Embryologie et physiopathologie des phacomatoses
HISTORIQUE
Le terme neurofibrome fut introduit pour la première fois en 1803 par Odier dans son « manuel de médecine pratique » publié à Genève [1,2]. En 1829, William Wood, membre du « Royal College of Surgeons » relata les caractéristiques anatomocliniques des neurofibromes chez 24 patients. Et c’est en 1849 que Robert Smith, professeur de chirurgie à la « Dublin Medical School », décrivit deux cas de « neurofibromes multiples » [1]. De son côté, Rudolph Virchow fut le premier à proposer en 1863 une classification histologique de ces tumeurs. Son élève Friedrich Von Recklinghausen (1833-1910) décrivit en 1882 un syndrome de tumeurs cutanées et sous-cutanées dérivées de la crête neurale qu’il baptisa « neurofibromatose » [1]. Depuis, la neurofibromatose fut plus connue sous le nom de maladie de Recklinghausen. Le caractère héréditaire à transmission autosomique dominante fut démontré en 1918 par Preiser et Davenport [2]. En 1981, Riccardi évoqua l’existence de deux entités distinctes : la maladie de Recklinghausen ou NF périphérique (NF1) et la NF acoustique ou centrale (NF2) [2]. En 1987, Le gène de la NF1 fut localisé sur le chromosome 17 par Barker et al [2] et en 1990, il fut localisé sur le locus 17q11.2 alors que le gène de la NF2 fut identifié sur le chromosome 22 en 1993 [2]. Ceci a mit fin à des années de confusion nosologique entre les deux principales formes de NF. En 1993, une base de données internationale fut inaugurée ayant pour but de collecter les caractéristiques cliniques des patients atteints de NF1 et d’organiser une prise en charge multidisciplinaire. A ce jour, celle-ci est toujours utilisée.
Embryogénèse : Lors de l’embryogénèse, au stade de neurula, les cellules constituant les feuillets embryonnaires ne présentent pas encore de différenciation observable histologiquement, mais elles ont acquis un certain degré de détermination : la destinée de chaque feuillet est désormais fixée. Au cours de l’organogénèse, l’ectoderme donnera le revêtement externe (l’épiderme de la peau et ses dérivés) et le neuroderme à l’origine du système nerveux. L’endoderme donnera le tube digestif et ses glandes annexes, le mésoderme, le squelette, les muscles, le tissu conjonctif, le derme de la peau, le coeur, le sang et les vaisseaux. En fait, la plupart des organes ne sont pas issus d’un seul feuillet, mais de la coopération d’éléments de deux et même trois feuillets.
De même que la plaque neurale se forme grâce à une induction exercée par le mésoderme sur l’ectoderme, chaque tissu et organe s’édifie par suite d’interactions entre cellules, entre éléments inducteurs et éléments compétents à répondre à l’induction. Ces interactions sont strictement coordonnées dans l’espace et dans le temps par des mécanismes de contrôle génétique [3]. On comprend dès lors qu’une perturbation (anomalie génétique, mutation somatique, lésion due à un agent tératogène par exemple) atteignant soit un blastomère au cours de la segmentation, soit un ou des éléments de l’un ou l’autre des feuillets, peut avoir des conséquences pathologiques aux formes et aux localisations multiples, comme c’est le cas pour les phacomatoses [4]. Si aucun système n’est épargné, c’est cependant sur le système nerveux que se situe l’essentiel des anomalies.
Pathogénie : L’exemple type des phacomatoses est la neurofibromatose type 1, forme classique de la neurofibromatose initialement décrite par Von Recklinghausen. De nouvelles techniques appliquées à la migration et à la différenciation des cellules issues des crêtes neurales portent à croire que leur participation anormale à l’organogénèse serait la cause principale des lésions multiples rencontrées dans la NF1 [5]. La NF1 est caractérisée par des anomalies de la pigmentation cutanée (les tâches café au lait) dûes à une différenciation anormale des mélanocytes, ainsi que par de très nombreux neurofibromes cutanés et sous cutanés (tumeurs bénignes dûes principalement à la prolifération de cellules de Schwann, de fibroblastes et de mélanocytes).
Le signe le plus caractéristique est la présence des nodules de Lisch, qui sont en fait des hamartomes mélanocytaires de l’iris. La neurofibromine, produit du gène NF1, intervient comme régulateur négatif sur la voie de l’oncogène Ras. Le déficit en neurofibromine induit une augmentation des signaux mitogènes transmis aux noyaux cellulaires, expliquant en partie la prédisposition aux tumeurs des patients atteints de NF1. Le principal site de production de la neurofibromine est le système nerveux central suggérant son implication dans les troubles de l’apprentissage et dans la survenue de tumeurs intracrâniennes [6]. S’y associent souvent des tumeurs gliales du système nerveux central et des voies optiques et des neurofibromes du système nerveux périphérique. Une participation anormale des cellules de la crête neurale céphalique à l’organogénèse crânio-faciale serait la cause des malformations orbito-crânio-faciales de la NF1. L’altération concomitante d’autres feuillets blastodermiques (notamment du mésoderme) associés à l’ectoderme se traduit par des altérations d’autres organes et tissus[4,5].
GENETIQUE
La NF1 est une maladie autosomique dominante [1, 2, 8, 9]. Il n’y a pas d’hétérogénéité génétique et tous les malades atteints de NF1 typique ont une mutation au même locus. Tous les individus atteints sont hétérozygotes, aucun exemple convaincant d’homozygotes NF1 n’ayant été rapporté en dépit de la grande prévalence de la maladie et de la consanguinité de certaines familles. L’homozygotie pour l’homologue NF1 de la souris étant létale [9]. Il est probable qu’au moins un allèle NF1 fonctionnel soit nécessaire pour le développement foetal précoce. Le gène NF1 est localisé dans la région péricentromérique du bras long du chromosome 17 en 17q11.2 [1-4, 8, 9]. C’est un grand gène formé de 60 exons qui s’étend sur 350 kb d’ADN génomique. Une histoire familiale est présente dans environ la moitié des cas [6]. La pénétrance du gène étant complète, la moitié des cas de NF1 correspondent donc à des néo-mutations. Les taux estimés de ces néo-mutations varient de 1/7800 à 1/23000 [2]. Malgré l’imprécision de cette fourchette, on peut considérer que la NF1 a l’un des taux de mutation le plus élevé chez l’homme [2]. De nombreuses délétions et insertions surviennent dans la NF1, mais aussi des substitutions.
Il est possible que la mutation NF1 dans une cellule germinale donne un avantage prolifératif à cette cellule ; ce qui donnerait lieu à un mosaïsme germinal augmentant le risque de transmission. Un mosaïsme germinal a été démontré chez un individu sain ayant donné naissance à deux enfants atteints [2,9]. Ainsi, il pourrait expliquer pourquoi plusieurs autres familles ont plus d’un enfant atteints, nés de parents apparemment sains. Ce phénomène est cependant très rare. Plus de 80% des néo-mutations de NF1 sont d’origine paternelle [2]. Compte tenu de cette prédominance, l’âge paternel a été proposé comme facteur de risque [2]. Cependant, les données actuelles évoqueraient un effet modeste. Le tableau III ci-après résume les différents types de mutations détectées. La majorité d’entre elles donnent lieu à une neurofibromine tronquée ; seuls 10% environ impliquent des substitutions d’acides aminés et moins de 2% concernent la région 3’ non codante. Elles ont été identifiées tout au long du gène NF1, sans identification d’un réel point chaud. Néanmoins, le type de mutations décrites dépend énormément de la technique utilisée pour les rechercher. Celà peut conduire à une sur-représentation des mutations faciles à détecter comme les grandes délétions, ou à une sous-estimation des mutations plus difficiles à identifier comme le cas des mutations de la région 3’ non codante. Aucune des méthodes utilisées ne permet d’identifier tous les types de mutations. Néanmoins, l’utilisation des différentes techniques disponibles permet l’identification de 95% d’entre elles [10].
A l’avenir, l’étude de la participation de la neurofibromine dans le développement des structures cartilagineuses pourrait apporter des réponses à ces problèmes cliniques [12, 13]. Pour ce qui est des manifestations neurologiques, l’épilepsie et les troubles de l’apprentissage ne sont pas clairement expliqués par la production d’une protéine au niveau du système nerveux central. La haute densité d’expression au niveau cérébral, en particulier dans les neurones corticaux, suggère que la neurofibromine pourrait jouer un rôle important dans le développement et l’installation des pathologies du système nerveux central. Ainsi, les images d’hypersinaux en T2 à l’IRM cérébrale présentes chez les patients atteints de NF1 pourraient traduire l’expression de la neurofibromine dans les neurones corticaux et même dans les oligodendrocytes. Les travaux futurs devront préciser la répartition de la neurofibromine au sein du système nerveux, son rôle dans le développement de ce dernier et son expression cérébrale chez les patients atteints de NF1 ; ces travaux pourraient aider à répondre à toutes les questions qui restent posées [14]. Selon les informations résultant d’études récentes [15], il apparait que la variabilité clinique observée serait fonction de la date et de la localisation des mutations somatiques. Tous les patients possèdent un gène NF1 non fonctionnel (mutation germinale) dans chaque cellule du corps. Le développement d’un signe clinique comme un neurofibrome provient probablement du résultat d’une mutation acquise (somatique) ou d’un événement génétique additionnel.
La date, le nombre et la localisation de ce deuxième type de mutations dans des tissus variés peuvent aisément rendre compte de la variabilité clinique. L’expression de la neurofibromine s’observe dans des tissus non communément concernés par la pathologie de la NF1. Même s’il n’existe aucune manifestation clinique évoquant un déficit immunitaire chez le patient atteint de NF1, il pourrait y avoir des troubles de la fonction immunitaire en rapport avec une rupture de l’expression du gène NF1 [16, 17]. Les études futures, par la détermination du rôle de la neurofibromine aussi bien dans les lésions du système nerveux central et périphérique que dans sa régénération, pourraient apporter des indices importants pour l’amélioration des thérapies [18]. Enfin, la raison la plus irrésistible d’identifier les gènes malades, est de fournir un diagnostic et un traitement plus efficaces pour le patient. Actuellement, le diagnostic de NF1 se base exclusivement sur des critères cliniques et occasionnellement sur l’analyse séquentielle de l’ADN par un test prénatal. Les patients ayant des signes suggestifs de NF1, mais pour lesquels aucun critère diagnostic n’a été retrouvé, devraient tirer avantage des méthodes diagnostiques améliorées. De même, le conseil prénatal pourrait être plus efficace avec des tests ne reposant pas uniquement sur l’analyse standard de l’ADN. L’étude d’un test diagnostic pour la NF1, basée sur quelques propriétés fonctionnelles de la neurofibromine, serait précieuse [19].
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Table des matières
INTRODUCTION
MaLaDES ET METHODES
RESULTaTS
* Observation 1
* Observation 2
* Observation 3
* Observation 4
* Observation 5
* Observation 6
DISCUSSION
I. Historique
II. Embryologie et physiopathologie des phacomatoses
1. Embryogénèse
2. Pathogénie
III. Généralités sur les phacomatoses
IV. Génétique
V. Epidémiologie
1. Fréquence
2. age
3. Sexe
4. Race
5. Géographie
VI. CLINIQUE
1. Critères de diagnostic
2. Manifestations cliniques
2.1. Signes cutanées
2.2. Signes ostéo-articulaires
2.3. Signes ophtalmologiques
2.4. Signes neurologiques
2.5. Signes psycho-sociaux
2.6. Signes généraux
VII. EVOLUTION-PRONOSTIC
VIII. PRISE EN CHaRGE-SURVEILLaNCE
1. Prise en charge
1.1. Bilan initial-Examens complémentaires
1.2. Examens complémentaires facultatifs
2. Surveillance
IX. TRaITEMENT
1. Symptomatique
2. Spécifique
3. adjuvant
4. Problème décisionnel
5. Thérapies futures
X. ENQUETE FaMILIaLE ET CONSEIL GENETIQUE
XI. DIaGNOSTIC aNTENaTaL
CONCLUSION
RESUMES
aNNEXE
BIBLIOGRaPHIE
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