Définition de la maintenance
D’après la norme européenne – norme française [AFN01], la maintenance est définie comme l’ » Ensemble de toutes les actions techniques, administratives et de management durant le cycle de vie d’un bien, destinées à le maintenir ou à le rétablir dans un état dans lequel il peut accomplir la fonction requise ». Outre l’activité classique de dépannage ou encore de maintien du système technique, cette définition souligne la part grandissante de l’aspect management relié par ailleurs à la notion de cycle de vie. Ce dernier point permet de renforcer clairement l’intérêt, voire la nécessité, de considérer la maintenance comme un processus complexe et d’étudier ses interactions avec les autres préoccupations de l’entreprise. La norme [AFN01] complète cette définition avec la précision des objectifs que nous nous proposons de présenter dans la section suivante que nous pouvons retrouver dans [Dek96].
Première génération de maintenance
Avant les années 1950s, l’industrie a commencé ses premiers pas de développement. La mécanisation était très limitée et les systèmes étaient généralement de conception simple et surtout très spécifiques. Par ailleurs, les contraintes de productivité permettaient de définir des stratégies de production suffisamment robustes aux aléas et notamment aux aléas de panne. Par ailleurs, les coûts de stockage, notamment des pièces de rechange, n’étaient pas forcément pris en compte dans la valeur des actifs. Les stratégies de maintenance consistaient essentiellement à faire fonctionner les systèmes jusqu’à la défaillance pour ensuite les réparer ou éventuellement les remplacer. La première approche de maintenance peut être décrite comme la maintenance corrective, où aucune mesure n’est prise pour prévenir les défaillances ou pour détecter la survenue d’un échec. Elle est exécutée après détection d’une panne et destinée à remettre un bien dans un état dans lequel il peut accomplir une fonction requise [AFN01]. La maintenance corrective peut être :
– différée : la maintenance n’est pas exécutée immédiatement après la détection d’une panne, mais est retardée en accord avec des règles de maintenance données.
– urgente : la maintenance est exécutée sans délai dès la détection d’une panne afin d’éviter des conséquences inacceptables.
Les coûts de maintenance corrective sont généralement élevés, mais cette approche peut être considérée comme rentable et est encore appliquée dans les domaines où les contraintes de sécurité sont faibles ou sur des systèmes non sujets à vieillissement.
Organisation de BCM
L’organisation de la BCM repose sur 6 principes fondamentaux, principes qui trouvent leurs fondements dans la TPM :
– Budgétisation plus efficace ;
– Amélioration des compétences du personnel impliqué et de l’efficacité de l’équipement ;
– Gestion des investissements d’actifs et de leur maintenance multi-tâche ;
– Assurance de la valeur informative de la décision ;
– Réduction des défaillances catastrophiques et les temps d’arrêt des actifs ;
– Amélioration de l’organisation de maintenance et son efficacité.
La BCM cherche à définir l’organisation de la maintenance comme un projet d’affaires aligné sur l’ensemble des autres portefeuilles d’affaire de l’entreprise. La stratégie qui en découle reste le maintien de la fiabilité et la disponibilité des actifs au moindre coût sur l’ensemble de leur durée de vie. Cette stratégie déclinée par un plan d’activités détaillé qui est initialement centré sur les objectifs d’affaire tels que la capacité de production ou les programmes de livraison puis ensuite assure le niveau de fiabilité nécessaire des actifs. On retrouve ici une approche descendante depuis les objectifs stratégiques vers la construction des plans d’action opérationnels. À partir du plan global, le profit annuel peut être estimé et plus important encore utilisé comme un cadre de gestion de la performance et pour la détermination de l’efficacité nécessaire du service de maintenance. Il faut reconnaître que l’organisation de la maintenance a besoin une approche proactive centrée sur le profit afin de réduire l’écart entre les coûts de production réels et idéaux. En effet, une telle approche reposant sur l’analyse des rapports mensuels ou encore des budgets annuels, permet d’identifier les activités sans réelle valeur ajoutée au sein de l’organisation, puis définit et met en œuvre de manière systématique des solutions pour les éliminer. Pour faciliter la mise en œuvre de cette nouvelle approche au domaine de la maintenance, il est important que le management définisse la direction stratégique globale, sans se concentrer sur la performance technique, mais sur des objectifs quantitatifs sur chacun des champs suivants qualité, coût, livraison, environnement et humain et à chacun des niveaux de l’organisation, Fig. 1.4 ([Hug01]). D’autre part, toujours dans le souci de mise en œuvre, il est nécessaire d’appuyer la BCM sur des systèmes classiques informatisés de gestion de la maintenance (CMMS – Computerized Maintenance Management System) permettant de stocker et d’analyser les informations pour déclencher la maintenance préventive et prédictive, voir 1.5 ([Hug01]). Il est par ailleurs nécessaire de s’assurer de son intégration dans un système de gestion globale d’entreprise. Ceci facilite en effet la vision porte-feuille d’affaires de l’entreprise dans laquelle s’insère l’affaire maintenance. On peut ainsi en mesurer les contributions dans une logique commerciale d’entreprise agissant comme un catalyseur pour le changement dans des services traditionnellement centrés exclusivement sur la performance technique. Outre la vision gestion d’affaire de la BCM, il est clair que l’un de ces objectifs majeurs reste l’amélioration de la performance du système par l’éradication des causes des défaillances. Dans ce cadre, la BCM préconise une analyse des causes profondes combinant diagramme d’Hishikawa et arbres de défaillance. Le diagramme d’Hishikawa permet d’identifier les causes racines en intégrant les aspects Homme et Méthode aux causes traditionnellement étudiées dans un cadre maintenance que sont le Matériel, la Mesure et la Machine (on retrouve bien le classique 5M). Les arbres de défaillance permettent eux de bien comprendre et quantifier les mécanismes de défaillance identifiant alors les axes d’amélioration pour éliminer et prévenir ces défaillances. En conclusion, la BCM n’est pas un programme en soi mais une philosophie d’intégration et de valorisation de la maintenance en entreprise. En effet, grâce à la mise en œuvre de ce concept, le processus de maintenance devient une partie essentielle et reconnue pour l’amélioration des opérations au sein de l’organisation de fabrication.
Disponibilité des ressources de maintenance
Jusqu’à présent, nous avons restreint la décision de maintenance à des considérations de performance technique du système sans prise en compte des moyens nécessaires à sa réalisation. Cette hypothèse est équivalente à considérer la ressource toujours disponible. Cependant, des problèmes de disponibilité de ressources, qu’elles soient humaines ou matérielles, peuvent empêcher la réalisation d’activités de maintenance ou entraîner le besoin de définir une priorité des tâches concernées en cas de ressources partagées. Nous tenons à noter ici que, bien que la littérature soit abondante dans le contexte de la gestion des stocks de pièces de rechange (voir la revue de [KPF02] ou la thèse de Kranenburg [Kra06] pour un état de l’art plus récent, la majorité d’entre eux s’intéressent à des politiques purement correctives. [GK05] développe un modèle de gestion de stock des pièces de rechange pour une politique de remplacement correctif d’un système soumis à des contraintes environnementales. L’impact de l’environnement se traduit par des accélérations du vieillissement modélisés via un modèle de risques proportionnels sur un modèle de défaillance de type Weibull. L’évaluation de la fonction de renouvellement dans ce contexte leur permet par la suite de déterminer le nombre nécessaire de pièces de rechange pour garantir la probabilité de sécurité, p. [AA96] considère la politique de remplacement préventif pour un seul équipement. Le remplacement est immédiat si le système de rechange est en stock. Le problème d’optimisation est ici la caractérisation de la période de remplacement préventif tr et la date de commande du nouveau système to afin de minimiser la fonction du coût total. La solution optimale, obtenue par programmation non linéaire, illustre bien la performance de la combinaison d’optimisation des deux variables décisionnelles tr, to. [KAO96] étudie la combinaison d’une politique de remplacement préventif basée sur l’âge et la politique (s, S) de stock de pièces de rechange pour minimiser un coût total de remplacement et de gestion des stocks. Cette approche est étendue dans le cadre d’une politique de remplacement de type bloc. [SH00] considère un système de production avec un taux de défaillance croissant. Il utilise l’approche de simulation afin d’optimiser simultanément la stratégie de maintenance de bloc T et la politique de stock (s, S). Le stock est supposé connu à tout moment. Outre la commande au point s, on peut également passer une commande d’urgence avec un coût supplémentaire lorsque le stock est vide. [CAK01] propose également un nouvel algorithme pour l’optimisation conjointe de T et (s, S) basée sur le coût moyen par unité de temps. En utilisant la programmation dynamique, [Vau05] optimise une politique de gestion de stock de pièces de rechange de type (S(k), s(k)) qui permet de différencier les ordres de commande en fonction du nombre de périodes k avant la prochaine maintenance préventive. Notons que, dans ce modèle, la période de maintenance préventive est fixée à T périodes et le nombre de défaillances entre 2 remplacements est supposé suivre une loi de Poisson. [LR10] aborde la stratégie conjointe de production et du stock des pièces de rechange pour un système soumis à une maintenance conditionnelle (CBM) pour laquelle les temps de remplacement sont non nuls. La dégradation du système est modélisée par un processus Gamma. Lorsque l’état de dégradation dépasse le seuil Df , le composant est remplacé par un nouveau système identique du le stock avec une durée fixée Mf . Le remplacement préventif est effectué au seuil de dégradation Dpm avec une durée TDpm fonction de Dpm. La politique de gestion de stock est une politique de type (S − 1, S) où S − 1 est le point de commande et S est le niveau du remplissage du stock. Le temps de livraison et le taux de production sont supposés constants. L’objectif est alors de trouver les variables décisionnelles Dpm et S qui minimisent le coût total et sous contrainte de probabilité de la rupture du stock. Pour résoudre ce problème complexe, les auteurs ont proposé une nouvelle approche heuristique à deux étapes. Dans la première, on détermine le niveau de remplissage du stock S qui satisfait la probabilité de rupture de stock. Ce résultat est ensuite utilisé comme un paramètre connu dans la deuxième étape pour trouver la valeur optimale de Dpm. En 2008, Martorell et al. [MSVC08] considèrent le problème d’optimisation de maintenance en prenant en compte la disponibilité de la ressource humaine et des pièces de rechange. Ce modèle permet de résoudre un problème de décision multicritères telles que la fiabilité, la disponibilité, la maintenabilité et le coût. Une des limites de ces travaux est de ne considérer que des politiques de remplacement. [Chi09, SC04] ont élargi le problème en autorisant des réparations minimales pour les défaillances mineures du système. En 2006, [DSDHH06] intègre une capacité de réparation pour des composants ayant été remplacés par des pièces de rechange. Les modèles dont nous avons discuté reposent sur l’hypothèse d’un remplacement d’un composant à l’identique sans prendre en compte une éventuelle évolution technologique. L’impact de l’évolution technologique peut se traduire par une amélioration de performance des nouveaux composants ou encore d’obsolescence et d’incompatibilité avec les anciens systèmes. Nous aborderons cette problématique dans la section 2.6.
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Table des matières
I Introduction générale
II Introduction au projet de maintenance/ investissement sous l’évolution technologique
1 Maintenance dans le Contexte Industriel
1.1 Introduction
1.2 La maintenance et ses terminologies
1.2.1 Définition de la maintenance
1.2.2 Objectifs de la maintenance
1.3 Analyse des méthodes d’optimisation de maintenance
1.3.1 Première génération de maintenance
1.3.2 Deuxième génération de maintenance
1.3.3 Troisième génération de maintenance
1.4 Maintenance centrée sur les affaires
1.4.1 Organisation de BCM
1.4.2 Rapprochement entre maintenance et investissement
1.5 Conclusion
2 Etat de l’art
2.1 Introduction
2.2 Modèles fiabilistes de maintenance
2.2.1 Modélisation de la défaillance
2.2.2 Politiques de maintenance élémentaires
2.3 Modèles de maintenance conditionnelle
2.3.1 Modélisation de processus de détérioration
2.3.2 Politique de maintenance conditionnelle
2.4 Disponibilité des ressources de maintenance
2.5 Modèles d’évolution technologique
2.5.1 L’extrapolation de tendance
2.5.2 Courbe de croissance
2.6 Évolution technologique
2.6.1 La vision économiste
2.6.2 La vision fiabiliste
2.7 Conclusion
3 Applicabilité des Options Réelles au projet maintenance – investissement
3.1 Introduction
3.2 Concept des Options réelles
3.2.1 Définition
3.2.2 Typologie des options réelles
3.3 Applicabilité des options réelles
3.3.1 Conditions d’existence des options réelles
3.3.2 Analyse d’applicabilité dans un projet de maintenance
3.4 Méthodes d’évaluation des options réelles
3.5 Conclusion
4 Objectifs des travaux
4.1 Synthèse de l’analyse bibliographique
4.2 Limites du cadre de l’étude
4.3 Objectifs des travaux
III Évolution séquentielle et rapide de technologie
5 Maintenance / Investissement de remplacement
5.1 Introduction
5.2 Formulation du modèle
5.2.1 Définition du problème de maintenance
5.2.2 Formulation du critère de décision
5.2.3 Probabilités de transition
5.3 Discussion des paramètres d’entrée
5.3.1 La probabilité d’apparition d’une nouvelle technologie
5.3.2 Processus de dégradation
5.3.3 Impacts de l’évolution technologique
5.3.4 La fonction du profit et du coût de maintenance
5.4 Analyse de sensibilité des politiques
5.4.1 Influence du changement du prix d’achat sur la politique optimale
5.4.2 Impact de l’amélioration technologique sur la politique optimale
5.4.3 Influence de l’horizon d’étude sur le choix de la technologie optimale
5.5 Conclusions
6 Impact du niveau de stock des pièces de rechange
6.1 Introduction
6.2 Formulation du modèle
6.2.1 Positionnement du problème
6.2.2 Formulation du critère de décision
6.3 Discussion des paramètres d’entrée
6.3.1 Modélisation du système
6.3.2 Modélisation de l’évolution technologique
6.4 Analyse des expériences numériques
6.4.1 Propriétés générales de la politique optimale
6.4.2 Impact de la vitesse de l’évolution technologique sur la politique optimale
6.5 Conclusions
IV Saut technologique
7 Impact de la maintenance sur l’investissement
7.1 Introduction
7.2 Formulation du modèle général
7.2.1 Positionnement du problème
7.2.2 Formulation du critère de décision
7.3 Application du modèle dans le cas d’incertitude du marché
7.3.1 Modélisation du processus du profit
7.3.2 Incertitude dans le prix d’achat de nouvelle technologie
7.3.3 Hypothèses des fonctions du coût de maintenance, de la valeur résiduelle et l’évolution technologique
7.4 Analyse des propriétés structurelles
7.4.1 Propriétés du problème sans considération de l’évolution technologique
7.4.2 Propriétés du problème en considérant l’évolution technologique
7.4.3 Méthode d’identification de l’horizon d’étude
7.5 Exemples numériques
7.5.1 Identification de l’horizon d’étude
7.5.2 Impact de la probabilité d’apparition
7.5.3 Impact de la maintenance sur le remplacement
7.6 Conclusion
8 Information et évolution technologie
8.1 Introduction
8.2 Formulation du problème de l’acquisition d’information
8.2.1 Positionnement du problème de l’acquisition d’information
8.2.2 Formulation du modèle
8.3 Analyse des propriétés structurelles
8.3.1 Propriétés de la distribution de probabilité et processus d’information
8.3.2 Propriétés des fonctions de valeur et des politiques optimales
8.4 Exemples numériques
8.4.1 Paramètres d’entrée
8.4.2 Analyse des Exemples numériques
8.5 Conclusion
V Conclusion générale
VI Annexe
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