La contraception post-IVG
Une question de santé publique
Il est difficile de connaître précisément le nombre d’IVG réalisées chaque année, et ce malgré la mise en place du recueil par la Statistique Annuelle d’Établissement en 2001. On estime ce nombre à 246 000 pour l’année 1976 après la promulgation de la loi Veil du 17 janvier 1975 qui autorise l’IVG en France [1]. Après une baisse transitoire, ce nombre n’a cessé d’augmenter de 1995 à 2006, et depuis reste stable, avec 222 300 IVG pour l’année 2011 [2]. Plus informatif, le taux de recours à l’IVG annuel qui est de 14,6 pour 1000 femmes pour la France métropolitaine en 2011 est également stable, avec toutefois une légère tendance à la baisse chez les moins de 24 ans. C’est chez les 20-24 ans qu’on constate le plus d’IVG avec un taux de 27 pour 1000. On estime que 36% des femmes vivant en métropole auront recours à l’IVG au cours de leur vie [2].
Devant la fréquence élevée de cette situation, la problématique de l’IVG et de l’accès de la contraception au plus grand nombre a fait l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics. La loi du 13 décembre 2000 initie le mouvement en autorisant la délivrance de la contraception d’urgence sans ordonnance y compris aux mineures. En 2001, la « loi Aubry» [loi du 4 juillet 2001], en plus d’inscrire l’IVG dans le code de santé publique et de faciliter son accès aux femmes, étend le délai légal à 12 semaines de grossesse, et autorise la prescription et la délivrance aux mineures des contraceptifs sans autorisation parentale. L’objectif d’éducation à la sexualité dans le cadre de l’école y est pour la première fois mentionné, et repris dans la loi de santé publique du 9 août 2004 ainsi que d’autres obligations telles que « d’assurer l’accès à une contraception adaptée, à la contraception d’urgence et à l’IVG dans de bonnes conditions à toutes les femmes qui désirent y avoir recours » [3].
Huit ans après la loi Aubry, un rapport d’évaluation remis par l’IGAS à Roselyne Bachelot en octobre 2009 fait le constat de légers progrès mais insiste sur la nécessité de mesures préventives et d’éducation dès le plus jeune âge, ainsi que de « maintenir une impulsion politique forte sur les questions relatives à la maîtrise de la fécondité » [4]. Ces mesures sont mises en pratique en 2011 avec la campagne de communication à destination du grand public et des professionnels menée par l’INPES «A chacun sa contraception » et l’ouverture du site internet www.choisirsacontraception.fr [41].
Dernièrement, l’HAS a également publié un rapport sur le thème de l’accès et des freins au choix de la contraception [5]. Une série de recommandations a été éditée sous la forme de fiches mémos destinées aux professionnels de santé et aux patientes, afin de les guider dans le choix de la contraception la plus adaptée à chaque situation, y compris l’IVG [6] (cf annexe 2). Enfin, on peut souligner l’ouverture fin 2012 du site officiel sante.gouv.fr/ivg, qui centralise les informations à destination des femmes en demande d’IVG.
Parallèlement, un rapport de l’IGAS de 2002 préconisait de mettre en place des enquêtes régulières auprès des femmes afin de collecter des informations susceptibles de compléter les données administratives fournies par le dispositif de recueil statistique [7]. La première grande enquête nationale sur l’IVG a été mise en place par la DREES en 2007 à la demande de la Direction Générale de la Santé, de la Direction Générale de l’Offre de Soins et de la Direction de la Sécurité Sociale. Les données recueillies par questionnaire auprès de structures de soins, de professionnels de santé et de patientes ont été traitées sous différentes perspectives sociologiques, médicales et politiques par une équipe pluridisciplinaire issue du partenariat INSERM-INED, déjà mis en place en 2000 avec le groupe COCON (Cohorte-Contraception).
Les résultats sont parus en 2011 dans un numéro spécial de la Revue française des affaires sociales [8]. Plus récemment, un échantillon d’hommes et de femmes en population générale a été interrogé par téléphone au cours de l’année 2011 dans le cadre de l’enquête FECOND, financée par les mêmes organismes et également menée par une équipe INSERM-INED. Cette enquête a pour but d’explorer les pratiques contraceptives et sexuelles des français, et les premiers résultats sont d’ores et déjà disponibles
Le paradoxe contraceptif
Malgré la diversité des moyens de contraception existants et les efforts fournis, de nombreuses grossesses non prévues surviennent chaque année en France. Pourtant dans la population française, seules 2,7% des femmes ne désirant pas d’enfant n’utilisent aucune contraception [11]. La majorité des grossesses non prévues ayant abouti à une IVG, soit 64%, est due à un échec de la méthode contraceptive utilisée, en premier lieu la pilule qui représente ¼ des IVG réalisées chaque année [12]. Cette stabilité du nombre d’IVG en dépit de la large utilisation des méthodes de contraception médicalisées, appelée « paradoxe contraceptif français », traduit les difficultés que rencontrent les femmes dans la gestion de leur contraception et la maîtrise de leur fertilité L’enquête COCON en population générale, initiée en France en 2000, qui s’est la première penchée sur les échecs de contraception, a trouvé comme cause la plus fréquente une mauvaise utilisation de la méthode concernée [11].
En effet, comme l’a résumé l’OMS dans un tableau (voir annexe 1), il existe une différence entre l’efficacité théorique d’une méthode contraceptive (indice de Pearls) et son efficacité en pratique quotidienne, en particulier pour celles qui nécessitent une utilisation à chaque rapport ou une observance rigoureuse [13]. L’adhésion de la femme et du couple à la méthode employée est donc essentielle à son efficacité, et il est aujourd’hui largement reconnu que la meilleure méthode est celle choisie par le couple lui-même, comme le préconisent d’ailleurs les recommandations de bonne pratique [14, 15]. L’IVG est une opportunité pour les femmes de remettre en question leur mode de contraception et de recevoir des informations sur les différentes méthodes existantes. Lorsqu’on étudie les trajectoires contraceptives des femmes, on constate qu’il existe après IVG un questionnement sur les circonstances de l’échec, avec un changement de méthode dans 62% des cas. Malgré tout, près de la moitié des femmes ayant rencontré un échec de pilule se voient à nouveau prescrire la pilule
En réalité, la prévention des grossesses non prévues ne se limite pas à un problème de technique d’utilisation de la contraception [16]. En effet, les différentes études réalisées suggèrent que la mise en place d’un « counseling » renforcé lors de la consultation pré-IVG ne diminue pas la répétition des GNP, et n’améliore pas les pratiques des femmes. De plus, il apparaît que les femmes ayant un antécédent d’IVG sont de moins bonnes utilisatrices de la contraception que celles qui n’y ont pas été confrontées, et ce malgré l’attention portée à l’information sur les différentes méthodes
Quelques études ont tenté de repérer des caractéristiques associées au recours à l’IVG. L’enquête de la DREES a notamment mis en évidence plusieurs profils de femme, très différents les uns des autres, allant de la jeune femme souvent étudiante et utilisatrice de préservatif, à la femme mariée ou en couple avec des enfants et bien installée dans la vie professionnelle, en passant par la femme en couple en situation de précarité sociale et souvent d’origine étrangère [19]. Il est donc très difficile de présumer en consultation du comportement futur des femmes vis-à-vis de la contraception. Il n’existerait ainsi pas de femmes « à risque de grossesse non prévue » mais bien des « moments de vulnérabilité dans leurs trajectoires de vie » [20].
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Table des matières
INTRODUCTION
REVUE DE LA LITTÉRATURE
Pourquoi s’intéresser à la contraception post-IVG ?
Une question de santé publique
Le paradoxe contraceptif
Diminuer le recours répété à l’IVG : la piste des méthodes de Longue Durée d’Action (LDA)
Le Dispositif Intra-Utérin
Rappels généraux
Spécificités de la pose en contexte d’IVG
L’utilisation du DIU en France
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Méthodologie de l’étude
Justification de la méthode employée
Trame d’entretien et thématiques abordées
Recrutement des participantes et déroulement des entretiens
Méthode d’analyse
Aspects éthiques et légaux
Caractéristiques de l’échantillon
Le centre d’orthogénie du Kremlin-Bicêtre
Caractéristiques des participantes
RÉSULTATS
La douleur
Entre représentations et vécu réel
Douleur de l’IVG et douleur du DIU
Les déterminants du ressenti de la douleur
Autres références douloureuses
Le corps étranger et le rapport au corps
La conscience du corps étranger
Représentations de l’objet DIU
La peur du déplacement
Le rapport à l’intime
Le cycle et les règles
L’influence de la contraception sur le cycle
Interruption volontaire de grossesse et DIU
Le rôle des règles
La santé
Le rejet de la contraception hormonale
DIU et santé
La contraception et le suivi médical
La vie de couple
Implication du partenaire dans la contraception et le processus d’IVG
Contraception et sexualité
Vie quotidienne et familiale
La contrainte de la contraception dans la vie quotidienne
La praticité du DIU
Le vécu psychologique
Le vécu de l’IVG
Le vécu de la pose du DIU couplée à l’IVG
Le vécu du DIU
Le parcours contraceptif
Un parcours non linéaire
Un parcours standardisé
L’information sur la contraception
Les rapports avec le système de soins
Le dialogue et l’écoute
Une relation de confiance
La critique du système
La Grossesse Non Prévue (GNP)
Perception du risque de grossesse
Le contexte de la Grossesse Non Prévue
Le vécu et le sens de la Grossesse Non Prévue
La maîtrise de la fertilité
La peur de la stérilité
Le contrôle sur la contraception
La protection contre la Grossesse Non Prévue
DISCUSSION
Forces et faiblesses de l’étude
Limites de l’étude
Forces de l’étude
Discussion des résultats
Pose du DIU et vécu de la douleur
Sentiment de corps étranger
Evolution de la perception de la fertilité au cours du parcours d’IVG
Le contexte de soins
Le rejet de la pilule
Freins à l’utilisation du DIU
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
TABLE DES MATIÈRES
ANNEXES
Annexe : Tableau OMS sur l’efficacité des méthodes contraceptives
Annexe : Extrait de la fiche mémo HAS « Contraception chez la femme après une interruption volontaire de grossesse » avril
Annexe : Grille de support des entretiens
Annexe : Grille d’analyse transversale ayant servi au codage
Annexe : Extrait du document relatif aux freins à l’accès et au choix d’une contraception adaptée- l’HAS – freins des professionnels
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