Les lasers sont utilisés dans plusieurs domaines tels que l’amplification optique, l’affichage et la vidéoprojection. Ces dernières applications demandent des sources laser visibles RGB (pour RedGreen-Blue) compactes. La solution idéale consisterait à utiliser des diodes lasers, mais il n’existe pas pour le moment de semi-conducteurs émettant de manière efficace dans le rouge et le vert. Grâce à la bonne qualité du faisceau laser et leur coût relativement faible, les lasers à solide pompés par diode laser sont une alternative dans le domaine spectral de 500 à 650 nm. Les ions de terre rare sont généralement utilisés comme espèce active car ils offrent dans un large domaine de longueurs d’onde d’émission (UV-visible-IR), avec des raies intenses et relativement fines. Les matrices fluorées, grâce à leur faible énergie de phonons et la possibilité de forts dopages en ions de terre rare, s’avèrent très intéressantes comme matrice hôte pour l’effet laser. La luminescence par upconversion sera le mécanisme d’émission étudié.
Dans ce contexte, les guides d’onde canaux en verre de fluorure dopés terre rare sont à considérer pour la miniaturisation des systèmes optiques. Parmi les différentes matrices vitreuses, le choix s’est porté sur le verre ZLAG, à base de fluorozirconate. Il peut être obtenu en couche mince par dépôt en phase vapeur (PVD) et conduit, par des traitements thermiques appropriés, à des vitrocéramiques transparentes qui allient les propriétés optiques d’un verre et spectroscopiques d’un environnement cristallin pour la terre rare.
Les matériaux fluorés dopés par les ions de terre rare sont également utilisés pour la conversion de fréquence du spectre UV-visible en infrarouge (~1000 nm) pour l’augmentation de l’efficacité des cellules solaires. C’est ainsi que des recherches se sont orientées sur le processus de down-conversion qui permet de produire deux photons infrarouge (d’énergie proche de celle du band gap du silicium), à partir d’un photon UV-visible. L’ion ytterbium (Yb3+) est généralement utilisé pour sa bande d’émission dans le proche IR, associé au praséodyme (Pr3+) ou au thulium (Tm3+) pour leur bande d’absorption dans le bleu.
Durant ces trente dernières années, des recherches importantes ont été menées sur les propriétés optiques des matériaux solides. Elles se sont surtout orientées suivant quatre grands axes: la luminescence par up-conversion (UC) et down conversion (DC), les matériaux scintillateurs, les structures à bande interdite photonique (PBG; photonic band-gap) et les cristaux phoniques (PC; photonics crystals) [1]. Le but principal de ces recherches est d’améliorer l’efficacité des dispositifs existants ou d’en créer de nouveaux. L’amélioration des systèmes peut se faire i) avec une meilleure compréhension des processus mis en jeu dans les matériaux afin d’optimiser les conditions de fabrication ii) avec la recherche de nouveaux matériaux ayant des propriétés plus intéressantes iii) en réduisant la taille du dispositif. La tendance actuelle est la miniaturisation des composants tout en augmentant leur efficacité. Bénéficiant des résultats de ces recherches, le développement de l’émission stimulée de la lumière a été spectaculaire. Ce processus est utilisé dans de nombreux domaines tels que l’imagerie, le traitement des matériaux, la télécommunication, le stockage d’énergie, l’impression, la lithographie ou encore le marquage.
Historique du LASER
C’est en 1917 que le physicien Albert Einstein réalise qu’il existe trois types d’interaction entre la lumière et la matière: les deux premiers étant déjà connus, à savoir l’absorption de la lumière et l’émission spontanée, il démontre un troisième processus suivant lequel l’absorption est inversée pour devenir un second type d’émission de photons cohérents dite émission stimulée. C’est ce processus qui est à la base du fonctionnement du LASER (Light Amplification by Stimulated Emission of Radiations).
En 1950, Alfred Kastler élabore la technique du « pompage optique », qui permet, par illumination d’un gaz ou d’un matériau par un faisceau très intense de lumière polarisée, de « stimuler » les atomes pour les placer dans un état quantique dit de haute énergie.
Le mot LASER vient du mot MASER (Micro-wave Amplification by Stimulated Emission of Radiation) qui est utilisé pour la première fois en 1955 à l’Université de Columbia par J. P. Gordon et ses collaborateurs [2]. C’est quelques années plus tard, en 1958, que la conception et la réalisation d’un MASER optique sera suggérée par Charles Townes et Arthur Schawlow [3]. Le premier matériau laser, le rubis dopé Cr3+ (Al2O3-Cr3+), a été découvert par T. H. Maiman en 1960. Il émet à 694,3nm après excitation à 550nm [4]. Depuis, des effets laser ont été obtenus avec différents types de matériaux : des cristaux CaF2-U3+ [5], des verres de silice dopés Nd3+ [6] et dans des mélanges de gaz (He-Ne) [7], des fibres de verre dopé Nd3+ [8], de la céramique CaF2 et SrF2 dopée Dy2+ [9], le grenat d’yttrium et d’aluminium dopé Nd3+ (YAG-Nd3+) [10].
Il existe donc plusieurs types de lasers, suivant la nature du milieu amplificateur. Les principaux lasers sont les diodes lasers à base de semi-conducteur (InGaAs, AlGaAs, GaN), les lasers à gaz (CO2, He-Ne, Ar, Xe), les lasers à colorants organiques (Rhodamine B, Pyrrométhène 597, Pérylène Red) et les lasers à solide (Rubis, YAG-Nd3+, CaF2-U3+). Des nos jours, les lasers les plus utilisés sont les diodes lasers à semi-conducteurs. Ils représentent plus de 65% du marché mondial. Les lasers à solide pompés par diode représentent un peu plus de 16% mais ils connaissent l’essor le plus important [11]. L’engouement pour les lasers à solide pompés par diode vient du fait qu’ils présentent de nombreux avantages par rapport aux autres lasers.
Les lasers à solide pompés par diode
Les lasers à solide sont constitués d’une matrice vitreuse ou cristallisée, dopée par des ions appelés «activateurs» ou «espèces actives». Ces espèces actives sont des ions de terres rares (rare earth, RE) ou des ions de métaux de transition. Les avantages de ces lasers sont leur compacité, la bonne qualité du faisceau laser, le coût relativement faible lié à la simplicité de mise en œuvre et surtout le fait d’avoir des faisceaux cohérents avec des puissances de sortie de l’ordre du kilowatt en fonctionnement continu [12]. Dans les années quatre-vingt, les diodes lasers (AlGaAs) efficaces émettant à température ambiante dans l’infrarouge (vers 800nm) font leur apparition [13]. Ils ont remplacé les lampes flash traditionnelles utilisées pour le pompage des lasers à solide. Ce système a révolutionné le domaine des lasers à solide en augmentant considérablement leur performance. Le remplacement de la lampe flash par les diodes lasers augmente leur efficacité d’un facteur cinq. Ceci provient de la réduction significative de la chaleur perdue avec la diode de pompe [14], de la haute puissance de conversion électrique-optique et de l’excitation sélective de l’espèce active du laser à solide, sans oublier la compacité, la fiabilité et la longue durée de vie des diodes laser [15]. Depuis, de nombreux cristaux ont été utilisés en tant que laser à solide pompé par diode (Diode Pumped Solid State Laser, DPSSL); les plus efficaces (LiYF4-Nd3+, YVO4-Nd3+) ont été commercialisés dans les années 1990. Plus récemment, le développement de la fibre optique en silice dopée erbium pour l’amplification optique à 1550nm a beaucoup contribué à l’augmentation de l’efficacité des diodes lasers pompant à 980nm. Dans un souci d’économie et de simplicité, diverses matrices (cristaux, verres, céramiques…) sont testées afin de déterminer le système le plus le plus efficace pour des émissions lasers à différentes longueurs d’onde, notamment dans le visible.
Le choix de la matrice est crucial non seulement vis-à-vis de l’optimisation de l’émission stimulée mais aussi pour la possibilité de fabriquer des couches minces du même matériau afin de miniaturiser les composants.
Les matrices cristallines et vitreuses
La matrice cristalline
La matrice cristalline (monocristal) est obtenue par croissance à l’aide des méthodes de tirage Czochralski ou Bridgman [16]; l’incorporation des ions activateurs peut être assez délicate. Ces deux techniques sont longues, coûteuses et difficiles à mettre en œuvre. De plus, on est souvent limité par la taille des cristaux et aussi par le taux de dopage qui pour des valeurs élevées peut provoquer un changement de symétrie qui modifie les propriétés optiques du matériau. Généralement, la répartition du dopant dans les cristaux n’est pas homogène (cas du tirage Czochralski). Par contre, les espèces actives occupent un nombre limité de sites dans la matrice cristalline, induisant un faible élargissement inhomogène des raies d’absorption et d’émission, ce qui est favorable à l’émission stimulée [12]. D’autres techniques de croissance cristalline, ayant pour but d’améliorer la qualité du laser en jouant sur une meilleure répartition de l’espèce active dans la matrice ont été exploitées: Top Nucleated Floating Crystal (TNFC) [17-18], Micro-PullingDown-Method (µ-PD) [19], Laser Heated Pedestral Growth (LHPG) [19], et plus récemment Edge Defined Film fed growth (EFD) [20]. Les résultats restent comparables à la méthode Czochralski.
La matrice vitreuse
L’incorporation de l’espèce active dans les verres est beaucoup plus simple que dans les monocristallins; elle se fait sans ségrégation et on n’est pas limité par la taille du matériau. Par contre, les propriétés optiques et thermomécaniques des verres sont moins performantes que celles des cristaux, principalement à cause de l’absence d’ordre à grande distance. Le fait que les ions activateurs se trouvent placés de manière aléatoire et dans des environnements variés induit une diminution des sections efficaces d’absorption et d’émission du fait de l’élargissement inhomogène des raies [12]. Après la découverte en 1961 du premier effet laser dans le verre de silice, diverses matrices vitreuses (à base d’oxydes, phosphates, borates, germanates, oxy-fluorures, fluorozirconates, fluoroindates, fluoroaluminates, …) sous différentes formes (massif, fibre optique, couche mince) ont été étudiées, mais les matrices cristallines restent les plus efficaces. Depuis quelques années, on assiste à l’émergence d’une nouvelle classe de matériaux; les vitrocéramiques. Ce sont des matériaux plus ou moins cristallisés qu’on obtient généralement par traitement thermique d’un verre. Si le dopant rentre dans la phase cristallisée, on peut en théorie avoir des propriétés spectroscopiques identiques à celles des monocristaux tout en gardant les propriétés optiques macroscopiques du verre.
|
Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Présentation du sujet
1 – Introduction et définition
1.1 – Historique du LASER
1.2 – Les lasers à solide pompés par diode
1.3 – Les matrices cristallines et vitreuses
1.3.1 – La matrice cristalline
1.3.2 – La matrice vitreuse
1.4 – La matrice vitrocéramique
1.4.1 – La transparence des vitrocéramiques
1.4.2 – Les méthodes d’élaboration des vitrocéramiques
2 – Les objectifs du travail sur les verres massifs
2.1 – Première motivation
2.2 – Deuxième motivation
3 – Les matrices fluorées
4 – La miniaturisation des systèmes
4.1 – Introduction
4.2 – Le guidage de la lumière
4.2.1 – L’optique géométrique avec la loi de Snell-Descartes
4.2.2 – La théorie électromagnétique et les équations de Maxwell
4.3 – Les techniques de fabrication des guides d’onde
4.3.1 – Les guides d’onde canaux
5 – Conclusion
Chapitre 2 : Synthèse et propriétés des verres massifs
1 – Introduction
2 – Les verres ZLAG non dopés
2.1 – Conditions de synthèse
2.2 – Propriétés thermiques du verre ZLAG.
3 – Les verres dopés Pr3+ et co-dopés Pr3+-Yb3+
3.1 – Les verres ZLAG dopés Pr3+
3.2 – Les verres co-dopés Pr3+-Yb3+
3.2.1 – Les verres ZLAG co-dopés 0,5 Pr3+ -xYb3+
3.2.2 – Les verres ZLAG co-dopés xPr3+-1Yb3+
3.2.3 – Les verres à fort dopage en Yb3+
3.3 – Les verres ZBLA 0,5Pr3+-xYb3+
4 – Les verres ZLAG dopés Tm3+ et co-dopés Tm3+-Yb3+
4.1 – Les verres dopés Tm3+
4.2 – Les verres ZLAG co-dopés 0,75Tm3+ -xYb3+
5 – Les verres ZLAG multi-dopés (Pr3+, Yb3+, Tm3+, Er3+)
6 – Les verres ZLAG avec ajout de modificateur (CaF2, PbF2)
6.1 – Propriétés thermiques
6.2 – Propriétés optiques
7 – Conclusion
Chapitre 3 : Synthèse des vitrocéramiques à l’état massif
1 – Les phases cristallisées
2 – Synthèse des vitrocéramiques
2.1 – Les vitrocéramiques ZLAG non dopées
2.1.1 – Traitement en une étape
2.1.2 – Traitement en deux étapes
2.1.3 – Indices de réfraction
2.2 – Les vitrocéramiques ZLAG co-dopées
2.2.1 – Les vitrocéramiques co-dopées 0,5Pr3+-xYb3+
2.2.2 – Les vitrocéramiques ZLAG co-dopées 0,75Tm3+-xYb3+
2.3 – Les vitrocéramiques ZLAG avec modificateur
2.3.1 – Les traitements thermiques
2.3.2 – Indices de réfraction
3 – Etude par Microscopie Électronique à Transmission (MET)
3.1 – Les vitrocéramiques ZLAG
3.2 – Les vitrocéramiques avec modificateur de réseau.
3.2.1 – Conclusion
4 – Etudes par Résonance Magnétique Nucléaire du 19F
4.1 – Etude des phases cristallisés
4.1.1 – RMN de 19F de LaZrF7
4.1.2 – RMN de 19F de La3Zr4F25
4.1.3 – Bilan
4.2 – RMN de 19F des verres et vitrocéramiques ZLAG
5 – Conclusions
Conclusion
Télécharger le rapport complet
