Définition et Épidémiologie du traumatisme crânien 

Définition et épidémiologie du traumatisme crânien

Le traumatisme crânio-encéphalique ou traumatisme crânien (TC) est un ébranlement en masse du cerveau induit par un coup direct à la tête, une accélération ou une décélération rapide. Le « TC sévère » s’accompagne d’un coma caractérisé par une abolition temporaire de la vie de relation, avec une conservation au moins partielle des fonctions de la vie végétative. La gravité du coma est généralement évaluée avec l’échelle de Coma de Glasgow (Jennet & Teadale, 1974).
Selon cette échelle, pour que le TC soit considéré comme sévère, un score de Glasgow égal ou inférieur à 8 doit être présent pendant au moins 8 heures durant les 24 heures suivant l’accident. La durée de l’amnésie post-traumatique doit être égale ou supérieure à une journée (Mazaux & Joseph, 2000). Le TC sévère induit des lésions cérébrales primaires (focales ou diffuses), directement imputables à l’impact, et des lésions secondaires, conséquences de l’évolution de ces lésions et du développement de phénomènes vasculaires et métaboliques réactionnels (Mazaux & Joseph, 2000).
Ces lésions seront souvent à l’origine de déficits ou de troubles pouvant avoir des répercussions cognitives, comportementales ou émotionnelles, certaines perdurant à distance du traumatisme.
La prise en charge des traumatisés crâniens est un grand problème de santé publique. En effet, dans la majorité des pays européens, le traumatisme crânien demeure la principale cause de mortalité et de handicap chez les jeunes (Vuadens & Bellmann, 2011).En France, les principales causes de traumatisme crânien sont les accidents de la voie publique, qui concernent l’ensemble de la population -avec un pic de fréquence chez les 19/25 ans-, mais les chutes des personnes âgées tiennent également une place non négligeable. Dans le monde, des disparités s’observent cependant en fonction des pays, l’Afrique du Sud ou encore certains états des USA enregistrant par exemple un plus grand nombre de traumatismes crâniens liés à l’utilisation d’armes à feu qu’à des accidents de la voie publique (Cohadon et al., 2008).
On dénombre en France environ 150 000 traumatisés crâniens (TC) chaque année. Ce sont à peu près 8 000 décès et 4000 comas annuels. Il y a actuellement en France plus de 30 000 personnes ayant été victimes de TC et vivant avec des séquelles graves (Mathé et al., 2005). La prise en charge de ces blessés fait appel à des compétences très spécifiques et variées et le parcours des patients  de l’accident à la réinsertion comprend généralement plusieurs étapes,au sein de différents services et institutions qu’il convient de coordonner au mieux (urgences, neurochirurgie, médecine physique, centre d’aide à la réinsertion professionnelle…), des progrès sont encore à faire dans ce sens.

Évaluation écologique et présentation de la BADS

Le syndrome dysexécutif, observé dans de nombreuses pathologies, est l’une des séquelles les plus fréquentes du traumatisme crânien sévère. Il est très invalidant et incomplètement évalué par les tests neuropsychologiques classiques « papier-crayon » de par leurs conditions de passation hautement structurées (Chevignard, Taillefer, Picq, Poncet & Pradat-Diehl, 2006). En effet, actuellement, la plupart des tests disponibles (les tests standards) se contentent d’explorer les habiletés qui sous-tendent le fonctionnement exécutif (Allain et al., 2004). Pour Shallice et Burgess (1991a), dans la majorité des épreuves neuropsychologiques les patients ont à traiter un problème explicite, singulier, sur une période de travail très courte, l’initiation de la tâche est fortement impulsée par l’examinateur et le but à atteindre souvent trop évident. Afin d’éviter ces biais, des tests dits « écologiques » ont donc été développés. Cependant, leur validation est complexe car ce sont souvent des épreuves peu structurées et multifactorielles, et leur administration reste très coûteuse en temps, notamment lorsqu’ils sont réalisés en « grandeur nature » ou en « vie quotidienne » (Chevignard et al., 2006). De ce fait, et malgré leur intérêt certain, ils sont encore peu utilisés dans la pratique quotidienne des neuropsychologues.
A l’origine de tests écologiques parmi les plus populaires, Shallice et Burgess (1991) ont développé, il y a vingtaine d’années, deux tâches qui requièrent un fonctionnement adéquat du Système de Supervision et ont démontré que ces tests étaient sensibles aux problèmes dysexécutifs rencontrés par des patients dans leur vie quotidienne. Il s’agissait : • du « Six Eléments Test », qui exige du sujet une organisation de son activité, avec comme objectif de réaliser six tâches en un temps limité et sans négliger certaines règles, et • du « Multiple Errands Test », effectué dans un centre commercial et qui consiste à demander au sujet d’acheter certains objets, de rechercher certaines informations et de se rendre à un rendez-vous fixé tout en respectant certaines consignes. Ce test présente une forte validité écologique mais il est très coûteux en termes de temps d’administration, de préparation et d’organisation et de ce fait est peu applicable aux situations cliniques usuelles. Sa nature imprévisible et multifactorielle, qui font ses atouts, sont aussi sa principale limite : sa standardisation est quasi impossible.
D’autres tests ont été développés avec cette même ambition de proposer une tâche qui soit plus proche de la réalité concrète de la vie des personnes présentant un syndrome dysexécutif et également plus sensible à leurs difficultés spécifiques. Parmi ces tests on peut citer le « party test » (Chalmers & Lawrence, 1993), les tâches d’estimation cognitive (Shallice & Evans, 1978), le test des commissions (Martin, 1972), les diverses tâches de script et les tâches d’évaluations en vie quotidienne (Chevignard et al., 2006). On peut également inclure dans cette liste les tâches en réalité virtuelle qui présentent l’avantage de pouvoir contrôler de nombreux paramètres (niveaux de difficultés et de complexité des environnements…) et d’enregistrer des temps de réaction précis (Renison et al., 2012). Si l’on peut envisager un essor de ce type de tâche dans un avenir assez proche, il faut néanmoins garder à l’esprit ses limites : leur développement est plutôt coûteux et ce type de matériel nécessite une certaine familiarité avec les environnements virtuels.

Présentation de la BADS

La Behavioural Assessment of the Dysexecutive Syndrome(BADS) est une batterie de tests destinée à prédire les difficultés de la vie quotidienne consécutives au syndrome dysexécutif. Sa version originale est issue du travail de Wilson, Alderman, Burgess, Emslie et Evans (1996) normée en anglais sur un groupe de 216 sujets contrôles répartis équitablement en sous groupes contrôlés sur l’âge, le sexe, et le QI. Le groupe expérimental se composait de 92 patients présentant un syndrome dysexécutif d’étiologies diverses, avec cependant une majorité de traumatisés crâniens (59%). La validité écologique de cet outil associée à ses bonnes qualités psychométriques ont incité une équipe française composée d’Allain, Roy, Kefi, Pinon, Etcharry-Bouyx et Le Gall (2004) à entreprendre sa traduction en français et à en évaluer l’intérêt. Leur population d’étude se compose d’un groupe de 28 sujets contrôles et de 28 personnes ayant subi un traumatisme crânien sévère.
Bien que leur population d’étude soit nettement plus réduit que dans sa version originale, leurs résultats répliquent assez fidèlement ceux de l’étude princeps. Dans ces deux versions, la BADS est composée de 6 subtests alliant tâches de manipulation ou de réflexion sur des situations concrètes, et d’un questionnaire. Une description des subtests est présentée ci-dessous (une description complète peut être trouvée dans le manuel de Wilson et al.,1996). Un score de profil allant de 0 à 4 est obtenu pour chacun des 6 subtests et l’ensemble de ces scores est additionné pour obtenir le score de profil total (sur 24 points).
La BADS, de par son positionnement à mi chemin entre évaluation écologique multifactorielle et test papier crayon standard, représente sans doute un compromis intéressant entre ces deux niveaux d’évaluation.

Test d’Alternance de règles

Pour ce test, on utilise un jeu de 21 cartes à jouer qui se présente sous la forme d’un carnet à spirale. Dans la première partie du test, le sujet est invité à répondre « Oui » si la carte est de couleur rouge et « Non » si elle est de couleur noire. Cette règle est laissée à portée de vue du sujet afin de réduire la charge mnésique. Les cartes à jouer sont présentées une à une. Cette première partie du test est souvent bien réussie et rares sont les patients qui commettent des erreurs. Elle permet cependant de mettre en confiance les sujets et d’établir un pattern comportemental qui multiplie les chances de voir apparaître des erreurs persévératives dans la seconde partie du test, lorsque la règle change. Dans cette deuxième partie, on demande en effet aux sujets de répondre « Oui » si la carte qui vient d’être retournée est de la même couleur que la précédente et »Non » si elle est de couleur différente. La seconde partie incite donc les sujets à « oublier » la première règle et à se concentrer sur l’application de la nouvelle règle qui également laissée à portée de vue du sujet. Les paramètres mesurés sont le temps total de réalisation et le nombre d’erreurs commises. Le test d’alternance de règles explore la capacité du sujet à répondre en se conformant à une règle, à passer d’une règle à l’autre et à garder en mémoire la couleur de la carte précédente (mise à jour) et la règle en cours.

Test du programme d’action

Le Test du Programme d’Actions confronte le sujet à une tâche pratique qui requière la mise en place d’un plan d’actions afin de résoudre un problème concret simple. Il nécessite cinq étapes successives pour être résolu. Afin d’atteindre le but qui lui est assigné, le sujet doit œuvrer de manière rétroactive, c’est-à-dire qu’à partir de la connaissance de l’objectif final, il doit reconstruire les étapes qui lui permettront de l’atteindre.
Dans ce test, le sujet est mis face à un matériel inédit: un socle rectangulaire sur lequel est posé un grand récipient transparent rempli au 2/3 d’eau et surmonté d’un couvercle amovible percé en son centre. De l’autre côté du socle, est fixé un tube à essai transparent dans le fond duquel se trouve un petit bouchon de liège. Une tige de métal (ayant la forme d’un L), ainsi qu’un petit flacon (fileté à l’une de ses extrémités) dont le bouchon à visser est placéà côté, complètent l’ensemble. Le sujet a pour consigne de récupérer le bouchon de liège se trouvant dans le tube à essai en utilisant les objets placés devant lui mais sans soulever le socle, le tube à essai ou le récipient et sans toucher le couvercle de la main. La résolution du problème implique de comprendre que l’eau du récipient peut faire remonter et flotter le bouchon de liège au sommet du tube aessai. Il faut donc trouver le moyen d’atteindre l’eau du récipient et de la transvaser dans le tube à essai. Pour ce faire, il est nécessaire d’enlever le couvercle du récipient avec le crochet métallique, de visser le bouchon du petit flacon, de remplir d’eau ce flacon, de verser cette eau dans le tube, et de répéter l’opération jusqu’à ce que le bouchon flotte au sommet du tube à essai.

Test du Zoo

Dans ce test, on présente le plan d’un zoo au sujet et on lui demande d’indiquer le parcours qu’il emprunterait pour visiter une série de lieux déterminés en fonction d’un certain nombre de contraintes (ne pas repasser par les mêmes allées par exemple). Le test comprend deux conditions.
La première condition, plus difficile, teste spécifiquement les capacités de planification du patient.
Pour minimiser les erreurs, le sujet doit anticiper l’ordre dans lequel il va se rendre aux différents endroits désignés. Dans la seconde condition, moins exigeante, le sujet doit simplement suivre les instructions pour réaliser une performance sans erreur.
La comparaison des performances dans les deux conditions permet une évaluation quantitative des capacités de planification spontanée du sujet lorsque l’assistance cognitive est minimale. Elle autorise également une évaluation quantitative de sa capacité à suivre une stratégie concrète, imposée de l’extérieur, lorsque l’aide cognitive est maximale . La performance à ce test permet d’envisager les bénéfices éventuels qu’offrirait une assistance sous forme de « check-list » au patient dysexécutif.

Test modifié des six éléments

Basé sur l’épreuve originale de Shallice et Burgess (1991), ce test a été légèrement modifié afin de le rendre plus accessible à la plupart des sujets examinés par les neuropsychologues. Cette épreuve invite le sujet à effectuer trois types de tâches, une fois que des instructions précises lui ont été données. Chacune de ces trois tâches est divisée en deux parties A et B. Il y a ainsi deux séries d’additions, deux dictées à faire et deux séries d’images à dénommer, soit au total six sous-tâches à réaliser. Le sujet doit au moins débuter chacune des six sous-tâches au cours d’une période de dix minutes. De plus, il est averti qu’il existe une règle à ne pas transgresser : il n’est pas admis d’effectuer les deux parties d’une même tâche l’une à la suite de l’autre. Ici, la performance du sujet aux différentes sous-tâches importe peu. En revanche, ce test mobilise les capacités de planification, d’organisation et de contrôle comportemental. Il fait également beaucoup intervenir « la mémoire prospective » à savoir la capacité à se souvenir de mettre en œuvre telle ou telle intention à un moment précis dans le futur.

Le « questionnaire de fonctionnement exécutif » (DEX)

Il s’agit d’un questionnaire constitué de 20 items destinés à rendre compte des problèmes comportementaux habituellement associés au syndrome dysexécutif. Les questions abordent quatre grands registres dans lesquels des modifications sont susceptibles d’être relevées : des modifications émotionnelles et de personnalité, des modifications de la motivation, des modifications comportementales et des modifications cognitives. Chaque item est apprécié sur une échelle de Lickert en cinq points (0 à 4), allant de « Jamais » à « Très souvent ». Le questionnaire DEX est présenté en deux versions, l’une est complétée par le patient lui-même et l’autre par un proche ou un soignant qui a de préférence des contacts quotidiens avec le patient.La comparaison des deux évaluations permet de repérer une éventuelle anosognosie du patient.

Méthode expérimentale

Participants

Nous avons retenu 3 personnes pour participer à la présente étude. Ces personnes ont toutes été victimes d’un traumatisme crânien survenu plusieurs années avant leur inclusion dans ce protocole, et dont les séquelles sont stabilisées. L’une de ces personnes a subi un traumatisme crânien « léger », les deux autres ont subi un traumatisme crânien « sévère ». Les lésions des personnes retenues sont toutes et exclusivement d’origine traumatique. Les 3 sujets de notre étude étaient stagiaires au Centre de Reconversion Professionnelle de l’UEROS Aquitaine.
Afin de limiter les biais dans notre interprétation des résultats, nous avons retenu les critères d’exclusion suivants :
– le dossier médical des patients ne fait état d’aucun antécédent de psychiatriques (antérieurs à l’accident).
– sont exclus les patients qui présenteraient un déficit moteur au niveau des membres supérieurs,un déficit sensoriel, un trouble de nature phasique, susceptibles de perturber la manipulation et la compréhension des consignes.

Procédure

Afin d’apporter des éléments de réponse à nos interrogations, et d’infirmer ou de confirmer nos hypothèses, nous avons décidé de nous baser sur la comparaison des résultats et informations contenus dans les bilans neuropsychologiques du dossier médical des patients (bilans préalables à leur entrée au centre de réinsertion professionnelle) à ceux obtenus par une évaluation écologique réalisée à l’aide de la BADS et du questionnaire DEX (présentés précédemment). Notre interprétation des résultats obtenus à la BADS pourra se faire d’après les travaux cités précédemment, notamment la version en cours de validation en français (Allain et al., 2004).
L’interprétation des résultats au DEX sera un support de réflexion clinique sur la qualité de la conscience et de la représentation des troubles des participants en comparant d’une part les scores totaux entre auto-évaluation et hétéro-évaluation, et en analysant les items recueillant un score de  ou plus (sur 4) sur l’échelle de Lickert lors de l’hétéro-évaluation.
L’évaluation était réalisée en une séance d’une heure environ, qui faisait suite à une première entrevue où une présentation générale des objectifs de la présente étude était fournie et qui permettait de recueillir le consentement des participants sur la base du volontariat (et conditions d’inclusion). Les participants commençaient par remplir la version auto-évaluation du questionnaire DEX, puis les 6 subtests de la BADS étaient administrés dans l’ordre de présentation du manuel. La référente institutionnelle des participants, qui les encadre et se trouve à leur contact plusieurs heures par jour durant toute la durée de leur stage au centre (de 3 à 6 mois), était en parallèle chargée de remplir la version hétéro-évaluation du questionnaire.
Nous présentons nos résultats ci-dessous sous la forme d’études de cas regroupées en deux parties distinctes : premièrement le cas d’une personne victime d’untraumatisme crânien léger, puis dans une deuxième partie les cas de deux personnes victimes de traumatismes crâniens graves.

Traumatisme crânien léger

Étude de cas n°1 : Monsieur X

Présentation

Monsieur X. est un homme de 34 ans. Il est d’origine nord africaine et parfaitement bilingue.
Il a un niveau baccalauréat, a fait une formation dans la police et est devenu surveillant de prison. Il fait également une formation de technicien froid et climatisation. Il s’est ensuite marié avec une française et a travaillé plusieurs années comme frigoriste en France.
Il a été victime d’un traumatisme crânien léger suite à une chute de 4 mètres (accident de travail) avec un score à l’admission de 15 à l’échelle de Glasgow.Au scanner, il est observé une fracture du rocher droit, et une lésion frontale droite associée à une hémorragie sous arachnoïdienne traumatique homolatérale.
Actuellement, il ne présente pas de difficulté sur le plan de la gestion du quotidien. Il vit en couple et a une petite fille de 9 mois. Il reste cependant gêné par des douleurs (dos et céphalées) qui accentuent des difficultés comportementales post traumatiques de type impulsivité, impatience, se répercutant sur sa vie personnelle. Malgré une évolution favorable et une bonne récupération, il évoque une fluctuation de l’humeur, marquée par des ruminations, des préoccupations concernant ses douleurs et son avenir. Il est bien conscient de ses difficultés et de sa fatigabilité. Il se plaint d’oublis (gaz, courses, rendez vous…) et d’impulsivité.

Interprétations et discussion à propos du cas de Monsieur X

La BADS

Contrairement au bilan précédemment réalisé, nous ne retrouvons globalement pas de difficultés exécutives chez Monsieur X. En effet, il obtient un score global de 20/24 qui le situe dans la norme (entre 0 et + 1 SD). Cependant, lors de la restitution de ses résultats, présentés comme satisfaisants et encourageants dans l’ensemble, Monsieur X. a exprimé une importante variabilité de ses performances qu’il observait lui même assez fréquemment. Il a simplement expliqué ses bons résultats en indiquant qu’il avait été évalué « dans un bon jour » (description pouvant être en lien avec les fluctuations de l’humeur). Le bilan antérieur décrit dans ce sens des difficultés attentionnelles, troubles qui pouvent être assez fluctuants, qui ne sont pas directement évaluées à la BADS. Les difficultés de contrôle mises en évidence dans le bilan précédent ne sont pas retrouvées dans les scores des sous tests mettant en jeu cette fonction où il obtient le score maximum (test des 6 éléments et test des clés notamment). On remarque cependant qu’il a une légère tendance aux comportements impulsifs : il manipule immédiatement tous les objets présentéslors du test du programme d’action.
Le testing des limites révèle un autre fait important qui cettefois permet de faire le lien avec les résultats antérieurs : Monsieur X. se parle beaucoup à lui-même, il se maintient ainsi concentré et reste efficace. Le temps de planification très long enregistré (mais non pris en compte dans la cotation) pour la planification du test du zoo montre que ce type d’exercice semble cognitivement coûteux pour lui (il se parle pour s’empêcher de se précipiter, relit plusieurs fois les consignes…), cependant, le temps n’étant pas pris en compte dans cet exercice, sa stratégie reste bien adaptée à la situation. On pourrait résumer en disant que dans le cadre de notre évaluation il a réussi à bien compenser ses difficultés de contrôle grâce à l’emploi de stratégies qui se sont révélées adaptées.
Par ailleurs, nous remarquons que Monsieur X. obtient le score maximum dans tous les subtests sauf pour le subtest jugement temporel où il obtient la note minimum à savoir 0/4. Commel’indiquent Allain et al. (2004), des dissociations importantes sont souvent observées chez une même personne en fonction des différents tests. Nous soulignons tout de même que dans l’ensemble les ordres de grandeur sont conservés et aucune proposition véritablement aberrante n’estproduite par Monsieur X. Il convient de préciser également que le groupe de sujets contrôles d’Allain et al. (2004) a lui aussi été en difficulté dans ce subtest (moy de 1.6 et SD 0.6). Une nouvelle cotation de ce test tenant compte du respect ou non des ordres de grandeur des durées évaluées, permettrait peut être d’éviter cet « effet plancher ».
Concernant les plutôt bons résultats de Monsieur X., il faut tenir compte du fait qu’il a un assez bon niveau d’étude initial (équivalent BAC) et qu’il profite peut être également de son bilinguisme ces deux derniers éléments pouvant être des facteurs protecteurs d’une chute dans les résultats aux tests exécutifs, même si ces observations sont plus généralement rapportés dans le vieillissement que suite à une lésion traumatique (Bialystok, 2011). Il faut enfin rappeler que notre évaluation a été réalisée à 12 ans de l’accident. La prise en considération de ce temps très long depuis le TC apporte deux éléments de réflexion supplémentaires : premièrement Monsieur X. rencontre des problèmes persistants longtemps après son accident (puisqu’il est encore en filière de réinsertion professionnelle) et malgré de bons résultats à la BADS, deuxiémement son profil particulier peut tenir d’une assez bonne compensation mise en place progressivement depuis le TC. Enfin, bien sûr, son traumatisme est classé en TC léger, dont les séquelles sont potentiellement moins graves quecelles de TC sévères.

Le DEX

Les scores totaux de l’auto-évaluation et de l’hétéro-évaluation au questionnaire DEX sont rigoureusement égaux. On peut penser que Monsieur X. peut avoir acquis une bonne conscience de ses troubles à 12 ans de son accident et après un long parcours de rééducation. Cette hypothèse est en contradiction avec le score élevé à l’item : « A des difficultés à réaliser l’étendue de ses problèmes et a du mal à en mesurer les conséquences », Monsieur X. s’évaluant lui même à cet item comme n’ayant pas de difficultés à réaliser l’étendue de ses problèmes. La comparaison des 2 scores lui donnerait en effet plutôt raison. Les deux autres items retenus confirment les observations précédemment évoquées, à savoir une certaine impulsivité « Agit sans réfléchir, en faisant la première chose qui lui vient à l’esprit » et des difficultés attentionnelles :« Trouve difficile de fixer son attention sur quelque chose et est facilement distrait ».

CONCLUSION

L’administration de la BADS a permis de mettre en évidence deséléments du fonctionnement de Monsieur X., notamment au travers de l’observation en activité et du testing des limites, qui pouvaient contraster avec l’évaluation antérieure. Nous ne pouvons cependant pas, sur la base de nos résultats à la BADS, différencier les performances de Monsieur X. de celles de l’échantillon contrôle. Ainsi nous avons trois possibilités pour interpréter ce résultat: soit Monsieur X. ne pré-25 sente pas de déficits de nature exécutive (ce qui parait peu probable compte tenu de nos observations lors de l’évaluation), soit la BADS s’est avérée trop peu sensible pour différencier ses performances de celles des sujets contrôles, soit il parvient à bien compenser ses troubles notamment grâce à une bonne conscience de ses difficultés.

Traumatisme crânien sévère

Étude de cas n°2 : Monsieur T

Présentation

Monsieur T. est un homme de 36 ans. Il a fait un CAP de boulanger durant son adolescence, puis a été carreleur pendant 12 ans, métier qu’il a appris « sur le tas » au retour de son service militaire. Il est actuellement célibataire (séparé) et a deux enfants de dix et quinze ans.
A 32 ans, il a été victime d’un accident de la voie publique (AVP)où il était passager d’une moto, entraînant un traumatisme crânien grave avec un hématome sous dural aigu en zones frontale et temporale (Glasgow < 9). Il a suivi une rééducation en neuropsychologie d’une durée d’un an cependant interrompue à plusieurs reprises en raison d’hospitalisations liées à son humeur dépressive et un état de stress post traumatique. L’humeur est maintenant meilleure mais une certaine fragilité psychologique demeure. Il n’a pas de traitement. Il fait beaucoup de sport en loisir.
Monsieur T. exprime des plaintes concernant sa mémoire, sa concentration, il cherche souvent ses mots et est très fatigable. Il a remarqué un changement dans son comportement, depuis l’accident il est plus renfermé et son humeur est changeante « en fonction du temps ».
Dossier médical – antécédents Son dossier indique un AVP dans l’enfance ayant nécessité une rééducation motrice, mais sans séquelle neurologique (trauma orthopédique).

Interprétations et discussion à propos du cas de Monsieur T

La BADS

Comme pour l’étude de cas précédente, notre première remarque est que le score global à la BADS de Monsieur T. (score déficitaire de 14/24) contraste avec les conclusions du bilan antérieur décrivant des fonctions exécutives plutôt bien préservées. Les résultats de Monsieur T. montrent également des dissociations importantes : on voit qu’il obtient d’une part des scores maximum aux subtests alternance de régles, programme d’action et test modifié des 6 éléments, et d’autre part la note minimum aux tests de recherche des clés et de jugement temporel. Au subtest programme d’action (4/4) Monsieur T. a cependant fait preuve d’impulsivité et enfreint des règles, sans incidence sur le résultat. Malgré ces comportements inadaptés et un évident manque d’anticipation, il a pu réussir le test en procédant par tâtonnements. Le test des clés, échoué, met en évidence un net ralentissement dans l’organisation et l’exécution de la tâche,ainsi qu’un recours à une stratégie tout à fait inadaptée (il représente son parcours de recherche sous la forme d’une étoile). On remarque également une absence de contrôle et de critique de sa propre performance, et peut être même une difficulté à se représenter l’enjeu du subtest. Le jugement temporel montre une difficulté d’estimation, les ordres de grandeur sont cependant conservés dans l’ensemble. Monsieur T. a été très en difficulté au test du zoo : il n’a pas spontanément perçu l’intérêt de prendre un temps de préparation et d’anticipation pour planifier son parcours (notons qu’il obtient un score dans la norme à ce subtest). Le test des 6 éléments montre enfin qu’il a pu suivre plusieurs consignes simultanées et organiser efficacement son temps sur diverses tâches, pour ce faire il a en revanche eu recours à une stratégie plutôt peu adaptée (changer de tâche un très grand nombre de fois), stratégie considérée par Allain et al., (2004) comme renvoyant plutôt à un fonctionnement pathologique.
S’il convient de tenir compte du faible niveau scolaire de départ deMonsieur T. dans notre analyse, on pouvait cependant s’attendre à de plutôt bonnes performances auxépreuves pratiquesetproches de la vie réelle (mettant en jeu des processus de raisonnement plus visuels que verbauxoùil était plus en difficulté lors du précédent bilan : Matrices 9 par rapport aux Similitudes 6) de la part d’un ancien carreleur, or les résultats sont assez contrastés dans ces divers subtests.

Le DEX

Au questionnaire DEX, nous voyons que l’hétéro-évaluation rapporte plus de troubles que l’auto-évaluation (19 points contre 14). On peut donc faire l’hypothèse que Monsieur T. n’a que partiellement conscience de ses propres troubles. Cependant, les résultats de l’hétéro-évaluation (comme ceux de l’auto-évaluation) ne mentionnent aucun trouble ou difficulté survenant « assezsouvent » ou « très souvent ». Les scores totaux obtenus sont d’ailleurs relativement faibles que cesoit en auto-évaluation ou en hétéro-évaluation.

CONCLUSION

Nos résultats sont en faveur d’une atteinte des fonctions exécutives en situation écologique, avec notamment un score de profil total déficitaire. Monsieur T. a fait preuve d’impulsivité à plusieurs reprises, il présente des difficultés de contrôle et de prise de recul sur son comportement, que l’on peut mettre en lien avec la persistance d’une légère anosognosie. On note enfin un recours fréquent à des stratégies peu adaptées y compris en situation relativement concrètemalgré les aptitudes professionnelles anciennes. Nos résultats apportent plusieurs éléments nouveaux et sont relativement contrastés par rapport au bilan d’évaluation classique antérieur.

Étude de cas n°3 : Madame D

Présentation

Madame D. est une femme de 44 ans. Elle a été scolarisée jusqu’en 3e puis a travaillé avec son père à l’entraînement de chevaux de course. Elle était vendeuse –caissière en CDI au moment de l’accident. Suite à un AVP sur le trajet domicile – travail elle a été victime d’un traumatisme crânien grave, avec un score de 8 sur l’échelle de Glasgow (coma = 72h), entraînant secondairement un hématome sous dural aigu droit avec effet de masse non chirurgical. Elle semble ne pas avoir bénéficié de prise en charge rééducative initiale. Le retour à la viepersonnelle a été difficile : séparation entraînant un syndrome anxio-dépressif nécessitant une hospitalisation en psychiatrie. Par la suite, elle retrouve son emploi aménagé en mi temps thérapeutique, qui se solde par un licenciement pour inaptitude. Deux tentatives de reconversions professionnelles entreprises par la suite n’aboutissent pas. Ses plaintes concernent sa mémoire, une importante fatigabilité, des difficultés à gérer le stress et un manque d’envie.

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Table des matières
I/ Introduction
1.1. Présentation du lieu de stage
1.2. Intérêt de cette étude et notion de handicap
II/ Cadre Théorique
2.1. Fonctions exécutives
A. Concept général et modèle du SAS
B. Le modèle de Baddeley – notion d’administrateur central
C. Le modèle de Miyake
2.2. Syndrome dysexécutif et traumatisme crânien
A. Notion de syndrome dysexécutif
B. Définition et Épidémiologie du traumatisme crânien
2.3. Évaluation écologique et présentation de la BADS
A. Test d’Alternance de règles
B. Test du programme d’action
C. T est des clés
D. Test de jugement temporel
E. T est du Zoo
F. T est modifié des six éléments
G. Le « questionnaire de fonctionnement exécutif » (DEX)
2.4. Hypothèses
III/ Méthode expérimentale
3.1. Participants
3.2. Procédure
IV/ Traumatisme crânien léger
4.1. Étude de cas n°1
V/ Traumatisme crânien sévère
5.1. Étude de cas n°2
5.2. Étude de cas n°3
VI/ Discussion générale et limites
6.1. Synthèse des 3 études de cas
6.2. Discussion et limites
VII/ Conclusion 
VIII/ Références Bibliographiques 
Annexes

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