Le canal lombaire étroit (CLE) est une entité anatomoclinique dont la première description remonte à 1954 par Verbiest [100]. Les sténoses du canal lombaire se définissent comme peut être un rétrécissement du canal ou de l’un de ses constituants, susceptible d’entrainer une compression des éléments nerveux qui y transitent. [98] Les sténoses du canal lombaire sont majoritairement secondaires aux modifications dégénératives des constituants du rachis (canal rétréci), parfois associées à l’étroitesse constitutionnelle préexistante (canal étroit). [98]. Le canal lombaire étroit est une description radiologique d’une pathologie qui peut se manifester cliniquement par un syndrome de claudication intermittente neurogène et dont le diagnostic est avant tout clinique. [36]. L’imagerie en coupes tomodensitométriques (TDM) et par IRM est d’un apport incomparable pour l’analyse morphologique des parties fixes (canal central et récessus latéral), mais reste plus délicate pour évaluer la partie mobile du canal (foramen intervertébral) en raison du décubitus. Elle est très performante pour juger de l’importance et de l’étendue des phénomènes sténotiques dans le cadre de l’évaluation préthérapeutique. Elle s’appuie sur une quantification de taille et de surface du canal osseux et du sac dural. [40,98]. La symptomatologie fonctionnelle secondaire à une sténose canalaire lombaire peut entraver, parfois de façon importante, la qualité de vie des patients chez qui elle survient. Hormis les cas relativement rares de syndrome de la queue de cheval ou de troubles moteurs sévères, ce n’est qu’après un traitement médical bien conduit et en fonction de la gêne fonctionnelle exprimée par le patient qu’un traitement chirurgical peut être envisagé. Face aux objectifs essentiellement fonctionnels de cette chirurgie, il est nécessaire d’en apprécier les risques et d’éviter que les inconvénients inhérents aux traitements chirurgicaux ne soient plus importants que les avantages escompés. Le prérequis essentiel à cette chirurgie est la présence d’une bonne concordance anatomoclinique. [40] L’étude du canal lombaire trouve son intérêt dans sa grande fréquence en pathologie neurochirurgicale, sa gravité liée à ses aspects évolutifs pouvant entraîner des complications motrice, sensitive et génitosphinctèriennes graves [90]. Le canal lombaire étroit, pose des problèmes diagnostiques, liés à son caractère le plus souvent asymptomatique, se révélant à l’occasion de pathologies intercurrentes, hernie discale, spondylolisthésis et d’autres facteurs aggravants.
HISTORIQUE
C’est à HANK Verbiest auteur hollandais d’Utrecht, que l’on doit la première description de l’étroitesse du canal rachidien lombaire, à l’origine d’une souffrance des racines de la queue cheval. C’est en 1954, que Verbiest individualise ce syndrome. Dans son premier article de la même année, il établit le rapport de ces malformations avec une conformation anormale du canal lombaire, à type d’étroitesse, ainsi que les moyens de diagnostics et de traitements. L’année suivante, il reconnut l’extrême fréquence des facteurs associés, tels que protrusion ou hernie discale en insistant sur le caractère discret de ces lésions dont le volume n’aurait pas induit de retentissement neurologique dans un canal normalement conformé.
D’autres travaux ultérieurs, ne feront que confirmer ses travaux :
➤ en 1961 RAVAULT et LEJEUNE décrivirent la claudication Intermittente sciatalgique ;
➤ en 1962 EPSTEIN et Coll. à propos des aspects radiologiques ;
➤ en 1967 GUIOT, GOLEWSKI et BEN Hamida exposèrent l’essentiel des données à propos de l’étroitesse congénitale du canal lombaire ;
➤ en 1969 CAUCHOIX étudia le rôle de l’étroitesse du canal osseux lombaire de la sciatique discale commune et les formes acquises de sténose osseuse lombaire tandis que EHNI fournit une série de 5 articles sur la signification du canal lombaire congénital étroit et rétréci par les phénomènes arthrosiques.
DONNEES FONDAMENTALES
EMBRYOLOGIE
Embryologie de l’axe vertébromédullaire
Sont utilisés dans ce paragraphe les horizons de Streeter, qui sont des étapes reconnaissables du développement de l’embryon jusqu’au 52 jour. La description commence à l’horizon VII (16 ,17 jours), 4 jours avant le début de la neurulation. Alors que la gastrulation a déjà commencé à partir de la ligne primitive pour former le mésoderme, un contingent de cellules part de l’extrémité crâniale de la ligne primitive, le nœud de Hensen, et s’infiltre sur la ligne médiane entre l’épiblaste et l’entoblaste, en direction de la membrane pharyngienne ; c’est le processus notochordal. Ce processus notochordal se canalise (canal notochordal), puis s’ouvre dans la lécithocèle, ou yolk sac. Ce phénomène porte le nom d’intercalation, car la chorde s’intercale sur la ligne médiane dans le feuillet entoblastique. La chorde s’individualise alors de l’entoblaste dans un sens crâniocaudal (c’est l’excalation), avec remise en continuité du feuillet entoblastique et fermeture à la fin de cette étape du canal neurentérique. Du 18 au 27 jour (horizons VIII à XII), le tube neural s’individualise. C’est la première grande étape, la neurulation. La fermeture du tube neural commence à l’horizon X au 22 jour, alors que six paires de somites se sont individualisées. Cette fermeture commence au niveau de la troisième paire de somites et s’étend en directions crâniale et caudale. Le canal neurentérique finit sa fermeture alors que, déjà, la partie crâniale de la chorde individualisée induit la plaque neurale et somite. Le canal neurentérique se ferme donc complètement au moment de l’individualisation des somites cervicothoraciques.
La fin de la neurulation, marquée par la fermeture du neuropore postérieur à l’horizon XII (27 jour), correspond en moyenne au niveau du 25 somite. La deuxième étape est connue sous le nom de canalisation secondaire. Au terme de cette phase, qui s’étend du 28 au 48 jour, il existe 42 à 44 paires de somites, qui sont composés de 4 somites occipitaux, 8 cervicaux, 12 thoraciques, 5 lombaux, 5 sacrés et 8 à 10 coccygiens. [71]. La troisième et dernière étape est appelée différenciation régressive rétrograde. Elle va du 48 jour à la naissance, ou peu après la naissance. Par des mécanismes conjoints de régression de l’extrémité caudale du tube neural et de croissance plus rapide de la colonne vertébrale, le ventricule terminal « remonte » d’abord rapidement jusqu’au niveau L4 entre la 9 et la 18 semaine de gestation, puis plus lentement après, jusqu’au niveau L2-L3 à la naissance, pour atteindre le niveau adulte L1-L2 deux mois après la naissance.
Embryologie segmentaire
Chaque corps vertébral est d’origine intersegmantaire. Sous l’induction de la chorde, une organisation métamérique en sclérotome s’effectue autour d’elle. Chaque sclérotome à son tour présente une organisation en partie crâniale, incluant le futur disque intervertébral, et en partie caudale. L’organisation métamérique vasculonerveuse met en évidence un nerf segmentaire dans la partie crâniale des sclérotomes et un vaisseau segmentaire dans la zone séparant deux sclérotomes. Une migration s’effectue avec la partie caudale d’un sclérotome supérieur rejoignant la partie crâniale du sclérotome sousjacent pour former le futur corps vertébral. Le vaisseau segmentaire se retrouve alors au centre du corps vertébral néoformé.
ANATOMIE
Chaine osseuse articulée résistante et d’une grande flexibilité, la colonne vertébrale ou rachis est formée d’une colonne mobile de 24 vertèbres libres séparées par des disques intervertébraux et d’une colonne fixe constituée de vertèbres soudées : le sacrum et le coccyx. Mesure environ 70 centimètres de long chez l’homme et 60 centimètres chez la femme. Dans le plan sagittal on observe 4 courbures: cervicale en lordose, thoracique en cyphose, lombaire en lordose et sacrococcygienne en cyphose Dans le plan frontal on observe une légère courbure à convexité droite pour les droitiers et inversement pour les gauchers au niveau de la partie supérieure de la colonne thoracique.
Le plan ostéo-disco- ligamentaire
Les vertèbres lombaires
Au nombre de 5, elles constituent le rachis lombaire, charnière mécanique permettant la flexion du tronc sur le bassin. Les vertèbres lombaires sont souvent abrégées en L1, L2, L3, L4, L5 ; elles comprennent :
1-un corps vertébral qui est volumineux, réniforme à hile postérieur, à grand axe transversal, sa face inférieure est plus étendue que sa face supérieure et les plateaux vertébraux comprennent une zone centrale osseuse perforée de plusieurs pertuis qui permettent le passage des liquides et des nutriments de l’os spongieux au disque assurant sa nutrition par imbition. L’anneau épiphysaire formé d’os dense recouvre la face externe du corps vertébral.
2- des pédicules qui sont quadrilatères, très épais presque sagittaux ou peu obliques en arrière et en dedans. Ils s’implantent sur la moitié supérieure de l’arête postéro-latérale du corps. Leur bord supérieur est un peu concave en haut ; le bord inférieur est fortement échancré.
3- des lames qui sont quadrilatères, très épaisses, très courtes et plus hautes que larges. Elles sont obliques en arrière, en dedans et en bas.
4- un processus épineux épais aplati de dehors en dedans, rectangulaire. Il se porte presque horizontalement en arrière avec un bord postérieur épais et mousse.
5- des processus transverses ou costiformes longs et grêles, s’implantent à l’union du pédicule et de l’apophyse articulaire supérieure. Ils se portent en dehors et légèrement en arrière et en haut. Ils présentent près de leur origine : le processus accessoire vestige des processus transverses.
6-des processus articulaires qui sont épais sagittaux avec deux surfaces articulaires : une supérieure regardant en arrière et en dedans avec sur la face latérale la saillie du processus mamillaire, une inférieure inversement conformée et orientée.
7- les variations :
➤ L1 a un processus costiforme peu développé.
➤ L5 présente un corps plus haut en avant qu’en arrière et plus volumineux que celui des autres vertèbres lombaires, des apophyses transverses courtes et massives et des processus articulaires plus écartés .
Le disque intervertébral
Le disque intervertébral a la forme d’une lentille biconvexe, c’est un véritable ligament interosseux et constitue en même temps un joint hydraulique et élastique. Il adhère aux plateaux vertébraux et aux ligaments vertébraux antérieurs et postérieurs. Sur le plan anatomique on distingue :
Une partie centrale : le nucléus pulposus
Il occupe la zone centrale du disque à l’union des deux tiers antérieurs et du tiers postérieur. C’est une substance gélatineuse qui dérive de la chorde dorsale de l’embryon. Le nucléus est très hydrophile contenant 88% d’eau et chimiquement il est formé d’une substance fondamentale à base de muccopolysaccharides. Sur le plan histologique il est constitué de fibres collagènes de cellules d’aspect chondrocytaire, de cellules conjonctives et de rares amas de cellules cartilagineuses. En forme de sphère, de couleur blanchâtre homogène et de taille variable allant de celle d’un pois à celle d’une cerise, le nucléus est de consistance dure et élastique.
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Table des matières
INTRODUCTION
HISTORIQUE
I .Embryologie
II .Anatomie
II.1. Le plan ostéo-disco- ligamentaire
II.1.1. Les vertèbres lombaires
II.1.2. Le disque intervertébral
II.1.3. Les ligaments
II.2.Articulations vertébrales postérieures
II.3. Le canal rachidien osseux
II.3.1 .Canal central
II.3.2. Canal radiculaire
II .4. Contenu du canal lombaire
II .4.1.La moelle épinière et la queue de cheval
II.4.2. Les racines nerveuses
II.4.3. Les méninges rachidiennes
II .4.4.Espace épidural
II.5.Vascularisation et innervation
II.5.1. Vascularisation
II.5.2. Innervation
III .Biomécanique du rachis lombaire
III.1. Le disque intervertébral
III.2. Articulations inter apophysaires postérieures
III.3. Ligaments intervertébraux
III.4. Courbure rachidienne
IV. Physiopathologie
V. Classification-étiopathogenie
V. 1. Selon le plan de la sténose
V. 2. Selon le degré de la sténose
V. 3. Selon la topographie de l’agent sténosant
V.4. Selon l’étendue du processus sténosant
V.5. Selon l’étiologie de la sténose
V.5.1 .Sténoses constitutionnelles
V.5.2 .Sténoses acquises (canal lombaire rétréci)
V.5.3.Rétrécissement du canal central
V.5.4.Rétrécissement du canal latéral
V.5.4.1.Défilé discoarticulaire
V.5.4.2. Récessus latéral
V.5.4.3.Foramen
VI.RAPPELS DIAGNOSTIQUES
VI.1.Diagnostic positif
VI.1.1.Signes cliniques
VI.1.1.1.Signes fonctionnels
VI.1.1.1.1.Sténose du canal central
VI.1.1.1.2. Sténose du canal latéral
VI.1.1.2.Signes physiques
VI.1.2. Signes paracliniques
VI.1.2.1.RADIOGRAPHIES STANDARDS
VI.1.2.1.1.Incidence de face, de profil et de trois quarts en position debout
VI.1.2.1.2.Apport des radiographies standards
VI.1.2.2. IMAGERIE EN COUPE
VI.1.2.2.1. Tomodensitométrie
VI.1.2.2.2.imagerie par résonance magnétique
VI.1.2.2.2.1.Séquences standards
VI.1.2.2.2.2.Myé-loimagerie par résonnace magnétique
VI.1.2.2.3.RESULTATS : APPORT DE L’IMAGERIE EN COUPE (TDM, IRM)
VI.1.2.2.3.1.Sténose centrale constitutionnelle et acquise
VI.1.2.2.3.2. Sténose du canal latéral
VI.1.2.3. LA SACCORADICULOGRAPHIE
VI.1.2.4.ELECTRODIAGNOSTIC DE DETECTION
VI.1.3. EVOLUTION NATURELLE
VI.2. DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS
VI.2.1. Sciatique par hernie discale
VI.2.2. La claudication intermittente vasculaire
VI.2.3. La claudication intermittente médullaire
VI.2.4. La claudication d’origine musculaire du syndrome des loges
VI.2.5. Arthrose du genou et/ou de la hanche
VI.2.6. Myélopathie cervicarthrosique
VII. Traitement
VII.1 .Traitement médical
VII.1.1 .Repos
VII.1.2.Les médicaments
VII.2.Infiltrations rachidiennes
VII.3. Kinésithérapie
VII.4. Traitement chirurgical
VII.4.1 .Principe du traitement
VII.4.2. Laminectomie décompressive
VII.4.2.1.installation du malade
VII.4.2.2. exposition du rachis lombosacré
VII.4.2.3.laminectomie
VII.4.2.4.libération radiculaire
VII.4.2.5.Fermeture
VII.4.2.6. Suites opératoires
VII.4.2.7. Difficultés peropératoires et complications postopératoires immédiates
VII.4.3. Techniques particulières
VII.4.3.1.Arthrodèses complémentaires
VII.4.3.2.laminectomie partielle
VII.4.3.3. Techniques endoscopiques
VII.4.3.4. Laminoplastie
VII.4.3.5. implants inter-épineux
VII.4.4. La stabilisation rachidienne
VII.4.4.1.objectifs de la stabilisation
VII.4.4.2.Technique de stabilisation
VII.4.4.2.1.stabilisation souple
VII.4.4.2.2.arthrodèses lombaires
VII.4.4.3. Indications
CONCLUSION
