La place de la spiritualité dans la prise en charge des maladies mentales et des addictions

Cette thèse est le fruit d’un questionnement sur le rôle de la religiosité et de la spiritualité dans les maladies mentales et les addictions. Elle s’insère dans le cadre des recherches cliniques du service d’addictologie de l’hôpital Paul Brousse et de l’unité INSERM 669. L’idée est partie de la constatation de la faible fréquentation des alcooliques en France des groupes des alcooliques anonymes (AA) et de l’hypothèse que c’est l’aspect spirituel de ces groupes qui seraient un obstacle à leur intégration. Bien que la religion joue un rôle dans la vie humaine depuis plus de 500000 ans, que c’est la plus ancienne forme de la pratique médicale [Miller WR, 1999 ; Sulmasy DP, 2009], aujourd’hui, elle est devenue « un sujet tabou », le plus souvent évité par les praticiens. Je commence par chercher l’histoire de la séparation, ensuite de la « réconciliation » entre la médecine et la religion. Il s’avère qu’avant le développement de la médecine, les personnes se soignaient par les guérisseurs. Il s’agissait de consulter un leadership spirituel comme « les chasseurs», « Curandero et curandera » au Mexique, ou d’aller dans un lieu de pèlerinage comme à Lourdes ou à Chimayo [Miller WR , 1999]. Les chamans étaient les traditionnels guérisseurs des tribus. Leurs soins consistaient à des rituels religieux [Sulmasy DP, 2009]. Dans de nombreuses cultures, une vision holistique de l’être humain demeure prédominante telle que le cas de la médecine chinoise.

L’émergence de la médecine expérimentale moderne au XIXème siècle a été accompagnée de l’abandon du vitalisme et d’une séparation explicite de la science  et de la religion. Différentes polémiques ont développé l’idée de l’incompatibilité entre la science et la religion et ont encouragé l’idée que la religion ne peut pas avoir de place dans la médecine. On pourrait citer les livres de John William Drapers: “History of the conflict between Religion and Science” (1874) et celui de Andrew Dickson White: “A History of the Warfare of Science with Theology in Christendom” (1896). Le modèle de technologie médicale a émergé comme un paradigme dominant en médecine, mais aussi en psychologie et en d’autres disciplines médicales. Ce modèle consiste à établir le diagnostic, à identifier le trouble ou la maladie, à chercher sa cause et à trouver le traitement qui éradique la cause. Ce modèle est efficace pour traiter certaines maladies comme les maladies infectieuses. Toutefois, ce modèle se montre inefficace quand la cause de la maladie ou des symptômes est sociale, environnementale, psychologique, ou comportementale. Avant les années 1990, les chercheurs mesuraient souvent des variables sur la religion et la spiritualité et les exposaient dans les résultats de leurs études mais, ils ne les considéraient pas comme des dimensions légitimes dans leur recherches (ne les incluaient pas dans les titres ou les abstracts de leurs publications). Quelques études ont mesuré la religion et la spiritualité et étudié leurs effets sur la santé mentale. Toutefois, la qualité de ces études était assez médiocre [Miller WR &Thoresen CE, 2003].

Les années 1970 ont été marquées par le développement de la « Médecine Alternative » et depuis les années 90, les recherches sur la relation entre la médecine et la spiritualité et la religion s’est considérablement accrue. A partir des années 1990, aussi bien la quantité des études sur la relation entre la religion et la santé, que la qualité méthodologique de ces études ont largement augmenté. Le développement de la recherche sur la spiritualité a amené l’assemblée mondiale de la santé (World Health Assembly) à incorporer le bien-être spirituel dans la définition de l’OMS de la santé [O’Connell KA & Skevington SM, 2009]. Dans les vingt dernières années, ont été publiées de nombreuses études portant sur la relation entre la spiritualité et la santé dans différentes disciplines telles que la médecine, le nursing, la sociologie, la psychologie, la théologie etc. Entre 1995 et 2005, il y a eu 600% d’augmentation du nombre d’articles avec les mots clefs « Spirituality AND health » [Visser A et al., 2009]. Cette augmentation de l’attention pour la spiritualité et la religion est due à la reconnaissance de l’importance de ces concepts dans la prise en charge des patients [Balboni TA et al., 2007].  De nombreuses études ont montré l’existence d’une association positive entre la religiosité et la santé, aussi bien physique que mentale. La spiritualité est une source de coping (façon de faire face à une difficulté) et une composante de la qualité de vie pour beaucoup de patients, essentiellement ceux qui souffrent de maladies chroniques ou de maladies graves. L’utilisation des ressources spirituelles est de plus en plus fréquente dans la prise en charge de plusieurs maladies tel que les cancers, la dépendance à l’alcool et les addictions aux drogues. [Koenig HG, McCullough ME & Larson D, 2001; Pargament K, 1997; Ferrell BR, Dow KH & Grant M, 1995; Miller WR, 1998; O’connor AP, Wicker CA & Germino BB, 1990; Shafranske EP& Malony HN, 1990, Bussing A, Ostermann Th& Matthiessen PF, 2005].

DEFINITIONS 

Il n’existe pas de consensus quant aux définitions des termes « spiritualité » et «religion ». Il est difficile de donner aux termes « religion » et « spiritualité » une définition qui pourrait satisfaire tout le monde. Larson DB, Swyers JP& Mc Cullaugh ME (1997) pensent qu’aussi bien la religion que la spiritualité ont une origine sacrée qui consiste à des croyances, des expériences, un comportement visant la recherche du sacré. Le terme « sacré » fait référence à un « être divin » ou à « la vérité ultime».

• Définition de « la religion » :
Dans les dictionnaires français « LE ROBERT » et « Grand Larousse Illustré », on trouve les définitions suivantes:
– La religion est un ensemble déterminé de croyances et de dogmes définissant le rapport de l’homme avec le sacré.
– La religion est un ensemble de pratiques et de rites spécifiques propres à chacune de ces croyances. La religion est défini par 3 principales caractéristiques : des croyances, des pratiques religieuses et des sentiments religieux (foi, union à une communauté particulière qui partage la même foi). Les religions sont classées en deux principales catégories : les religions orientales (Hindouisme, Bouddhisme, Shinto, Confucianisme, Taôisme…) et les religions monothéiques (Judaïsme, Christianisme et Islam).
• Définition de « la spiritualité » :
Dans les dictionnaires français « LE ROBERT » et « Grand Larousse Illustré », on trouve les définitions suivantes:
– La spiritualité est le caractère de ce qui est spirituel, de ce qui est dégagé de toute matérialité.
– Croyances et pratiques qui concernent la vie de l’âme, la vie spirituelle.
– Vie de l’esprit, aspiration aux valeurs morales.
• Religiosité
En vieux français, le terme « religiosité » désignait un scrupule religieux extrême. La religiosité est comprise comme étant l’ensemble des pratiques vécues par une personne à l’intérieur d’une religion donnée. Son sens a cependant évolué, et actuellement, on pourrait définir la religiosité comme étant une attirance sentimentale pour ce qui évoque la religion et la divinité ou pour ce qui est en rapport avec ces deux notions. Selon la pensée humaniste, la religiosité se définit quelque peu différemment: si elle désigne effectivement une orientation de la pensée vers une direction transcendante, elle ne comporte pas nécessairement la croyance en la divinité, d’où l’existence, selon certains, d’une « religiosité sans religion ».
• Agnosticisme
C’est une doctrine qui considère que l’absolu est inaccessible à l’esprit humain et qui préconise le refus de toute solution aux problèmes métaphysiques.
• Athéisme
C’est une doctrine qui nie l’existence de Dieu (Cette position philosophique ne se confond ni avec l’agnosticisme, qui est le refus de prendre parti dans les débats métaphysiques, ni avec le panthéisme, qui implique que Dieu puisse exister partout dans l’univers et se confondre avec lui).
• Différences entre spiritualité et religion
Il est important de différencier la spiritualité de la religion. La spiritualité renvoie à une relation de transcendance et serait un attribut des individus. A l’opposé, la religion est une entité sociale organisée [Miller WR &Thoresen CE, 2003]. A l’opposé de la religion, la spiritualité est difficile à définir. Le terme spiritualité est  devenu plus populaire que celui de la religion qui est souvent reliée aux notions de guerre, conflits, fanatisme etc.

Comme la personnalité et la santé, la spiritualité est un concept complexe. On ne peut pas la définir par un simple continuum, mais on peut la comprendre comme un concept multidimensionnel [Larson BD, Swyers JP, Mc Cullough ME, 1997, Buck HG, 2006]. La religion est caractérisée par ses limites et ses frontières tant dis que la spiritualité est caractérisée par la difficulté d’en définir des frontières. La spiritualité n’implique pas forcément la religion. Chaque personne définit sa spiritualité différemment. On peut parler d’une expérience spirituelle dans un moment de contemplation de la nature, une randonnée en montagne, une intime connexion avec un être aimé etc. Dans les différentes définitions de la spiritualité on retrouve des composantes principales comme les croyances, les valeurs, le sens et le but de la vie, la notion de transcendance, la notion de connexion (avec l’univers, avec une puissance supérieure, avec sa communauté, avec la matière…) [Buck HG, 2006 ; Colucci E & Martin G,2008]). Selon Dein S (2005), l’expérience spirituelle peut être atteinte par différentes manières comme la méditation, la prière, l’art, la littérature, la poésie. Beaucoup d’individus se décrivent spirituels et non religieux [Koenig HG, 2009], ce qui amène à considérer la spiritualité comme une notion individuelle et séculaire. Cette considération contemporaine du terme spiritualité est différente de son sens d’origine. Des philosophes contemporains comme Comte-Sponville A (2006) défendent une spiritualité sans Dieu, sans dogmes, sans Eglise, une  spiritualité athée, qui prémunirait autant du fanatisme que du nihilisme. Il s’agirait de « Notre rapport fini à l’infini ou à l’immensité, notre expérience temporelle de l’éternité, notre accès relatif à l’absolu ». L’organisation mondiale de la santé (OMS) propose la définition suivante : « « On qualifie de “spirituels” les aspects de la vie humaine liés aux expériences qui transcendent les phénomènes sensoriels. Ce n’est pas la même chose que le – religieux -, quoique pour de nombreuses personnes la dimension spirituelle de leur vie comporte un élément religieux.

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Table des matières

I- PREMIERE PARTIE : ETAT DE LA QUESTION
I-1- INTRODUCTION
I-2- DEFINITIONS
I-3- RELIGIOSITE EN FRANCE ET DANS LE MONDE
1-4- SPIRITUALITE/ RELIGIOSITE ET SANTE
Spiritualité/Religiosité et bien-être
Spiritualité/Religiosité : effets négatifs sur la santé
Spiritualité/Religiosité et maladies mentales
Spiritualité/Religiosité et suicide
Spiritualité/Religiosité et addictions
Spiritualité/Religiosité : Attitude des praticiens
II- DEUXIEME PARTIE : MESURE DE LA SPIRITUALITE ET DE LA RELIGIOSITE
II-1- Les outils de mesure de la spiritualité/Religiosité
II-2- Choix du questionnaire WHOQOL-SRPB
II-3- Etude de la validation du questionnaire WHOQOL-SRPB en langue française
III- TROISIEME PARTIE : SPIRITUALITE/RELIGIOSITE DANS DES POPULATIONS SPECIFIQUES :
1- Etude de la spiritualité dans une population de « suicidants »
2- Etude de la spiritualité des soignants et de leur attitude envers l’inclusion de la spiritualité dans la prise en charge des patients
3- Etude sur la spiritualité en milieu carcéral
4- Etude de la spiritualité chez des patients souffrant d’addiction
3-1- Les addictions dans la population générale
3-2- Spiritualité chez les alcooliques anonymes
IV- CONCLUSION ET PERSPECTIVES
V- BIBLIOGRAPHIE
VI- ABREVIATIONS
VII- ANNEXES

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