Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Ce couplage s’observe dans des systèmes constitués de deux couches ferromagnétiques séparées par un métal non magnétique. Ce couplage est connu sous le nom de RKKY en hommage à quatre physiciens ayant contribué à sa compréhension dans les années 1950 : Ruderman-Kittel-Kasuya-Yosida [37, 38, 39]. Les électrons de conduction du métal non magnétique acquièrent une faible polarisation au contact des couches ferromagnétiques. Au long du métal non magnétique, la polarisation de ces électrons décroît et ils subissent une oscillation due à la nature oscillatoire de la fonction d’onde associée à l’électron. Si l’épaisseur de la couche non magnétique est suffisamment faible, typiquement quelques nm, alors les directions des aimantations de couches ferromagnétiques sont couplées par l’intermédiaire de ces électrons. Si après les oscillations dans la couche non magnétique, l’onde électronique présente la même polarisation aux interfaces de la couche non ma-gnétique, alors le couplage est positif et les aimantations ont une orientation parallèle. Si la polarisation est en opposition de phase, alors le couplage est négatif et l’alignement est antiparallèle. L’amplitude de cette interaction oscille en fonction de l’épaisseur e de la couche non magnétique produisant un alignement parallèle ou antiparallèle entre les couches ferromagnétiques. La période de ces oscillations est de l’ordre du nm et la dé-croissance de cette interaction est en 1/e2. Sur la Figure 1.13 on peut voir les oscillations du couplage en fonction de l’épaisseur de Ru pour une tricouche de NiCo/Ru/NiCo [40]. Le signe du couplage étant positif, les couches sont couplées antiparallèlement tandis que quand le signe est négatif, le couplage entre les couches est parallèle.
La mémoire MRAM (Magnetic Random Access Memory) constitue une des voies le plus prometteuses pour créer une mémoire universelle car elle combine la rapidité, une faible consommation électrique et la non-volatilité (les données ne sont pas perdues lorsque l’alimentation électrique est coupée). Dans cette partie, nous allons présenter le principe de fonctionnement de ces mémoires. Ensuite, un bref aperçu des différentes générations de MRAM sera présenté. Finalement nous allons situer les MRAM dans l’en-semble du marché actuel pour mieux comprendre les défis technologiques et économiques qui sont en jeu.
Le bon fonctionnement d’une jonction tunnel magnétique dépend de la capacité à bien contrôler l’orientation des aimantations des couches magnétiques. A cet égard, l’architec-ture recherchée est une couche dure dite piégée ou de référence qui est fixe et une couche douce dite libre ou de stockage dont l’orientation peut être modifiée. Plusieurs techniques permettent la réalisation de ce système. La première consiste à utiliser des champs coer-citifs différents en employant soit des matériaux différents, soit des couches magnétiques d’épaisseurs différentes. Une autre technique est l’utilisation d’un couplage à l’interface de la couche de référence avec un matériau antiferromagnétique. Néanmoins, la méthode la plus utilisé est la combinaison d’un antiferromagnétique synthétique (SAF) et un cou-plage d’échange à l’aide d’un matériau antiferromagnétique sur une des interfaces du SAF.
Illustration d’une cellule mé-moire à base d’une jonction tunnel magnétique avec une couche libre et une couche de réfé-rence SAF piégée par un matériau antiferroma-gnétique, dans ce cas l’IrMn. La barrière tunnel est typiquement à base de MgO.
Comme nous avons évoqué quand le Paragraphe 1.3.2, l’avantage du SAF est que, dans les piliers submicroniques, les lignes de champs se rebouclent à l’intérieur de la couche sans créer des champs rayonnés qui peuvent perturber le cycle d’hystérésis de la couche libre. L’empilement typiquement utilisé dans ces travaux de thèse est représenté de façon schématique sur la Figure 1.17. Le matériau antiferromagnétique (IrMn) déposé sur le SAF sert à créer un cou-plage d’échange qui fixe la direction de la couche de référence. La couche libre peut avoir deux orientations possibles par rapport à la couche de référence : parallèle et antiparallèle.
Dans les cellules mémoires de première génération l’écriture de l’information se fait par retournement de l’aimantation de la couche libre grâce aux champs magnétiques induits par les courants passant dans les lignes conductrices inférieures (bit line) et supérieures (word line) orthogonales entre elles. Cette combinaison de deux champs magnétiques permet d’assurer la sélectivité entre les bits de la matrice mémoire. L’écriture est réalisée grâce à un champ magnétique appliqué à 45◦ de l’axe d’anisotropie de la couche libre. C’est dans cette configuration que le champ de retournement est minimal d’après le modèle de Stoner-Wolfarth. La lecture se fait en appliquant une tension aux bornes de la jonction pour mesurer la résistance (Figure 1.18). Finalement, les nanopiliers sont de forme elliptique afin d’apporter une anisotropie de forme suffisante pour assurer la bistabilité de l’aimantation de la couche libre.
Ce dispositif demande une grande consommation électrique étant donnée la nécessité d’appliquer deux champs magnétiques pour l’écriture. De plus, le champ d’écriture est inversement proportionnel à la taille du bit, donc la consommation augmente quand la taille du bit diminue. Cette approche est peu adaptée à la densification de l’information car en réduisant la taille de la cellule mémoire, les imperfections sur la forme géométrique deviennent plus critiques, par conséquent la distribution du champ de renversement aug-mente et il devient plus difficile de sélectionner un seul bit pour écrire. Puisque le champ magnétique est créé sur toute une ligne, on peut provoquer le retournement d’un plot mémoire par erreur sous l’effet de l’agitation thermique ou encore d’un faible champ parasite.
Afin de surmonter le problème de sélectivité à l’écriture, une variante de la première génération, appelée « Toggle MRAM », a été proposé par Savtchenko [45]. La Toggle MRAM est commercialisé depuis 2006 par Motorola devenue depuis Freescale puis Everspin. La différence avec la version précédente est que dans la Toggle MRAM, la couche libre a une structure antiferromagnétique synthétique. Par conséquent, pour retourner la couche libre, une séquence de champs doit être appliquée. Nous n’entrerons pas en détail sur le mode de fonctionnement, mais nous invitons le lecteur intéressé à consulter les articles de Durlam et al. pour plus de détails [46]. La complexité de la séquence de champs ap-pliqués pour retourner la couche libre dans la technologie Toggle limite considérablement le risque d’écriture involontaire et améliore également la stabilité thermique du système.
Lorsque la dimension des cellules mémoires est réduite à des tailles inférieures à 100 nm, la limite superparamagnétique 4 se rapproche et la Toggle MRAM ne peut pas s’affranchir des problèmes de stabilité de l’information à long terme. La perte de stabilité liée à la réduction de taille doit être compensée par un accroissement de l’anisotropie, ce qui entraîne une augmentation du champ de renversement.
MRAM assistée thermiquement : TAS-MRAM
Récemment, une nouvelle approche a été proposée, basée sur l’utilisation de la tem-pérature pour assister l’écriture des cellules mémoire. Il s’agit de la Thermally Assisted Switching MRAM ou TAS-MRAM. Cette technologie a été proposée par le laboratoire Spintec [47, 48] et a été breveté en 2002 [49, 50]. L’approche TAS-MRAM est à l’origine de la création de la start-up Crocus Technology en 2004, dont le but est de commercialiser ce type de mémoire.
Dans la TAS-MRAM, pour empêcher l’écriture des bits dont on ne souhaite pas mo-difier l’information et augmenter la stabilité thermique, la couche libre est couplée à une couche antiferromagnétique par un couplage d’échange décrit dans la Paragraphe 1.3.3. C’est seulement lorsqu’un courant circule dans la jonction que la température s’élève au dessus de la température de blocage de la couche antiferromagnétique, libérant ainsi la couche libre. Celle-ci peut donc être renversée par l’application d’un seul champ magné-tique généré par une seule ligne de champ et sera ensuite refroidie en présence de ce champ (Figure 1.19).
|
Table des matières
Introduction
1 Contexte
1.1 Magnétisme à l’échelle atomique
1.1.1 Origine du moment magnétique
1.1.2 Ordre magnétique
1.1.3 Anisotropie magnétique
1.1.4 Bilan énergétique
1.1.5 Renversement de l’aimantation
1.2 Electronique de spin
1.2.1 Quelques briques de base
1.2.2 Débuts de la spintronique : magnétorésistance géante
1.2.3 Magnétorésistance tunnel
1.2.4 Transfert de spin
1.2.5 Dynamique de l’aimantation
1.2.6 Renversement de l’aimantation par transfert de spin
1.3 Couplages dans les couches minces magnétiques
1.3.1 Couplage dipolaire
1.3.2 Interaction RKKY
1.3.3 Couplage d’échange
1.3.4 Pinholes ou trous d’épingle
1.3.5 Couplage de Néel ou peau d’orange
1.4 MRAM, la mémoire magnétique
1.4.1 Principe de fonctionnement
1.4.2 Différentes technologies de MRAM
1.4.3 Situation des MRAM sur le marché
1.5 Objectif de la thèse : MRAM à écriture précessionnelle
2 Optimisation de la barrière tunnel
2.1 Etat de l’art des barrières tunnel magnétiques
2.2 Techniques de caractérisation
2.2.1 Caractérisation électrique : méthode CIPT
2.2.2 Caractérisation magnétique : VSM
2.3 Technique de dépôt : pulvérisation cathodique
2.4 Empilement standard
2.5 Barrières MgO RF
2.5.1 Effet de l’épaisseur de MgO
2.5.2 Effet des insertions de Mg
2.5.3 Effet de la température de recuit
2.5.4 Résumé : barrières MgO RF
2.6 Barrières MgO par oxydation naturelle
2.6.1 Effet des insertions de Mg et MgO
2.6.2 Effet de l’épaisseur de la barrière tunnel
2.6.3 Effet du temps et de la pression d’oxydation
2.6.4 Résumé : barrières MgO oxydation naturelle
2.7 Conclusion
3 Intégration du polariseur perpendiculaire dans une jonction tunnel magnétique
3.1 Développement du polariseur perpendiculaire
3.1.1 Techniques de caractérisation
3.1.2 Polariseur perpendiculaire à base de multicouche de Co/Pt
3.1.3 Polariseur perpendiculaire synthétique
3.2 Premiers essais d’intégration : systèmes à double barrière
3.2.1 Double barrière : Al2O3 – Al2O3
3.2.2 Double barrière : Al2O3 – MgO oxydation naturelle
3.2.3 Double barrière : MgO RF – MgO RF
3.2.4 Double barrière : MgO oxydation naturelle – MgO oxydation naturelle
3.2.5 Conclusions : système double barrière
3.3 Séparateur en cuivre
3.3.1 Jonction tunnel à base de MgO RF
3.3.2 Jonction tunnel à base de Al2O3
3.3.3 Jonction tunnel à base de MgO oxydation naturelle
3.3.4 Conclusions : séparateur cuivre
4 Ecriture précessionnelle : validation du concept
4.1 Retournement précessionnel de l’aimantation
4.2 Fabrication des nanopiliers
4.3 Méthode d’estimation de la probabilité de retournement
4.4 Montage expérimental
4.5 Polariseur perpendiculaire et jonction à base d’alumine
4.5.1 Caractéristiques des nanopiliers
4.5.2 Résultats électriques
4.6 Polariseur perpendiculaire dans une jonction à base de MgO
4.6.1 Electrons de la couche libre vers le polariseur
4.6.2 Electrons du polariseur vers la couche libre
4.6.3 Comportement général
4.6.4 Discussions
4.7 Conclusions
Conclusions et perspectives
Télécharger le rapport complet
