A la suite de la seconde guerre mondiale, les trente glorieuses fût une période qui s’est caractérisée par un développement sans précédent dans les secteurs de la technologie et de l’ingénierie. Bien qu’une prise de conscience s’élève face à l’impact de cette industrialisation de masse depuis les années 60 [1], le nombre de substances chimiques, lui ne cesse de s’accroître. On définit alors un polluant comme une substance introduite par l’homme impactant l’environnement et que l’on catégorise selon qu’elle soit physique (radiation ionisant, pollution sonore ou thermique), organique (matières organiques mortes, microorganismes pathogènes, …) ou chimique (hydrocarbures, matières plastiques, pesticides, nitrates, phosphates, métaux lourds, fluorures, …) [2]. La notion de micropolluant, ici, ne tient compte que du groupe des polluants chimiques, dont les concentrations dans l’environnement sont inférieures ou de l’ordre du microgramme par litre (ou par kilogramme).
La production et la création constante de nouvelles substances conduisent aujourd’hui à plus de 150 millions de substances organiques et inorganiques reportées dans la littérature scientifique et répertoriées dans le registre « Chemistry Abstract Service », où chaque substance est identifiée par un numéro CAS (http://www.cas.org). Néanmoins, il n’existe pas de liste exhaustive comprenant l’ensemble des micropolluants car celle-ci évolue en même temps que l’on découvre leur présence dans l’environnement et que l’on étudie leurs effets. Ce progrès s’est aussi accompagné d’un récent développement des outils analytiques, rendant possible l’étude de nouveaux micropolluants, appelés émergents. Au sens de la définition donnée par le réseau européen NORMAN (http://www.normannetwork.net/), une substance émergente est une substance qui a été détectée dans l’environnement mais qui n’est pas incluse dans des programmes de surveillance de routine et dont le comportement, le devenir et les effets sont mal connus .
Il est difficile d’estimer le nombre de substances pouvant être classées comme micropolluants puisqu’on ne connait que celles que l’on étudie. Toutefois, 45 substances (métalliques et organiques) considérées comme étant des micropolluants prioritaires selon la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) [3] sont suivies, régulièrement ou épisodiquement, dans les eaux européenes, dont l’objectif est d’atteindre un bon état écologique et chimique des masses d’eau (eaux de surface, souterraines, intérieures et de transition).
De manière générale, le terme « micropolluant » désigne un ensemble de substances essentiellement anthropogéniques, présentant des effets nocifs avérés ou suspectées sur l’environnement, à des concentrations de l’ordre du µg L⁻¹ (voire du ng L⁻¹ ). Ils entrent dans la composition de nombreuses formulations et interviennent dans de nombreux procédés (industriels, agricoles). Ils sont aussi retrouvés dans les activités quotidiennes des usagers (combustion des produits pétroliers, rejet de substances dans les réseaux de collecte des eaux usées, …). Ils peuvent aussi être d’origine naturelle dans l’environnement tels que les métaux par exemple. Même à de très faibles concentrations, ils peuvent engendrer des effets négatifs sur les organismes vivants en raison de leur toxicité, de leur persistance et de leur bioaccumulation [4].
La classification des micropolluants peut se faire selon différents critères, par exemple par familles chimiques, usages, effets ou statut réglementaire. La grande diversité de substances induit un large spectre de micropolluants aux propriétés et aux usages extrêmement variables . Ils sont introduits dans l’environnement via les effluents industriels, les rejets urbains, l’agriculture et les produits agricoles. Alors que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs), polychlorobiphényles (PCBs) et pesticides organochlorés sont relativement bien étudiés depuis les années 1970, la récente découverte des micropolluants émergents est préoccupante, car ils sont très peu étudiés. En effet, leurs impacts sur l’environnement restent à ce jour au cœur des problématiques liées aux micropolluants. D’autant plus que le spectre de ces micropolluants émergents, issus d’émissions domestiques, est large: médicaments, cosmétiques, lessives, détergents, tensioactifs, plastifiants, retardateurs de flammes, etc ….
Les regroupements se font classiquement en fonction de :
leur structure chimique : composés aromatiques (comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques; HAPs), organophosphorés , les polychlorobiphényles (PCBs), alkylphénols,…
leurs propriétés physico-chimiques : éléments traces métalliques vs. micropolluants organiques, molécules hydrophiles vs. hydrophobes,
leurs usages/familles : les composés impliqués dans la formulation des pesticides, cosmétiques, pharmaceutiques, …
leur devenir dans le milieu comme les composés organiques volatils (COV), polluants organiques persistants (POP), les substances très persistantes et très bioaccumulables (vPvB),
du types d’effets sur la santé humaine et les écosystèmes : perturbateurs endocriniens, cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, …
leur statut réglementaire : « substances prioritaires », « substances dangereuses prioritaires », « polluants spécifiques de l’état écologiques », « substances pertinentes à surveiller », « émergents »…
En France, les lois sur l’eau de 1964 et 1992 ont permis de fixer un cadre pour une gestion intégrée des eaux, par grand bassin hydrographique. La directive n°76/464/CEE du 4 mai 1976 déterminait une réglementation générale pour la pollution causée par certaines substances. En 2000, la réglementation s’est établie à l’échelle européenne par la Directive Cadre sur l’Eau (DCE/2000/60) et les directives filles qui en ont découlées (DCE 2008/105/CE, 2013/39/CE) visant l’harmonisation des lois et des outils pour chaque états membres . En parallèle des textes réglementaires voient le jour dans en 1976 (Convention de Barcelone) et s’harmonisent à l’échelle européenne avec la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM) .
Ainsi, 45 substances prioritaires sont suivies en routine car «la pollution chimique des eaux de surface constitue une menace tant pour le milieu aquatique, avec des effets tels qu’une toxicité aiguë et chronique pour les organismes aquatiques, l’accumulation des polluants dans les écosystèmes, la disparition d’habitats et la perte de biodiversité, que pour la santé humaine. Il convient en priorité de déterminer les causes de pollution et de lutter contre les émissions de polluants à la source, de la façon la plus efficace possible du point de vue économique et environnemental » (DCE 2013/39/CE).
Alors qu’il est largement admis que l’océan est le récepteur final des pollutions aquatiques, les lacunes de connaissances sur l’état chimique, physique et écologique persistent pour le milieu marin. En 2008, la DCSMM (DCSMM 2008/56/CE) a été mise en place pour y palier. Dans le même esprit que la DCE, la DCSMM a pour objectif d’atteindre un bon état écologique (BEE) d’ici 2020. Cette directive indique qu’il faut « prévenir et réduire les apports dans le milieu marin afin d’éliminer progressivement la pollution telle que définie à l’article 3, point 8, pour assurer qu’il n’y ait pas d’impact ou de risque significatif pour la biodiversité marine, les écosystèmes marins, la santé humaine ou les usages légitimes de la mer. ». Ainsi, en France, la DCSMM s’applique aux zones sous juridiction française, divisées en 4 sous-régions marines : la Manche-Mer du Nord, les mers celtiques, le golfe de Gascogne et la Méditerranée occidentale.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1 Les micropolluants : un enjeu environnemental
1.1 Définition
1.2 Groupes et familles de micropolluants
2 Suivi réglementaire dans les milieux marins
3 Micropolluants dans le milieu marin
3.1 Sources
3.1.1 Pollutions chroniques
3.1.2 Pollutions aigües
3.1.3 Quelques exemples de pollutions marines
3.2 Activités et niveaux de concentration dans les sédiments marins
3.2.1 Les substances prioritaires
3.2.2 Les substances émergentes
4 Les processus impliqués dans le devenir des micropolluants
4.1 Processus physico-chimiques
4.1.1 Répartition dissous/particulaire
4.1.2 Processus de transfert/rétention
4.1.3 Processus de transformation
4.2 Biotransformation microbienne
4.2.1 Cas du mercure
4.2.2 Cas des micropolluants émergents
CONCLUSION GENERALE
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