ETUDE SUR LE DEVENIR DES PREMIERS PATIENTS-ELEVES HOSPITALISES
Population de l’étude
Tous les patients sortis d’hospitalisation entre le 01/10/2012 (date d’ouverture du centre Pierre Daguet) et le 31/08/2014 ont été inclus dans notre étude, sauf en présence de critère de non inclusion. Ces questionnaires ont permis d’évaluer l’évolution des patients sur le plan médical/psychique, scolaire/professionnel, social et familial au cours de l’hospitalisation soins-études et depuis leur sortie. Ces questionnaires ont été élaborés en collaboration avec Marjory Flais, puisque nos travaux de thèses ont été réalisés dans la continuité l’un de l’autre. M. Flais s’est intéressée aux caractéristiques et à l’évolution des patients-élèves au cours d’une hospitalisation soins-études au centre Pierre Daguet. Afin d’évaluer l’évolution des patients au cours de l’hospitalisation et depuis leur sortie, nous avons utilisé l’échelle d’Evaluation Globale du Fonctionnement (EGF, ou GAF en anglais, pour Global Assessment of Functioning), figurant en annexe [D].
Cette échelle permet d’évaluer le fonctionnement psychologique, social et scolaire/professionnel sur un continuum hypothétique allant de la santé mentale à la maladie. Il s’agit d’une échelle allant de 1 à 100 et comportant dix niveaux. Le niveau le plus bas se situe entre 1 et 10 et correspond à un « danger persistant d’auto ou d’hétéro-agression grave ou incapacité durable à maintenir une hygiène corporelle minimale ou geste suicidaire avec attente précise de la mort ». Le niveau le plus haut est compris entre 91 et 100 et correspond à un : « niveau supérieur de fonctionnement dans une grande variété d’activités. N’est jamais débordé par les problèmes rencontrés. Est recherché par autrui en raison de ses nombreuses qualités. Absence de symptômes ».
Nous avons coté l’EGF de manière rétrospective à l’admission, en nous référant au courrier du psychiatre adresseur et aux observations médicales de préadmission et d’admission, ainsi qu’à la sortie, en nous appuyant sur le compte-rendu d’hospitalisation et sur les observations médicales des dernières semaines d’hospitalisation. Enfin, nous avons établi l’EGF de manière prospective à l’aide des questionnaires remplis avec les patients, les parents et les psychiatres. Nous avons considéré qu’un patient était amélioré si son EGF augmentait de niveau, et qu’il était non amélioré si son EGF restait dans le même niveau ou passait dans un niveau inférieur.
Echanges autour de l’hospitalisation soins-études
Outre l’étude du devenir des patients depuis leur sortie du centre, ce travail nous a permis de revenir avec eux, ainsi qu’avec leurs parents, sur l’hospitalisation. Celle-ci, plus ou moins lointaine, était parfois difficile à se remémorer pour les patients et les familles, se situant dans une période compliquée que certains préféreraient oublier. Néanmoins, au fil des entretiens, tous ont pu revenir sur « l’avant-hospitalisation », l’hospitalisation, et « l’aprèshospitalisation ». Plusieurs patients et parents qualifiaient cette hospitalisation de « tremplin », d’« étape de réhabilitation », ou encore d’« interface » entre une hospitalisation « classique » et la reprise d’études à l’extérieur. Ces échanges nous ont également permis de recueillir leurs avis, ainsi que l’avis des psychiatres, concernant les prises en charges proposées au centre Pierre Daguet. Les avis divergeaient quant aux rencontres avec les parents, certains auraient souhaité davantage d’entretiens familiaux, d’autres étaient satisfaits de la fréquence des rendez-vous. Une patiente proposait d’intégrer la fratrie aux entretiens familiaux. Un parent évoquait l’idée d’un groupe de parole destiné aux parents des patients hospitalisés. Les patients sont revenus sur la vie au sein de l’institution ; la plupart d’entre eux mettaient en avant le fait que cette hospitalisation leur avait permis de renouer des liens sociaux avec des jeunes de leur âge. Ils pointaient aussi « l’encadrement important » au sein de l’établissement : « c’était un cocon », « ce n’était pas la vraie vie » disaient-ils, évoquant alors leurs difficultés éprouvées à leur sortie.
La majorité des patients et des familles décrivaient en effet la sortie comme « difficile », et « à améliorer ». Pour cela, il leur semblait important de travailler le projet de sortie plus tôt au cours de l’hospitalisation. Sur le plan médical, il y avait tout intérêt à maintenir le suivi avec le psychiatre référent extérieur durant l’hospitalisation soins-études selon eux, ou de préparer le relais bien en amont de la sortie. Certains auraient souhaité « des sorties progressives », « une sortie plus échelonnée », la possibilité de prise en charge en hôpital de jour associée à un hébergement autonome avant la sortie. Quelques-uns évoquaient l’idée d’un suivi ponctuel institué de manière systématique à la sortie, sous forme de consultations ou de contacts téléphoniques. Certains patients formulaient l’idée d’un groupe de parole regroupant des patients sortis d’hospitalisation quelques semaines ou mois après l’hospitalisation afin d’échanger autour de cette sortie. Une psychiatre conseillait de travailler davantage avec les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS) au moment de la sortie. Enfin, plusieurs patients et parents seraient favorables à l’instauration d’une réunion annuelle regroupant anciens et actuels patients-élèves, familles et équipes du centre soins-études.
Principaux résultats
L’objectif principal de notre travail était d’étudier le devenir des premiers patients-élèves ayant été hospitalisés au centre soins-études Pierre Daguet. L’objectif secondaire était de mettre en lien leur devenir avec leur parcours de soins et leur parcours scolaire, et rechercher des facteurs prédictifs de bonne évolution. Pour cela, nous avions choisi d’échanger avec les patients ainsi qu’avec leurs parents et psychiatres afin de croiser différents regards. Les entretiens ont été réalisés 9 à 29 mois après leur sortie d’hospitalisation selon les patients. Une période de recul minimale de 9 mois après la sortie nous paraissait nécessaire avant de s’intéresser à leur évolution sur le plan psychique. Cette durée minimale représentait également l’équivalent d’une année scolaire, ce qui nous semblait pertinent en termes de poursuite de projet d’études. Afin d’analyser l’évolution des patients, nous avions choisi de nous appuyer sur l’EGF pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’avérait important d’objectiver nos données à l’aide d’une échelle reconnue, et qui avait été utilisée dans de précédents travaux de la FSEF7,8,10,11. L’EGF était adaptée à l’âge de notre population. Compte-tenu du concept soins-études, nous trouvions particulièrement intéressant que cette échelle prenne en compte à la fois le fonctionnement psychologique, l’adaptation sociale et l’activité scolaire/professionnelle de l’individu. Enfin, du fait de sa stabilité inter-cotateur, l’EGF nous paraissait appropriée pour ce travail réalisé dans la continuité de celui de M. Flais .
Le devenir des patients a donc été objectivé grâce à l’EGF cotée de manière prospective, c’està- dire l’EGF qui correspond à l’état des patients au moment de nos appels téléphoniques. Trois groupes de patients se distinguent. Un premier groupe est constitué des 20 patients dont l’EGF est supérieure ou égale à 61 (48,8%), présentant tout au plus quelques symptômes légers. Ces patients sont pour la plupart autonomes, et ont un projet scolaire ou professionnel qui les satisfait et qui paraît cohérent aux yeux de leurs parents et psychiatres. Un deuxième groupe est formé des 8 patients avec une EGF comprise entre 51 et 60 (19,5%), équivalente à des symptômes d’intensité moyenne et des difficultés d’intensité moyenne dans le fonctionnement social, scolaire ou professionnel. Il s’agit de sujets dont la santé psychique est fragile. Tous ont un projet scolaire ou professionnel, même si certains parents et certains psychiatres s’interrogent sur leur capacité à pouvoir mener à terme ce projet.
Enfin, les 13 patients avec une EGF comprise entre 1 et 50 (31,7%), présentant des symptômes importants a minima, constituent le troisième groupe. Ces sujets présentent des troubles psychiatriques qui s’installent manifestement sur la durée, et qui nécessitent un étayage de soins important. Tous vivent chez leurs parents, et sont assez isolés. 7 n’ont aucun projet scolaire ou professionnel, et les projets sont très incertains voire inadaptés pour les autres. On retrouve souvent un déni des troubles, ou une acceptation difficile de la maladie de la part des patients et des familles. Pour ce qui est de l’évolution depuis leur sortie d’hospitalisation, 22 patients (53,7%) sont améliorés et 19 (46,3%) sont non améliorés. Il apparait que les patients améliorés ont une durée d’hospitalisation plus courte, et que les patients présentant des troubles du comportement alimentaire sont moins améliorés que les autres.
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Table des matières
Liste des abréviations
Plan
1.Introduction
2.Matériel et méthodes
2.1 Population de l’étude
2.2 Paramètres étudiés et outils utilisés
2.3 Déroulement de l’étude
2.4 Analyses statistiques
3.Résultats
3.1 Données générales
3.2 Données relatives à l’hospitalisation soins-études
3.2.1 Données sociodémographiques
3.2.2 Données cliniques
3.2.3 Données scolaires
3.2.4 Durée d’hospitalisation
3.2.5 Projets à la sortie d’hospitalisation
3.3 Données relatives au devenir des patients après leur sortie d’hospitalisation
3.3.1 Sur le plan scolaire et professionnel
3.3.1.1 Poursuite d’études ou de formation professionnelle
3.3.1.2 Activité professionnelle
3.3.2 Sur le plan psychique
3.3.3 Sur le plan social et familial
3.4 Evolution de l’EGF des patients au cours de l’hospitalisation soins-études et depuis leur sortie
3.5 Recherche de facteurs prédictifs de bonne évolution
3.6 Echanges autour de l’hospitalisation soins-études
4.Discussion
4.1 Principaux résultats
4.2 Biais et limites de notre étude
4.3 Analyse de nos résultats et comparaison aux données de la littérature
4.3.1 Caractéristiques sociodémographiques
4.3.2 Caractéristiques cliniques
4.3.3 Devenir des patients
4.3.3.1 Sur le plan scolaire et professionnel
4.3.3.2 Sur le plan social et familial
4.3.3.3 Sur le plan psychique
4.4 Facteurs prédictifs
4.5 La spécificité des prises en charge soins-études en psychiatrie
Conclusion
Références bibliographiques
Liste des figures
Liste des tableaux
Table des matières
Annexes
Annexe A : Questionnaire à l’attention du patient
Annexe B : Questionnaire à l’attention des parents
Annexe C : Questionnaire à l’attention du psychiatre référent actuel
Annexe D : Echelle d’évaluation globale du fonctionnement (EGF) – axe V du DSM-IVTR
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