LE GENE ET LA PROTEINE CFTR
LE GENE CFTR
Le gène CFTR se situe au niveau du bras long du chromosome 7, en position 7q31.2. Il est constitué d’environ 250 kb et contient 27 exons. Sa traduction conduit à un ARNm (acide ribonucléique messager) de 6 132 nucléotides .
STRUCTURE DE CFTR
La protéine CFTR appartient à la famille des transporteurs ABC (transporteurs à ATP-binding cassette) et en est le 7e membre de la sous-famille C. CFTR peut donc également être désignée par ABCC7 (ATP-binding cassette sub-family C member 7).
Les transporteurs ABC forment une large famille de protéines membranaires représentée dans les différents règnes du vivant. Ces protéines utilisent l’hydrolyse de l’ATP (adénosine-5’-triphosphate) afin de réaliser le transport d’un substrat (ion, acide aminé, protéine…) contre son gradient de concentration. Elles partagent une structure commune constituée de deux domaines transmembranaires (ou TMB, transmembrane domain) et deux domaines de liaison à l’ATP (ou NBD, nucleotide-binding domain).
CFTR est une protéine transmembranaire constituée de 1 480 acides aminés pour un poids moléculaire de 168 kDa (Dalton). Elle est composée des quatre domaines caractéristiques de la famille ABC : deux domaines transmembranaires (TMB1 et TMB2) et deux domaines de liaison à l’ATP (NBD1 et NBD2). Elle contient également un domaine régulateur (R) qui lui est unique, et qui est le lieu de phosphorylations permettant l’activation du canal (Figure 3).
FONCTIONS DE CFTR
La protéine CFTR est principalement connue pour son rôle de canal chlorure, faisant sortir les ions chlorures (Cl- ) au niveau du pôle apical de la cellule. Cette fonction, supposée à partir de la caractérisation du gène CFTR (Riordan et al. 1989) et des modèles structuraux de la protéine (Hyde et al. 1990), a ensuite été rapidement mise en évidence par plusieurs équipes. La réexpression de protéines CFTR sauvages et fonctionnelles dans des cellules CF ou n’exprimant par CFTR de manière endogène montre une perméabilité corrigée aux ions Cl- et sensible à l’AMPc (adénosine monophosphate cyclique) (Rich et al. 1990, Kartner et al. 1991). Cela est confirmé par Anderson et ses collègues par des altérations de la sélectivité du canal (Anderson et al. 1991). Ils montrent également que sa séquence de perméabilité anionique (Br- > Cl- > I- > F-) se distingue de celles des autres canaux Cl- épithéliaux qui sont plus perméables aux ions I- qu’aux ions Cl-.
En plus des ions Cl- , le canal CFTR est capable de laisser passer d’autres ions polyatomiques tels que le nitrate (NO3- ), le bicarbonate (HCO3- ), le méthanoate (HCOO- ) et l’éthanoate (CH3COO- ) (Linsdell et al. 1997). CFTR est également un transporteur de glutathion réduit (GSH) (Linsdell et Hanrahan 1998) et d’ions thiocyanates (SCN- ) (Tabcharani et al. 1993), ce qui confère au canal un rôle protecteur dans la réponse inflammatoire contre le stress oxydatif et la lutte microbienne (Figure 4).
Le canal CFTR participe également à la régulation de l’activité d’autres canaux ioniques. CFTR est en effet un inhibiteur du canal ENaC (epithelial Na+ channel), qui lui-même permet la réabsorption du sodium (Na+ ) (Briel et al. 1998, Mall et al. 1998). De plus, il a été montré que CFTR pouvait activer des canaux potassiques ROMK (renal outer medullary potassium), d’autres canaux Cltels que ANO1 (anoctamine 1) (Ruffin et al. 2013) et SLC26A9 (solute carrier 26A9) (Bertrand et al. 2009), ainsi que des échangeurs HCO3- /Clcomme SLC26A3 et SLC26A6 (Figure 4). La perméabilité du canal CFTR aux ions HCO3 – et sa capacité à activer des échangeurs HCO3- /Clconfère au canal un rôle important dans la régulation du pH, paramètre garantissant la bonne homéostasie au niveau des voies aériennes et la neutralisation des acides gastriques (Saint-Criq et Gray 2017). La fonction de canal chlorure de la protéine CFTR, ainsi que sa fonction de régulation de l’activité d’autres canaux ioniques, contribuent à l’équilibre hydro-osmotique des épithéliums sécréteurs et à la fluidité des liquides sécrétés. Son absence ou son dysfonctionnement induit une déshydratation de ces sécrétions qui deviennent visqueuses, et ce, dans la plupart des organes où la protéine CFTR est normalement exprimée.
LOCALISATION DE CFTR
La protéine CFTR est exprimée dans de nombreux organes : glandes sudoripares, reins, intestin, foie, pancréas, appareils génitaux et poumons (Crawford et al. 1991, Hihnala et al. 2006). Dans ces organes, on la retrouve au niveau de la membrane apicale des cellules épithéliales .
Il est intéressant de noter que la protéine CFTR ne s’exprime pas au même degré selon les tissus considérés : elle est par exemple fortement exprimée dans le pancréas et le tractus gastrointestinal alors que son expression est faible au niveau pulmonaire (Crawford et al. 1991). De même, au sein d’un même tissu, CFTR n’est exprimée que par certaines cellules : ainsi, au niveau du foie, seuls les cholangiocytes expriment CFTR et, au niveau pulmonaire, seules les cellules ciliées, les cellules tapissant les glandes sous-muqueuses et les cellules alvéolaires expriment la protéine (Cohn et al. 1993, Kreda et al. 2005, Regnier et al. 2008).
MUTATIONS DE CFTR
A ce jour, 2 028 mutations du gène CFTR ont été recensées par la base de données Cystic Fibrosis Mutation Database (http://www.genet.sickkids.on.ca/cftr/app). Bien que ces mutations aient des conséquences différentes sur la protéine, elles ont pu être regroupées selon des classes afin de faciliter la compréhension de la pathologie. Cinq classes de mutations reposant sur les conséquences fonctionnelles sur la protéine CFTR ont été créées : des mutations interférant sur la production, la maturation, la régulation, la conductance ou la synthèse de la protéine (Welsh et Smith 1993, Zielenski et Tsui 1995). Une sixième classe caractérisée par la présence d’une protéine CFTR instable à la membrane a ensuite été proposée (Haardt et al. 1999) .
La classe I se caractérise par une très faible production ou une absence totale de la protéine à la membrane, conséquence de l’apparition d’un codon STOP prématuré dans le gène CFTR. Les mutations de classe II provoquent un défaut dans la maturation de la protéine, par un repliement anormal. Cette anomalie conformationnelle conduit à l’accumulation de la protéine mutante dans le réticulum endoplasmique. On retrouve dans cette classe la mutation la plus fréquente chez les patients CF, la mutation Phe508Del. La troisième classe de mutation permet l’expression de la protéine CFTR à la membrane mais qui ne peut cependant pas être activée. Les mutations de classe I à III sont généralement associées à des phénotypes sévères de la maladie, en raison de l’absence ou de la très faible expression de CFTR fonctionnelle à la membrane.
Une fonction résiduelle de CFTR, exprimée à la membrane, est préservée en partie pour les mutations de classes IV à VI. Les patients porteurs de ces mutations présentent ainsi un phénotype moins sévère, dit léger. Les mutations de classe IV correspondent à une altération de la conductance du canal CFTR. Les mutations de classes V et VI provoquent une diminution du nombre de canaux à la membrane, due à une diminution de la synthèse de la protéine (classe V) ou à une instabilité du canal à la membrane .
Bien que la mucoviscidose soit une maladie monogénique, une hétérogénéité phénotypique a été observée pour des patients porteurs d’une même mutation (Bronsveld et al. 2001). Cette observation a conduit à l’identification de gènes dits modificateurs dont les variations génétiques (ou polymorphismes) ont été associées à une expression phénotypique différente chez les patients CF. Ces gènes modificateurs, situés en dehors du locus de CFTR, peuvent être associés à une sévérité accrue ou moindre de la maladie. Il a par exemple été montré que certains polymorphismes du gène FAM13A (family with sequence similarity 13 member A) étaient associés à une atteinte pulmonaire plus sévère chez les patients CF (Corvol et al. 2017). De la même façon, le gène SERPINA1 (serine protease inhibitor A1) a été mis en évidence comme un gène modificateur de l’atteinte hépatique, et plus particulièrement son allèle Z, qui provoque un repliement anormal de la protéine d’α1-antitrypsine (AAT) codée par cet allèle (Bartlett et al. 2009).
MANIFESTATIONS CLINIQUES
Du fait de la large distribution d’expression de CFTR dans l’organisme, la mucoviscidose est une maladie multi organe ayant des manifestations gastro-intestinales, pancréatiques, hépatobiliaires, génitales, osseuses et pulmonaires. Certaines de ces atteintes sont présentes dès la naissance, tandis que d’autres vont se mettre en place progressivement au cours de la vie du patient .
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Table des matières
INTRODUCTION
I. LA MUCOVISCIDOSE
1. EPIDEMIOLOGIE
2. HISTORIQUE
3. LE GENE ET LA PROTEINE CFTR
a. Le gène CFTR
b. Structure de CFTR
c. Fonctions de CFTR
d. Localisation de CFTR
e. Mutations de CFTR
4. MANIFESTATIONS CLINIQUES
a. Manifestations gastro-intestinales
b. Manifestations pancréatiques
c. Manifestations hépatobiliaires
d. Manifestations génitales
e. Manifestations osseuses
f. Manifestations pulmonaires
5. DIAGNOSTIC ET DEPISTAGE
6. LES TRAITEMENTS
a. Prise en charge des atteintes nutritionnelles et métaboliques
b. Prise en charge de l’atteinte pulmonaire
II. LA CORTICOSTEROID-BINDING GLOBULIN (CBG)
1. LA FAMILLE DES SERPINES
2. LE GENE SERPINA6
3. LA PROTEINE CBG
a. Structure de la CBG
b. Expression et localisation de la CBG
4. FONCTIONS DE LA CBG
a. La CBG régule la biodisponibilité de ses ligands
b. La CBG transporte et adresse ses ligands
c. Les CBG extrahépatiques contrôleraient l’accessibilité des ligands à leurs récepteurs
d. La CBG déclencherait des cascades de signalisations intracellulaires
5. VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES DES NIVEAUX DE CBG
a. Dimorphisme sexuel
b. Cas de la grossesse
c. Variations au cours de la vie
d. Stress
e. Inflammation
6. MUTATIONS ET POLYMORPHISMES DU GENE SERPINA6
a. Apport des modèles animaux
b. Etudes chez l’homme
7. ALTERATIONS PATHOLOGIQUES DES NIVEAUX DE CBG
a. Maladies endocriniennes
b. Pathologies à composante inflammatoire
c. Procédures chirurgicales
d. Maladies hépatiques
OBJECTIFS
RESULTATS
I. ARTICLE
1. CONTEXTE DE L’ETUDE
2. RESULTATS
3. CONCLUSION
II. RESULTATS COMPLEMENTAIRES
1. MATERIEL ET METHODES
a. Biopsies et plasmas
b. Culture cellulaire
c. Extraction des ARN totaux
d. Transcription inverse et PCR semi-quantitative
e. Expérience de liaison de la CBG
f. ELISA
g. Western blot
h. Analyses statistiques
2. REGULATION DE LA CBG HEPATIQUE
a. Régulation en conditions pro-inflammatoires
b. Régulation en conditions anti-inflammatoires
c. Régulation en conditions pro-infectieuses
d. Régulation en condition pro-fibrosante
e. Effet de l’inhibition de CFTR dans les cholangiocytes
f. Effet de la surexpression de CBG sur l’inflammation
3. RESULTATS COMPLEMENTAIRES SUR LE PLASMA
a. Effet de l’atteinte hépatique sur le taux de CBG plasmatique
b. Effet du dimorphisme sexuel sur le taux de CBG plasmatique
c. Mesure de l’IL-6
d. Mesure du cortisol total
4. REGULATION DE LA CBG PULMONAIRE
a. Expression de la CBG dans différents modèles cellulaires
b. Régulation en conditions pro- et/ou anti-inflammatoires
c. Effet de l’inhibition de CFTR
5. ETUDE DE L’AAT AU NIVEAU HEPATIQUE ET PULMONAIRE
a. Expression de l’AAT dans les foies de patients CF
b. Patron d’expression de l’AAT pulmonaire
c. Expression de l’AAT dans les poumons de patients CF
d. Etude de l’influence de l’expression de l’AAT sur celle de la CBG
6. PROBLEMES RENCONTRES
a. Anticorps anti-CBG non spécifiques
b. Expression faible de la CBG pulmonaire
c. Le modèle souris CF
DISCUSSION
I. EXPRESSION ET REGULATION DE LA CBG HEPATIQUE
II. ETUDE AU NIVEAU PLASMATIQUE
III. EXPRESSION ET REGULATION DE LA CBG PULMONAIRE
IV. LA CBG, UN OUTIL THERAPEUTIQUE DANS LA MUCOVISCIDOSE ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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