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Observations de la matière noire
Mettant à part les mesures de profils de gaz X et les mesures de vitesses des galaxies (Sect. 1.2 et 1.3), nous citons ici deux moyens d’observation accédant plus « directement » à la matière noire. Si le premier (lentilles gravitationnelles) a largement été éprouvé et est en plein essor, le second est encore spéculatif (émission en provenance des amas de galaxies).
Effet de lentille gravitationnelle
Cet effet est prédit par la théorie de la relativité générale et a largement contribué à la confirmation de sa validité (par Eddington en 1919 notamment). Il est basé sur la déflexion des rayons lumineux passant au voisinage d’un corps massif. Les amas, objets les plus massifs de notre Univers, sont donc de parfaites « lentilles », amplifiant et distordant les images de galaxies d’arrière-plan (Fig. 1.3). On classe généralement les études de lentilles gravitationnelles selon le régime fort ou faible. Dans le premier cas, la déformation des images est évidente, produisant de spectaculaires arcs et anneaux. Cela se produit quand le front d’onde lumineuse passe proche du coeur très dense des amas, autrement dit quand la galaxie d’arrière-plan est bien alignée avec le centre de l’amas. Dans le second cas, quand l’alignement est moins parfait, l’effet est plus ténu et on a recours à des méthodes statistiques utilisant de nombreuses galaxies afin d’en déduire la masse projetée qui a dévié les rayons lumineux.
Dans l’hypothèse où l’Univers est homogène aux grandes échelles et en effectuant l’approximation de lentille mince (toute la masse de l’amas concentrée dans un plan).
Dans le régime fort, la masse dans les coeurs des amas (denses, > crit) peut être contrainte en utilisant des images multiples dont on connaît les redshifts spectroscopiques.
L’inversion du problème est cependant non triviale puisque plusieurs distributions de masse peuvent donner le même résultat. En utilisant un modèle physique paramétrique, prenant en compte non seulement le halo de matière noire mais aussi les sous-halos denses hébergeant les galaxies de l’amas, on reconstruit la distribution de masse.
Dans le régime faible, le problème est assez différent puisque l’élongation propre des galaxies domine sur le signal de la lentille. On utilise alors une description statistique des sources, sous les hypothèses que l’orientation des sources est isotrope, qu’elle n’est pas corrélée à leur ellipticité et qu’on connaît leur distribution en distance.
Un des facteurs limitants de cette méthode est instrumental et lié à la PSF (fonction d’étalement du point) qui doit être connue avec grande précision sur tout le champ observé.
L’effet de lentille gravitationnelle constitue la seule technique permettant de mesurer directement la masse totale d’un amas, au prix des difficultés techniques et des exigences élevées pour les observations (spatiales avec Hubble ou terrestres avec des télescopes uniques tels que le CFHT). La comparaison avec les masses estimées via la distribution du gaz (voir Sect. 1.2) en rayons X (Zhang et al., 2010) et par effet Sunyaev-Zeldovich (Marrone et al., 2009) constitue une étape incontournable pour comprendre les différents effets systématiques ayant une influence sur les mesures de masse.
Détection de l’annihilation de matière noire par son émission
A titre illustratif, un champ de recherche plus spéculatif mais très actif aujourd’hui concerne la recherche des photons produits par les particules de matière noire lorsqu’elles s’annihilent entre elles. En effet, si la section efficace d’interaction entre les particules de matière noire n’est manifestement pas élevée, elle n’est peut-être pas nulle. Notamment, certains candidats hypothétiques à la matière noire s’annihileraient en émettant un rayonnement.
Le signal attendu doit se comporter comme / 2 DM hvi V avec la section efficace, v la vitesse des particules de matière noire et V le volume de l’amas. Le profil DM joue alors un rôle très important dans les prédictions d’observations accessibles par les télescopes tels que l’actuel Fermi. Une fraction importante des recherches dans ce domaine se sont portées sur les satellites compagnons de la Galaxie (e.g. Abdo et al., 2010) ; cependant, des publications récentes ont montré l’intérêt que pourrait revêtir l’étude des amas de galaxies proches et massifs comme Coma ou Fornax (Gao et al., 2011; Pinzke et al., 2011). Un des arguments en faveur des amas de galaxies vient de leurs multiples sous-structures, dont les simulations CDM prédisent qu’elles sont plus nombreuses à mesure que l’on s’éloigne du centre de l’amas 2 et qui contribuent à fortement augmenter le flux . A l’heure actuelle, les limites supérieures obtenues par les observations Fermi (Ackermann et al., 2010) semblent exclure certains modèles dits « leptophiles » (Pinzke 2. En termes de fraction de masse présente dans les sous-halos. Qualitativement, les sousstructures proches du centre sont plus efficacement détruites. et al., 2011) mais sont encore trop élevées pour confirmer les modèles d’annihilation standard.
Le gaz dans les amas de galaxies
Le gaz diffus représente la plus grande fraction de la matière baryonique observée dans les amas de galaxies. Puisqu’il occupe tout l’espace dans lequel baignent les galaxies, on l’assimile donc souvent au milieu intra-amas ou ICM (Intra-Cluster Medium), même si celui-ci peut contenir plusieurs composantes distinctes. La présence de ce grand réservoir de gaz indique que les processus de formation des galaxies, de l’agrégation du gaz jusqu’à la formation d’étoiles, sont extrêmement inefficaces.
Nous résumons dans cette partie les quelques principes qui régissent la physique du gaz chaud baryonique, avec un accent fort sur les propriétés et observations en rayons X qui constitueront le socle de cette thèse.
Ordres de grandeur et état d’équilibre du gaz
Le gaz dans les amas est un plasma très diffus et très chaud. Sa température est typiquement de l’ordre de 107 ? 108 K et la densité d’électrons ne ne s’élève pas à plus de 10?4 ?10?2 cm?3. La taille typique de ces « boules de gaz » est le Mpc (soit 10–100 galaxies), pour une masse d’environ 1014M (1000 fois celle d’une galaxie).
Si le gaz dans les amas est si chaud, c’est parce qu’il a été piégé dans les gigantesques puits de potentiel gravitationnels que sont les halos de matière noire (voir Sect. 1.1 et Chap. 2). Le gaz y tombant en chute libre acquiert des vitesses élevées (quelques milliers de km/s) et lorsqu’il rencontre du gaz avec des vitesses similaires, les collisions et chocs ont pour principal effet d’augmenter la température du gaz.
Le scénario de formation hiérarchique envisagé aujourd’hui laisse penser que ces processus ont lieu lors de la fusion d’objets plus petits contenant du gaz plus froid.
A ces températures élevées, le plasma chaud émet principalement en longueurs d’ondes X avec des luminosités LX allant de 1036 à 1038W (soit 1043 ? 1045 ergs/s), faisant d’eux les sources étendues les plus brillantes du ciel en rayons X. Nous verrons plus loin dans cette partie qu’en plus de son émission X, le milieu intra-amas possède d’autres propriétés observables tout aussi importantes.
Dans ces régimes de température et de densité, le gaz est presque totalement ionisé du fait de collisions entre éléments : l’hydrogène et l’hélium sont dépourvus de leurs électrons tandis que les éléments lourds n’en ont plus que quelques-uns. En témoigne le fer, dont la raie d’émission à 6,5 keV provient principalement des ions Fe24+ et Fe25+ (états « hélium » et « hydrogène »). C’est d’ailleurs la découverte de cette raie d’émission qui a définitivement prouvé l’origine thermique de l’émission détectée par les premiers satellites d’observation en bandes X (Mitchell et al., 1976; Serlemitsos et al., 1977). La métallicité du milieu intra-amas est de l’ordre de 0;3Z (où Z est la métallicité solaire) et peut grimper jusqu’à Z dans les coeurs des amas (Vikhlinin et al., 2005), particulièrement s’il s’y trouve une grosse galaxie brillante – ce qui est bien souvent le cas.
Dans ce plasma constitué d’électrons et d’ions libres, l’échelle de temps caractéristique de mise à l’équilibre cinétique des électrons est (Spitzer, 1956; Sarazin, 1988) .
Typiquement, à l’intérieur des amas, ce temps vaut 105 ans. Les temps d’équilibrage cinétique des protons entre eux et d’équipartition entre protons et électrons valent respectivement teq(p;p) ‘ 4:106 ans et teq(e;p) ‘ 2:108 ans. Dans les amas pas trop distants, âgés de plusieurs 109 années, ces temps ont largement été atteints et l’on peut considérer les populations d’électrons et de protons en équilibre thermique et généralement à la même température. Cela n’est plus vrai dans les* régions peu denses (aux frontières des amas) ou dans les zones ayant subi un récent changement du fait de chocs. A part dans ces régions spécifiques, on montre que le gaz est également dans un état d’équilibre collisionnel dans lequel s’égalent les taux d’ionisation des atomes (par collision) et les taux de recombinaison (radiative et/ou diélectronique 3). En effet, l’échelle de temps caractéristique est là aussi de l’ordre de 108 années. Contrairement à l’équilibre d’ionisation thermodynamique standard (décrit par équation de Saha pour les milieux faiblement ionisés), l’état d’équilibre collisionnel est indépendant de la densité du plasma et ne dépend que de sa température.
Cette simple relation met en évidence ce qui est l’avantage et le défaut des relevés d’amas en rayons X : la luminosité allant comme la densité de gaz au carré, le risque de considérer comme amas une structure filamentaire peu dense vue en projection est minime. En revanche, seuls les amas les plus denses seront détectables et à l’intérieur d’un même amas les régions externes diffuses seront très difficiles à sonder.
Des modèles spectraux ont été développés sur la base de codes numériques permettant de modéliser avec précision l’émissivité du gaz en fonction de la température et des abondances des éléments, parmi eux : « Raymond-Smith » (Raymond & Smith, 1977), « MEKAL » (Mewe et al., 1985; Kaastra & Mewe, 2000; Liedahl et al., 1995) et APEC (Smith et al., 2001). Dans les conditions d’observations qui sont les nôtres, une partie du spectre observé est absorbée par le gaz neutre de la Galaxie et un modèle multiplicatif d’absorption photoélectrique vient compléter le calcul. La densité de colonne d’hydrogène sur la ligne de visée, NH, gouverne le niveau de cette absorption et sa forme spectrale est dictée par la dépendance en énergie de la surface efficace d’absorption (Fig. 1.5). Des locigiels tels que XSpec (Arnaud, 2000) permettent d’ajuster un spectre modélisé sur l’émission observée par un télescope X, en prenant en compte le décalage spectral de l’objet, sa température et son abondance en éléments lourds.
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Table des matières
Introduction
1 Amas de galaxies : observations, propriétés
1.1 Amas de galaxies et matière noire
1.1.1 Prédictions du modèle CDM
1.1.2 Observations de la matière noire
1.2 Le gaz dans les amas de galaxies
1.2.1 Ordres de grandeur et état d’équilibre du gaz
1.2.2 Emission du gaz en rayons X
1.2.3 Equilibre hydrostatique et profils
1.2.4 Relation d’échelle, chauffage, refroidissement
1.2.5 Autres observations du gaz
1.3 Galaxies dans les amas
1.3.1 Dispersions de vitesses et masse des amas
1.3.2 Fonction de luminosité et richesse optique
1.3.3 Diagrammes couleur-magnitude et séquence rouge
2 Amas de galaxies et cosmologie
2.1 Bases de la cosmologie physique
2.1.1 L’Univers isotrope et homogène
2.1.2 Formulaire cosmologique
2.1.3 Le modèle CDM actuel
2.1.4 Quelques mots sur l’énergie noire
2.2 Formation des structures
2.2.1 Croissance des perturbations dans le régime linéaire
2.2.2 Spectre de puissance et fonction de transfert
2.2.3 Effondrement non-linéaire
2.2.4 Fonction de masse des halos
2.3 Amas et contraintes cosmologiques
2.3.1 Tests cosmologiques avec les amas de galaxies
2.3.2 Le rôle particulier de l’énergie noire
2.4 Relevés d’amas de galaxies en rayons X
2.4.1 Relevés pionniers
2.4.2 L’apport de ROSAT
2.4.3 L’ère d’XMM et Chandra
2.4.4 Grands relevés d’amas : conclusion
I Le relevé XMM–LSS
3 XMM–LSS : un relevé de 10 deg2
3.1 Présentation du relevé XMM–LSS
3.1.1 Objectifs du relevé
3.1.2 Structure du relevé XMM–LSS
3.1.3 Suivi multi-longueurs d’ondes
3.2 Description de l’observatoire XMM
3.2.1 Présentation
3.2.2 Caractéristiques
3.3 Des données brutes au catalogue de sources
3.3.1 Structure d’une observation en rayons X par XMM
3.3.2 Détection et caractérisation des sources par XAmin
3.3.3 Classification des sources et fonctions de sélection
3.3.4 Construction des catalogues
3.4 Résultats antérieurs sur les amas XMM–LSS
4 Etudes réalisées dans le XMM–LSS
4.1 Fonction de corrélation à deux points des AGN
4.1.1 Motivations
4.1.2 L’échantillon d’AGN du relevé
4.1.3 La fonction de sélection des AGN
4.1.4 Distribution en flux des AGN détectés
4.1.5 Fonction de corrélation angulaire
4.2 Amas distants du XMM–LSS
4.2.1 Contexte
4.2.2 L’échantillon d’amas distants du relevé XMM–LSS
4.2.3 Etude de #741
4.2.4 Etude de l’amas IRC-0218A
4.3 Distribution des amas XMM–LSS
XMM–LSS : conclusions et perspectives
II Relevés d’archive : l’exemple de X–CLASS
5 X–CLASS : présentation
5.1 Pourquoi X–CLASS ?
5.1.1 L’extension naturelle aux données existantes
5.1.2 Relevés d’amas basés sur les archives XMM
5.1.3 Plan et déroulement du projet X–CLASS
5.2 Construction du relevé X–CLASS
5.2.1 Des archives au catalogue d’amas
5.2.2 Caractérisation et fonction de sélection du relevé
5.2.3 Mesures des flux
5.2.4 Résumé : le catalogue X–CLASS
6 X–CLASS : méthodologie
6.1 Développement d’une méthode d’analyse
6.1.1 Motivations
6.1.2 Choix d’une observable
6.2 Les diagrammes CR–HR
6.2.1 Ingrédients
6.2.2 Erreurs de mesure
6.2.3 Modélisation d’autres observables
6.3 Outils statistiques pour diagrammes CR–HR
6.3.1 Vraisemblance de l’échantillon
6.3.2 Matrices de Fisher
6.3.3 Echantillonnage par chaînes de Markov (MCMC)
7 X–CLASS : résultats
7.1 Performances de la méthode (z)-CR–HR
7.1.1 Sensibilité absolue de la méthode CR–HR
7.1.2 Rôle des erreurs de mesure
7.1.3 Comparaison avec le dn=dz
7.1.4 Combiner l’information X et les redshifts
7.1.5 Discussion des résultats obtenus
7.2 Analyse cosmologique du relevé X–CLASS
7.2.1 Sélection d’un sous-échantillon
7.2.2 Prise en compte des amas pointés
7.2.3 Mise en pratique de la méthode dn/dCR/dHR
7.2.4 Résultats et contraintes sur le modèle
7.2.5 Discussion des résultats X–CLASS
8 Conclusions et perspectives
8.1 Quel avenir pour le relevé X–CLASS ?
8.1.1 Inclure les amas connus dans l’analyse cosmologique
8.1.2 Extension du catalogue
8.1.3 Catalogue d’AGN
8.2 Le relevé XXL
8.2.1 Présentation
8.2.2 Prédictions cosmologiques
8.3 L’instrument spatial eROSITA
8.4 CR–HR : nouvelle description des relevés X
8.4.1 Prédictions pour eROSITA
8.4.2 Ajouter l’information sur le profil des amas
8.4.3 Autres points d’effort
Conclusion
Annexes
A Publications et contribution détaillée
A.1 Publications liées au relevé XMM–LSS
A.2 Publications liées au relevé X–CLASS
A.3 Publications liées au relevé XXL
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