Définitions
• La dénutrition : C’est un terme de physiologie qui signifie désassimilation, elle est un état pathologique qui est la conséquence d’apports ou de stocks énergétiques insuffisants pour répondre aux besoins métaboliques de l’organisme. Elle peut être primaire ou secondaire à des conditions pathologiques. Il existe trois types de dénutrition :
– la dénutrition calorique pure : elle est due à une inadéquation des apports par rapport aux besoins énergétiques. Elle entraîne une chute de poids et une réduction de la masse grasse.
– la dénutrition calorico-énergétique : elle entraîne une réduction de la masse maigre et de la masse grasse.
– la dénutrition protéique : l’apport énergétique est suffisant mais il existe une carence relative en protéine, entraînant une forte musculaire.
• Etat d’agression : C’est une situation aiguë au cours de laquelle un facteur imprévu de nature physique, chimique, ou biologique, vient brusquement modifier l’homéostasie de l’organisme. Ces perturbations induisent des conséquences sur le plan nutritionnel qui sont : une élévation de la dépense énergétique, un hypercatabolisme azoté et une stimulation majeure de la néoglucogenèse.
• La nutrition artificielle : C’est l’administration directe des nutriments soit dans l’estomac ou l’intestin grêle :c’est la nutrition entérale, soit dans le système veineux périphérique ou le plus souvent central par le cathéter : c’est la nutrition parentérale.
• Nutrition entérale immédiate : C’est une nutrition entérale initiée dans les six premières heures suivant l’agression.
• Nutrition entérale précoce: C’est une alimentation entérale commencée entre la 24e et 48e heures de l’admission.
• Nutrition entérale conventionnelle : C’est une alimentation entérale introduite entre le 3e jour et le 7e jour(1).
Les pathologies d’hospitalisation
La plupart des pathologies courantes en réanimation sont retrouvées dans la population. L’accident vasculaire cérébral reste la pathologie dominante de la population avec un pourcentage de 48%, suivie par le coma éthylique grave 20% et les détresses cardio-circulatoires grave 11%. La spécificité réside dans la fréquence élevée de certaines pathologies et dans la rareté relative d’autres par rapport à celles rencontrées dans d’autres pays. En effet, on note d’un côté, la fréquence élevée des pathologies cardio vasculaires et des complications neurologiques grave de l’intoxication éthylique aiguë avec des pourcentages respectifs de 59 % et 20 % et, de l’autre, la faible incidence des complications aiguës de cancer, des problèmes de coma infectieux et des détresses respiratoires qui sont de l’ordre de 4%, 2% et 2%. Cette situation aurait une influence particulière sur la politique de prise en charge nutritionnelle du service ne serait-ce qu’en considérant la prévisible longue durée de séjour des AVC donc une assistance nutritionnelle prolongée, et la nutrition intensive et précoce qu’exigent la dénutrition pré existante des alcooliques et l’importance de l’agression chez les patients en détresse cardio-circulatoire.
L’état nutritionnel de nos patients à l’admission
En matière de dénutrition hospitalière, la littérature avance une fréquence de 30 à 60% dans les pays développés (16) (15) (18) (14). Mais cette statistique ne fait pas mention des parts respectives de la dénutrion pré existante et de la dénutrition acquise. Si la dénutrition acquise est surtout liée à l’état d’hyper métabolisme de l’agression et à l’inadéquation de l’apport- besoin, la malnutrition pré existante quant à elle est la plupart du temps multifactorielle. La culture alimentaire, l’état psychologique, l’accessibilité à une alimentation saine, l’existence de pathologie chronique cachectisante en sont les facteurs couramment rencontrés. Cette dénutrition préexistante touche particulièrement les patients des pays en voie de développement à cause de la pauvreté qui est source inéluctable de stress physiques et moraux, et surtout de précarités alimentaire et sanitaire. Nos patients de réanimation n’en sont pas épargnés. Cette étude montre un état nutritionnel médiocre chez une proportion prépondérante de la population. En effet, 91% des malades présentent à l’admission une dénutrition calorique avec des PCT très inférieurs à la normale, donc une masse grasse et une réserve énergétique très réduites, et 64% de ces patients développent une dénutrition mixte calorico-protéique affirmée par un effondrement de leur masse musculaire. Parmi ces 64% de dénutris mixtes, 34% sont atteints de dénutrition sévère au vue de leur albuminémie et 30% sont modérément dénutris.
Les indications d’assistance nutritionnelle artificielle
Il est communément admis que tout malade hospitalisé n’arrivant pas à couvrir, par voie orale, 60% de ses besoins au bout d’une semaine nécessite une suppléance nutritionnelle artificielle, quel que soit son état et quelle que soit sa pathologie et la sévérité de celle-ci(9) . Les patients de réanimation ont deux caractéristiques spécifiques. D’abord, il s’agit de patients agressés quel que soit le degré de sévérité de cette agression , mais aussi la quasi totalité perdent pendant un temps plus ou moins long, dépendant de l’évolution, leur autonomie nutritionnelle. Ainsi, ils sont particulièrement exposés à l’installation rapide d’un état de dénutrition avec ses répercussions évolutifs et pronostiques. Chez ces malades, la suppléance nutritionnelle doit avoir un objectif supplétif en premier lieu et, un but préventif en second lieu. Toute indication tiendra obligatoirement compte de ces objectifs. L’indication d’une suppléance nutritionnelle artificielle en réanimation est analysée en fonction (19) (14) (20):
– des caractéristiques du patient,
– de la cause de ses agressions,
– de la gravité de ces agressions,
– et de la durée prévisible du jeûne.
Ces facteurs décisionnels sont pris en compte chez nos patients. Comme caractéristique du patient, la dénutrition pré existante constitue la principale indication de suppléance. En effet, 91% de nos patients présentent une réserve énergétique insuffisante pour affronter tout jeûne prolongé associé à un état d’hyper métabolisme et 64% sont carrément dénutris. Comme cause de l’agression, les états pathologiques de réanimation médicale réputées rapidement cachectisantes, telles la pancréatite aigue ou le sepsis grave sont rares dans notre cas. Cependant, dans notre service, quelques pathologies sont considérées comme des indications privilégiées, soit parce qu’elles exposent à un risque élevé de complications, soit parce que le terrain où elles se développent est fragilisé. L’AVC, le coma éthylique grave et la complication aigue d’un cancer sont des indications systématiques dans notre cas. La sévérité de l’agression est évaluée par le nombre de défaillances viscérales (14) (17) . Vu l’état d’hyper catabolisme en cas de défaillance multi viscérale, la suppléance nutritionnelle est à notre avis indiscutable. Dans cette étude, 18% de la population présentent une défaillance polyviscérale (≥ à 2 défaillances viscérales). La durée du jeûne ne constitue pas un élément d’indication nutritionnelle que lorsque le patient n’est ni pré dénutri, ni sévèrement atteint et ne présente pas de pathologie réputée cachéctisante, alors que son hospitalisation se prolonge. Dans ces cas, la littérature est unanime sur la nécessité de la suppléance au bout de 7jours d’hospitalisation (14) (21) (22). Cette éventualité n’existe pas dans ce travail. Nos patients qui ont le même profil clinique sont transférés dans la première semaine de leur hospitalisation.
Quand commencer l’assistance nutritionnelle ?
Pour nos malades, le choix du délai d’initiation de l’assistance nutritionnelle artificielle est fonction des risques de dénutrition et/ou de l’existence d’un état de pré dénutrition. Aucune conférence d’experts n’a précisé le moment optimal pour débuter la nutrition artificielle (23). Mais tous les auteurs s’accordent sur la justification d’une nutrition précoce avant la 48ème heure dans les cas suivants (14) (8) (24):
– état de dénutrition pré existante,
– pathologie génératrice d’un état hyper catabolique,
– et patient sévèrement atteint.
Il est admis également que, chez les patients sans dénutrition préalable et ne présentant pas un hypercatabolisme, une période de jeûne de 7 jours est tolérée et la suppléance ne s’envisage ainsi qu’au delà de ce délai (14) (20) (6) . A notre avis c’est soit le patient qui s’aggrave, soit celui qui développe une dénutrition rapide inattendu qui bénéficiera de cette suppléance artificielle dite « nutrition conventionnelle ». Dans notre série, 48% des cas appartiennent à ce groupe et 52% ont fait l’objet d’une nutrition précoce. Aucune assistance n’a été démarrée après le 7ème jour.
Prévalence des complications liées à la dénutrition.
La prévalence des complications infectieuses est élevée. Elle est de 65% dans la série. Elle touche particulièrement ceux qui ont une dénutrition pré existante avec un pourcentage de 77%. La présente étude ne permet pas à elle seule d’affirmer une dépendance directe entre l’état nutritionnelle préalable et l’incidence des infections. Les infections respiratoires nosocomiales prédominent. Est-ce suite à l’inhalation qui serait favorisée par la modalité nutritionnelle ? Il s’agit d’un sujet à réflexion. L’autre aspect de ces complications infectieuses est leur rapidité d’apparition. En effet, 65% des cas surviennent dans la première semaine d’hospitalisation. Les complications trophiques sont également nombreuses dans la population, mais moins fréquentes que les problèmes infectieux. Le pourcentage de patients atteints est de 48%. La répartition selon l’état de dénutrition n’est pas évidente, 43% chez les dénutris et 55,5% pour le reste. Ces complications semblent être plus dépendantes de la pathologie sous-jacente et de la durée de séjour que de l’état nutritionnel à l’admission. En fait, 82% des escarres apparaissent après le 7éme jour et la population la plus affectée est celle souffrant d’AVC.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS GENERAUX
I.Quelques définitions
II. Evaluation de l’état nutritionnel
II.1. Interrogatoire
II.2.Evaluation clinique
II.2.1. Les méthodes anthropométriques
II.2.2. Les méthodes biométriques
II.3 L’évaluation biologique
II.3.1.Les marqueurs plasmatiques
II.3.2.Les marqueurs urinaires
II.3.3.Les suivies du renouvellements biologique
III. La dénutrition
III.1.Généralité
III.2.Les conséquences cliniques de la dénutrition
III.2.1.Les conséquences sur les fonctions immunitaires
III.2.2.Les conséquences sur le système respiratoire
III.2.3.Les conséquences sur le tube digestif
III.2.4.Les conséquences sur la cicatrisation
III.2.5.Les autre conséquences
IV. La nutrition artificielle
IV.1.Généralité
IV.2.La nutrition entérale
IV.2.1.La réalisation pratique
a).Les voies d’administration
b).Les produits
c).Les surveillances
IV.2.2.Les complications
a).Les complications mécaniques
b).Les complications métaboliques
c).Les complications infectieuses
IV. 3.La nutrition parentérale
IV.3.1 La réalisation pratique
a).Les voies d’administration
b).Les produits
c).Les surveillances
IV.3.2.Les complications
a).Les complication mécaniques
b).Les complications métaboliques
c).Les complications infectieuses
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I.METHODOLOGIE
I.1.Mode de recrutement
I.1.1.Les critères d’inclusion
I.1.2.Les critères d’exclusion
I.2.Les paramètres à évaluer
I.2.1.L’age
I.2.2.La taille
I.2.3.Le pli cutané tricipital
I.2.4.Le circonférence du bras
I.2.5.L’albuminémie
I.2.6.Les issues des patients
I.2.7.La durée du séjour
I.2.8.Les complications en rapport avec l’état nutritionnel
I.2.9.Le nombre de défaillances à l’admission
I.2.10.Les paramètres de l’assistance nutritionnel
II. RESULTATS
II.1.Les résultats du recrutement
II.2.L’etat nutritionnel des patients
II.3.Aspect qualitatif et quantitatif de l’assistance nutritionnel
II.4.Le profil évolutif des patients
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
I. Méthodologie
II. Les résultats du recrutement et caractéristique de la population d’étude
II.1.Les résultats du recrutement
II.2.Les caractéristiques de nos patients
II.3.Modalité pratique de l’assistance nutritionnel
II.4.Approches quantitative et qualitative de notre support nutritionnel
II.5.L’évolution sous assistance nutritionnelle
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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