Le graffiti : de la rue à une reconnaissance institutionnelle ?

La question de la mise en relation d’une œuvre d’art et du public en amenant cette dernière dans l’espace public même, ainsi que celle de la politique menée par la ville à l’égard de l’art m’ont toujours intéressées, c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai rédigé un mémoire sur le travail altruiste d’Ernest Pignon Ernest en master 1. J’ai alors pu me poser de multiples questions et ainsi définir plusieurs pistes à approfondir. Ces pistes, j’ai voulu les explorer en montant un projet d’exposition sur la peinture urbaine, qui m’a été proposé par le Lieu d’Images et d’Art où j’étais stagiaire. C’est donc dans ce contexte assez flou concernant la distinction du statut du graffiti que s’inscrit mon projet d’exposition. Cette expérimentation me permettra de poser plusieurs questions, notamment celles du caractère indissociable entre illégalité et légalité du graffiti, du fait que le graffiti se constitue comme un acte politique, et de la difficulté de limiter le graffiti à un lieu d’exposition comme celui proposé par la Régie du téléférique : la casemate du musée.

Le terme graffiti « désigne des inscriptions et des dessins non officiels tracés à main levée, et suppose des supports (murs de bâtiments, muraille, colonne, etc…) d’un caractère particulier » . Ces graffitis forment des groupes très différents : du graffiti des toilettes publiques aux graffitis politiques de la Sorbonne en mai 1969, en passant par le simple nom gravé dans l’écorce d’un arbre. Mais dans les années 70 aux États-Unis, puis dans les années 80 en Europe, la pratique du graffiti prend une autre dimension. Elle s’insère dans le cadre urbain occidental, et s’affiche également sur les transports publics ou toutes autres formes de supports (abribus, portes, enseignes…). Les graffiteurs ou encore les graffeursintègrent une technique particulière, la bombe de peinture, qui leur permet de couvrir de grandes surfaces, donnant ainsi naissance à de véritables fresques. Des styles (Bubble Style, Wild Style …) et des figures spécifiques (B.Boys , personnages…) apparaissent. D’un geste machinal et marginal, on passe ainsi à une forme d’expression, réellement travaillée. Toutefois, le caractère illégal de la pratique ne facilite pas sa reconnaissance par les milieux artistiques. D’autant plus que le mouvement se cristallise autour de groupes de jeunes, souvent issus de milieux populaires et immigrés, en voie d’exclusion.

Si le graffiti demeure insaisissable pour l’observateur, c’est qu’il se situe à la frontière entre plusieurs disciplines. La pratique du graffiti emprunte en effet des éléments à la calligraphie. Le tag est un travail sur un ensemble fini de lettres, ellesmêmes combinables et perfectibles à l’infini. C’est une recherche perpétuelle de lignes et de courbes harmonieuses, tracées souvent dans un mouvement rapide et précis. C’est également un travail sur la langue. La spécificité du graffiti et du tag est d’afficher des mots. Il s’agit de jouer avec la langue, souvent de la coder et de la détourner. Tout comme les rappeurs, les graffeurs inventent un langage qui leur est propre, allant jusqu’à s’affranchir des règles syntaxiques et orthographiques utilisées dans la langue ordinaire. Enfin, c’est un travail qui peut être associé à la peinture : le graffiti est une fresque travaillée, sur plusieurs mètres carrés, à l’aide d’une technique particulière, la bombe. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les pionniers du graffiti utilisaient le terme « writer » pour se désigner. Or, on trouve aujourd’hui le terme « peinture » pour nommer cette activité. Cela témoigne bien de l’évolution qu’a connue la pratique en vingt ans et de l’extrême hétérogénéité des types de perception que cela engendre. Il existe aujourd’hui un fossé énorme entre « l’arracheur » (individu pratiquant le tag essentiellement) et le graffeur reconnu, qui se rapproche du graphiste ou de l’artiste.

Le graffiti présente donc cette particularité d’être une « trace urbaine », à la fois gribouillage illégal et forme d’expression artistique, selon les points de vue recueillis et les individus rencontrés. Le terme graffiti, recouvre, on le comprend, plusieurs «familles » d’expression murale mais on peut le définir comme une inscription ou un dessin tracé, peint ou gravé sur un support qui n’est normalement pas prévu à cet effet. Il est à différencier du tag qui est l’inscription d’un pseudonyme au tracé simple, utilisant une seule ligne, en guise de signature. Le graffiti est lui aussi spécifique car il concerne tout lettrage dont le tracé est plus ou moins complexe, c’est-à-dire un lettrage composé d’une double ligne et de formes pleines, en couleurs. Ce dernier à évolué ensuite vers la fresque qui fait appel à plusieurs couleurs, à une décoration interne, à de multiples effets, à la présence d’objets et de personnages d’une part, et vers les différentes techniques de l’art urbain : pochoirs, stickers, affiches, installations, environnement graphique d’un « mur couleurs ».

Le projet de l’exposition « 500 signatures » s’est mis en place à un mois du premier tour des élections présidentielles françaises. Nous avons donc proposé à des artistes issus de l’art urbain d’apporter leur point de vue sur cet événement. La Casemate de la Bastille, lieu très particulier et chargé d’histoire, en a été le point de départ avec une exposition fixe de toiles, de photographies d’œuvres, de travaux sur cartons et panneaux de bois. Puis, des lieux sur Grenoble et sur le campus, ont accueillis des démonstrations et ateliers. Grenoble était en effet dans un contexte de réflexion politique face à la perspective des élections, et c’est le point de vue d’artistes et de collectifs tels que Nesta (graffeur), Nikodem (graphiste/illustrateur), Les Artizans (collectif artistique), Goin (artiste) et Jérôme Mesnager (artiste) que nous avons voulu proposer. Jérôme Mesnager, présent lors du Printemps du Livre, avec le partenariat du LIA (Lieu d’Images et Art) et de la régie de la Bastille, a assuré la signalétique montant de la ville de Grenoble à la Bastille avec ses corps blancs, indiquant ainsi le début de l’exposition. Afin d’assurer à cette exposition un écho auprès des étudiants, ce projet a été réalisé en partenariat avec l’ARCUR (Association des Résidents de la Cité Universitaire du Rabot) et a donc été présent sur le campus.

Ce projet voulait faire en sorte que l’art urbain, et notamment la peinture urbaine, ait une visibilité inespérée à Grenoble et ainsi montrer au public certaines figures du «street art», terme regroupant les artistes de rue qui utilisent la bombe aérosol, l’affiche, le sticker, le pochoir, mais aussi la peinture et les installations dans l’espace urbain. Le projet s’est déroulé en deux temps. Dans un premier temps, une exposition fixe a été proposée dans l’espace du musée de la Bastille pour une durée de deux semaines durant lesquelles les artistes ont exposé leurs travaux mais ont aussi été conviés à créer collectivement en utilisant leurs techniques propres. En parallèle, on a demandé aux artistes de participer à plusieurs évènements ponctuels dans Grenoble. Ces derniers ont donc repris les formes spécifiques à une campagne politique : meeting, débat, présentation de programme, tracts, affiches… autant d’exercices qui ont permis aux artistes de montrer l’étendue de leur talent sur un sujet qui n’est pas forcément celui qu’ils ont favorisé jusqu’à présent. L’exemple le mieux réussi fut celui de la Political Piñata réalisé à EVE. La Piñata est un jeu qui se fait à toutes les fêtes mexicaines. Le but est de casser une effigie en papier mâché et ainsi de récupérer les bonbons se trouvant à l’intérieur. Ici les Artizans l’ont adapté au contexte et les marionnettes étaient à l’effigie de candidats à l’élection présidentielle. Cette idée d’articuler l’exposition en deux temps (une forme passive et une forme active) voulait empêcher de dénaturer l’essence même du “street art” en le figeant dans un lieu défini.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LE GRAFFITI COMME MOYEN D’EXPRESSION ILLEGALE
1 Collage des affiches pour l’exposition « 500 signatures »
1-1 Affichage sauvage et affichage légal
2 Les risques : lois, amendes, code pénal etc
3 Oui à la fresque, non aux tags !
4 La lutte par les moyens techniques
4.1 La prévention
4.1.1 Supports anti-tags
4.1.2 Accès au matériel
4.1.3 Encadrement des graffiteurs
4.2 La réparation
4.3 La surveillance
4.4 La bataille de la communication
5 La lutte par les moyens judiciaires
5.1 Le dispositif légal
6 Exemple de l’affaire de la SNCF
6.1 Les faits
6.2 L’organisation de la lutte
6.3 Les procès
7 Tout doit disparaître
DEUXIEME PARTIE : RELATIONS ENTRE LE GRAFFITI ET LA VILLE
1- Un cadre spécifique: la rue
1-1 Un espace de conquête et de relégation
1-2 La rue comme espace public
1-3 La rue comme espace du public
2- Des supports originaux: les murs et les transports publics
2-1 La ville comme espace de ségrégation spatiale et temporelle
2-2 L’ubiquité du graffiti comme dépassement des frontières urbaines
III- LE GRAFFITI COMME ACTIVITE ARTISTIQUE RECONNUE ?
1- La difficile reconnaissance du graffiti
1-1 Les conditions de légitimation du graffiti
1-2 Les formes possibles de la reconnaissance du graffiti
1-2-1 Droit de cité – Commandes publiques
1-2-2 De la rue à la galerie
1-2-3 Vers un début de légitimité
1-2-4 Artistes contemporains et le graffiti
1-2-5 L’économie de la rue
CONCLUSION

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