L’halitose est un mot d’étymologie mixte dérivant du latin halitus (souffle ou haleine) et du suffixe grec osis (changement pathologique) [98]. On retrouve dans la littérature de nombreux synonymes comme « foetor oris » (fétidité de la bouche), «foetor ex ore » (fétidité par la bouche) et cacostomie (mauvaise odeur de la bouche, quelle qu’en soit la cause) [69]. La définition exacte de l’halitose est difficile car elle varie souvent en fonction des populations, des époques et des sensibilités de chacun [32]. Cependant il est communément admis que la mauvaise haleine est l’émission par le souffle d’odeurs désagréables, incommodantes quelles que soient leurs origines (bouche ou nez) [18]. Elle est très ancienne car des références ont été retrouvées dans la bible mais aussi dans les écritures anciennes et est traitée avec différentes teintures et produits de rinçages [69]. Cependant ce n’est qu’au cours de ces dernières années, quand le problème a fortement touché l’intérêt public que l’on a commencé à s’y intéresser de plus prés. En effet de plus en plus, l’aspect esthétique de la dentition est une réalité importante dans la vie de tous les jours. Cependant l’esthétique ne se limite pas à l’aspect visuel, la population est également sensibilisée à l’odeur qui se dégage de la cavité buccale [20]. Nous vivons dans une société aseptisée d’où toutes les mauvaises odeurs doivent être bannies. Ainsi, avoir une mauvaise haleine est perçu comme une « offense » vis-à-vis de l’entourage, des collègues et amis et peut compliquer des relations sociales dites normales. Ce «dictat » de la société se traduit par un important budget (plusieurs milliards de dollars en Amérique du Nord) consacré aux différents produits cosmétiques et publicités vantant les mérites d’une haleine fraîche et avenante [66]. Cependant, ces dépenses dissimulent une réalité bien moins plaisante : ces produits ne font, au mieux, que camoufler le problème et ne le résolvent en aucun cas. Nous devons nous y intéresser à cause de sa fréquence. En effet, tout le monde a au moins été touché une fois dans sa vie par ce phénomène, mais également à cause des difficultés de diagnostic et de prise en charge de l’halitose, car elle reste dans la plupart des cas un sujet tabou de par la gêne et/ou l’anxiété exagérée qu’elle engendre chez certains sujets atteints.
L’acteur principalement impliqué dans la prise en charge de l’halitose, est le chirurgien dentiste, car dans 90 % des cas l’origine est liée à la cavité orale [21]. D’autres sont dues à l’Oto-rhino-laryngologie et aux maladies respiratoires (8%). Les maladies gastro-intestinales ou rénales et d’autres syndromes métaboliques sont les causes mineures (2%) .
Signe discret ou majeur, l’analyse de la mauvaise haleine permet de rassurer le patient obnubilé à tort, ou au contraire, de préciser ou de confirmer une pathologie et de mettre en œuvre un traitement adéquat. Le chirurgien dentiste doit donc définir la cause de l’halitose et orienter le patient vers un spécialiste si l’origine buccale n’est pas retenue. Ceci est un élément important dans l’image et l’estime de soi, certaines personnes en ressentent une gêne exagérée qui conduit à un évitement par une barrière physique (main devant la bouche), ou humaine (maintien d’une distance de sécurité). Il peut aussi conduire à un trouble psychologique pouvant aller jusqu’au suicide [73].
Composés malodorants
Composés sulfurés volatils (CSV)
C’est en 1971 que Tonzetich [97] a démontré que la mauvaise haleine est due essentiellement à des composés volatils sulfurés comme le méthylmercaptan (CH3SH), le sulfure d’hydrogène (H2S) et le sulfure de diméthyle (CH3-S-CH3). Le rôle déterminant des bactéries dans la production de la mauvaise haleine a été mis en évidence par Kleinberg et col. [35] dés 1973. Les CSV sont les produits terminaux de l’activité métabolique des bactéries anaérobies strictes sur des acides aminés soufrés. Ces derniers sont issus de la dégradation de protéines ou de peptides provenant de la salive, du fluide gingival, ou des aliments .
Diamines
Certains patients ont une mauvaise haleine objectivable alors que les niveaux de CSV enregistrés par l’halimètre sont faibles (l’halimètre est un moniteur permettant la mesure de composés sulfurés volatils, il est disponible sous forme d’un appareil compact et portable . Cela signifie que d’autres composés modulent la qualité de l’halitose. La cadavérine et la putrescine sont deux amines malodorantes produites par la dégradation bactérienne. La cadavérine est le résultat de la décarboxylation de la lysine et la putrescine est issue de la décarboxylation de l’ornithine ou de la désamination de l’arginine [51]. La cadavérine contribue aux odeurs et ne s’exhale dans l’haleine que lorsque la salive s’assèche sur la surface des muqueuses.
Composés aromatiques
Le métabolisme du tryptophane permet la production de scatole et d’indole qui sont des composés aromatiques. Ils ne seraient pas primordiaux dans l’apparition des mauvaises odeurs buccales [101].
Acides gras volatils
D’après Armstrong [3], de nombreuses espèces bactériennes asaccharolytiques comme Peptostreptococcus, Treponema, Fusobacterium selenomonas, Eubacterium peuvent donner, à partir de la méthionine ou de la cystéine, de courtes chaînes d’acides gras volatils odorants, comme l’acide butyrique, l’acide valérique, l’acide propionique et l’acide acétique.
Autres composés malodorants
Phillips et al [58] en étudiant l’air buccal de patients atteints d’halitose sévère ont noté la présence d’une trentaine de composés organiques volatils malodorants dont la plupart (80%) sont des alcanes ou des dérivés d’alcanes. Si on se base sur la composition gazeuse de l’haleine, il est probable qu’il existe autant de mauvaises haleines différentes que de personnes.
Bactéries anaérobies
La cavité buccale présente environ 600 espèces bactériennes distinctes aux capacités très diverses à utiliser les nutriments disponibles [36]. Tous les paramètres physico-chimiques influençant la croissance des bactéries anaérobies vont favoriser la production d’odeurs fétides. Plus généralement, toutes les niches propices au développement d’un biofilm (face dorsale de la langue, embrasures interdentaires, malpositions, absence de points de contact…) ou les sites présentant une raréfaction de la pression en oxygène permettent l’installation des anaérobies. Un pH basique ou voisin de la neutralité optimise la production de gaz malodorants [97] alors qu’un pH acide inhibe la croissance des bactéries parodontopathogénes, ce qui diminue la formation des mauvaises odeurs.
Facteurs anatomiques
Langue
De par sa localisation et sa fonction, la langue est une des structures anatomiques les plus importantes de la cavité buccale. Le chirurgien dentiste doit se sentir directement concerné par la sémiologie linguale puisque l’ORL s’intéresse aux amygdales et aux pharynx, le dermatologue s’arrête aux lèvres et que le gastro entérologue commence à l’œsophage. 60% des halitoses buccales seraient d’origine linguale [95]. La structure papillaire du dos de la langue représente une niche écologique unique dans la cavité buccale. Elle offre une large surface favorisant l’accumulation de débris et de micro-organismes [107]. Le revêtement de la langue héberge des cellules épithéliales détachées de la muqueuse buccale, des micro organismes et des leucocytes provenant des poches parodontales. La surface dorso postérieure de la langue est naturellement une zone de rétention et difficilement accessible aux nettoyages mécaniques et physiologiques. Sa rétention est augmentée en cas de langues villeuses, fissurées ou irradiées.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : ETIOLOGIES DE L’HALITOSE
1.1 Facteurs intra-buccaux
1.1.1 Composés malodorants
1.1.1.1 Composés sulfurés volatils (CSV)
1.1.1.2 Diamines
1.1.1.3 Composés aromatiques
1.1.1.4 Acides gras volatils
1.1.1.5 Autres composés malodorants
1.1.2 Bactéries anaérobies
1.1.3 Facteurs anatomiques
1.1.3.1 Langue
1.1.3.2 Dents
1.1.4 Prothèses dentaires
1.1.5 Poches parodontales
1.1.6 Lésions herpétiques
1.1.7 Habitudes de vie
1.2 Facteurs extra buccaux
1.2.1 Maladies d’oto-rhino-laryngologies
1.2.1.1 Sinusites chroniques
1.2.1.2 Tonsillites chroniques
1.2.1.3 Angine de Plaut-Vincent
1.2.2 Maladies gastriques
1.2.3 Diabète
1.2.4 Insuffisance rénale
1.2.5 Maladies du foie
1.2.6 Triméthylaminurie
1.2.7 Médicaments
CHAPITRE II: CLASSIFICATION ET EVALUATION DE L’HALITOSE
2.1 Classification de l’halitose
2.2 Evaluation de l’halitose
2.2.1 Méthodes organoleptiques
2.2.2 Méthodes professionnelles
2.2.2.1 Appareils de chromatographie gazeuse
2.2.2.2 Nez électroniques
2.2.2.3 Moniteurs des Composés Volatils Sulfurés
CHAPITRE III : PRISE EN CHARGE
3.1 Interrogatoire
3.2 Examen clinique proprement dit
3.2.1 Examen exo-buccal
3.2.2 Examen endo-buccal
3.3 Examens para-cliniques
3.3.1 Examen radiologique
3.3.2 Autres examens complémentaires
3.4 Traitements
3.4.1 Préventifs
3.4.1.1 Hygiène bucco-dentaire
3.4.1.1.1 Brossage des dents
3.4.1.1.2 Compléments au brossage
3.4.1.2 Hygiène alimentaire
3.4.1.3 Hygiène de vie
3.4.2 Curatifs
3.4.2.1 Restaurations coronaires
3.4.2.2 Parodontie
3.4.2.3 Chirurgie
3.4.2.4 Prothese
3.4.2.5 Orthodontie
3.4.2.6 Médication
3.4.2.6.1 Traitement des pathologies sources d’halitose
3.4.2.6.2 Traitement direct de l’halitose
3.4.3 Palliatifs
3.4.3.1 Homéopathie
3.4.3.2 Phytothérapie
3.4.3.3 Aromathérapie
3.4.3.4 Autres
CONCLUSION
