MORT FŒTALE IN UTERO
DEFINITIONS
Un fœtus est considéré comme mort lorsque, en se basant sur les procédures habituelles de la pratique médicale, on observe un arrêt irréversible de la circulation spontanée et de la fonction respiratoire ainsi qu’un arrêt irréversible des fonctions nerveuses centrales spontanées. Vers les années 70, un médecin américain, le docteur Léon Kass avait conclu les critères posés par un physicien et philosophe américain, le docteur Behman concernant la détermination de la mortalité et de la viabilité fœtale. Ces critères sont identifiés lors de l’examen du fœtus par l’absence de :
− mouvements musculaires spontanés
− réponse aux stimuli externes
− reflexes innés
− respiration spontanée
− et fonctions cardiaques dont les battements cardiaques et la pulsation .
On parlait alors de « mortinatalité » ; mais en 1970, un comité d’experts de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a recommandé une nouvelle terminologie et la troisième assemblée mondiale de la santé a été d’accord pour employer le terme de « mort fœtale » à la place de « mortinatalité ». Les définitions données à la MFIU sont nombreuses et diverses. Pour le Dr Pontonnier, médecin français, la MFIU est l’arrêt du développement du fœtus à l’intérieur de l’utérus en sachant que l’embryon prend le nom de fœtus à la fin du deuxième mois (5). Selon d’autres auteurs, elle est représentée par toutes les morts du fœtus in utero à un terme supérieur à 20 semaines d’aménorrhée (SA) ou un poids supérieur à 500g (6). Pour d’autres encore, c’est la mort du fœtus avant le travail, ou mort antépartum, survenant au-delà de 180 jours de grossesse, soit au-delà du 6ème mois. Avant le terme de 6 mois, on parle de fausse couche. Au-delà de 6 mois de grossesse, si la mort survient au cours du travail de l’accouchement, on parle de mort per-partum. Cette distinction est importante car elle témoigne d’un mécanisme différent pour chaque décès et donc de causes différentes. La mort fœtale in utero survient en général après un temps plus ou moins long de souffrance fœtale chronique (5). Plus récemment, la définition de la mort fœtale in utero est tout décès fœtal survenant après la limite de la viabilité fœtale telle qu’elle a été fixée par l’OMS, à savoir 22SA ou un poids de naissance de plus de 500g .
EPIDEMIOLOGIE
L’incidence de la MFIU est estimée à 1,5% par an par rapport au nombre de grossesse. En cas de grossesse gémellaire, ce taux s’accroît aux alentours de 5,7 à 6,8% (1) (7). A Madagascar, une étude sur 42 mois, de janvier 2000 à juin 2004, effectuée à la Maternité de Befelatanana, centre hospitalier de référence de la capitale, avait retrouvé un taux de MFIU de 8,59% par rapport au nombre des accouchements (2). Une autre étude récente effectuée sur 12 mois en 2009 dans cette même Maternité retrouvait une fréquence de 1,50% toujours par rapport au nombre des accouchements .
DIAGNOSTIC
Diagnostic positif
Circonstances de découverte
La MFIU peut être décelée :
− par la mère, par la perception d’une anomalie des mouvements fœtaux (diminution ou absence)
− lors d’une consultation prénatale, de façon fortuite
− au moment d’une urgence obstétricale comme la crise éclamptique ou une hémorragie du troisième trimestre de la grossesse, etc .
Signes
Signes cliniques
Signes subjectifs
− Les signes neurovégétatifs de la grossesse sont atténués, comme les nausées, les vomissements et les malaises. On observe parfois une amélioration de l’état général de la femme.
− La patiente peut noter une disparition des mouvements actifs du fœtus.
− Une montée laiteuse ou tension du sein peut exister chez les primipares.
− Parfois, on note un écoulement vaginal anormal ou des pertes sanguines .
Signes physiques
− A la pesée, le gain pondéral maternel diminue.
− A l’inspection, l’abdomen est étagé et flasque.
− La hauteur utérine n’est pas en rapport avec l’âge de la grossesse.
− A la palpation, l’utérus est ramolli et reste stationnaire. Parfois il y a une diminution de sa hauteur. Le ballottement fœtal disparaît. Les différentes parties du fœtus sont mal individualisées. Les seins augmentent de volume et deviennent sensibles. Leur pression fait apparaître du colostrum, puis du lait (véritable montée laiteuse).
− A l’auscultation, les bruits du cœur fœtal détectables au Sonicaid ou à l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal sont absents.
− Au toucher vaginal, le col devient dur avec un ramollissement de l’utérus. La présentation est mal accommodée et le « signe de NEGRI » apparaît s’il y a déjà une macération fœtale, c’est-à-dire que la tête du fœtus prend un aspect de « sac de noix» avec une crépitation osseuse lorsqu’elle se présente dans le segment inférieur.
Signes paracliniques
Imagerie médicale
− Echographie du contenu utérin
C’est un examen clé en obstétrique. Il confirme le diagnostic de décès fœtal par l’absence d’activité cardiaque et de mouvements respiratoires fœtaux, précise la présentation fœtale, l’existence d’un double contour céphalique et des chevauchements des os du crâne après 48 heures de décès fœtal. Le diamètrebipariétal ou bi thoracique est inférieur à l’âge théorique de la grossesse. On note une diminution ou absence du liquide amniotique .
− Echographie Doppler
Examen clé de suivi de la grossesse, elle visualise l’absence d’activité cardiaque fœtale et de flux sanguin en cas de MFIU .
− Radiographie de l’abdomen sans préparation
Plusieurs signes peuvent être retrouvés :
• « signe de SPALDING -I» : chevauchement des os du crâne, témoignant de la dislocation de la voûte crânienne, un signe net après une dizaine de jours de la mort in utero.
• « signe de SPALDING -II» : signe moins évocateur ; c’est l’angulation du rachis sur le crâne, incompatible avec la vie, témoignant une laxité anormale de la colonne vertébrale.
• « signe de DEVEL » : c’est une image à double contour du crâne par décollement du cuir chevelu, créant une auréole péri crânienne ou un halo péri céphalique.
• « signe de ROBERT » : ce sont des bulles gazeuses dans les cavités cardiaques et des gros vaisseaux.
• En cas de physométrie :
– Un cliché en décubitus dorsal retrouve une image aérique dans la cavité fœtale.
– Un cliché pris en position debout peut montrer une image hydroaérique dans la cavité fœtale, témoignant de la présence de gaz intra-utérin (14) (19) (20).
Biologie
− Dosages hormonaux
En cas de mort fœtale in utero, on retrouve un effondrement du taux d’œstradiol urinaire et sérique. La mort fœtale in utero est certaine quand l’oestradiolurie est inférieur à 2mg par jour. Les dosages de prégnandiol et de l’hormone placentaire lactogène (HPL) retrouvent un taux très faible après l’arrêt des fonctions placentaires. On note une disparition du β-HCG (Hormon Chrionic Gonadotrophine) dans le sang et une chute du taux de cholestérol et d’œstrogène (21).
− Dosage de l’alpha-fœto-protéine (AFP)
Si le taux de l’AFP dans le sérum maternel est supérieur à 1075ng/ml (normalement, le taux de l’AFP durant la grossesse est inférieur à 500ng/ml), la mort du fœtus in utero est certaine (14) (22).
− Cytologie vaginale
En cas de mort in utero, le frottis vaginal revèle une augmentation de l’index éosinophilique et caryopicnotique, une disparition progressive des cellules naviculaires et apparition de cellules rondes de lactation et des cellules basales plus tardivement (14) (22).
− Amniocentèse
L’examen du liquide amniotique après ponction montre une augmentation nette de l’activité créatine phosphokinase, de la déshydrogénase lactique et de proline en cas de mort in utero .
Diagnostic étiologique
Bilan étiologique
Devant une MFIU, il faut préciser:
− A l’interrogatoire : l’âge maternel, la parité, les antécédents gynécologiques et obstétricaux, en particulier le déroulement des grossesses antérieures et actuelle, les antécédents médicaux et chirurgicaux personnels et familiaux, l’âge actuel de la grossesse, les signes fonctionnels dont se plaint la femme.
− A l’examen clinique habituel des femmes enceintes : les paramètres vitaux, l’état de l’appareil génital et des autres appareils en particulier cardio-vasculaire, les caractéristiques d’un saignement génital s’il en existe.
− Après l’accouchement quel que soit la voie : le nombre de fœtus avec la chorionisation si grossesse multiple, la présence ou non d’anomalies foetoannexielles (malformation, procidence du cordon ombilical, etc.), l’état du fœtus (macération, poids).
Les examens paracliniques obligatoires pour la recherche étiologique varient selon les centres hospitaliers ou les pays.
− Pour le CHU de Dijon (24), le bilan standard d’une MFIU comprend :
• Numération Formule Sanguine (NFS),Taux de Prothrombine, Taux de Céphaline Activée, fibrinogène, ionogramme sanguin, créatininémie, acide urique,bilan hépatique standard (ASAT, ALAT, GGT, PAL, bilirubine totale), LDH, albuminémie, haptoglobuline, protéinurie sur échantillon, protéinurie de 24h.
• C-Reactive Protéine (CRP), Examen Cyto-Bactériologique des Urines, prélèvement vaginal, sérologie CMV, virurie CMV, sérologie Parvovirus B19, hémoculture avec recherche de Listéria
• HGPO, recherche des hématies fœtales, acide biliaire.
− Pour le CHU de Saint Etienne (25) :
• Les examens obligatoires sont:
❖ Clinique : interrogatoire, température, poids, tension arterielle, hauteur utérine, toucher vaginal
❖ Groupe sanguin rhésus, phénotype, agglutinines irrégulières
❖ Test de Kleihauer
❖ NFS, plaquettes, CRP
❖ Ionogramme sanguin, glycémie, acide urique
❖ Bilan de coagulation avec fibrinogène et D-dimères
❖ ECBU, prélèvement vaginal
❖ Albuminurie, glycosurie
• En fonction du contexte :
❖ Hémoglobine glycosylée, test de O’Sullivan /HGPO
❖ Sérologies : HIV, syphilis, listéria, parvovirus, toxoplasmose, CMV, rubéole, varicelle
❖ Bilan thrombophilie à minima : Anticoagulants circulants, Anticorps anticardiolipides, Anticorps anti-DNA natif
❖ Bilan hépatique, Gamma glutamyl transférase (GGT)
❖ Dosage Hémoglobine saturée de monoxyde de carbone (HbCO)
❖ Amniocentèse +/- Polymerase Chain Reaction (PCR)
− En sus, certains pays considèrent l’autopsie fœtale par un foetopathologiste comme un acte pertinent exigé en cas de MFIU (26) (27). Néanmoins, cette demande nécessite l’accord du couple parental. Dans le cas de refus, on examine le fœtus en prenant des photographies, des clichés radiographiques de face et de profil et des images échographiques post-mortem sur un fœtus immergé (28).
− L’identification du caryotype fœtal peut être faite à partir de l’un de ces éléments: sang fœtal, cordon ombilical, prélèvement intra-cardiaque, peau, tissus fœtaux, liquide amniotique, placenta, membranes .
Etiologies et facteurs de risque
Etiologies
Selon la classification obstétricale de SETTATREE (28), les étiologies de la MFIU sont :
− Les anomalies congénitales : ce sont les malformations fœtales et les maladies chromosomiques notamment en cas d’atteinte cérébrale ou cardiaque (28).
− La rupture prématurée des membranes > 24 heures : elle est retrouvée dans 10% des grossesses et survient le plus souvent à terme. La survenue de la MFIU est expliquée par deux dangers principaux : la présence d’oligoamnios avec risque de compression funiculaire donc d’hypoxie fœtale et d’insuffisance pulmonaire, et l’ouverture de l’œuf qui prédispose à l’infection (28).
− La chorioamniotite : elle est aussi en rapport avec l’ouverture de la cavité ovulaire et comporte un risque septique à la fois maternel et fœtal (29).
− L’infection périnatale : Plusieurs germes peuvent être retrouvés. On accorde une place importante à l’infection urinaire qui est présente dans 5 à 10% des grossesses. La contamination fœtale par un germe peut se faire par voie ascendante ou transplacentaire.
− Hypertension artérielle (HTA) gestationnelle et chronique : en l’absence de prééclampsie, le pronostic est parfois favorable alors que la présence d’un RCIU associé augmente le taux de mortalité fœtale liée à ces pathologies (29).
− La prééclampsie et l’éclampsie : elles sont expliquées par une ischémie placentaire. Les facteurs présumés favorisants sont le jeune âge maternel, la primiparité, les grossesses gémellaires et l’hydramnios. Les complications peuvent être materno-fœtales aiguës (hématome retro-placentaire : HRP, HELLP syndrome, CIVD, mort périnatale) et/ou fœtale chronique (prématurité et hypotrophie) (30).
− L’HRP : c’est le décollement prématuré du placenta normalement inséré (DPPNI) lors du troisième trimestre ou lors du travail. Il peut être dû à une HTA gravidique (50%), une malnutrition, un traumatisme abdominal, une amniocentèse, un accident funiculaire, une toxicomanie et une malformation fœtale. La MFIU survient dans 30 à 70% des cas. Il peut être aussi responsable d’une hypotrophie et de prématurité .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES ET REVUE DE LA LITTERATURE MORT FŒTALE IN UTERO
I. DEFINITIONS
II. EPIDEMIOLOGIE
III. DIAGNOSTIC
III.1. Diagnostic positif
III.1.1. Circonstance de découverte
III.1.2. Signes
III.1.2.1. Signes cliniques
a) Signes subjectifs
b) Signes physiques
III.1.2.2. Signes paracliniques
a) Imagerie médicale
b) Biologie
III.2. Diagnostic étiologique
III.2.1. Bilan étiologique
III.2.2. Etiologies et facteurs de risque
III.2.2.1. Etiologies
III.2.2.2. Les facteurs de risque
IV. COMPLICATIONS ET PRONOSTIC
IV.1. Le retentissement psychologique
IV.2. Les troubles de la coagulation
IV.3. L’infection
IV. 4. La récidive de la mort fœtale in utero
V. PRISE EN CHARGE
V.1. Attitude générale
V.2. Déclenchement
V.2.1. Propriétés pharmacologiques
V.2.2. Protocole proprement dit
V.3. Examen du fœtus
V.4. Préparation de la prochaine grossesse
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE PROPREMENT DITE
I. OBJECTIFS
II. METHODOLOGIE
II.1. Type d’étude
II.2. Cadre d’étude
II.3. Période d’étude
II.4. Critères d’inclusion
II.5. Critères de non inclusion
II.6. Patientes
II.7. Biais et limites de d’étude
II.8. Paramètres d’étude
II.9. Méthodes statistiques
III. RESULTATS
III.1. Aspects épidémiologiques et facteurs de risque
III.1.1. Fréquence
III.1.2. Age
III.1.3. Parité
III.1.4. Antécédents obstétricaux
III.1.5. Antécédents médicaux
III.1.6. Profession
III.1.7. Nombre de CPN
III.1.8. Terme ou âge de la grossesse au moment du diagnostic
III.1.9. Sexe du fœtus
III.1.10. Quantité de liquide amniotique
III.2. Etiologies
III.2.1. Répartition des patientes selon les étiologies
1. Pathologies hypertensives
2. Causes infectieuses
a- Rupture prématurée des membranes > 24h
b- Chorioamniotite
c- Infection à germe non retrouvé
d- Sepsis maternel
3. RCIU
4. Hémorragies anté-partum
a- Placenta prævia
b- Hémorragie anté-partum par rupture utérine
c- Hémorragie anté-partum par autre cause
5. Conditions périnatales
a- Pathologies cordonales
b- Nombre de fœtus et chorionicité des grossesses multiples
c- Syndrome de transfuseur-transfusé
6. Malformations fœtales
7. Conditions maternelles
8. Causes inconnues ou indéterminées
III.3. Mode d’accouchement
III.3.1. Moyen d’expulsion
III.3.2. Délai entre moment du diagnostic et expulsion
III.3.3. Voie d’accouchement
III.3.4. Couleur du liquide amniotique
III.4. Complications
III.4.1. Complications maternelles
III.4.2. Relation entre complication et délai ente moment du diagnostic et expulsion
III.4.3. Relation entre complication et moyen d’expulsion
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION ET SUGGESTIONS
I. DISCUSSION
I.1. Aspects épidémiologiques et facteurs de risque
I.1.1. Fréquence
I.1.2. Facteurs de risque
I.1.2.1. Age
I.1.2.2. Parité
I.1.2.3. Antécédents obstétricaux
I.1.2.4. Antécédents médicaux
I.1.2.5. Profession
I.1.2.6. Nombre de CPN
I.1.2.7. Terme de la grossesse
I.1.2.8 Sexe du fœtus
I.1.2.9. Quantité de liquide amniotique
I.2. Etiologies
I.2.1. Classification étiologique
I.2.2. Répartition des étiologies par ordre de fréquence
I.2.2.1. Pathologies hypertensives
I.2.2.2. Causes infectieuses
I.2.2.3. RCIU
I.2.2.4. Hémorragies anté-partum
I.2.2.5. Conditions périnatales spécifiques
I.2.2.6. Anomalies congénitales
I.2.2.7. Conditions maternelles : diabète et traumatisme
I.2.2.8. Etiologies inconnues
I.3. Mode d’accouchement
I.3.1. Moyen d’expulsion
I.3.2. Voie d’accouchement
I.4. Complications
I.4.1. Hémorragies du post partum
I.4.2. Décès maternels
I.4.3. Autres complications
II. SUGGESTIONS
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
