Définitions de la grossesse à risque
Selon l’OMS, les grossesses à risque sont les gestations qui comportent une menace pour le développement normal du fœtus jusqu’ à son terme et pour sa naissance dans un état satisfaisant d’ une part, et une menace pour le bien-être physique, mental et social de la mère d’ autre part. Selon l’UNICEF, la grossesse est un événement normal qui se déroule habituellement sans problème, mais pour certaines raisons, certaines grossesses sont susceptibles de présenter des anomalies dans leur déroulement ou dans leur issue. Selon CHAN Yves et COOL, la grossesse à risque est une grossesse qui présente un danger potentiel pour l’enfant, et quelque fois pour la mère, pendant la période de gestation mais également dans les premiers jours du post-partum.
Les principaux facteurs de risque
Les principaux facteurs de risque sont aujourd’hui bien connus. Seule la prévalence peut varier et elle sera déterminée par les études locales à partir des registres d’accouchement. Certains facteurs permettant d’identifier les femmes à haut risque de mort maternelle sont présents avant même la grossesse (tableau n° 1), d’autres apparaissent en cours de grossesse (tableau n° 2) et enfin les derniers pendant l’accouchement.
i) Les facteurs de risque avant la grossesse : On peut citer principalement :
• L’âge : La mortalité chez les femmes enceintes de plus de 35 ans est élevée et augmente très rapidement avec l’âge. Anémie, rupture utérine, hémorragie de la délivrance sont les principales pathologies rencontrées. L’âge est alors souvent associée à la grande multiparité. La grossesse chez l’adolescente de moins de 18-20 ans est une grossesse à haut risque. La croissance n’est pas terminée et les besoins nutritionnels sont élevés. Par ailleurs, on retrouve dans ce groupe beaucoup de célibataires, de patientes mal intégrées dans les circuits sociaux et qui ne fréquentent pas la CPN. Les grossesses non désirées sont fréquentes et les problèmes psychologiques importants. Les principales complications seront l’anémie grave, la toxémie gravidique (HTA, prééclampsie, éclampsie), la dystocie mécanique.
• La taille : La taille est une donnée à étudier car certains travaux ont montré que le risque de dystocie mécanique diminue lorsque la taille augmente.
• La parité : La parité est une information à recueillir car les primipares, d’autant plus que si elles sont très jeunes, présentent des risques plus grands de dystocie et d’hémorragie de la délivrance. Les grandes multipares ont les mêmes risques que les femmes de plus de 35 ans et les deux facteurs sont souvent associés.
• Le statut social : Le statut social peut apporter une indication car la pauvreté (analphabétisme, malnutrition) est un facteur de risque important. Les veuves et célibataires, souvent démunies ou exclues représentent un groupe à fort taux de mortalité maternelle.
• Cardiopathies : Les cardiopathies indiquent un risque de mortalité maternelle en cas de négligence.
ii) Les facteurs de risque en cours de grossesse : On peut distinguer :
• L’hémorragie génitale : Une hémorragie génitale est un signe qui doit toujours alerter et faire référer. Au premier trimestre, elle peut être le signe d’une fausse couche spontanée ou d’une grossesse ectopique (grossesse extra utérine). Au troisième trimestre, elle fait évoquer un placenta praevia (placenta bas inséré) ou un hématome rétroplacentaire.
• Les œdèmes : Les œdèmes peuvent se traduire par une cassure de la courbe de poids, et leur apparition doit faire rechercher les autres signes de la triade pré-éclamptique : hypertension (supérieure à 13/8 ou 14/9 selon les populations) et albuminurie (supérieure à deux croix). Devant l’un de ces 3 signes, la consultation médicale ou l’hospitalisation s’impose.
• La position fœtale : Une position fœtale transversale ou pelvienne (siège) au troisième trimestre doit faire transférer vers un centre de référence. Après élimination d’une viciation pelvienne (bassin anormal), d’une tumeur praevia (fibrome, placenta praevia), une présentation transversale peut être verticalisée et un siège versé par manœuvres externes. Sinon, une césarienne est nécessaire. Une grossesse multiple sera systématiquement référée car l’accouchement peut nécessiter des manœuvres ou une césarienne. Une grossesse prolongée doit être déclenchée dans les plus brefs délais, sous peine de mort in utero qui peut avoir comme conséquence des troubles de la coagulation dont le pronostic est dramatique pour la mère.
• L’anémie : L’anémie est un facteur de risque dont la prévalence est forte touchant jusqu’à 80% des femmes enceintes dans certaines études. Elle est retrouvée comme facteur associé dans la plupart des pathologies gravidiques. Il ne faut pas attendre des signes fonctionnels comme l’essoufflement ou des malaises par épuisement pour intervenir car l’organisme de ces femmes s’habitue à ces anémies chroniques et ces signes traduisent bien souvent des anémies gravissimes (hémoglobine < 6 g/l). Une anémie de ce type doit être hospitalisée.
• Prise de poids : La prise de poids pendant la grossesse doit être de 11 kg en moyenne, mais dépend de l’état nutritionnel de la femme en début de grossesse. Une femme amaigrie ayant peu de réserves devra à tout prix présenter un gain de poids correct alors qu’une femme en surcharge pondérale en début de grossesse peut se contenter d’une faible prise de poids pour mettre au monde un enfant de poids satisfaisant.
L’hypertension artérielle de la grossesse
Les troubles hypertensifs de la grossesse sont responsables d’environ 12% des décès maternels dans le monde, cette proportion pouvant très certainement varier en fonction de la prévalence de l’hypertension dans une région. Or, il semble que celle-ci soit très variable d’un pays à l’autre. Une étude multicentrique menée en Asie par l’OMS a montré des prévalences qui variaient de 10% à 30% selon les pays. Une enquête menée en Afrique de l’Ouest a permis d’évaluer la prévalence de l’hypertension artérielle de la grossesse (pression diastolique ≥ 90 mm Hg) : en moyenne, elle est de 9,50% et varie de 6,8% à Nouakchott (Mauritanie) à 15% à Saint-Louis (Sénégal). Toutefois, la part relative de chaque type d’hypertension est difficile à mesurer car les femmes ne connaissant pas le plus souvent leur statut tensionnel antérieur à la grossesse et certains examens ne sont pas faits. La prévalence de la pré-éclampsie varie également d’une manière importante en Afrique de l’Ouest : 0,4% à Abidjan, à 8,8% à Saint-Louis. La prévention des troubles hypertensifs de la grossesse et de leurs conséquences par la supplémentation en calcium, la supplémentation en huile de poisson ou la prise régulière d’aspirine à faible dose n’ont pas fait preuve d’efficacité. Dans l’état actuel des recherches, seule une supplémentation en calcium peut être recommandée chez les femmes à haut risque d’hypertension gestationnelle lorsque l’alimentation est pauvre en calcium (réduction des petits poids de naissance et des accouchements prématurés ; réduction modérée de l’incidence de la pré-éclampsie).
Tranches d’âge, variations saisonnières et grossesses à risque dépistées
• Le tableau n° 05 montre la répartition des femmes enceintes selon les tranches d’âge : sur 996 femmes enceintes, on a :
– ≤ 15 ans : 3,6%
– 15-19 ans : 11,7%
– 20-24 ans : 28,2%
– 25-29 ans : 25,1%
– 30-34 ans : 15,2%
– 35-39 ans : 8,9%
– 40 ans et plus : 7,3%
53,3% des femmes enceintes sont âgées de 20 à 29 ans.
Notons qu’à Madagascar, l’âge moyen des mères à la naissance de leur premier bébé est de 19,5 ans. (28)
• La fréquence des CPN présentée au tableau n° 06 montre que le nombre de CPN effectuées est élevé au cours des mois suivants :
– Juillet
– Août
– Octobre
– Novembre
– Décembre
– Janvier
De Février au mois de Juin, le nombre de CPN effectuées par mois est inférieur à 160 CPN.
• Le nombre de grossesses à risque dépistées, selon le tableau n° 07 s’élève à 21, c’est-à-dire 2,1% des grossesses suivies. Ces grossesses à risque dépistées concernent le facteur âge dont 18 ont plus de 35 ans et 4 moins de 16 ans.
CONCLUSION
La grossesse et l’accouchement sont des évènements majeurs dans la vie des femmes et de leur famille. Bien que la grossesse ne soit pas une maladie mais un processus physiologique normal, elle présente certains risques pour la mère et l’enfant qu’elle porte. En effet, le taux de mortalité maternelle est encore très élevé à Madagascar. Il est estimé à 488 décès pour 100.000 naissances vivantes. Cette situation montre l’importance qu’il faut accorder aux soins prénatals pour au moins réduire le taux de décès. L’étude que nous avons menée au CSB2 d’Isotry central sur la « Gestion des CPN au niveau du CSB2 d’Isotry central » a permis de montrer que le taux de couverture des CPN est très bas (35,91%). Bien que les activités de CPN soient correctement menées, notamment le dépistage des grossesses à risque, les mesures préventives comme la chimioprophylaxie antipalustre, le vaccin antitétanique et la supplémentation en fer, l’insuffisance de la couverture en CPN et le nombre insuffisant de CPN réalisées par chaque femme enceinte (66,5% des femmes enceintes suivies ont eu 1 CPN avant le 6e mois de grossesse) font qu’une amélioration du système de gestion des CPN s’impose. Pour ce faire, nous avons suggéré deux éléments essentiels : premièrement, un renforcement des activités d’IEC/CPN doit être entreprise au niveau du CSB2 et en stratégie mobile dans le but d’améliorer le taux global de couverture des CPN d’une part et d’améliorer le nombre de CPN réalisées par chaque femme enceinte d’autre part. Deuxièmement, une gestion des CPN adaptée à la population du secteur sanitaire est recommandée. Ceci porte en particulier sur l’élaboration d’un plan individuel de CPN pour chaque femme enceinte qui vient en 1ère CPN.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LES CONSULTATIONS PRENATALES
1. OBJECTIFS DES SOINS PRENATALS
1.1. Objectifs généraux et principales activités
1.1.1. Définitions de la grossesse à risque
1.1.2. Dépister les grossesses à risque
1.1.2.1.Les principaux facteurs de risque
1.1.2.2.La fréquence des CPN
1.1.3. Dépister les pathologies associées à la grossesse
1.1.3.1.Le paludisme
1.1.3.2.L’hypertension artérielle de la grossesse
1.1.3.3.Les IST
1.1.3.4.Le VIH en CPN
1.1.3.5.Les carences en micronutriments
1.2. Déterminer la conduite à tenir
2. L’ORGANISATION DE LA CPN
2.1. Le personnel
2.2. L’examen
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DE LA GESTION DES CPN AU CSB2 D’ISOTRY CENTRAL
1. CADRE D’ETUDE
1.1. Le CSB2 d’Isotry central
1.1.1. Infrastructure
1.1.2. Organisation du CSB2
1.1.3. Le personnel
1.1.4. Matériels et équipement dans la salle de CPN
1.1.5. Emploi du temps en matière de SMI
1.1.6. Les activités réalisées
1.1.7. Le secteur sanitaire
2. METHODOLOGIE
2.1. Méthode
2.2. Paramètres d’étude
3. RESULTATS
3.1. Nombre de CPN réalisé
3.2. Répartition des femmes enceintes selon les tranches d’âge
3.3. Les séances de CPN
3.4. Grossesses à risque
3.5. Nouvelles CPN avant le 4e mois de grossesse
3.6. Nombre de femmes enceintes ayant eu au moins 1 CPN
3.7. Nombre de femmes enceintes ayant effectué l’ATT2 ou plus
3.8. Chimioprophylaxie antipalustre
3.9. Supplémentation en fer
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES, DISCUSSIONS ET SUGGESTIONS
1. COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
1.1. Situation générale des activités de CPN en 2002
1.2. Tranches d’âge, variations saisonnières et grossesses à risque dépistées
1.3. CPN avant le 4e mois et CPN avant le 3e trimestre
1.4. ATT2, chimioprophylaxie antipalustre et supplémentation en fer
2. SUGGESTIONS
2.1. Renforcement des activités IEC/CPN
2.1.1. IEC au CSB2
2.1.2. IEC en stratégie mobile
2.2. Une gestion adaptée des CPN
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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