Capacites halieutiques et variabilite spatiale

Les milieux estuariens et lagunaires (MEL) par leur situation géographique constituent des écosystèmes d’interface entre le domaine marin et le domaine continental. Selon Pritchard (1967) cité dans Diouf (1996), les milieux estuariens et lagunaires sont définis comme des masses d’eau côtière semi-fermés possédant une ouverture libre sur la haute mer et dans lesquelles l’eau de mer est dilué de façon mesurable par de l’eau douce provenant du ruissellement terrestre. Ce sont des milieux très complexes (Elliott et McLusky 2002). Cette complexité est liée aux variations à la fois spatiales et temporelles à court ou/et à long terme des paramètres environnementaux. Ces écosystèmes font aujourd’hui l’objet d’un intérêt de plus en plus croissant lié à leur importance par leurs fonctions écologiques et économiques.

IMPORTANCE ECOLOGIQUE ET ECONOMIQUE

Les milieux estuariens et lagunaires sont des écosystèmes particulièrement productifs liés apports nutritifs (Thollot 1992 ; Diouf 1996). Ils fournissent aux nombreuses espèces de poissons des habitats diversifiés et une protection contre les prédateurs du fait de la turbidité et la présence d’abris (racines de palétuviers, zones peu profondes) (Diouf 1996; Barletta et al 2005). Ils constituent des écosystèmes, utilisés pour la reproduction, la croissance et le développement d’un grand nombre d’espèces de poissons (Albaret 1987, 1999 ; Blaber 1996 ; Whitfield 1999). Ils servent de nourriceries (Cabral 2000 ; Vidy 2000 ; Jager 2000; Nagelkeken et al 2002 ; Smith et Parrish 2002) par les juvéniles et différents stades larvaires de nombreuses espèces de poissons d’origine marine, estuarienne et continentale qui font l’objet d’une exploitation.

Les écosystèmes estuariens et lagunaires de manière générale et en particulièrement les estuaires des zones tropicales et subtropicales sont le siège d’une importante activité de pêche, notamment les pêcheries artisanales (Laë et al 2004). La pêche est un secteur en pleine expansion à travers le monde. Selon les statistiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les captures mondiales en 2002 sont évaluées à près de 93 millions de tonnes dont 10% de ces prises proviennent des pêcheries continentales et 90% de cette production est réalisée en Asie et en Afrique (FAO 2004). Dans beaucoup de ces pays, notamment en Afrique et particulièrement au Sénégal, le secteur halieutique joue des rôles multiples dans l’économie en termes d’emplois, de sécurité alimentaire nationale, de développement des entreprises et de devises étrangères. Selon toujours les statistiques de la FAO (2006) près de six cent milles personnes sont employées dans ce secteur. La pêche contribue à hauteur de 4,1% du PIB et 13,3 % dans le secteur primaire. En raison du déclin de l’agriculture principal pourvoyeur traditionnel de protéines animales et végétales, la pêche constitue une composante essentielle de la politique de l’état en matière de sécurité alimentaire. Ce secteur permet de couvrir une part importante des besoins en protéines animales et à des prix relativement bas. Selon la FAO (2006), la consommation de poisson au Sénégal en 2003 est estimée à 30,8 kg par habitant. Le poisson représente 44% de la consommation de protéines d’origine animale dans l’ensemble du pays (FAO 2006). Dans certaines régions, il représente 75 à 90% dans la consommation de protéines animales (Diouf 1996 ; Dème et Kébé 2000).

PROBLEMATIQUE GENERALE

Depuis quelques années, des études tendent à montrer une dégradation de plus en plus importante des ressources halieutiques avec notamment une baisse globale des captures des pêcheries artisanales (Laloë et Samba 1990 ; Bousso 1991 ; Diouf et al 1991 ; Diouf 1996, CRODT 2004), alors que d’autres tendent à démontrer le contraire (Chavance 2002). Toutefois, malgré cette controverse autour de la question, la diminution généralement constatée dans les captures est liée à la dégradation de l’environnement d’origine naturelle ou humaine (pollution, tourisme et surexploitation etc.). Les modifications naturelles du milieu sont surtout liées aux changements climatiques et qui ont particulièrement affecté l’Afrique de l’Ouest (Hulme et al 2001 ; Nicholson 2001). Toute dégradation de l’environnement peut avoir des répercussions sur le milieu et influencer la dynamique des populations de poissons et des pêcheries. De nombreuses recherches ont été menées sur l’influence de divers facteurs environnementaux sur l’organisation des peuplements de poissons dans divers écosystèmes à travers le monde (Piet 1998 ; Griffiths 2000 ; Prista et al 2003; Ostrand et Wilde 2002 ; Roessig et al 2004), en Afrique de l’Ouest (Albaret et Ecoutin 1989 ; Albaret 1994 ; Laë 1994; Baran 1995 ; Vorwerk et al 2003 ; Villanueva 2004 ; Chicharo et al 2006 ; Catalan et al 2006). D’autres études se sont focalisés sur l’organisation des peuplements dans des écosystèmes présentant des salinités relativement élevées (> 80) comme dans le Wellstead Estuary en Australie (Young et Potter 2002), dans le Banc d’Arguin en Mauritanie (SevrinReyssac et Richer de Forges 1985), dans le fleuve Casamance (Albaret 1987) et dans l’estuaire du Sine Saloum (Diouf 1996 ; Simier et al 2004). Ces perturbations constituent un facteur stressant pour les poissons et face à cette situation, certaines espèces présentent des adaptations physiologiques ou modifient leurs mécanismes de reproduction ou de croissance (Albaret et Charles-Dominique 1982 ; Diouf 2002 ; Kantoussan 2002 ; Panfili et al 2004).

Certaines espèces par contre ne supportant pas les extrêmes, ont tendance à quitter le milieu quand les salinités deviennent trop élevées. Ces perturbations environnementales peuvent entraîner une forte réduction voire une disparition totale de certaines espèces (Albaret 1987 ; Pandaré et al 1997). Ces différents phénomènes vont se répercuter au niveau des populations piscicoles par une réorganisation des peuplements dans les écosystèmes comme réponse à ces perturbations environnementales. Ces différentes études ont montré que ces peuplements en milieux contrastés sont surtout caractérisés par une réduction de la richesse spécifique, de fortes fluctuations des biomasses et un réseau trophique très simple. Ces modifications environnementales peuvent aussi avoir un impact sur certains indicateurs de pêche comme les captures et les rendements. En effet, il a été montré (Miyahara et al 2005) une relation entre les fluctuations des captures et de rendements du calmar, Thysanoteuthis rhombus, et les variations des facteurs de l’environnement en mer.

Cependant, les processus d’adaptations des communautés de pêcheurs face à l’instabilité de la ressource liée à une dégradation environnementale résultant d’une très forte augmentation de la salinité des eaux (hypersalinité) comme dans le cas de l’estuaire du Sine Saloum restent peu connus. A l’hypothèse fondamentale de base selon laquelle les altérations naturelles ou anthropiques de l’environnement aquatique affectent directement les communautés piscicoles, une question essentielle se pose à savoir l’impact de ces modifications environnementales en termes d’exploitation sur les capacités halieutiques des groupes de pêcheurs à la recherche d’espèces cibles. Les principales questions que nous nous posons sont de plusieurs ordres. Ces pêcheurs vont-ils faire évoluer leurs capacités de recherches des espèces cibles en fonction des conditions du milieu. Cette évolution des capacités halieutiques porte-t-elle sur le choix de l’engin de pêche, de sa mise en œuvre ou sur la dynamique de l’activité. Les pêcheurs vont-ils se déplacer vers d’autres lieux de pêche à la recherche de la ressource ou vont-ils cibler d’autres espèces ? Quelles sont les nouvelles espèces qui seront ciblées, et durant quelles saisons ? Avec quels types d’engins de pêche ces espèces sont-elles capturées? Pour aborder une telle question, il serait donc idéal de travailler dans un milieu très perturbé et soumis à une intense activité de pêche.

CHOIX DE L’ECOSYSTEME DU SINE SALOUM

Sur le continent africain notamment en Afrique de l’Ouest, les milieux estuariens et lagunaires couvrent une superficie considérable, de l’estuaire du fleuve Sénégal à celui du fleuve Niger (Albaret et al 1994). Parmi ces écosystèmes, nous pouvons citer le cas de l’estuaire du Sine Saloum (Sénégal), cadre de notre étude. Cet écosystème présente un double intérêt : écologique lié à la dégradation de l’environnement (milieu hypersalé) et économique, il est le siége d’une importante activité de pêche;. Cette modification du milieu est liée à plusieurs facteurs, au premier rang desquels figure la péjoration climatique. En effet, l’estuaire du Sine Saloum à l’instar des pays du Sahel connaît depuis plus de trois décennies une sécheresse consécutive aux changements climatiques. Cette sécheresse qui sévit depuis les années 1970 en Afrique et ses corollaires, a entraîné une diminution des apports en eau douce et une réduction du débit des rivières voire même un assèchement de certains cours d’eau (Levêque 1999). Le Sine Saloum n’est alimenté en eau douce que pendant 3 à 4 mois de l’année par les apports pluviométriques. De plus, le milieu a connu une baisse significative de la pluviométrie ces dernières années. Ce déficit d’apport d’eaux douces, combiné à une forte évaporation ont provoqué un envahissement et une concentration des eaux marines conduisant à une élévation considérable de la salinité. Le principal résultat de ce phénomène est le fonctionnement inverse de cet estuaire, devenu inverse depuis les années 1960 (Barusseau et al 1985 ; Pagès et Citeau 1990). Cet environnement est caractérisé par une augmentation de la salinité de l’aval vers l’amont dont des valeurs très élevées de plus de 100 peuvent être atteintes dans la partie amont en fin de saison sèche (Albaret 1994). Ce système est, de ce fait, soumis à deux types de variations, spatiale et temporelle (saisonnières et/ou à long terme) liées aux fortes fluctuations de la salinité. De plus l’estuaire du Sine Saloum présente un intérêt économique majeur du fait d’une importante activité de pêche. A titre d’exemple, la flottille de pêche dans cette zone était estimée par Bousso (1996) à près de 1000 pirogues dans au début des années 1990. La production annuelle est estimée à 10000 t. En 2000, plus de 3200 unités de pêche y ont été dénombrées et les captures annuelles sont évaluées 15 000 t (Dème et al 2000; 2001), mais suivant d’autres critères de recensement. Et d’après les statistiques de la Direction des Pêches Maritimes (DPM), le débarquement annuel de poissons de la pêche artisanale de l’estuaire au Sine Saloum est estimé à près de 19 000 tonnes en 2001 (DPM 2003). Le nombre moyen de pêcheurs est estimé à plus de 7 000 personnes, auxquels s’ajoute une importante population de personnes dont les activités sont directement liées à la pêche (mareyage, transformation, commerce etc..).

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Table des matières

INTRODUCTION
1. IMPORTANCE ECOLOGIQUE ET ECONOMIQUE
2. PROBLEMATIQUE GENERALE
3. CHOIX DE L’ECOSYSTEME DU SINE SALOUM
4. OBJECTIFS ET APPROCHE
I. PRESENTATION DU MILIEU
I.1. ENVIRONNEMENT ESTUARIEN
I.1.1. Présentation de l’estuaire du Sine Saloum : cadre de l’étude
I.1.2. Hydroclimat de l’estuaire du Sine Saloum
I.1.2.1. La pluviométrie
I.1.2.2. La température de l’air
I.1.2.3. L’humidité et l’évaporation
I.1.3. La salinité
I.1.4. L’environnement biologique
I.1.4.1 L’environnement végétal, les mollusques et crustacés
I.1.4.2. Les peuplements de poissons
I.1.4.3. Les catégories écologiques
I.1.5. Conclusion sur l’environnement estuarien
II. SYNTHESE DES TRAVAUX ANTERIEURS
2.1. SYNTHESE DES RESULTATS DE BOUSSO (1996)
2.1.1. Présentation du plan d’échantillonnage et traitement des données
2.1.2. Les éléments de l’unité de pêche et des villages
2.1.2.1. Les unités de pêche
2.1.2.2. Les villages et campements de pêche
2.1.3. Dynamique de l’exploitation : approche par village
2.1.3.1. La flottille de pêche
2.1.3.2. Répartition spatiale des moyens de production
2.1.3.3. Variations temporelles des activités de pêche
2.1.3.4. Variations des captures et des rendements
2.1.4. Dynamique de l’exploitation : approche par unité de pêche
2.1.4.1. Proposition d’une typologie des engins de pêche
2.1.4.2. Exemple de variation d’un type de pêche : le saïma à ethmaloses
2.1.5. Synthèse et conclusion générale
2.1.6. Le futur
2.2. SYNTHESE DES RAPPORTS DE DEME ET AL
2.2.1. Les recensements
2.2.2. Les résultats halieutiques
2.2.2.1. Les sites de pêche
2.2.2.2. Les unités de pêche
2.2.2.3. Le nombre de pirogues
2.2.2.4. Le nombre de pêcheurs
2.2.2.5. Le nombre d’engins et sorties de pêche
2.2.2.7. Les captures
2.2.3. Synthèse des rapports
2.2.5. Les questions non traitées dans ces deux rapports
III. MATERIEL ET METHODES : PRESENTATION DES BASES DE DONNEES ET METHODES DE TRAITEMENTS STATISTIQUES
III.1. MATERIEL : BASES DE DONNEES
III.2. METHODES DE CALCUL ET DE TRAITEMENT
III.2.1. Détermination des grands types de pêche les plus fréquents
III.2.2. Calcul des débarquements et de l’effort de pêche enquêté
III.2.3. Analyses statistiques
IV. RESULTATS
IV.1. COMPARAISON DES SYNTHESES
IV.1.1. Les recensements
IV.1.1.1. Les villages et campements de pêche
IV.1.1.2. Le nombre d’unités de pêche et de pirogues
IV.1.1.3. Le nombre de pêcheurs
IV.1.1.4. Les engins de pêche
IV.1.1.5. Evolution de l’effort de pêche
IV.1.2. Evolution des débarquements
IV.1.3. Conclusion sur la comparaison
IV.2. REPARTITION DE L’ACTIVITE DE PECHE
IV.2.1. Les engins de pêche
IV.2.1.1. Les filets maillants dormants moyenne maille
IV.2.1.2. Les filets maillants encerclants moyenne maille
IV.2.1.3. Les filets maillants dérivants moyenne maille
IV.2.1.4. Les sennes de plage
IV.2.1.5. Les nasses, les palangres et les lignes
IV.2.1.6. Conclusion sur les engins de pêche
IV.2.2. Analyse des captures et des rendements des divers engins de pêche
IV.2.2.1. Les filets maillants encerclants (saïma)
IV.2.2.2. Les filets maillants dérivants moyenne maille
IV.2.2.3. Les filets maillants dormants moyenne maille
IV.2.2.4. Les sennes de plages
IV.2.3. conclusion sur la répartition de l’activité de pêche
IV. DISCUSSION GENERALE
VI.1. EVOLUTION DE LA PECHERIE ENTRE LES DEUX PERIODES
VI.2. ACTIVITE DE PECHE
VI.3. LES CAPTURES ET LES RENDEMENTS
CONCLUSION GENERALE

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