La présence française au Cameroun (1916-1959) Colonialisme ou mission civilisatrice ?

La « mission civilisatrice » est la raison avancée, sous la IIIe République française, pour justifier l’occupation du Cameroun allemand dans la foulée de la « Grande Guerre ». La même idée est reprise par la Société des Nations (SDN) qui consacre la « déchéance coloniale » de l’Allemagne pour « manquement à sa mission civilisatrice » . Après une « période d’incertitude juridique » (1916-1922), le Cameroun est placé sous mandat (1922-1946) puis sous tutelle (1946 -1959) de la France . Durant ces années, l’action de la puissance coloniale ne manque pas de thuriféraires . Mais à l’apologie de la « mission civilisatrice française » s’oppose la montée et la radicalisation d’un nationalisme camerounais dénonçant le « colonialisme français » .

La controverse qui a marqué l’époque coloniale, a été récemment ravivée par l’article 4 de la loi du 23 février 2005 qui consacrait « le rôle positif de la présence française outre-mer » . Pour « apaiser les esprits » , le législateur a finalement abrogé, par décret du 15 février 2006 , le deuxième alinéa de l’article controversé. Ce renoncement a été salué par les historiens qui se sont mobilisés contre l’ « instrumentalisation de la connaissance historique » . Car l’ère du colonialisme et celle de la décolonisation étant achevées , le temps paraît venu d’appréhender la problématique de façon plus sereine. L’objectif de cette étude consiste à sortir du cadre militant et à transposer sur le terrain historique cette controverse passionnée mais passionnante.

L’amorce d’une politique d’assimilation confrontée aux mesures d’exception de l’Etat colonial (1916-1946) 

Vers une « plus grande France ». C’est la « Grande Guerre » qui favorise le démantèlement du Cameroun allemand . Le partage du Territoire en 1916 est, pour la France, l’aboutissement d’une convoitise coloniale remontant au XIXe siècle . De fait, le domaine colonial français s’agrandit à la satisfaction de son opinion publique et de sa classe politique, quasiment unanimes autour de l’idée de la « plus grande France » . Les autorités françaises mettent tout en œuvre pour  créer une situation irréversible en intégrant le Cameroun dans leur système colonial . Le 18 janvier 1919 s’ouvre à Versailles une « Conférence de paix » pour régler les problèmes résultant de la guerre, donc celui des anciennes Colonies allemandes . Deux thèses s’opposent : les représentants français, britanniques et japonais prônent l’ « annexion des anciens Territoires allemands » , mais le représentant américain, le Président Wilson, soutient un point de vue contraire .

L’affermissement du pouvoir colonial pour une « plus grande France » 

La souveraineté française dans le domaine colonial. Au tournant de la fin du XIXeet  début du XXe siècle, la France passe d’une société exclusivement hexagonale à un environnement impérial . Son domaine colonial se compose de possessions en Amérique , en Afrique du Nord , en Afrique Noire , en Asie , sur la côte des Somalis, dans l’Océan indien , dans l’Océan Pacifique et même dans l’Antarctique. Dans la plupart de ces Territoires, la France jouit pleinement de son droit de souveraineté tel qu’il est entendu et défini en Métropole par son droit public. L’article 8 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 dispose que « nulle cession, nul échange, nulle adjonction de Territoire ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une loi ». En d’autres termes, le Parlement français est gardien de l’intégrité du Territoire national, Colonies comprises. En vertu du mandat international, la France étend sa sphère territoriale dans d’autres contrées dont le Cameroun.

La souveraineté française étendue au Cameroun 

La mise sous séquestre des biens allemands. Avant même que le statut du Cameroun ne soit clarifié à Versailles, les autorités françaises ont déjà pris en main l’héritage allemand. Par la circulaire du 8 septembre 1917, le Commissaire Fourneau abroge purement et simplement le principe des « zones d’influence » instaurées par l’Allemagne . Par arrêté du 16 novembre 1921, le Commissaire Carde détermine les conditions d’application du décret du 11 août 1920 relatif à la liquidation des biens, droits et intérêts mis sous séquestre au Cameroun .

L’inscription du Cameroun au ministère des Colonies 

Des pouvoirs de législation et d’administration reconnus à la puissance mandataire. En principe , la France n’est, au Cameroun, qu’un mandataire qui doit rendre compte à la SDN . Mais l’idée qui a toujours prévalu à Paris est que, pour administrer convenablement, l’Etat français a besoin des pouvoirs les plus étendus en matière de législation, qu’il doit exercer une souveraineté absolue .

La compétence législative du Chef de l’Etat français au Cameroun 

Débats doctrinaux sur l’entité souveraine dans le Territoire sous mandat. Plusieurs thèses doctrinales se sont opposées pour savoir qui détient le droit de souveraineté dans le Territoire sous mandat. La première théorie est celle de la « souveraineté du mandataire » soutenue par Henri Rolin , auteur belge pour qui, en vertu de l’article 119 de la Charte de la SDN, les puissances alliées et associées disposent des anciens Territoires allemands et y exercent leur souveraineté. A cette thèse, on oppose divers arguments de forme et de fond. Dans la forme, le Traité de Versailles désigne les mandataires par l’expression « Gouvernement exerçant l’autorité ». Ensuite, l’article 127 du Traité de Versailles dispose que « les indigènes habitant les anciennes possessions allemandes d’outremer auront droit à la protection diplomatique du Gouvernement qui exerce l’autorité sur ces Territoires ». Ceci serait superflu si le Traité reconnaissait la souveraineté des mandataires sur ces possessions. Enfin, l’article 312 fait la distinction entre les puissances auxquelles « des Territoires allemands ont été cédés en Europe » et celles « administrant d’anciens Territoires allemands en tant que mandataires ». Les adversaires de la théorie de la « souveraineté du mandataire » estiment qu’elle est contraire à l’esprit même des mandats : pourquoi parler de mandat s’il s’agit d’une annexion pure et simple ? En d’autres termes, la situation de la puissance mandataire n’est pas celle d’un propriétaire : elle n’est pas libre de gouverner dans son intérêt personnel comme le droit de conquête le lui permettrait. En acceptantun mandat, la puissance mandataire n’acquiert pas le droit d’annexion : elle s’oblige au devoir de tutelle. La deuxième théorie est celle de la « souveraineté de la SDN» selon laquelle l’Organisation internationale est l’héritière des Empires défunts. C’est à elle qu’appartiendraient tous les Territoires détachés de ces Empires, et qui n’ont pu être constitués en Etats indépendants et, étant mandante, elle aurait le droit de souveraineté sur le Territoire soumis au mandat. Mais la SDN n’étant pas une personne de droit international, encore moins un super-Etat, comment, dans ces conditions, pourrait-elle exercer une souveraineté ? La troisième théorie est celle de la « souveraineté des principales puissances alliées et associées » qui  s’appuie de nouveau sur l’article 119 du Traité de Versailles : « Les anciens empires allemands et ottomans renoncent à leurs droits en faveur des principales puissances alliées et associées ». Ceci suppose que la « renonciation » à ces droits et titres implique le « transfert » de la souveraineté aux « principales puissances ». Mais on objecte que cette même formule de « renonciation » a été employée par le traité de Versailles pour tous les Territoires européens détachés de l’Allemagne et dont le sort définitif a été soumis à une décision ultérieure. Par conséquent, personne n’admet que les principales puissances exercent leur souveraineté sur ces Territoires . La quatrième théorie est celle de la « souveraineté partagée » défendue par Robert Redslob . Celui-ci distingue la « substance de la souveraineté » qui appartient à la SDN et l’ « exercice de la souveraineté » qui revient aux Etats mandataires. Dans le même ordre d’idées, cette théorie envisage un partage de la souveraineté entre les habitants et le mandataire (mandat A) ou entre les habitants et la SDN (mandat B). Mais les adversaires de cette théorie objectent qu’ « on ne peut pas faire de compromis sur une question de droit ». La cinquième théorie est celle de la « souveraineté suspendue » qui se fonde sur le caractère dynamique voire « évolutionniste » du système des mandats. Les partisans de cette thèse soutiennent qu’en créant le système du mandat, les puissances alliées ont tenu en suspens  la souveraineté sur les Territoires sous mandat pour une période équivalente à la durée des mandats respectifs, que la pleine souveraineté ne passera, en temps voulu, au Territoire que lorsque le peuple possédera la dignité d’un Etat indépendant .

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Table des matières

Introduction
Première partie : L’amorce d’une politique d’assimilation confrontée aux mesures d’exception de l’Etat colonial (1916-1946)
Chapitre 1 : L’affermissement du pouvoir colonial pour une « plus grande France »
Section 1: La souveraineté française étendue au Cameroun
Section 2 : L’aménagement en droit du travail et en droit pénal d’une législation d’exception au nom de la raison d’État
Chapitre 2 : La politique d’assimilation à l’épreuve des résistances coutumières
Section 1 : Le réalisme mesuré de la puissance mandataire face aux coutumes locales de droit privé
Section 2 : L’irrésistible occidentalisation des mentalités indigènes
Deuxième partie : L’accélération du processus d’assimilation sur fond d’idéologie impériale (1946-1959)
Chapitre 3 : L’inflexion institutionnelle dans l’esprit de la République
Section 1: L’évolution du statut personnel des indigènes vers la citoyenneté
Section 2 : Les progrès de la décentralisation en vue d’une meilleure participation indigène au Gouvernement local
Chapitre 4 : La persistance de l’idéologie impériale face à l’idée d’indépendance
Section 1 : L’aménagement d’une communauté de destin entre la France et le Cameroun dans le cadre de l’Union française
Section 2 : L’autonomie interne sous le contrôle régalien de la France
Conclusion

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