L’élément central de cette recherche correspond à la « crue éclair ». Ce phénomène naturel a généralement lieu dans des bassins versants de petite taille, caractérisés par des pentes raides, et soumis à des précipitations orageuses de forte intensité et de durée relativement longue. La période la plus propice, selon différentes études, s’étale du mois de septembre au mois de novembre (Automne). De manière générale, les zones touchées par ces crues éclair, sont majoritairement caractérisées par des conditions climatiques de type méditerranéen, bien que certains auteurs les considèrent de la même manière que les crues torrentielles touchant des zones montagneuses. La définition précise de ce phénomène peut s’avérer variable suivant les critères choisis (hydrologiques, pluviométriques, comportementaux, etc.) pour le caractériser. Dans le cadre de cette étude, la crue éclair est considérée comme un phénomène naturel de faible extension géographique mais dont l’intensité, la rapidité de génération et la faible occurrence limite l’expertise hydrométéorologique des opérations de prévision de la gestion de crise. Ainsi, le terme crue à cinétique rapide est préféré à celui de crue éclair et est considéré ici comme un risque majeur menaçant les territoires anthropisés.
Les crues à cinétique rapide: un risque majeur
La gestion du risque « inondation »
Malgré ces particularités physiques, les crues à cinétique rapide peuvent être considérées dans le champ plus large du risque « inondation ». Ainsi, il semble nécessaire de définir précisément les termes fondamentaux relatifs à la science des risques, et en particulier, le positionnement de la prévision hydrométéorologique en situation de crise « inondation ».
Fondements théoriques : aléa, vulnérabilité et risques majeurs
La notion de risque
De manière générale, le risque résulte de la relation entre la société et son environnement. Comme l’aborde DAUTUN (2007), « les risques ont toujours été inhérents à nos sociétés » au point que DUPONT (2003) aborde le concept de « civilisation du risque ». Le concept de risque tel qu’on l’utilise de nos jours est né avec l’avènement socio-économique des sociétés industrielles. De part, les activités de plus en plus sophistiquées qu’elle génère, la société met potentiellement en danger sa population et ses infrastructures. De la même manière, l’urbanisation croissante et l’extension des villes confrontent de plus en plus les populations avec des éléments naturels potentiellement menaçant (feux de forêts, inondations, etc.). Le risque peut être d’ordre naturel, technologique ou anthropique. Il existe de nombreuses définitions suivant le point de vue de l’observateur et les problématiques étudiées (AYRAL et GRIOT, 2001). Selon les Nations Unies, le risque correspond à l’ « espérance mathématique de pertes en vies humaines, blessés, dommages aux biens et atteinte à l’activité économique au cours d’une période de référence et dans une région donnée, pour un aléa particulier ». Il s’agit d’une définition générale, qui permet cependant de relever plusieurs notions fondamentales du risque : l’espace, le temps et l’incertitude. Ce point de vue est confirmé par VEYRET (2004) qui considère le risque comme un « objet géographique » caractérisé par « sa dimension spatiale et ses aspects temporels ».
L’aléa
Un aléa, principal d’objet d’étude de cette recherche, est caractérisé par une intensité, une fréquence, une extension spatiale, et une période temporelle d’occurrence (VEYRET, 2004). Il existe comme pour le risque un grand nombre de définitions. L’Institut des Risques Majeurs (IRMa) définit l’aléa comme une «possibilité de l’apparition d’un phénomène résultant de facteurs ou de processus qui échappent au moins en partie à l’homme » (AYRAL et GRIOT, 2001), ce qui correspond bien à l’aspect fortement imprévisible d’une crue à cinétique rapide ou crue éclair. L’évaluation des caractéristiques d’un aléa nécessite d’appréhender les processus physiques en jeu. Cette évaluation passe généralement par l’utilisation d’une instrumentation adaptée capable de collecter et transmettre les données relatives aux processus physiques en jeu. De manière générale, la caractérisation précise et stricte d’un aléa reste encore de nos jours un idéal à atteindre. Cette difficulté est d’autant plus exacerbée que la fréquence de l’aléa en jeu est faible (HAZIZA, 2007).
La vulnérabilité
La vulnérabilité quant à elle est polysémique et peut avoir une dimension qualitative, quantitative ou semi-quantitative. Pour AYRAL (2001), « la vulnérabilité est l’étude des dommages potentiels sur les enjeux ». La notion d’enjeux est définie par le Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de la Mer (MEEDDM) comme les « personnes, biens, équipements, environnement menacés par l’aléa et susceptibles de subir des préjudices ou des dommages ». De manière générale, étudier la vulnérabilité consiste à évaluer la valeur économique des enjeux susceptibles d’être endommagés par un aléa. VEYRET (2004) distingue une composante objective, la valeur socio-économique des territoires menacés, et une composante subjective, liée à la perception du danger. Finalement, la vulnérabilité permet d’intégrer une dimension sociale à l’étude des risques (HAZIZA, 2007).
Le risque majeur
Si le terme « gravité » correspond à une valeur quantitative de dommages, elle augmente avec l’imprédictibilité et l’intensité de l’aléa, et l’importance des dommages (LEFEVRE et SCHNEIDER, 2003). Dans ce mémoire, l’aléa considéré est relatif aux crues à cinétique rapide qui sont par nature difficilement prévisible en temps et en lieu, et qui occasionnent régulièrement des dommages socioéconomiques paralysant le fonctionnement des territoires concernés pendant quelques jours. Dans ce contexte, le terme de « risque majeur » est employé. D’un point de vue social, le risque majeur est rattaché à l’idée de catastrophe, souvent « révélateur d’une rupture socio-économique » (VEYRET, 2004) Ainsi, cette recherche se focalise sur les risques naturels, et en particulier sur les inondations provoquées par des phénomènes de crues à cinétique rapide. Ce type d’aléa a de tout temps menacé les populations. La manière d’appréhender les risques naturels, suit globalement les conceptions du rapport Société – Nature (VEYRET, 2004) :
– Une séparation entre l’aléa naturel et la société, considérés indépendamment pour réduire le risque,
– Les éléments naturels sont fortement transformés par les sociétés, la nature est donc considérée comme anthropisée . L’aléa devient donc un « révélateur de la vulnérabilité » (VEYRET, 2004).
Dans le massif des Cévennes, inclus dans la zone d’étude « Grand Delta » de cette recherche, des crues à cinétique rapide touchent régulièrement les populations. Les actions anthropiques passées et présentes jouent certainement un rôle non négligeable sur le déclenchement de ce phénomène naturel, cependant leur contribution dans la génération de ce type de crues n’est toujours pas avéré (MARTIN et al., 2008). Dans les zones à plus fort développement économique, touchées par le champ d’inondation, résultant de la crue amont, l’effet anthropique est certainement plus marqué. L’imperméabilisation des sols, résultant de l’urbanisation, et plus largement la modification du cycle de l’eau augmente significativement les volumes ruisselés et a fortiori la vulnérabilité des populations face à l’inondation (HAZIZA, 2007). Cette question de l’étude du risque naturel est complexe, la manière de l’aborder dépend fortement de la finalité des travaux engagés.
Dans le cadre de ces travaux, l’objectif sous-jacent est d’améliorer la prise en compte de l’aléa « crue éclair », par les services opérationnels en vue de diminuer la vulnérabilité des populations et de leurs biens soumises à cet aléa. La réduction de la vulnérabilité d’un territoire, et par extension les risques qui le concerne, passe par de nombreuses mesures tant structurelles qu’organisationnelles. VEYRET (2004) identifie trois actions principales d’amélioration :
– La meilleure connaissance des processus physiques,
– La mise en place d’aménagements adaptés,
– Un usage des territoires intégrant le danger.
L’ensemble de ces actions peuvent être réalisées à différentes étapes de la gestion du risque, avant en phase de prévention, pendant (prévision et gestion de crise) ou après un évènement catastrophique (retours d’expérience). Dans le cadre de cette étude, une attention particulière est donnée à la composante « prévision » de la gestion de crise, de l’émergence de l’évènement naturel à risque au retour à la normale météorologique .
|
Table des matières
Introduction Générale
Partie 1 : Cadre institutionnel et État de l’art
Chapitre 1 : Les crues à cinétique rapide : phénomène et gestion opérationnelle
I – 1. Les crues à cinétique rapide : un risque majeur
I – 1.1. La gestion du risque « inondation »
I – 1.2. Dimension hydrométéorologique des crues éclair
I – 1.3. La modélisation des phénomènes de crues à cinétique rapide
I – 1.4. Synthèse des crues à cinétique rapide
I – 2. Cadre institutionnel et opérationnel de la gestion de crise « inondation »
I – 2.1. La notion de vigilance
I – 2.2. La vigilance météorologique : l’instigateur de l’alerte
I – 2.3. La vigilance hydrologique : une émergence justifiée
Chapitre 2 : L’informatique distribuée : une composante nouvelle des sociétés modernes
II – 1. Propos introductifs
II – 1.1. les technologies de l’information et de la communication (TIC)
II – 1.2. Collaboration et organisation virtuelle
II – 1.3. Interopérabilité
II – 2. L’informatique distribuée et la technologie grille
II – 2.1. Généralités sur l’informatique distribuée
II – 2.2. Les grands modèles de communication dans un système distribué
II – 2.3. La technologie grille : définitions et fonctionnement
II – 2.4. Synthèse sur la technologie grille
II – 3. La cartographie en ligne entre géomatique et services web
II – 3.1. Gestion des données géoréférencées : SIG et géomatique
II – 3.2. Les SIG et les réseaux informatiques
Partie 2 : Expertise hydrométéorologique en situation de crise : existant et propositions d’amélioration
Chapitre 3 : L’expertise hydrométéorologique des crues à cinétique rapide
III – 1. L’existant technologique du Service de Prévision des Crues Grand Delta
III – 1.1. Les méthodes RM-ODP et UML dédiées à la spécification des systèmes d’information
III – 1.2. Le système d’information du SPC-GD : rôles, compétences et capacités
III – 2. Retours d’expérience : Besoins opérationnels, scientifiques et technologiques
III – 2.1. Les crues à cinématique rapide : les cas « Aude 1999 » et « Gard 2002 »
III – 2.2. De la Sécurité Civile à l’expertise hydrométéorologique : un perfectionnement perpétuel
Chapitre 4 : La technologie grille et la géomatique : vecteurs d’innovation
IV – 1. Les contraintes technologiques de la prévision hydrologique
IV – 1.1. De la prévision hydrologique
IV – 1.2. … aux contraintes technologiques inhérentes
IV – 2. La grille EGEE : un support informatique performant et adaptable
IV – 2.1. La technologie grille : des caractéristiques technologiques et des champs d’application favorables à une adoption opérationnelle
IV – 2.2. La technologie grille et la science de l’information géographique : une synergie innovante
IV – 3. G-ALHTAÏR : un système spatial d’aide à la décision hydrologique 145
IV – 3.1. L’hypothèse de recherche centrale : le système spatial d’aide à la décision
IV – 3.2. Caractérisation globale de G-ALHTAÏR dédié à l’anticipation des crues à cinétique rapide
IV – 3.3. Spécification détaillée du système spatial d’aide à la décision au sein du SPC-GD
Partie 3 : Méthodologie expérimentale
Chapitre 5 : Grillification de l’application ALHTAÏR
V – 1. L’intergiciel gLite : un accès unique aux ressources d’EGEE
V – 1.1. Les services d’accès
V – 1.2. les services de sécurité
V – 1.3. les services d’information et de surveillance des ressources
V – 1.4. les services de gestion de données
V – 1.5. Les services de gestion des tâches
V – 2. Méthodologie fondamentale
V – 2.1. Principe de fonctionnement du scénario de prévision
V – 2.2. Stratégie de portage
Chapitre 6 : Interfaçage entre la grille EGEE et le SPC-GD
VI – 1. Notes introductives : la problématique d’interfaçage
VI – 2. G-ALHTAÏR : un outil garant de l’interopérabilité et de l’orchestration des traitements
VI – 2.1. Point de vue « Entreprise » : l’interface de cartographie en ligne garante de l’opérationnalité du SPC-GD
VI – 2.2. Points de vue « Information et Traitement » : les services web de l’OGC
VI – 2.3. Point de vue « Ingénierie » et « Technologie » de G-ALHTAÏR
VI – 3. RRM-Grid : un outil garant de l’ordonnancement et d’une qualité de service
VI – 3.1. Propos introductifs : limites de performance de l’intergiciel gLite et contraintes de qualité de service
VI – 3.2. Ordonnanceur et qualité de service
VI – 3.3. RRM-Grid : une couche applicative garante d’une efficacité opérationnelle
Partie 4 : Résultats et Perspectives : vers l’adoption potentielle de la technologie grille
Chapitre 7 : Expérimentations de l’ordonnanceur RRM-Grid
VII – 1. Plan d’expérience
VII – 1.1. Ressources de grille : la VO ESR
VII – 1.2. Méthodes de traitement expérimentées
VII – 1.4. Critères d’analyse
VII – 1.3. Étude de cas en situation opérationnelle
VII – 2. Résultats expérimentaux de RRM-Grid
VII – 2.1. Performances technologiques
VII – 2.2. Étude de cas de l’évènement du 22 octobre 2008
Chapitre 8 : Perspectives opérationnelles et scientifiques de G-ALHTAÏR
VIII – 1. G-ALHTAÏR : un système spatial d’aide à la décision en devenir
VIII – 1.1. L’optimisation des traitements de grille
VIII – 1.2. L’interopérabilité : entre sophistication et opérationnalité
VIII – 2. Enrichissement de la dimension hydrométéorologique
VIII – 2.1. L’approche multi-modèle en temps réel
VIII – 2.2. Vers l’optimisation du modèle
VIII – 2.3. Gestion des systèmes de mesure et des données collectées
Conclusion générale
Bibliographie
