De manière générale, le cinéma est pour moi un divertissement efficace, un moyen d’échapper à la réalité, mais aussi l’occasion de découvrir à travers l’image des peuples, des sociétés, des situations, des modes, des cultures – en quelque sorte : des mondes – différents. C’est pourquoi, au regard du thème principal retenu pour cette année universitaire de Master : l’Interculturalité, je me suis tournée vers un sujet touchant au septième art. Au moment d’affiner le thème et le titre de mon étude, la représentation des Noirs dans le cinéma états-unien s’est imposée à moi suite à plusieurs observations et interrogations personnelles.
Tout d’abord, force est de constater que le cinéma nord-américain occupe une grande place dans l’espace culturel français et donc antillais. La proximité géographique mais aussi historique s’ajoutant aux accords économiques conclus après la Seconde Guerre Mondiale , le cinéma hollywoodien s’impose en France (et aux Antilles françaises) et dans le monde comme le modèle de référence. Il en ressort que les artisans visibles (acteurs, réalisateurs, grands studios) de cette industrie nous sont plus familiers que ne le sont les locaux et nationaux. Un sondage basé sur le volontariat de proches ainsi que la publication des boxoffices dans la presse me permettent d’affirmer que les comédiens, réalisateurs et films américains arrivent en tête des favoris du public. Mais, ces mêmes données me montrent aussi que l’une des composantes du cinéma américain est peu ou mal connue : celle des Afro-Américains. La communauté noire américaine est pourtant représentée depuis plus de 100 ans maintenant sur grand écran et notamment à Hollywood, la capitale mondiale du cinéma. Et son image a connu de multiples bouleversements : partant de rôles d’esclaves aux qualités mais surtout aux défauts variés (La case de l’oncle, Naissance d’une nation, Autant en emporte le vent) et de sauvages africains (Tarzan) pour arriver à des interprétations d’hommes respectables, puissants ou extraordinaires (Blade, Ali, 2012, Invictus) voire de héros planétaires (Independence Day, MIB, I Am Legend).
L’étude de la représentation du Noir dans cette industrie s’avère donc être intéressante du fait que l’image projetée a subi d’importantes mutations à travers les productions d’hier à aujourd’hui et qu’une certaine méconnaissance, voire une ignorance ou une indifférence, demeure sur le sujet. Dans le passé, les réalités de la communauté noire m’ont souvent parues peu traitées ou éludées. La présence même d’un personnage de couleur noire à l’écran semblait problématique. En effet, dès les années 1990, j’ai pu constater que, dans de nombreux films catastrophes, policiers, d’horreur, d’aventure ou d’action, des personnages noirs d’importances diverses étaient (les premiers) sacrifiés plus ou moins rapidement et presque systématiquement (Rambo, Rocky 2, Robocop, Predator, Terminator 2, Jurassik Park, Scream 2, Peur bleue, Resident Evil…). Cela donnait l’impression que le personnage de couleur servait uniquement de chair à canon. Si bien qu’en voyant dans le casting de ce type de films des protagonistes noirs (hormis les rôles principaux), la conviction que ces derniers disparaîtraient avant le dénouement de l’histoire était acquise dès le début de la projection. Cette certitude était rarement démentie au final, laissant les personnages et héros blancs seuls survivants et vainqueurs des épreuves. Grâce à des rediffusions télévisées de productions plus anciennes, je me suis rendue compte que cette pratique était déjà répandue dans nombre de films bien avant les années 90.
Thématique
L’étude menée dans ce mémoire a pour sujet le Noir dans le cinéma américain. Les termes évoqués pouvant s’appliquer à divers domaines et notions, il convient d’apporter en premier lieu quelques précisions pour éviter toute association inappropriée qui fausserait la compréhension de mes propos.
– Le mot « américain(e) » désigne ici ce qui se rapporte aux États-Unis d’Amérique. Même si le terme est communément utilisé dans ce sens, il sert aussi à qualifier ce qui se rapporte au continent tout entier autrefois appelé Nouveau Monde (englobant l’Amérique du Nord, l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud et dans certains cas l’espace caribéen). Pour être claire : dans cette étude, le mot « américain(e) » sera uniquement considéré comme l’équivalent du terme « états-unien(ne) ».
– L’expression « cinéma américain » est essentiellement utilisée en tant que synonyme de l’industrie et des productions hollywoodiennes. C’est ce milieu que je privilégie quant à la participation et à l’image des Noirs dans le septième art états unien. Cependant, le circuit indépendant sera également examiné.
– Le mot « Noir(e) » qualifie quant à lui exclusivement, sauf mention contraire, les hommes et les femmes de couleur noire, essentiellement les Afro-Américains. Il n’est donc pas question du genre cinématographique « Film noir » quand l’adjectif noir est associé à des termes tels que cinéma ou production. L’expression « cinéma noir américain » devra être comprise dans le sens où il s’agit de cinéma dans lequel la participation des AfroAméricains – qu’ils soient acteurs, réalisateurs, producteurs, etc. – tend à être significative, si ce n’est majoritaire. Je souligne toutefois qu’un film appartient véritablement au cinéma noir américain quand son réalisateur est issu de la communauté afro-américaine.
Le personnage noir dans le cinéma américain : une image façonnée par le Blanc et rapidement négative
Dès sa naissance dans les dernières années du 19e siècle, le cinéma américain a présenté des images d’hommes noirs. En effet, parmi les premiers films répertoriés de Thomas Edison – l’inventeur officiel du « septième art » aux États-Unis – se trouvent des courts-métrages muets montrant des garnisons de soldats noirs (Les troupes colorées débarquant (1898), La 9e cavalerie noire abreuvant ses chevaux (1898)), un garçonnet noir prenant un bain (The Morning Bath) ou encore un homme noir mangeant de la pastèque (The Watermelon Contest, 1901). Le Noir est pris comme un sujet d’étude parmi d’autres et est représenté dans des scènes typiques du quotidien. Ces films exposent sans aucun artifice certaines réalités de la communauté noire nord-américaine de l’époque. Ils ont, comme la quasi-totalité des premières productions cinématographiques – notamment celles des frères Lumière en France (La sortie de l’usine Lumière à Lyon (1895), premier film de l’histoire du cinéma à être projeté ; Baignade des Nègres (1896), film réalisé dans le zoo humain de l’Exposition Coloniale de Paris de 1896) – un aspect ethnographique. En effet, en plus d’être le fruit d’essais des nouvelles inventions que sont le kinétographe et le kinétoscope (équivalents moins élaborés du cinématographe des frères Lumière), ces courts-métrages constituent une véritable étude descriptive de données relatives à la vie d’un groupe humain déterminé. L’image du Noir est ici apparemment authentique puisqu’elle n’est ni maquillée, ni scénarisée. Les scènes sont tournées à des instants T, et probablement, sans répétition préalable, bien que dépendantes des opportunités qui se présentent. Pour la plupart d’entre elles, aucune indication n’est donnée quant à l’attitude, au comportement à avoir ou aux déplacements à effectuer. Cependant, il faut noter que le choix des thèmes, des séquences et des angles de tournage appartient au réalisateur des prises de vue. C’est la vision du monde de ce dernier, ce qui lui a paru intéressant de retenir qui est enregistré sur la pellicule.
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Table des matières
INTRODUCTION
I – Rencontre avec le sujet
1. Exposé des motifs
2. Thématique
3. État des lieux
II – Problématique, hypothèses et objectifs
Problématique
Hypothèses
Objectifs
III – Méthodologie et outillage conceptuel
1. Méthodologie
2. Outillage conceptuel
IV – Résultats et perspectives
V – Bibliographie
VI – Annexes
CONCLUSION
