerveau antérieur.
● un courant branchial cervico-facial de direction également ventral.
Au cours de leur migration, les cellules des C.N.C., se divisent activement et sont responsables du bourgeonnement des ébauches de la face et des arcs branchiaux.
Arrivées sur le site final de leur migration, ces cellules se différencient en phénotype variés grâces à des signaux locaux issus de l’environnement de chaque type de cellule.
Ce sont les travaux de Le Douarin et les récentes expérimentations immunocytogénétiques qui ont conclu que la majorité des cellules endocrines dérivaient du neurectoderme à l’exception des cellules intestinales, faisant apparaître le concept de système neuroendocrinien diffus .
Rappel anatomique
Les paragangliomes latérocervicaux se développent initialement dans la gouttière jugulo-carotidienne et les espaces parapharyngés. Ils s’étendent ensuite vers la base du crâne en haut en traversant les espaces sous-parotidiens postérieurs et rétrostyliens. Ces zones riches en éléments vasculo-nerveux expliquent d’une part la présentation clinique des tumeurs latérocervicales mais aussi les risques et séquelles attendus ou éventuels de leur exérèse.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I.GENERALITES
I.1. Historique
II. ORIGINE EMBRYOLOGIQUE DES PARAGANGLIOMES
II.1. La neurulation
II.2. Les crêtes neurales
II.3.Migration des crêtes neurales
III. Rappel anatomique
III.1. Les paraganglions
III.2.Classification et localisation
III.2.1.les paraganglions carotidiens
III.2.2.Les paraganglions vagaux
III.2.3.Les paraganglions de l’os temporal
III.3.Rappel physiologique
III.4. Rappel histologique et anatomopathologique
III.4.1. Organisation structurale
III.4.2. Caracterisation histochimique
III.4.3. Principales anomalies histologiques du paragangliome
VI. ASPECT GENETIQUE
V. CLINIQUE
V.1. Circonstances de découverte
V.1.1. Découverte fortuite
V.1.2. signes cliniques
V.1.3. Complications
VI.2. Examen physique
VI.2.1. Examen général
VI.2.2. Inspection
VI.2.3. Palpation
VI.2.4. Auscultation
VI. PARACLINIQUE
VI.1. Les examens biologiques
VI.2. Les examens d’imagerie médicale
VI.2.1. Méthodes d’exploration
VI.2.1.1. Échographie
VI.2.1.2. TDM et angio-TDM
VI.2.1.3. IRM et angio-IRM
VI.2.1.4. L’artériographie
VI.2.2.1. Localisation et extension
VI.2.2.2. Localisation carotidienne
VI.2.2.2. Localisation vagale
VI.2.2.3. Localisation temporale
VI.2.2.3. Localisations multiples
VI.2.3. Formes malignes
VII. Etiologies
VIII. TRAITEMENT
VIII.1.Buts
VIII.2. Moyens
VIII.2.1. Médicaux
VIII.2.1.1. L’embolisation préopératoire
IX.2.1.2. La radiothérapie
IX.2.1.3. La chimiothérapie
IX.2.1.4. Chirurgicaux
IX.3. Indications
IX.3.1. Paragangliomes carotidiens
IX.3.2. Paragangliomes du vague
IX.3.3. Paragangliomes tympano-jugulaires
IX.3.4. Formes bilatérales
DEUXIEME PARTIE
I. PATIENTS ET METHODES
I.1. Cadre d’étude
I.2. Type d’étude
I.3. Population cible
I.3.1. Critères d’inclusion
1.3.2. Critères de non inclusion
I.4. Méthode de recueil des données
I.5. Présentation des cas
DISCUSSION
I. DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
I.1. Fréquence
I.2.Sexe
I.3. Age
II. DONNES CLINIQUES
II.1. Mode de découverte
II.2. Durée d’évolution et délai de consultation
II.3. Signes fonctionnels
II.4.Signes généraux
II.5.Signes physiques
III. DONNES PARACLINIQUES
III.1. Biologique
III.2. Topographique
IV. DONNEES ANATOMO-PATHOLOGIQUES
IV.1. Histopathologie
IV.2. Malignité
V. DONNEES THERAPEUTIQUES
V.1.Traitement chirurgical
V.2. Complications du traitement
V.2.1. Complications per opératoires
V.2.2. Complications post-opératoires
V.2.3. Séquelles nerveuses
V.3. Mortalité
V.4. Récidives
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES
