Evaluation de la performance du processus comptable
L’entreprise est un ensemble de processus imbriqués qui concourent à la réalisation de ses objectifs. Pour y arriver, ces processus doivent faire l’objet d’un suivi récurrent à travers l’évaluation de leur performance car c’est seulement lorsque ces derniers sont performants que l’entreprise l’est aussi. Ce chapitre servira donc de cadre pour d’abord définir la notion de performance, puis exposer les modèles d’évaluation de la performance adaptés à notre contexte et enfin donner un aperçu de la démarche d’évaluation de la performance du processus comptable.
La notion de performance
La performance est une notion assez complexe. Au fil des années, elle a fait l’objet de nombreuses tentatives de définition qui n’ont pas abouti à une définition universelle. En effet, c’est une notion dont la définition dépend du contexte et qui comprend de nombreux critères qui ne font pas forcément l’unanimité. Toutefois, à travers les lignes qui suivent nous essaieront de présenter les principaux critères qui la caractérisent.
Définition selon les critères traditionnels de la performance
La performance d’entreprise est une notion centrale en sciences de gestion. Depuis les années 1980, de nombreux chercheurs se sont attachés à la définir (Bouquin, Bescos, Bourguignon, Lebas, Voyer, Bessire…) et plus récemment cette notion est mobilisée dans la littérature managériale pour évaluer la mise en œuvre par l’entreprise des stratégies annoncées de développement durable.
L’origine du mot performance remonte au milieu du 19ème siècle dans la langue française. A cette époque, il désignait à la fois les résultats obtenus par un cheval de course et le succès remporté dans une course. Puis, il désigna les résultats et l’exploit sportif d’un athlète. Son sens évolua au cours du 20ème siècle. Il indiquait de manière chiffrée les possibilités d’une machine et désignait par extension un rendement exceptionnel. Ainsi, la performance dans sa définition française est le résultat d’une action, voire le succès ou l’exploit. Contrairement à son sens français, la performance en anglais contient à la fois l’action, son résultat et éventuellement son exceptionnel succès (BOURGUIGNON, 2000).
Dans le domaine de la gestion, la performance a toujours été une notion ambiguë, rarement définie explicitement.
Plusieurs définitions existent, mais selon le domaine et le contexte d’utilisation. Selon VOYER (2002), la notion de performance est un continuum. D’une part, la performance est une valeur ajoutée à un état initial (par exemple l’amélioration de la qualité, l’augmentation de l’achalandage), l’atteinte d’un résultat minimum ou acceptable ou bien la réduction du non désirable (la réduction des pertes de temps, des erreurs). D’autre part, la performance peut signifier, l’adjonction de l’efficience et de l’efficacité d’une organisation. Par ailleurs, la performance selon BOURGUIGNON (2000) est un terme dont la définition peut prendre des sens variables selon les auteurs. Le mot performance permet des interprétations variables et ne prend de sens que dans son contexte spécifique. BOURGUIGNON (2000) a identifié trois points pour définir la performance :
– la performance est succès : la performance n’existe pas en soi ; elle est fonction des représentations de la réussite, variables selon les entreprises et selon les acteurs ;
– la performance est résultat de l’action : traditionnellement, la mesure des performances est entendue comme l’évaluation ex post des résultats obtenus ;
– la performance est action : la performance est un processus et non un résultat qui apparaît à un moment dans le temps.
En d’autres termes, BOURGUIGNON définit la performance comme « la réalisation des objectifs organisationnels, quelque soient la nature et la variété de ces objectifs. Cette réalisation peut se comprendre au sens strict (résultat, aboutissement) ou au sens large du processus qui mène au résultat (action) » (BOURGUIGNON, 2000 :934) .
Définition selon les critères modernes de la performance
Selon BOURGUIGNON (2000), au départ la performance d’une entreprise n’était considérée que sous l’angle financier et économique. Il suffisait de regarder les comptes de l’entreprise pour se convaincre de sa bonne santé ou au contraire de ses risques de faillite. Mais très rapidement le milieu des affaires s’est rendu compte que cette vision de la performance est vraiment dépassée. Du coup les chercheurs et les consultants se sont intéressés à d’autres aspects de la performance. Ils ont commencé à la définir selon de nouveaux critères comme la satisfaction des exigences, la durabilité de la performance, et l’équité.
La qualité : satisfaction des exigences
Le mot qualité est de plus en plus utilisé dans les entreprises. La norme ISO 9000 version 2000 la définit comme étant l’aptitude d’un ensemble de caractéristiques intrinsèques à satisfaire des exigences. En d’autres termes, la qualité n’est rien d’autre que la recherche de la satisfaction d’un partenaire à chaque fois qu’il attend quelque chose de nous.
Selon DEMING (2002 : 20) : « la qualité est le seul facteur qui peut affecter la performance à long terme d’une entreprise ». Elle améliore la productivité, la position face à la concurrence et garantit la survie de l’entreprise. En effet, l’amélioration de la qualité fait que des heures de travail et de temps machine qui auraient été gaspillées, pourraient être utilisées à la réalisation d’un bon produit et d’un meilleur service. Ceci a pour effet une réaction en chaîne.
La durabilité comme clé de la performance à long terme
Pour PINTO (2003), les scandales financiers (Barings en 1995, ENRON en 2001, Société Générale en 2008, etc.) qui ont secoué le monde des affaires ces dernières années, ont donné lieu à des spéculations de la notion de performance. Des sociétés qui ont réalisé des performances en temps record, se sont retrouvées en faillite. Ceci a soulevé la question de la durabilité de la performance des entreprises.
PINTO (2003) nous parle de la performance durable qui tient compte de la pérennité de l’entreprise et non pas de la performance sensationnelle et destructrice. En effet, pour l’auteur, la performance durable porte l’attention sur les principaux facteurs de création de valeur de l’entreprise et concilie les intérêts des actionnaires, des clients et des salariés. En plus de ces trois derniers, lors des entretiens de Valpré en 2007, NOTAT, la fondatrice de Vigéo , en ajoute trois autres.
Pour NOTAT (2007 : 39-40) : « la durabilité de la performance de l’entreprise suppose la considération de l’intérêt des salariés, des territoires, des clients, de l’environnement naturel, et désormais des générations futures ». En effet, la performance durable est la capacité de l’entreprise à reproduire perpétuellement sur une longue période des performances satisfaisantes pour les parties prenantes, et non une performance exceptionnelle à un moment unique.
L’équité : la performance sociale
De nos jours, l’équité est un objectif primordial dans la gestion des entreprises. Ainsi, nous ne saurons l’ignorer dans les critères de performance d’une entreprise. Pour RAUX & al. (2001), l’équité doit être perçue sous deux angles : l’équité horizontale et l’équité verticale. En effet, le concept de l’équité horizontale stipule que deux personnes dans une même situation devraient avoir les mêmes droits et obligations. Elle est proche du principe de l’égalité. Autrement dit, elle s’oppose aux discriminations.
Tandis que, l’équité verticale cherche à réduire les écarts entre les niveaux de vie des individus. Elle prône la distribution de biens communs selon les mérites de chacun. Elle a pour but de réduire les inégalités « injustes » et d’augmenter les inégalités « justes », selon la vision d’ARISTOTE .
Démarche d’évaluation de la performance du processus comptable
Le processus comptable à l’image de nombreux processus de l’organisation est un processus support. En effet, les processus support ont pour but de fournir les moyens nécessaires à tous les autres processus. Les principaux processus supports de l’organisation sont : le contrôle de gestion, les ressources humaines, le marketing, la comptabilité, le commercial, la communication, l’informatique, les systèmes d’information, la logistique, le juridique, les services généraux, l’audit, la finance, les achats. Ces derniers constituent des centres de coûts à optimiser d’où la nécessité d’une évaluation de leur performance. Mais comment évaluer la performance de processus dépourvus pour la plupart de critères financiers au regard des modèles traditionnels. Face à cette interrogation, de nombreux modèles d’évaluation ont vu le jour dont le plus célèbre et le plus adapté à ce type de processus est le Modèle d’Evaluation Fonctionnelle (MEF). C’est un modèle qui s’applique aussi bien à toutes les fonctions support de l’organisation qu’à tous les processus de transversaux (MOUTOT, 2010). La démarche d’évaluation que nous présenterons repose donc sur ce modèle dont les quatre pôles (activités, compétences, ressources et client) structurent l’évaluation de la performance d’une fonction ou d’un processus support et invitent à trouver des mesures objectives pour chacun d’eux.
Mesure des activités du processus comptable
Le processus comptable réalise-t-il tout ce qu’il devrait faire ? Cette question traite de la formalisation de ce qui est réellement fait et de l’écart qu’il y a entre l’activité théorique et réelle. Cela oblige à formaliser les produits et prestations et à les comparer à un référentiel exhaustif pour déterminer des écarts d’activités (AUTISSIER, 2008).
Mesure des compétences du processus comptable
Les professionnels du processus sont-ils compétents ? Cette question s’intéresse à la compétence des individus qui occupent les postes du processus comptable. Pour réaliser les produits et prestations, l’entreprise dispose-t-elle des compétences nécessaires ? Quel est le niveau de compétence des salariés et quelles sont les actions à mener en fonction d’un niveau d’ambition affiché ? L’évaluation des compétences existantes et souhaitées ainsi que l’évolution des écarts permettront d’aborder des éléments de réponse aux questions posées (AUTISSIER, 2008).
Mesure des ressources allouées au processus comptable
L’organisation du processus comptable est-elle performante ? Cette question traite de l’évaluation des ressources qui sont mobilisées pour faire fonctionner ce processus. La notion de ressources est ici comprise comme l’ensemble des moyens mis à la disposition des acteurs pour réaliser leur activité. Cela comprend l’organisation, le style de management mais aussi les coûts engagés en dépenses d’investissement et de fonctionnement (AUTISSIER, 2008).
Mesure de la satisfaction des clients du processus comptable
Les clients du processus comptable sont-ils satisfaits des prestations ? Cette question s’intéresse aux clients du processus et à leur niveau de satisfaction. Un processus comptable livre ses prestations à différents types de clients, qu’ils soient internes et/ou externes à l’entreprise. Il s’agit donc d’évaluer leur avis (AUTISSIER, 2008).
Calcul du taux de performance
Chacune des quatre variables précédentes est confrontée à un référentiel à travers un questionnaire qui permet d’identifier d’éventuels écarts et de calculer le taux de performance par variable puis globalement. Le taux de performance global est la moyenne des différents taux obtenus des variables et se situe entre 0% et 100%. Il faut ensuite le positionner sur un baromètre de performance pour avoir une indication qualitative suivant quatre situations types de gestion (AUTISSIER, 2008).
Positionnement du taux sur le baromètre de performance
Selon AUTISSIER (2008), le baromètre global de performance est un indicateur qui joue le rôle de mise en alerte des principaux responsables de l’entreprise.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE
Introduction de la partie
Chapitre 1 : Le processus comptable
1.1. La comptabilité
1.1.1. Définition et objectifs de la comptabilité
1.1.2. Organisation de la comptabilité
1.2. Fonctionnement du processus comptable
1.2.1. Le système classique
1.2.2. Le système centralisateur
Chapitre 2 : Evaluation de la performance du processus comptable
2.1. La notion de performance
2.1.1. Définition selon les critères traditionnels de la performance
2.1.2. Définition selon les critères modernes de la performance
2.1.3. Les composantes de la performance globale
2.2. Les modèles d’évaluation de la performance
2.2.1. Le Modèle d’Evaluation Fonctionnelle (MEF) de AUTISSIER
2.2.2. Le modèle d’excellence de l’EFQM
2.2.3. Le modèle Malcolm Baldrige National Quality Award (MBNQA)
2.3. Démarche d’évaluation de la performance du processus comptable
2.3.1. Mesure des activités du processus comptable
2.3.2. Mesure des compétences du processus comptable
2.3.3. Mesure des ressources allouées au processus comptable
2.3.4. Mesure de la satisfaction des clients du processus comptable
2.3.5. Calcul du taux de performance
2.3.6. Positionnement du taux sur le baromètre de performance
Chapitre 3 : Méthodologie de l’étude
3.1. Conception du modèle d’analyse
3.2. Opérationnalisation du modèle d’évaluation
3.2.1. Identification des variables du modèle
3.2.2. Opérationnalisation des variables indépendantes
3.3. Méthodologie de collecte des données
3.3.1. Définition de la population
3.3.2. Les outils de collecte de données
Conclusion de la partie
DEUXIEME PARTIE : EVALUATION DE LA PERFORMANCE DU PROCESSUS COMPTABLE DE L’EISMV
Introduction de la partie
Chapitre 4 : Présentation de l’EISMV
4.1. Historique et Missions
4.1.1. Historique
4.1.2. Missions
4.2. Organisation
4.2.1. Autorités et Organes
4.2.2. Organisation pédagogique
4.2.3. Organisation administrative
4.3. Prestations et Partenariats
4.3.1. Prestations de Services
4.3.2. Partenariats
Chapitre 5 : Processus comptable de l’EISMV
5.1. Travaux journaliers
5.1.1. Collecte et classement des pièces comptables
5.1.2. La saisie comptable
5.2. Travaux périodiques
5.3. Travaux de fin d’exercice et édition des états financiers
5.2.1. Travaux de fin d’exercice
5.2.2. Edition des états financiers de synthèse
Chapitre 6 : Evaluation de la performance, analyses et recommandations
6.1. Evaluation de la performance du processus comptable de l’EISMV
6.1.1. Evaluation des activités
6.1.2. Evaluation des compétences
6.1.3. Evaluation de l’organisation
6.1.4. Evaluation de la satisfaction des clients
6.1.5. Détermination du taux de performance global
6.2. Analyse des résultats de l’évaluation
6.2.1. Analyse du taux d’activité
6.2.2. Analyse du taux de maîtrise
6.2.3. Analyse du taux de support structurel
6.2.4. Analyse du taux de satisfaction
6.2.5. Analyse du taux de performance global
6.3. Recommandations pour une amélioration de la performance globale
6.3.1. Recommandations sur le pôle « activités »
6.3.2. Recommandations sur le pôle « compétences »
6.3.3. Recommandations sur le pôle « organisation »
6.3.4. Recommandations sur le pôle « clients »
Conclusion de la partie
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
