LES MODELES DE COENSEIGNEMENT
ESSOR ET DEVELOPPEMENT DE LA PEDAGOGIE SPECIALISEE
Selon Tremblay (2012), les premières esquisses de prise en compte du handicap seraient nées en 1800 lorsque l’on retrouva Victor, l’enfant sauvage. Cet enfant fut, dans un premier temps, confié aux soins du docteur Philippe Pinel (1745 – 1826), puis à ceux du docteur Jean-Marc Gaspard Itard (1774 – 1838). Le premier de ces médecins, considéré comme étant le père de la psychiatrie, pensait que le jeune Victor ne pourrait jamais être éduqué et que son cas relevait de la psychiatrie. Le second n’était pas de cet avis. En effet, Itard, croyant fermement à l’éducabilité de chacun et en la perfectibilité des êtres, mit en place diverses méthodes afin d’éduquer Victor. Une de ces méthodes était de partir des sens de l’enfant et de créer des liens entre les sensations venant desdits sens. Itard se fixait également des objectifs afin de créer un lien affectif intense et stable avec son élève, élément qui était, selon lui, primordial. Itard apportera également un élément majeur à la pédagogie : le transfert, c’est-à-dire le fait que l’enfant doit pouvoir transférer ses apprentissages dans des situations diverses, autres que celles dans lesquelles ils se sont effectués.
Enfin, Itard enseignait en partant de ce qui était concret et simple pour aller vers ce qui était plus abstrait et complexe. Malgré tous ces aménagements, il ne parvint pas à remplir les objectifs qu’il s’était fixés et son expérience, plutôt controversée à l’époque, fut un « échec ». Cependant, il ne faut pas négliger les apports qu’Itard fit dans ce domaine, ce qui l’amènera à être considéré comme le père fondateur de la pédagogie spécialisée (Tremblay, 2012). Suite à la lecture des travaux d’Itard, Edouard Seguin (1812 – 1880) fonde à Paris la première école pour « handicapés mentaux », persuadé lui aussi de l’éducabilité des EBP (Maillard, 2000). On lui attribue la création de la première méthode médico-pédagogique de traitement de l’arriération mentale. En effet, ce dernier classe ce trouble en trois catégories, aux limites cependant imprécises, fondées sur les possibilités relationnelles et les aptitudes pédagogiques. Ces catégories, reformulées par Maillard (2000), sont les suivantes :
– Les idiots : les enfants ayant des retards, notamment dans la parole, ne permettant pas d’entrer en relation avec les autres humains.
– Les imbéciles : les enfants malgré tout capables d’acquérir certaines notions.
– Les arriérés : les enfants ne présentant qu’un retard sur les acquisitions pédagogiques et éducatives par rapport aux enfants dits « normaux ».
Seguin fonde son enseignement sur les notions de pouvoir, savoir et vouloir (Jeanne, 2007). Comme Itard, il utilise les sens de l’enfant afin que celui-ci apprenne. Cependant, il s’éloigne de ce dernier dans la manière de réaliser les apprentissages. Seguin préfère montrer le concret à ses élèves, aimant ainsi les emmener à l’extérieur plutôt que de rester en salle de classe (Tremblay, 2012). Par ses convictions, Seguin heurta celles des médecins de son temps. Ces derniers ne les partageaient pas et étaient même persuadés que ce type d’enfant ne serait jamais éducable. N’étant pas médecin, les arguments de Seguin ne furent pas pris au sérieux. Ainsi, il abandonna et partit aux États-Unis, où son travail fut reconnu (Jeanne, 2007). A la suite des travaux d’Itard et de Seguin, un nouveau protagoniste commence son combat pour l’éducation des individus dits « idiots » : Désiré Magloire Bourneville (1840-1909) (Jeanne, 2007). A son époque, la définition de l’idiotie faisant foi est celle de Jean-Etienne Esquirol, qui la définit comme un état et non une maladie (Jeanne, 2007). Bourneville remet en question cette définition en attribuant à l’idiotie une vision clinique. Pour cela, il met en évidence « la multiplicité de ses manifestations et la variabilité de son intensité » (Jeanne, 2007, p.145). Il explique également que l’apparition de l’idiotie peut survenir jusqu’à la puberté et prend en compte les facteurs environnementaux sanitaires et sociaux du développement de cette dernière. Il démontre donc que l’idiotie n’est pas un état puisqu’elle dépend de divers facteurs (Jeanne, 2007).
Bourneville permet la création du premier institut médico-pédagogique et des premières classes spécialisées de France. Il cherche à ce que ces enfants puissent être intégrés dans les classes, puis dans la société. Bourneville « désenferme » les enfants dans le but de les éduquer en adaptant leur environnement (Gateaux-Mennecier, 2003) et exige du personnel soignant de la bienveillance envers eux afin que leurs apprentissages se passent au mieux (Jeanne, 2007). Cependant, son projet se verra contré par Alfred Binet et Théodore Simon lorsque ces derniers créeront un test permettant d’évaluer « scientifiquement » si un EBP peut aller ou non à l’école créant ainsi deux groupes : les « anormaux d’école » et les « anormaux d’asile » (Jeanne, 2007; Lambert, 1995).
Comme l’explique Tremblay (2012), la seconde moitié du XIXème siècle voit naître de plus en plus d’institutions d’enseignement spécialisé pour personnes ayant des déficiences au niveau de la vue et de l’audition. Ces personnes ne sont plus exclus du système car elles sont considérées comme éducables et l’on a pour but de les réinsérer dans la société. Braille invente en 1829 son écriture pour permettre d’éduquer les personnes aveugles par la lecture ; Gallaudet ouvre, aux États-Unis, la première école pour sourds et Howe fonde la première école pour aveugles du pays. En Suisse, c’est à Zurich, en 1810 que naît la première école pour aveugles et en 1811, à Yverdon, celle pour les personnes sourdes. Cependant, les enfants atteints par d’autres types de handicap sont répartis dans des asiles (Tremblay, 2012). Enfin, la première école suisse pour enfants dits anormaux est créée à Coire en 1881 et la première classe spéciale du canton de Fribourg sera fondée en 1900 (Maillard, 2000).
DE L’INTEGRATION SCOLAIRE A L’INCLUSION SCOLAIRE, DEFINITIONS ET CONCEPTS
Dès 1960, les recherches sur le développement humain ne cessent de progresser, les visions sur les causes du handicap et de l’échec scolaire se modifient (De Grandmont, 2004). On pensait que ces deux éléments étaient du ressors de l’élève seul et provenaient de causes naturelles individuelles (OMS, 1980). Mais à partir des années 1980, on pense que d’autres facteurs pourraient jouer un rôle : les dimensions sociales, affectives, relationnelles et pédagogiques (OMS, 2001). On assiste alors à un changement majeur : d’un modèle médical de la vision du handicap proposant le fait que l’individu est seul responsable de son handicap on passe progressivement à un modèle biopsychosocial proposant, quant à lui, le fait que la situation de handicap d’un individu est créé par l’interaction de différents facteurs (Paré, Parent, Beaulieu, Letscher, & Point, 2015). Sous l’effet des recherches et des changements dans la vision portée sur l’éducation des EPB, l’intégration scolaire se développe.
Cette dernière a pour but que les élèves recevant un enseignement spécialisé puissent bénéficier, petit à petit, d’un enseignement dans les écoles ordinaires. De plus, elle permet que les élèves déjà présents dans ces écoles et ayant des difficultés puissent recevoir des aides tout en restant dans le cursus ordinaire (Tremblay, 2012). L’intégration scolaire se définit, selon Bless (2004) de la manière suivante : Par intégration scolaire, on comprend l’enseignement en commun d’enfants en situation de handicap et d’enfants dits normaux dans le cadre de classes ordinaires, tout en leur apportant le soutien nécessaire (pédagogique, thérapeutique) pour faire face aux besoins spécifiques dans leurs environnement sans avoir recours à la séparation scolaire. (p.14)
L’intégration répond au principe de « normalisation » (Thomazet, 2008; Petit, 2011; AuCoin & Vienneau, 2015; Pelgrims, 2016 ) car elle cherche à donner aux personnes ayant des besoins éducatifs particuliers des conditions de vie similaires à celles des personnes considérées comme « normales » dans une société donnée (Thomazet, 2008; Pelgrims, 2016). Selon Wolfensberger et Tullman (1982), la normalisation « implique, autant que possible, l’utilisation de moyens culturellement valorisés dans le but d’aider, établir ou maintenir des rôles socialement valorisés pour les personnes. » (Wolfensberger & Tullman, 1982, p.131 cité dans Lemay, 1996, p.2). Cette normalisation répond également à plusieurs principes s’apparentant à ceux de l’intégration.
En effet, selon Pekarsky (1981, cité dans AuCoin & Vienneau, 2015), la normalisation suppose que ce sont les caractéristiques individuelles qui créent le handicap, que l’intégration est acceptable seulement si les EBP ne dérangent que peu, voire pas, les autres élèves. On attend de l’élève qu’il puisse s’adapter à l’école (Thomazet, 2008; Tremblay, 2012; Pelgrims, 2016). Selon Vienneau (2006), l’intégration se joue à trois niveaux : le niveau physique (ex. on place les classes spéciales dans les écoles ordinaires), le niveau sociale (ex. les EBP intégrés partagent des services avec les élèves dits normaux, comme la cafétéria) et le niveau pédagogique (ex. les EPB sont placé dans des classes ordinaires dans lesquelles ils restent à temps plein ou partiel et reçoivent un enseignement individualisé). Ces trois niveaux ne sont pas présents partout. En effet, dans certains cas, un ou plusieurs niveaux sont choisis (Vienneau, 2006).
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RESUME
1 INTRODUCTION
2 CONTEXTE THEORIQUE
2.1 HISTOIRE DE LA PRISE EN COMPTE DES ELEVES A BESOINS EDUCATIFS PARTICULIERS
2.1.1 Essor et développement de la pédagogie spécialisée
2.1.2 De l’intégration scolaire à l’inclusion scolaire, définitions et concepts
2.1.3 Lois et recommandations aux niveaux international, suisse et fribourgeois durant le XXe siècle
2.2 LA PEDAGOGIE INCLUSIVE : CONDITIONS ET MISES EN OEUVRE
2.2.1 La différenciation pédagogique dans une perspective inclusive
2.2.2 Le coenseignement
2.2.3 L’accommodation et la modification curriculaires
2.3 QUESTIONS DE RECHERCHE
3 METHODE
3.1 POSTURE DE RECHERCHE ET INSTRUMENT UTILISE
3.2 SUJETS ET CONTEXTE DE LA RECHERCHE
3.3 DEROULEMENT
4 PRESENTATION DES RESULTATS
4.1 SENS DONNES ET REPRESENTATIONS DE L’INTEGRATION SCOLAIRE ET DE L’INCLUSION SCOLAIRE
4.1.1 Définitions des concepts par les différents sujets
4.1.2 Exemples de diversité
4.2 DIFFERENTES PRATIQUES ET BESOINS PERMETTANT DE TRAVAILLER AVEC LA DIVERSITE
4.2.1 Pratiques permettant de travailler avec la diversité
4.2.2 Besoins afin de travailler avec la diversité
4.3 PASSAGE PROGRESSIF DE L’INTEGRATION A L’INCLUSION SCOLAIRE
4.3.1 De l’intégration à l’inclusion scolaire : visions des sujets
4.3.2 Les besoins pour aller vers l’inclusion
5 DISCUSSION DES RESULTATS
5.1 COMPREHENSION DES CONCEPTS D’INTEGRATION SCOLAIRE ET D’INCLUSION SCOLAIRE
5.2 RAPPORT AU PASSAGE DE L’INTÉGRATION SCOLAIRE À L’INCLUSION SCOLAIRE
5.3 PRATIQUES ET SOUHAITS ACTUELS
5.4 EXEMPLES DE DIVERSITE CITES
6 CONCLUSION
7 REFERENCES
8 ICONOGRAPHIE
ANNEXES
A. LES MODELES DE COENSEIGNEMENT
B. PROTOCOLE D’ENTRETIEN POUR LES RE
C. PROTOCOLE D’ENTRETIEN POUR LES ENSEIGNANTS
D. LES 12 CARACTERISTIQUES DE L’INCLUSION SELON MOREFIELD (2002)
E. RETRANSCRIPTIONS DES ENTRETIENS
Enseignant A (Ens. A)
Enseignant B (Ens. B)
Enseignant C (Ens. C)
Responsable d’établissement A (RE A)
Responsable d’établissement B (RE B)
Responsable d’établissement C (RE C)
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