LES DEBATS DE LA LITTERATURE SUR LES FORMES D’ORGANISATIONS DE L’OPEN SOURCE

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La diffusion du logiciel libre : révisions conceptuelles et questions de recherche.

Le logiciel libre a bouleversé bon nombre de notions que l’on imaginait jusqu’ici stabilisées. Il a remis en question : la représentation de la solidarité [1.1.], le rôle de la production non marchande [1.2.] et la structure de l’industrie du logiciel [1.3.]. Ces redéfinitions conduisent à la définition d’un ensemble de questions de recherche au centre de cette thèse.
Une nouvelle forme de solidarité.
La notion de solidarité en sciences sociales désigne un élément liant des individus d’un collectif. Historiquement, la notion de solidarité s’est développée parmi des individus ayant une proximité géographique que se soit dans la littérature sur les communautés utopiques (Fourier 1845a, 1845b; More 1842, 1987; Tönnies 192 2), les formes historiques de la solidarité (Ghilde, Corporation, Tontine) ou plus récemment en économie sociale et solidaire (Ardener 1964; Gasse-Hellio 2002; Mance 2003; Vanneuville-Zerouki 1999). Or, l’open source a donné naissance à des collectifs d’acteurs, de plus ou moins grande taille, géographiquement distribués liés par des liens deolidarités particuliers .
Ensuite, la solidarité est souvent synonyme d’économie autarcique avec peu d’interaction avec l’extérieur du groupe solidaire et encore moins d’impact marchand. En revanche, dans le cadre de l’open source, les communautés produisent des logiciels qui d’une part peuvent être utilisés par tous ceux qui le souhaitent (en respectant la licence d’utilisation) et d’autre part peuvent servir pour une valorisation plus ou moins directe sur le marché.
Enfin, la notion de solidarité est normalement employée pour décrire les liens unissant des individus. Pourtant, dans l’open source il existe des collectifs d’entreprises et plus généralement d’organisations liées par des liens desolidarité comme en témoigne le cas OW2.
Encadré 1 : le  cas OW2.
OW2 est une association de loi 1901 régie par ses propres organes de direction. Le consortium rassemble plus de 60 organisations de l’industrie informatique (Thales, France Telecom, Bull, etc.) et de la recherche (Focus, INRIA, CNRS, etc.) visant à développer une base technologique middleware en open source. OW2 est aussi un lieu où les collaborations industrielles sont abondantes.
OW2 n’est pas soumise aux lois anti-concentration car la production du consortium est publique : n’importe qui peut télécharger du code produit par OW2 sans aucune discrimination.
OW2 est issue de la fusion entre d’une part le consortium chinois OrientWare et d’autre part le consortium européen ObjectWeb. L’Europe et la Chine partagent toutes deux un grand intérêt pour le logiciel libre principalement du fait de la nature du tissu industriel de ces pays plutôt caractérisé par le métier d’intégration.
Le nouveau rôle de la production non marchande.
En sciences économiques, l’activité marchande est onsidéréec comme la normalité. Cependant, le logiciel libre remet en question la vision non économiquede la production dite non-marchande ». Les logiciels libres sont produits par des organisations mélangeant bénévolat, travail salarié et travail financé. Le archandm est tantôt le but de l’organisation (firmes) tantôt il ne constitue qu’un moyen de fina ncement de la production. Le cas Mozilla est particulièrement caractéristique de cette seconde vision de l’activité marchande.
Encadré 2 : Le cas Mozilla.
Mozilla est un ensemble de technologies internet dont les premiers développements sont issus de la recherche publique américaine. La firme Netscape fût créée en 1994 par des anciens de la NCSA (National Center for Supercomputing Applications).
En 1998, face à des difficultés économiques, Netscape décide de libérer le code source des technologies Mozilla et de créer une communauté composée principalement d’employés (la Mozilla Organization).
En 2003, un changement de stratégie est opéré au sein de Netscape qui provoque l’abandon des technologies Mozilla. C’est à partir de ce moment, qu’un nouveau type d’acteur entre en jeu, il s’agit de la Mozilla Fondation constituée par des anciens employés de Netscape.
La Mozilla Fondation n’a pas de but lucratif et utilise la sphère marchande pour s’autofinancer. En 2005, la Mozilla Fondation créa la Mozilla Corporation, une entité à but lucratif au service du non-marchand. En 2008, la Mozilla Fondation créé une nouvelle filiale du même type cette fois pour financer les technologies Thunderbird.
La mutation de l’industrie du logiciel.
Le logiciel libre a provoqué également une redéfinition de la figure même du logiciel. Un logiciel libre peut être exécuté, étudié, modifiétredistribué en respectant la licence régissant les règles de sa diffusion. Historiquement, l’industrie du logiciel en tant qu’entité autonome s’est fondée sur une logique de création de valeurreposant essentiellement sur l’usage du logiciel.
Le logiciel libre a quant à lui ouvert d’autres esp aces de valeurs qui jusqu’ici étaient soit réservés aux éditeurs seuls soit n’existaient pasLe. logiciel libre a en quelque sorte restauré la logique première de l’industrie informatique où les logiciels étaient accompagnés de leur code source. Toutefois, une différence fondamentale existe entre la situation technologique de l’industrie informatique des années 70 et celle d’aujourd’hui. D’un côté dans les années 70, il y avait une hétérogénéité des systèmes d’exploitation ou plateformes d’accueil du logiciel rendant difficile le portage direct d’un système à l’autre et de ce fait le métier d’éditeur de logiciel n’avait pas encore de sens. D’un autre côt é avec l’apparition de standards de fait, il y a une normalisation des infrastructures (PC) et des systèmes (Windows) permettant la standardisation des usages et par conséquent une économie industrielle du logiciel où conception et utilisation font l’objet d’activités distinctes. En d’autres termes, il s’agit de la relation entre l’éditeur concevant un produit et les clients se contentant de l’utiliser.
En outre, la nature du code informatique, la diffusion de langages de programmation, la démocratisation de la micro-informatique et d’internet, ont rendu possible la conception distribuée de logiciels par des groupes plus ou moins importants d’ utilisateurs experts30. C’est l’image même de l’éditeur qui s’est trouvée bouleversée : du fait de la diffusion du code source des logiciels, l’activité d’édition n’étaitplus limitée au concepteur initial du logiciel. C’est également l’image cristallisée de l’utilisateur qui est défiée : l’utilisateur devient acteur de l’activité de conception31. Cette révision provoque une crise de légitimité edl’activité d’édition qui ne peut plus à elle seule valoriser certains types de logiciels. D’autre part, le métier de l’intégrateur est aussi profondément modifié : il devient responsable de briques technologiques et semble moins dépendants des éditeurs.
Nous employons l’expression utilisateurs experts car originellement, le logiciel libre a émergé dansla sphère académique où les utilisateurs étaient aussi développeurs. Et comme le souligne un de nos interlocuteurs : « l’open source c’est entre développeurs. L’utilisateur, lui il s’en [moque] du source… » , Développeur-Musicien, Freeworks, entretien en face à face avec l’auteur, 5 juin 2006. Cet élément explique en partie le regain d’intérêtpour les travaux de von Hippel sur le rôle des uti lisateurs à fin des années 80 (von Hippel 1988).
Le logiciel libre a aussi un impact géotechnologique et implique la souveraineté technologique des Etats et des entreprises. Il convient de signaler que l’activité d’édition est largement dominée par des groupes industriels américains. Le logiciel libre permet ainsi une remise en question de cette domination. L’Europe dispose de très peu d’éditeurs ayant une envergure internationale. La zone Europe est plutôt caractérisée par le métier d’intégrateur ceci explique l’intérêt européen pour les technologies open source.
Pour ce qui est de l’indépendance technologique à proprement parler, le Ministère de la Défense français s’est fortement intéressé aux logiciels libres car ils permettent de reprendre le contrôle de certaines parties du système d’infor mation jugées critique ne pouvant pas rester raisonnablement sous une domination étrangère. D’autres Etats s’intéressent également au logiciel libre : la Chine développe des compétencesimportantes en matière de logiciels libres en participant à différentes initiatives open source (OW2 Consortium, QualiPSo). Du point de vue de l’entreprise, certaines firmes intègrent systématiquement des logiciels libres comme en témoigne l’encadré ci-dessous sur la stratégie de Thales.
Encadré 3 : le cas Thales.
Thales est un groupe industriel spécialisé dans l’électronique et les systèmes dans les domaines de la défense, la sécurité et l’aéronautique. Thales opère dans des secteurs où la criticité du système d’information est un élément clé.
Dans un premier temps, la firme a été confrontée à des problèmes de représentation de la sécurité comme une boîte noire où le logiciel libre entrait en contradiction du f ait de son ouverture. Toutefois, Thales a adopté des composants libres dans de nombreux projets industriels et a montré que la sécurité et l’open source n’étaient pas antinomiques. Aujourd’hui, Thales utilise massivement du logiciel libre pour créer des systèmes d’informations et la stratégie du groupe ne fait qu’aller dans le sens de l’utilisation de composants libres.
Face à l’ampleur des révisions conceptuelles mentionnées précédemment, un grand nombre de questions peuvent être dégagées. Toutefois ces questions peuvent être synthétisées sous la forme de questions de recherche (QR) générales regroupées en trois volets : un volet organisation, un volet valorisation et un volet innovation.
Volet 1 : l’organisation.
QR 1 : D’où provient le modèle racine à l’origine d u premier logiciel libre ?
QR 2 : Quelles sont les expansions de ce modèle, sur quels critères distinguer les formes résultantes et comment suivre les transformations organisationnelles dans l’open source ?
Volet 2 : la valorisation.
QR 5 : Comment les logiciels libres sont-ils valorisés ?
QR 6 : Quel est l’impact de l’open source sur l’ind ustrie du logiciel ?
Volet 3 : l’innovation.
QR 3 : Quels types d’innovations les organisations de l’open source produisent-elles ?
QR 4 : Quelle différence y a-t-il entre l’innovation dans les domaines du logiciel libre et du logiciel fermé ?

Méthodologie : le web comme instrument de recherche.

Du fait de la complexité de l’open source et de par sa nature pluridisciplinaire, nous avons choisi de ne pas nous cantonner à une seule méthodologie comme la plupart des travaux sur le sujet. Par exemple, O’Mahony analyse l’open source en tant que mouvement social en se basant sur une approche qualitative utilisant des méthodes ethnographiques (O’Mahony 2002: 54). Nous avons au contraire adopté « une démarche d’exploration » (Segrestin 2006: 16) couplant méthodologies qualitatives et quantitatives. Bien que ces méthodes soient souvent considérées comme opposées, nous avons tenté de dépasser le débat de méthode. Le lecteur doit garder à l’esprit que cette recherche fut menée principalement sur des organisations géographiquement distribuées et qu’il était nécessaire d’utiliser les nouvelles possibilités d’investigation proposées par internet pour étudierce terrain. C’est la raison pour laquelle nous avons adapté différentes méthodes existantes l’étudeà des communautés sur internet que nous présenterons dans les prochaines sous-parties.
L’histoire au service de la recherche en gestion.
Plusieurs chapitres de cette thèse sont basés sur ’approchel historienne largement établie en sciences de gestion (de Vaujany 2007: 2). Nous avons travaillé sur la généalogie des formes de l’action collective solidaire et distribuée. Nous avons également employé cette méthode pour analyser des études de cas de manièredynamique. Ainsi toutes nos réflexions portant sur la dynamique des régimes de l’open source sont basée sur cette logique. Notre travail s’est largement appuyé sur les enseignements en épistémologie et en histoire des systèmes industriels d’Armand Hatchuel (2005, 2007). Dans les deux sous-parties suivantes nous détaillerons notre démarche méthodologique utilisant l’approche historienne.
La méthode historienne : un outil adapté pour analyser l’émergence de nouveaux objets de gestion.
L’histoire peut être utilisée afin de décrire desormesf nouvelles d’objets de recherche en se basant sur la généalogie des objets auxquels ilsemblent se rattacher.
Les communautés d’utilisateurs-développeurs ne sontpas vraiment rattachables à une forme d’organisations déjà théorisée. C’est pourquoi nous avons choisi de partir à la recherche des racines historiques des communautés d’utilisateurs-développeurs pour identifier ce qu’elles ont de singulier et nouveau 32. Dans ce cas, l’approche historienne nous est apparue adaptée. Nous avons essayé de voir quels élémentstaienté caractéristiques des communautés d’utilisateurs-développeurs : nous nous sommes rapidement aperçus que deux notions étaient particulièrement adaptées pour décrire ces organisations : la solidaritéet la distribution.
Les organisations basées sur la notion de solidarité telle que nous la définissons n’ont pas vraiment, du moins à notre connaissance, fait l’obj et d’une étude approfondie donnant lieu à un modèle de l’organisation solidaire. Les organisations distribuées ont, quant à elles, fait l’objet de récentes études suite à l’émergence de ommunautésc développant des logiciels libres. Toutefois, les notions de conception et de production distribuées ne sont pas nouvelles dans l’histoire des organisations.
La démarche méthodologique la plus adaptée pour retrouver les racines perdues d’une forme organisationnelle reste semble-t-il la méthode dite historienne. On pourrait se contenter de décrire l’objet de recherche à partir de la grammaire des formes organisationnelles existantes dans les manuels de théorie de organisations mais cela ne nous semblait pas du tout pertinent car les termes, les modèles, etc. de la littérature en théorie des organisations ne sont pas vraiment adaptés pour décrire ces objets émergents. Par exemple, il existe une hiérarchie dans bon nombre de communautés de l’open source mais cette hiérarchie n’est pas statutaire ou basée sur un lien de subordination, un contrat ou un autre moyen classique d’organiser le travail (Lefebvre 2003) : il s’agit plutôt d’un typ e de hiérarchie basé sur les compétences, une forme hybride entre le leadership et la hiérarchietelle que nous la connaissons.
Notre démarche méthodologique est basé sur la logique proposée par David et Hatchuel (2007) où les auteurs suggèrent que l’essence de la recherche en management est de produire de nouveaux modèles d’action collective.
La communauté d’utilisateurs-développeurs est une ormef qui a récemment émergé grâce à la convergence de quatre éléments : les propriétés du code informatique, l’uniformisation des langages de programmation, le développement de l’ordinateur personnel et la création du réseau des réseaux. Toutefois le modèle de la communauté d’utilisateurs-développeurs a des liens historiques avec des formes beaucoup plus anciennes que sont les systèmes de management de la solidarité et les systèmes de production distribués.
Dès lors, nous avons donc étudié les systèmes de oductionpr humains où la notion de solidarité était présente. Petit à petit, nous avons identifié un nombre substantiel d’organisations où la notion de solidarité était no seulement présente mais c’était véritablement la raison d’êtrede ces organisations. Nous nous sommes également intéressés aux systèmes de production distribués, nous avons vuque ces derniers avaient une histoire dissociable d’internet. Bien évidemment notre travail n’est pas une thèse en histoire mais en gestion empruntant des méthodes de l’historien. Notre démarche est donc largement basée sur des ouvrages, des recueils historiques plus que des archives de première main.
De l’étude de cas classique à l’étude de cas historienne.
Contrairement à la technique de l’étude de cas classique consistant à étudier une organisation à un instant t ou sur une très courte période, l’étude de cas historienne consiste notamment à suivre l’évolution d’organisations sur une longue période en partant le plus souvent de la naissance de l’objet. Cette méthode a largement été utilisée par Chandler dans ses travaux sur l’émergence de la grande entreprise (Chandler 1989), par de Vaujany sur le rôle de l’Eglise et de ses enclaves dans la formati on et la diffusion de la gestion (de Vaujany 2007: 10) ou encore par Acquier dans son travail sur l’émergence de la Global Reporting Initiative ou GRI (Acquier 2007). Le schéma ci-dessous propose une représentation graphique matérialisant les différences entre l’étude de casclassique et historienne.
Le raisonnement historique fut employé dans différents chapitres et plus précisément pour étudier l’évolution des organisations de l’open source. Par exemple, bien que beaucoup de logiciels libres aient été initiés à l’origine parun développeur seul, les logiciels libres ont une origine hétérogène. Bon nombre de logiciels libresont été initiés par des centres de recherche (exemple : le serveur Apache ou Mosaic) ou encore par des entreprises (exemple : MySQL, OpenOffice.org). La méthode historique fut donc utilisée pour suivre l’évolution des communautés de l’open source. Ce raisonnement nous a permis de retracer l’histoire de communautés d’un point de vue original et inédit dans la littérature.
En effet, l’histoire permet de voir les objets de manière dynamique au lieu de décrire un objet à un instant t. Etudier de manière statique des objets a certains avantages comme la profondeur de l’analyse mais cette méthode a aussi ses limites.
De nombreuses études ont été réalisées sur les communautés de l’open source néanmoins la littérature s’est focalisée sur l’étude statiquede ces dernières ratant ainsi une large partie du phénomène. La littérature (West et O’Mahony 2005) amis en évidence le fait qu’il était nécessaire d’avoir un modèle capable de rendre compte de la dynamique des organisations de l’open source, c’est ce que la méthode historienne apporte.

Les méthodes d’investigation par internet : une nouvelle forme d’immersion.

Les communautés de l’open source sont des organisations distribuées grâce aux technologies internet. De ce fait, l’étude de ces organisations nécessite une adaptation des techniques d’investigation et même de l’innovation méthodologique afin d’être étudiés de manière satisfaisante.
Ce que nous essayerons de montrer dans cette section, c’est qu’internet ouvre la possibilité de créer de nouvelles méthodes de recherche. Dans la littérature sur l’open source, internet est souvent utilisé pour collecter des informations. Ainsi, O’Mahony a collecté notamment des données provenant d’archives de listes de diffusion (O’Mahony 2002: 59). Lee et Cole ont utilisé les archives des courriels du noyau Linux comme « une source clé de données »(Lee et Cole 2003: 637). von Krogh et al. ont aussi employés les archives publiques des courriers électroniques échangés par les membres du projet Freenet (von Krogh, Haefliger, et Spaeth 2003b: 1219). Pour n’en citer que quelques exemples.
En revanche, internet est rarement exploité comme le support de nouvelles méthodes de recherche comme le propose les travaux de Kozinets à travers la notion de « netnography » (Kozinets 1997, 1998, 2002, 2006; Kozinets, Hemetsberger, et Schau 2008). La netnography est basée sur les méthodes de l’anthropologie culturelle (Kozinets 1997: 470). Kozinets définit la netnography comme « une méthode interprétative créée spécifiquement urpoétudier le comportement consommateur des cultures et des communautés présentes sur internet. » (Kozinets 1998: 366). Plus simplement, la netnography, c’est l’utilisation de l’anthropologie en ligne (Kozinets 2006: 279). D’après Kozinets, cette méthode peut être employée de trois différentes manières : comme méthodologie, outil méthodologique ou outil exploratoire (Kozinets 1998: 367). Elle dépasse le simple téléchargement de « posts34 » sur des forums (Kozinets 2006). La netnography nécessite une pleine participation du chercheur dans la culture étudiée (Kozinets 1998: 366; 2006: 286). Dans cette partie, nous ferons comme Kozinets, nous tenterons de mettre en exergue les potentialités d’internet en matière de nouvelles méthodes de recherche.
L’entretien via internet.
Pour résumer, nous avons utilisé trois moyens pouréaliser nos entretiens via internet. Ces différents moyens sont catégorisables en deux : ceux en échange instantané (IRC et messagerie instantanée) et ceux en échange asynchrone (courriels). Ci-dessous le schéma résume ces différents moyens.
Les entretiens par échanges instantané.
L’entretien par IRC 35.
Les développeurs de l’open source utilisent différents moyens de communication pour coordonner leur travail mais aussi pour discuter des évolutions. L’IRC, est un outil utilisé par la quasi-totalité des organisations étudiées (OpenOffice.org, Kexi, Mandriva, etc.). Nous nous sommes connecté sur les canaux IRC de différentes rganisations, nous y avons observé la manière dont les participants s’exprimaient et nous avons eu l’idée de réaliser quelques entretiens de groupe par ce biais.
L’entretien de groupe par IRC est un type d’entreti en intéressant pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’IRC est un endroit particulièrement intéressant pour observerin vivo le travail des développeurs. Ce type d’entretien est particulièrement adapté lorsqu’il s’agit d’acteurs géographiquement distribués. De plus, l’IRC permetde réaliser des entretiens très longs alors que la norme des entretiens est beaucoup plus réduite. Certains de nos entretiens par IRC ont duré plus de 5 heures (soit 300 minutes). Dans le tableau ci-dessous nous présentons la moyenne des durées d’interviews réalisées dans quelques études dans le domaine de l’open source.
L’entretien par messagerie instantanée.
L’entretien par messagerie instantanée consiste à utiliser un système de messagerie (Google Talk, Jabber, ICQ, etc.) comme support pour réaliser un entretien individuel. Certains de nos interlocuteurs ont préféré l’entretien en gneli à l’entretien par téléphone. Un ancien dirigeant décrivait de la manière suivante les membres de son entreprise : « […] ils n’aiment pas trop se téléphoner, car ils n’aiment pas trop es parler36… » .
Les entretiens par échanges asynchrone.
Le courrier électronique a largement été utilisé ndantpe dans notre recherche. Nous avons ainsi pris contact avec des personnes impliquées dans l’open source. Le courriel devient rapidement difficile à lire lorsqu’il y a trop de d ’échanges. Nous avons donc privilégié le courriel lorsque nous avions des questions précisesà poser. Au fur et à mesure, nous avons réussi à bâtir un véritable réseau d’experts que nous avons ensuite mobilisé lorsque nous avons jugé opportun de réaliser une étude sur l’évaluation de l’innovation 37.
L’entretien en ligne et l’apprentissage externe : u ne dynamique inédite des savoirs.
L’entretien en ligne a un avantage par rapport à l’ entretien classique en face à face : il s’agit de la possibilité de rechercher des informations au cours de l’entretien. Traditionnellement, lorsque l’on ne connait pas un domaine ou que l’on ne comprend pas une notion dans un entretien, nous avons uniquement la possibilité de demander à notre interlocuteur de nous l’expliquer et par conséquent lui couper la parole. Sinon, il est difficile de continuer l’entretien. Lorsque l’entretien est r éalisé en ligne, c’est différent : nous avons la possibilité de consulter une source externe sans couper, ni même que notre interlocuteur sache que nous sommes en train de rechercher des informations sur ce qu’il vient de dire. Cet apprentissage au cours de l’entretien permet donc de poser des questions que l’on n’aurait pas posées si l’entretien avait été réalisé par le biais d’un autre moyen de communication. Classiquement, un entretien est caractérisé par unedouble dynamique : celle des savoirs et celle des relations38 (Hatchuel 2005). De manière simplifiée, il y a d’uncôté les questions posées et de l’autre les réponses données. Lors d’un entretien le savoir acquis au cours de l’interview est toujours une fonction du savoir de l’interlocuteur et des connaissances actuelles du chercheur.

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Table des matières

PARTIE I. L’OPEN SOURCE : DE LA MUTATION D’UNE INDUSTRIE A LA REVISION CONCEPTUELLE D’OBJETS EN SCIENCES DE GESTION
CHAPITRE 1. LES REGIMES DE L’OPEN SOURCE : UNE SYNTHESE DES ENJEUX DE LA DIFFUSION DU LOGICIEL LIBRE
1. Une synthèse des enjeux organisationnels, économiques et technologiques de la diffusion du logiciel libre : apports des régimes de l’open source.
2. Les principaux résultats et méthodologies.
CHAPITRE 2. PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE.
1. La diffusion du logiciel libre : révisions conceptuelles et questions de recherche
1.1. Une nouvelle forme de solidarité.
1.2. Le nouveau rôle de la production non marchande.
1.3. La mutation de l’industrie du logiciel.
2. Méthodologie : le web comme instrument de recherche
2.1. L’histoire au service de la recherche en gestion
2.2. Les méthodes d’investigation par internet : une nouvelle forme d’immersion
2.3. Les études de cas : capturer la variété des formes de l’open source
CHAPITRE 3. LES DEBATS DE LA LITTERATURE SUR LES FORMES D’ORGANISATIONS DE L’OPEN SOURCE
1. Les structures des communautés de l’open source
1.1. Les communautés de l’open source comme modèle d’innovation distribué.
1.2. La gouvernance et la division du travail dans les communautés open source.55
2. Les firmes et l’open source.
2.1. Les rapports entre firme et communautés.
2.2. Les firmes comme initiateurs des communautés.
PARTIE II. CARACTERISATION ET GENEALOGIE DU MODELE RACINE : LA COMBINAISON INEDITE ENTRE UN SYSTEME DE MANAGEMENT DE LA SOLIDARITE ET UN SYSTEME DE PRODUCTION DISTRIBUE.
CHAPITRE 1. LES APPORTS ET LIMITES DE LA LITTERATURE EXISTANTE SUR LA CARACTERISATION DES COMMUNAUTES
1. Cadre 1 : Les communautés de pratique et épistémique.
1.1. La notion de communauté de pratique.
1.2. Les limites du rapprochement entre communauté de pratiques et communauté d’utilisateurs-développeurs.
1.3. Les communautés épistémiques
2. Cadre 2 : La « collective invention ».
2.1. Les travaux de R. Allen ou l’émergence de la « collective invention »
2.2. Les communautés open source comme cas de « collective invention ».
3. Cadre 3 : Les réseaux coopératifs.
3.1. L’économie sociale et solidaire
Les régimes de l’open source : solidarité, management et modèles d’affaires.
3.2. La communauté d’utilisateurs-développeurs comme réseau coopératif
CHAPITRE 2. A LA RECHERCHE DES RACINES DE L’OPEN SOURCE (1) : RETOUR SUR L’HISTOIRE DE L’ACTION COLLECTIVE SOLIDAIRE.
1. De la notion de solidarité à la définition du diptyque charité/marché
1.1. La notion de solidarité en sciences humaines et sociales.
1.2. Définition d’un cadre théorique : le diptyque charité/marché.
2. Entre la charité et le marché.
2.1. Le cas de la souscription : entre charité et donnant-donnant
2.2. Le cas de la « Rotating Credit Association » : l’archétype du donnant-donnant.
3. Les formes historiques de la solidarité collective.
3.1. Les collectifs à objet de solidarité stable.
3.2. Les collectifs à objet de solidarité instable.
4. Vers la caractérisation d’une action collective solidaire.
5. Caractérisation de la communauté d’utilisateurs développeurs.
5.1. La communauté d’utilisateurs-développeurs : un cas particulier de Système de Management de la Solidarité.
5.2. La communauté d’utilisateurs-développeurs, un SMS au fonctionnement paradoxal : apports à la littérature
CHAPITRE 3. A LA RECHERCHE DES RACINES DE L’OPEN SOURCE (2) : RETOUR SUR LES FORMES DE PRODUCTION DISTRIBUEES
1. L’histoire des formes d’organisations collectives distribuées
1.1. La manufacture dispersée de Diderot et Alembert
1.2. L’industrie domestique.
1.3. La franchise
2. La communauté d’utilisateurs-développeurs : une organisation collective distribuée.
2.1. Caractéristiques communes à l’ensemble des formes d’organisations collectives distribuées.
2.2. Distribution et agglutination : deux notions pour décrire les systèmes de production distribués
2.3. Regard sur les éléments ayant permis l’apparition de la conception distribuée de logiciels par des communautés d’utilisateurs-développeurs
PARTIE III. DU MODELE RACINE A LA VARIETE DES ORGANISATIONS : L’EMERGENCE DES REGIMES DE L’OPEN SOURCE
CHAPITRE 1. DE LA VARIETE DES ORGANISATIONS OU L’EMERGENCE DES REGIMES DE L’OPEN SOURCE.
1. Les fondements théoriques et pratiques des régimes de l’open source
1.1. Les limites de la notion de « community ».
1.2. La technique de l’échantillonnage théorique
1.3. Les critères de sélection des cas.
2. L’hétérogénéité des organisations de l’open source : une étude empirique
2.1. Le cas Kexi ou un exemple du modèle racine.
2.2. Le cas Freeworks : un modèle associatif.
2.3. Le cas Mandriva : une firme de l’open source
2.4. Le cas OpenOffice.org : une communauté interentreprises
2.5. Le cas OW2 Consortium ou un exemple de consortium industriel.
CHAPITRE 2. LA MODELISATION DES REGIMES DE L’OPEN SOURCE
1. La définition de paramètres organisationnels
2. De l‘étude de cas multiple à la génération d’idéaux-types
3. La caractérisation des régimes de l’open source.
3.1. La firme de l’open source
3.2. La communauté d’utilisateurs-développeurs.
3.3. L’association d’utilisateurs-développeurs.
3.4. La communauté inter-organisations.
3.5. Le consortium de l’open source.
4. Des idéaux types au service de la description des formes hybrides de l’open source.
4.1. Relecture des cas sous l’angle de l’hybridation
4.2. L’utilisation du modèle du pentagone pour décrire les formes hybrides
PARTIE IV. LES STRATEGIES DANS L’OPEN SOURCE : DES COMBINAISONS NOUVELLES ENTRE LE MARCHAND ET LE NONMARCHAND.
CHAPITRE 1. VALORISATION ECONOMIQUE DE L’OPEN SOURCE ET STRATEGIES.
1. Les stratégies de valorisation ouvertes et hybrides.
1.1. Les stratégies ouvertes.
1.2. Les stratégies hybrides.
1.3. Synthèse des modèles économiques ouverts et hybrides.
2. Les stratégies de verrouillage.
2.1. Les stratégies d’intégration de logiciels libres dans du matériel.
2.2. Les stratégies de création de logiciels non libres et services en ligne
CHAPITRE 2. STRATEGIES INDUSTRIELLES ET CONCURRENCE
1. La stratégie open source d’un groupe industriel : le cas Thales
1.1. Thales : du monde fermé à l’open source.
1.2. Thales et l’open source.
2. La dynamique concurrentielle et coopérative dans l’open source.
2.1. L’imbrication des connaissances dans l’open source : généralités
2.2. L’imbrication des connaissances vue sur le terrain
2.3. Modélisation du couple code source/connaissances (SC/K)
CHAPITRE 3. ANALYSE DYNAMIQUE DES REGIMES DE L’OPEN SOURCE.
1. Modélisation de la dynamique des régimes.
2. Le Cas OpenOffice.org : une histoire mouvementée.
2.1. Première interprétation de l’histoire d’OpenOffice.org
2.2. Autres interprétations de l’histoire d’OOo.
2.3. Le cas OpenOffice.org ou la réouverture de la concurrence
3. Le cas Mozilla : le marchand au service du non-marchand.
3.1. Phase 1 : L’émergence de Navigator.
3.2. Phase 2 : La libération de Communicator.
3.3. Phase 3 : La création de la Mozilla Foundation.
3.4. Phase 4 : la création de la Mozilla Corporation.
3.5. Phase 5 : La création de la Mozilla Messaging Inc
3.6. Mozilla : un paradoxe technologique et économique.
PARTIE V. L’INNOVATION DANS LES REGIMES DE L’OPEN SOURCE : COMPENSER LES DEFAILLANCES DE L’OFFRE MARCHANDE
CHAPITRE 1. L’ETAT DE L’ART SUR LA « USER INNOVATION » ET L’EVALUATION DE L’INNOVATION DANS L’OPEN SOURCE.
1. De la « user innovation » aux communautés open source.
1.1. L’identification des utilisateurs comme source d’innovations
1.2. Le rôle des utilisateurs dans la définition d’une offre radicalement innovante.
1.3. Les conditions de l’émergence de communautés d’utilisateurs indépendantes.
2. Les limites de la littérature existante sur l’évaluation de l’innovation des logiciels libres.
2.1. La confusion entre processus innovant et produit innovant.
2.2. L’analyse des études proposant d’évaluer l’innovation produit des logiciels libres
2.3. Le manque de critères pertinents pour évaluer l’innovation dans l’industrie du logiciel.
2.4. Le logiciel libre vu par quelques praticiens
CHAPITRE 2. DE LA METHODE DELPHI A LA CONSTRUCTION DE LA « WEB-BASED DELPHI » : ETUDE EMPIRIQUE DE L’INNOVATION.
1. D’un problème de mesure au couplage de méthodes qualitatives et quantitatives pour étudier l’innovation.
1.1. Le problème de mesure de l’innovation.
1.2. Les techniques d’évaluation de l’innovation
2. De la technique Delphi à une « web-based Delphi » : une vue générale.
3. Les apports de l’approche « web-based Delphi » : la mobilisation d’experts dans un contexte distribué.
3.1. Etape 1 : la définition qualitative de cinq types d’innovation.
3.2. Etape 2 : Test des types d’innovations via l’évaluation d’experts de  logiciels libres en utilisant la Web-based Delphi
3.3. Etape 3 : La modélisation de l’innovation logicielle basée sur la moyenne des évaluations des experts
3.4. Etape 4 : une extension de la procédure d’évaluation à 152 logiciels par une auto-évaluation guidée.
4. Discussion et implications : les communautés d’utilisateurs-développeurs ou la compensation des défaillances marchandes.
CHAPITRE 3. LES MODELES D’INNOVATION LIBRES ET FERMES : DE L’OPPOSITION A LA CONTINGENCE.
1. La caractérisation du modèle d’innovation de l’open source : un modèle d’innovation par les extrémités.
1.1. Bases théoriques et empiriques de l’innovation par les extrémités.
1.2. Théorisation de l’histoire du développement des logiciels libres : une structuration technologique et sociale.
1.3. Vers une réorganisation du « bazaar »…
2. Les enjeux de la conception de logiciels fermés.
2.1. Confrontation de cas empiriques.
2.2. Théorie de la conception du logiciel.
2.3. Le logiciel fermé répondant à une demande.
3. Les enjeux de la conception de logiciels libres.
3.1. Le logiciel libre créé par une communauté d’utilisateurs-développeurs
3.2. Le logiciel libre créé par une entreprise.
PARTIE VI. CONCLUSION : APPORTS, APPLICATIONS ET IMPLICATIONS DES REGIMES DE L’OPEN SOURCE.
1. Les régimes de l’open source : une synthèse des enjeux organisationnels, économiques et technologiques de la diffusion du logiciel libre.
1.1. De l’identification d’un système solidaire et distribué inédit à la modélisation des régimes de l’open source.
1.2. La valorisation des logiciels libres : une dynamique nouvelle entre le marchand et le non-marchand.
1.3. L’innovation dans l’open source : de l’ouverture de la concurrence à la compensation de l’offre marchande.
2. Les stratégies d’ouverture ou de fermeture des technologies logicielles : de l’arbitrage à la rationalisation
2.1. Rationaliser les décisions d’ouverture ou de fermeture technologique (1) : la proposition d’un modèle d’aide à la décision.
2.2. Rationaliser les décisions d’ouverture ou de fermeture technologique (2) : cas d’application ex-post et ex-ante.
3. Implications théoriques et managériales des régimes de l’open source : vers une contingence des stratégies ouvertes et fermées ?
3.1. Les stratégies d’ouverture et de fermeture : de l’opposition à la complémentarité.
3.2. Le rôle des activités de R&D dans la construction de l’avantage concurrentiel des firmes de l’open source.

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