Définitions des évaluations formatrices
Raison d’être de l’étude et intérêt de l’objet de recherche
Dans un premier temps, l’envie de traiter ce sujet m’est venue suite aux différentes observations faites en stage. J’ai constaté que les enseignants utilisaient des méthodes d’évaluation traditionnelles et que la démarche la plus souvent mise en avant était la démarche sommative au détriment des démarches descriptives et interprétatives. J’ai aussi été confrontée à plusieurs situations qui m’ont questionnée et, par conséquent, j’ai trouvé intéressant de traiter plus profondément cette thématique. Pour exemplifier cela, prenons le cas d’un élève rencontré lors d’un de mes stages en première année à la HEP BEJUNE qui, face à l’accumulation des mauvaises notes, avait perdu toute motivation à apprendre ou à progresser. Cette situation, comme d’autres encore, montrant des élèves fatalistes, m’a interpellée et a suscité chez moi quelques inquiétudes.
Dans un deuxième temps, ce qui me pousse également à m’intéresser de plus près à cette thématique est le fait que, dans mon futur métier d’enseignante, je serai confrontée à l’autoévaluation, car, comme le déclare la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP, 2010), l’école publique doit assurer l’acquisition et le développement de stratégies d’apprentissage chez les élèves comme, par exemple, à travers l’autoévaluation. Il est également explicité que l’élève doit s’exercer à percevoir et à analyser les difficultés qu’il a rencontrées. En outre, plusieurs recherches ont démontré les effets positifs de l’autoévaluation. Cependant, n’ayant dans ce travail pas la possibilité de toutes les présenter, je souhaite, tout de même, en citer deux qui me semblent importantes. La première est celle de Bonniol et Nunziati, réalisée entre 1974 et 1977 qui présente clairement les bénéfices de l’autoévaluation et le fait qu’elle doit désormais être une habilité fondamentale à construire. Lors de cette recherche, différents outils ont été mis en place. Ils permettaient aux élèves de s’approprier les critères des enseignants et de développer l’autogestion de leurs erreurs ainsi que l’acquisition d’outils permettant l’anticipation et la planification de leur action. Cet apprentissage de l’autoévaluation montra clairement ses bénéfices, car les élèves ayant été dans cette classe expérimentale ont obtenu la meilleure moyenne nationale à l’épreuve de français du baccalauréat et, en terminale G1, 87% des lycéens ont réussi leur baccalauréat alors que le pourcentage était de 55% les années précédentes (Nunziati, 1990).
La seconde recherche que je souhaite présenter a été menée, dans les années 1996, par Bourguet, Caffieaux et Wolfs (1999). Ils ont mis en place, en histoire et en physique, des outils favorisant la réflexion ainsi que l’autoanalyse des méthodes de travail des élèves de 4e année de l’enseignement général répartis ainsi : 143 élèves en histoire et 148 élèves en physique. Après avoir dû analyser différents documents, ils ont dû répondre à des questions leur permettant de réfléchir sur leurs méthodes de travail et sur les modifications qu’ils pourraient y apporter. Les résultats de cette recherche ont été plutôt favorables puisque le pourcentage d’échecs diminua fortement entre le prétest et le post-test. Il a donc pu être démontré que favoriser « un processus global centré sur la réflexion et l’analyse des démarches mentales » (Bourguet, Caffieaux et Wolfs, 1999, p.131) s’avère être bénéfique pour les apprenants, le développement des compétences métacognitives jouant un rôle majeur dans l’évolution de ces derniers. L’essence même de ce travail a pour but l’approfondissement de mes connaissances dans l’évaluation formatrice afin de répondre au mieux aux futures attentes des pouvoirs publics vis-à-vis des enseignants.
Finalement, mon intérêt marqué pour ce sujet provient du rôle des établissements scolaires. D’après Lefebvre (1978), l’école doit contribuer à l’intégration sociale et, selon Allal (1999), l’autoévaluation prend une place toujours plus importante dans le monde professionnel. Lorsque les jeunes terminent leur scolarité et débutent dans le monde du travail, il leur est souvent demandé de s’investir dans des démarches autoévaluatives. « Si l’école ne pratique pas des modalités explicites d’autoévaluation, d’évaluation mutuelle et de coévaluation, elle ne prépare pas les élèves au monde professionnel actuel. Elle risque, encore une fois, de confirmer son retard sur l’évolution de la vie sociale et économique » (Allal, 1999, p.47). Cette citation présente l’importance d’insérer des évaluations formatrices au sein des différents établissements scolaires, et ceci, dès l’école primaire. En effet, si l’école ne prend pas en compte cet enjeu fondamental, elle ne jouera pas pleinement son rôle d’intégrateur social au détriment des élèves. Ayant comme perspective de préparer au mieux ces derniers au monde du travail, il me semble pertinent de m’intéresser à cette thématique.
Présentation du problème
Suite aux différentes observations que j’ai pu faire lors de ma pratique professionnelle, j’ai remarqué que l’évaluation se résume parfois encore trop souvent à noter les connaissances des apprenants en fin d’apprentissage et n’a pas pour but de les aider à progresser. Entre autres, une fois la note reçue, la matière est soit acquise soit non acquise et il n’y a plus la possibilité de rectifier cela. J’ai rencontré quelques situations concrètes qui m’ont amenée à me poser plusieurs questions. En effet, je me suis retrouvée face à des élèves découragés et démotivés par l’accumulation des mauvaises notes. Ces derniers n’avaient que rarement la possibilité de prendre conscience, en cours d’apprentissage, du savoir restant à acquérir afin de réussir. À ce sujet, Perrenoud (1998) explique que l’évaluation est associée dans le milieu scolaire à la fabrication de hiérarchies d’excellence. Un classement basé sur une comparaison du niveau des élèves est réalisé. Ces derniers sont catégorisés comme étant « bons » ou « mauvais », et cela, dès le début de leur scolarité. Les apprenants ont comme unique information une note qui va être pour certains une source d’inquiétude et pour d’autres une source de réconfort. « L’élève qui se perçoit comme un raté ne s’engagera pas dans les activités et les travaux scolaires. […]
Dans ce cas, une note d’échec n’offre pas d’espoir et ne décrit pas ce que l’élève pourrait faire pour réussir » (Chapman & Vagle, 2012, p.72). La fin de cette citation résume clairement le problème que je souhaite faire émerger et une résolution possible serait de donner la possibilité à l’élève de prendre en main son apprentissage ainsi que son évaluation pour l’amener à la réussite scolaire. Selon Perrenoud (1998), l’évaluation devrait être désormais vue comme un instrument permettant de réguler en continu les différentes situations didactiques. L’évaluation ne devrait plus fabriquer des hiérarchies, mais, au contraire, aider les élèves à progresser afin d’atteindre les objectifs. Dans cette optique, l’évaluation formatrice peut être une bonne stratégie, car, comme le souligne De Vecchi (2010), « pour apprendre, il faut se connaître » (p.17) et l’une des particularités de l’évaluation formatrice, plus précisément de l’autoévaluation, est justement de découvrir son propre fonctionnement.
Ainsi, l’enseignant donne la possibilité à l’apprenant de s’autogérer, de pouvoir prendre connaissance de ses erreurs et de sa manière de procéder afin qu’il se perçoive comme un individu ayant toutes les chances de réussir. Cependant, cette démarche demande à l’enseignant de revoir son rôle et de partager, comme le préconise De Vecchi (2010), une partie de son pouvoir. Il devient donc une personne-ressource qui va orienter l’élève (Vial, 2012). Hadji (2012) rejoint ces propos en ajoutant que le point de vue de l’enseignant peut être présenté à l’apprenant sans toutefois être imposé et défini comme une vérité indiscutable. En effet, le formateur doit « admettre la part de pertinence qui existe dans l’autoanalyse de l’élève, même si celle-ci ne livre pas davantage ce qui serait la vérité objective d’une performance ou d’une production » (p.256).
Origine ou bref historique
L’évaluation est apparue aux alentours du 17e siècle et est devenue partie intégrante de l’école depuis le 19e siècle (Perrenoud, 1998), siècle qui correspond à la création de l’école obligatoire dans toute l’Europe. Il fallut faire le choix entre deux systèmes opposés : le système des Jésuites, basé sur un système de notes dans le but de faire un classement des élèves pour sélectionner les meilleurs et celui des petites écoles du peuple dont l’évaluation se faisait par objectifs. Le système compétitif fut choisi. Cependant, à la fin du 20e siècle, la société ayant évolué, l’objectif était désormais de développer les compétences de chacun afin de promouvoir la réussite de tout individu (Cardinet, 1991). C’est d’ailleurs durant ce siècle, en 1967 précisément, que le terme d’évaluation formative fut introduit par Michael Scriven au travers d’un article traitant de l’évaluation des programmes et des moyens d’enseignement.
En 1968, son idée fut reprise par Bloom et transposée dans le champ de l’évaluation des apprentissages. Cette évaluation décrite par Scriven et Bloom a pour finalité nouvelle de rendre compte à l’élève et à l’enseignant, en cours d’apprentissage, des connaissances maîtrisées et des difficultés rencontrées. Elle se différencie de l’évaluation sommative dont la fonction est de faire un bilan des savoirs acquis par l’apprenant en fin d’apprentissage (Hadji, 2012). Le terme d’évaluation formatrice est quant à lui apparu suite à une recherche fondamentale menée entre 1974 et 1977 par Bonniol et Nunziati, au lycée Marseilleveyre, à Marseille. Le terme d’évaluation formatrice, où la régulation est du devoir de l’élève, est, désormais, utilisé pour se différencier de l’évaluation formative dont la responsabilité de réguler les apprentissages tient du maître (Nunziati, 1990). En effet, Vial (2012) met en avant le fait que l’évaluation formative est jugée comme étant encore trop centrée sur l’évaluateur alors que, dans un processus d’évaluation formatrice, l’élève est l’acteur principal. « L’évaluation formatrice se veut un dépassement de l’évaluation formative » (Vial, 2012, p.244).
Autorégulation
L’autorégulation peut être définie par « le fait de conduire soi-même la régulation de son activité » (Hadji, 2012, p.75). Selon Perrenoud (1998), l’autorégulation consiste à « renforcer les capacités du sujet à gérer lui-même ses projets, ses progrès, ses stratégies face aux tâches et aux obstacles » (p.110). De plus, toujours selon ce sociologue, « S’il y a autorégulation, c’est en partie parce que l’individu est placé dans des situations de communication qui le confrontent à ses propres limites et le poussent, dans le meilleur des cas, à les dépasser » (p.112). Laveault (2007) insiste sur le fait que, « pour véritablement comprendre le sens d’autorégulation, il ne faut pas perdre de vue le sens de régulation » (p.209). Cette dernière se définit principalement au travers de ces trois caractéristiques : des objectifs ou des attentes, un feedback3 et une action ou une forme de remédiation visant un ajustement. Toujours selon Laveault (2017), tout comme l’autoévaluation, l’autorégulation se développe progressivement.
Afin que l’élève puisse pleinement entrer dans un processus d’autorégulation, il lui est nécessaire de s’approprier les critères d’évaluation, car la compréhension de la tâche par l’élève est « une phase nécessaire à l’autorégulation de tâches ou de situations d’apprentissage » (Tardif, 2007, p.37). Dans ce but, l’enseignant peut marquer des arrêts dans la séquence d’apprentissage afin d’inciter l’élève à énoncer les critères à chaque fois qu’une notion nouvelle est abordée (Nunziati, 1990). Ainsi, après avoir résolu un problème de mathématiques, l’enseignant peut demander, par exemple, aux apprenants de citer les notions ou les opérations qui touchent aux savoirs et aux savoir-faire utilisés. Dans le but qu’elles soient comprises de tout un chacun et formulées sous la forme de critères, Nunziati (1990) conseille de les traduire sous la forme de dénominateurs communs.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1. Problématique
1.1 Définition et importance de l’objet de recherche
1.1.1 Raison d’être de l’étude et intérêt de l’objet de recherche
1.1.2 Présentation du problème
1.2 Etat de la question
1.2.1 Origine ou bref historique
1.2.2 Types d’évaluation
1.2.3 Évaluation formatrice
1.2.4 Métacognition
1.2.5 Autorégulation
1.2.6 Motivation intrinsèque et extrinsèque
1.2.7 Quelques limites de l’évaluation formatrice
1.3 Question et objectifs de recherche
1.3.1 Identification de la question de recherche
1.3.2 Objectifs de recherche
Chapitre 2. Méthodologie
2.1 Fondements méthodologiques
2.1.1 Recherche qualitative
2.1.2 Approche déductive et inductive
2.1.3 Objectif et démarche
2.2 Nature du corpus
2.2.1 Récolte des données
2.2.2 Procédure et protocole de recherche
2.2.3 Echantillonnage
2.3 Méthodes et techniques d’analyse des données
2.3.1 Transcription
2.3.2 Traitement des données
2.3.3 Analyse
Chapitre 3. Analyse et interprétation des résultats
3.1 Représentations sur les évaluations formatrices
3.1.1 Définitions des évaluations formatrices
3.1.2 Fréquence
3.2 Impacts sur l’autorégulation
3.2.1 Impacts sur l’autorégulation en fonction des différentes activités d’évaluation
formatrice
3.3 Impacts sur la métacognition
3.3.1 Métacognition et difficultés rencontrées
3.4 Motivation
3.4.1 Impacts des évaluations formatrices sur la motivation
3.4.2 Sources de motivation
3.4.3 La motivation, un réel impact sur la capacité à entrer dans les apprentissages
autorégulés et à y rester ?
3.5 Sentiments par rapport à soi
Conclusion
Références bibliographiques
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