Le cancer de la femme jeune est de moins bon pronostic que celui de la femme ménopausée, sa prise en charge est souvent plus lourde et agressive et les effets secondaires ont un impact non négligeable sur les fonctions endocrines et reproductives. Les chimiothérapies ont une toxicité directe sur la fonction ovarienne à l’origine d’une aménorrhée temporaire voire d’une insuffisance ovarienne prématurée. L’hormonothérapie contre-indique une grossesse du fait d’effets tératogènes et en retarde la réalisation. Si on tient compte du fait que les récidives sont plus fréquentes dans les deux premières années, un tel délai est souvent recommandé comme minimal avant la mise en route d’une grossesse. Ainsi une jeune femme atteinte d’un cancer du sein se retrouve souvent confrontée à surseoir son désir de maternité. Aujourd’hui la médecine actuelle permet un taux de survie important après un cancer du sein, c’est pourquoi nous nous sommes intéressés au problème de la fertilité et du désir de grossesse après cancer du sein.
ANATOMIE
Anatomie descriptive
Le sein est un organe visible et palpable, innervé et richement vascularisé dont la fonction première est la production de lait maternel (lactation). Situés à la face antérieure du thorax, les seins présentent une base mammaire s’étendant de la deuxième côte jusqu’à la sixième et du bord latéral du sternum jusqu’à la ligne axillaire antérieure (69). En arrière, le sein repose non pas sur une surface plane mais sur la cage thoracique qui est nettement convexe (Figure 1). La face profonde de la glande repose sur le muscle grand pectoral. Sur le plan superficiel, en avant et latéralement, le tissu glandulaire est étroitement uni au derme par des ligaments(ligaments de Cooper) qui permettent de suspendre la glande au plan cutané et constituent son principal moyen de fixité (Figure 2). La plaque aréolo mamelonnaire située au sommet du cône mammaire constitue également la clé de voûte en terme de stabilité et de fixation cutanée. Le mamelon est implanté sensiblement au centre de l’aréole et présente à son extrémité les orifices des 15 à 20 canaux galactophores terminaux (conduits lactifères), distinctement séparés les uns des autres. L’aréole est pourvue de fibres musculaires lisses qui contrôlent la fonction excrétrice du sein au moment de la lactation .
Sur le plan interne, le volume mammaire n’est pas constitué uniquement de tissu glandulaire (canalaire et lobulaire) mais aussi de tissu adipeux et conjonctif. La proportion entre ces 3 éléments varie considérablement d’une femme à l’autre mais aussi chez une même femme en fonction de son âge, de son statut hormonal et de ses variations pondérales. Ceci explique les grandes variations de densité et de consistance de la glande mammaire (69).
Vascularisation
La vascularisation du sein est très riche, l’aréole étant le point de convergence des branches artérielles et le point de départ des vaisseaux efférents veineux et lymphatiques.
Les artères
L’irrigation de la glande mammaire provient de trois sources principales : l’artère axillaire, l’artère thoracique interne et les branches perforantes venues des artères intercostales aortiques. Elles échangent entre elles de nombreuses anastomoses. Les branches mammaires latérales dérivant de l’artère axillaire sont destinées à la moitié latérale du sein. La plus importante est l’artère thoracique latérale. C’est le plus gros calibre artériel destiné à la glande mammaire. Les deux branches thoraciques de l’artère thoraco-acromiale participent à la vascularisation du quadrant supérolatéral du sein. L’artère thoracique supérieure descend aussi dans le prolongement axillaire du sein. Les branches mammaires médiales dérivent de l’artère thoracique interne et vascularisent le quadrant interne, ce qui correspond à un peu plus de la moitié supérieure de la glande.
Les branches mammaires postérieures provenant des artères intercostales antérieures assurent la vascularisation de la face profonde de la glande mammaire. Les branches mammaires inférieures sont destinées au quadrant inféro-latéral. Le tissu cellulaire sous cutané et la peau sont irrigués par le même dispositif artériel car la glande et la peau ont la même origine embryologique (41).
Les veines
Il ya deux réseaux veineux, l’un profond et l’autre superficiel :
✔Réseau veineux superficiel.
Il est constitué par un cercle péri-mamelonnaire quasi-constant qui se draine vers les veines jugulaires externes, céphaliques et sous-cutanées de l’abdomen. Les veines sous-cutanées sont situées au-dessus du fascia pré-mammaire.
✔Réseau veineux profond.
Il est anastomosé au précédent et se dégage de la face postérieure de la glande vers 3 directions de drainage :
– le drainage médial aboutit aux veines thoraciques internes
– le drainage latéral s’effectue par les veines thoraciques latérales dans les veines axillaires
– le drainage postérieur s’effectue par les veines intercostales postérieures.
Les lymphatiques du sein
Le drainage lymphatique de la paroi est le suivant :
– les vaisseaux lymphatiques latéraux et supérieurs qui se drainent dans les nœuds axillaires constituent environ 75%.
– le reste du drainage se fait principalement dans les nœuds para sternaux qui sont situés profondément dans la paroi thoracique antérieure et associés à l’artère thoracique interne.
– Une petite partie du drainage se fait via les vaisseaux lymphatiques qui suivent les branches latérales des artères intercostales postérieures et qui sont connectées avec les nœuds intercostaux situés près de la tête des côtes.
Les nœuds axillaires se drainent dans les troncs sub-claviers, les nœuds para sternaux se drainent dans les troncs bronchomédiastinaux et les nœuds intercostaux se drainent soit dans le conduit thoracique soit dans le tronc broncho médiatisnal (179).
EPIDEMIOLOGIE
Epidémiologie descriptive
L’incidence du cancer du sein est en augmentation constante dans le monde de 0,5% sauf en Chine où elle est de 5%. On estimait à environ 1,4 millions le nombre de cas annuels en 2010. Il s’agit du troisième cancer dans le monde et du premier cancer chez la femme (158).Les chiffres d’incidence varient selon la situation géographique ; l’incidence la plus élevée étant notée en Amérique du Nord et en Europe du Nord (66). Un facteur 10 sépare les pays à bas risque des pays à haut risque. Les études épidémiologiques montrent, en outre, que les femmes migrant d’un pays à bas risque vers un pays à haut risque acquièrent le risque du pays d’accueil (213). Ce phénomène a été noté chez les migrantes japonaises aux Etats Unis, qui voient leur taux d’incidence de cancer du sein augmenter, sans atteindre toutefois celui des américaines. Les taux d’incidence standardisés observés aux Etats-Unis et au Canada sont élevés à 90 pour 100 000 (77). En France, avec 49814 nouveaux cas estimés en2005, le taux d’incidence standardisé a presque doublé passant de 56,8 en 1980 à 101,5 pour 100 000 en 2005 (16). En Amérique Latine, les taux varient entre 20 et 90 pour 100 000 habitants. En Afrique, ils varient entre 15 et 45 pour 100 000. Les taux d’incidence standardisés sont encore plus faibles en Asie ou ils varient entre 15 et 30 pour 100 000 habitants (16 pour 100 000 au Japon) (77). Au Sénégal, le cancer du sein est le deuxième cancer le plus fréquent chez la femme après celui du col de l’utérus. Le taux d’incidence standardisé était estimé à 23,7 pour 100 000 en 2008 .
Par ailleurs, le cancer du sein représente la première cause de mortalité par cancer chez les femmes dans le monde, avec 410 000 décès pour l’année 2002 (77). En Afrique, 49 991 cas de décès ont été répertoriés en 2008 soit 16 pour 100 000. Au Sénégal, la mortalité par cancer du sein était estimée à 472 décès en 2008 .
Epidémiologie analytique
Plusieurs études épidémiologiques et expérimentales menées à travers le monde ont mis en évidence les principaux facteurs de risque en corrélation avec les mécanismes biologiques potentiels associés au risque de cancer du sein.
Facteurs hormonaux endogènes
➤ Age précoce des premières menstruations :
Quelques études incriminent l’âge des premières règles comme facteur derisque, plus les règles sont survenues tôt plus le risque est augmenté (70). Le fondement biologique de cette association correspond à l’exposition précoce et prolongée à l’imprégnation hormonale qui existe durant la période d’activité des ovaires.Cette exposition est considérable lorsque les cycles menstruels sont réguliers(126).
➤ Ménopause tardive :
Les femmes qui ont leur ménopause après 50 ans présentent un risque accru de cancer du sein, en comparaison avec celles dont les menstruations cessent précocement. Le risque de cancer du sein augmente d’environ3 %, pour chaque année supplémentaire, à partir de l’âge présumé de la ménopause (47). Cetteassociation entre l’âge et le risque de cancer du sein est similaire, que laménopause soit survenue naturellement, ou qu’elle résulte d’une ovariectomie bilatérale (47). Le mécanisme par lequel la ménopause tardive augmente le risque de cancer du sein semble le fait d’une production prolongée des hormones ovariennes.
Facteurs hormonaux exogènes
➤ Contraceptifs oraux :
Le risque de cancer du sein est augmenté d’environ 25 %chez les femmes utilisant couramment les contraceptifs oraux. Cependant, cet accroissement de risque chute dès l’arrêt de la consommation, de sorte que, 10 ans après l’arrêt de l’utilisation, aucune augmentation significative de risque n’est manifeste (46). Le risque de cancer du sein ne change pas de manière significative avec la durée d’utilisation et est indépendant du type d’œstrogène ou de la combinaison des préparations utilisées. Le cancer du sein est rare chez les jeunes femmes en âge de procréer qui utilisent les contraceptifs oraux, et une utilisation importante de ces produits n’entraîne pas un nombre supplémentaire de cas. En revanche, l’utilisation de ces médicaments, tard dans la vie reproductive, entraîne une augmentation relative du risque de cancer du sein au moment où le risque naturel devient appréciable. Ainsi, plus les contraceptifs oraux seront utilisés tardivement, plus le nombre de cas de cancer du sein qui en résulteront sera important (46).
➤ Traitement hormonal substitutif (THS) :
Les femmes sous THS présentent un risque augmenté de cancer du sein, si on les compare aux femmes qui ne l’ont jamais, le risque attribuable (effet réel du THS) diminue dès l’arrêt du traitement utilisé (47,180), et le risque de cancer du sein augmente avec la durée d’utilisation. Pour les femmes ayant suivi un THS pendant cinq ans ou plus, le risque est augmenté de 26% à 35 % (47,180).
Cependant, il a également été montré que, chez les femmes ayant eu recours au THS à l’âge de 50 ans, et qui l’ont poursuivi durant 5, 10 et 15 ans, l’accroissement de risque est respectivement de 2, 6 et 12 cas pour1000 (47). Par ailleurs, l’effet du THS varie selon la composition des produits. Le risque relatif est de deux chez les femmes utilisant une association oestroprogestative, tandis qu’il n’est augmenté que de 30 % chez les femmes recevant un traitement ostrogénique seul (152).Un des mécanismes par lesquels le THS influence le risque de cancer du sein est qu’il retarde les effets de la ménopause .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES
I. ANATOMIE
I.1.ANATOMIE DESCRIPTIVE
I.2.VASCULARISATION
II. EPIDEMIOLOGIE
II.1.EPIDEMIOLOGIE DESCRIPTIVE
II.2.EPIDEMIOLOGIE ANALYTIQUE
III. DIAGNOSTIC
III.1.CLINIQUE
III.2.EXAMENS COMPLEMENTAIRES
III.2.1.EXPLORATIONS RADIOLOGIQUES
III.2.2.EXAMENS PATHOLOGIQUES
III.2.3.AUTRES EXAMENS
III.3.DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
IV. BILAN PRETHERAPEUTIQUE ET CLASSIFICATION
IV.1 BILAN D’EXTENSION
IV.2. CLASSIFICATION
V. TRAITEMENTS DU CANCER DU SEIN
V.1.BUTS
V.2. MOYENS
V.2.1. CHIRURGIE
V.2.2. RADIOTHERAPIE
V.2.3. TRAITEMENT GENERAL
V.3. INDICATIONS THERAPEUTIQUES
V.4. RESULTATS
VI. SURVEILLANCE APRES TRAITEMENT
VII. PRONOSTIC
VIII. IMPACT DES TRAITEMENTS SUR LA FONCTION OVARIENNE
DEUXIEME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
I. METHODOLOGIE
II. RESULATS
II.1. ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES
II.2. ASPECTS DIAGNOSTIQUES
II.3. TRAITEMENT
II.4. FERTILITE APRES CANCER DU SEIN
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I. EPIDEMIOLOGIE
II. ETUDE CLINIQUE
III. DONNEES PARACLINIQUES
IV. PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE CHEZ LES FEMMES JEUNES
IV.1. CHIRURGIE
IV.3. CHIMIOTHERAPIE
IV.2. RADIOTHERAPIE
IV.4. HORMONOTHERAPIE
V. EFFETS DES TRAITEMENTS ADJUVANTS SUR LA FONCTION OVARIENNE ET FERTILITE APRES CANCER DU SEIN
VI. GROSSESSE SURVENUE APRES CANCER DU SEIN
VII. ISSUE DE LA GROSSESSE
RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE
