Apprendre les temps anciens par le débat en histoire au cycle 3

En choisissant l’histoire comme séminaire de recherche, j’avais comme projet d’étudier l’impact des dessins animés sur les représentations des élèves. Or, j’ai découvert que le sujet de M1 dépendait avant tout de nos enregistrements lors de nos stages. J’ai ainsi enregistré une séance, première de la séquence sur la préhistoire au cycle 3, avec comme support principal un débat. C’est donc naturellement que j’ai commencé quelques lectures à ce sujet, conseillée par Mme Gomes. J’ai tout de suite réussi à me projeter et à prendre plaisir à lier ces lectures à mon enregistrement. Le sujet « Le débat pour apprendre au cycle 3 » m’a donc paru comme une évidence et je ne regrette en aucun cas ce changement quant à mon projet initial, car il me sera bénéfique pour ma pratique professionnelle et qu’il a suscité ma curiosité durant ses 2 années de recherches. J’ai donc poursuivi mon master 2 avec ce même thème, en proposant un nouveau débat. Celui-ci, dépendant de la programmation de l’enseignant, s’est focalisé sur les Gaulois. Mon sujet s’est donc spécialisé sur « le débat pour apprendre les temps anciens au cycle 3 ».

Créer une communauté historienne scolaire en rapprochant les pratiques scolaires des pratiques historiennes 

Les recherches d’historiens qui ont enrichi ma réflexion…

Les recherches de Nicole Allieu-Mary, agrégée d’histoire et docteure en sciences de l’éducation et de Nicole Tutiaux-Guillon, enseignante spécialisée dans la didactique de l’histoire-géographie, furent essentielles pour mes analyses. Elles démontrent que pour la majorité des élèves, ce qui est enseigné en histoire est la vérité historique et l’enseignant est légitimé, il serait le seul à détenir le sens. Les élèves confondent donc l’histoire et le passé, la réalité et les représentations, en écartant toute démarche critique. Nicole Tutiaux-Guillon parle même de boucle didactique à cinq temps : question/réponse/évaluation/formalisation/compléments. L’enseignant contrôle de fait l’argumentation en disant le « vrai » et l’élève n’intervient que peu dans cet apprentissage. Néanmoins, elles affirment qu’aujourd’hui un nouveau modèle scolaire se créer avec des classes considérées comme des espaces d’élaboration collective des savoirs. L’enseignant ne serait plus le détenteur de la vérité mais « le passeur d’une posture de questionnement sur le monde ». L’apprentissage se fait donc par la confrontation.

Puis, Doussot, Le Marec et Vézier, tout trois chercheurs en histoire, affirment quant à eux que le débat permet de créer cette communauté car il est un outil d’exploration des possibilités et des impossibilités dans l’interprétation, l’explication et la justification de faits historiques. Les pratiques langagières sont donc au cœur du débat, car les élèves, qui adhèrent ou non à un avis, se devront de justifier leur argument par des données nouvelles ou par la reformulation. De plus, le débat permet de faire prendre conscience aux élèves qu’un argument n’est jamais légitime et qu’il doit être confronté à cette « communauté historienne scolaire », comme le font les scientifiques, d’où l’importance de savoir justifier son avis.

…mais aussi ces chercheurs divers qui m’ont éclairée dans mes analyses 

Dominique Bucheton, chercheuse non pas en histoire mais en sciences du langage, notamment sur l’écriture, a aussi enrichi ma réflexion par son article sur les bonnes raisons pour débattre à l’école. Dans un premier temps, le débat permet une mise en activité intellectuelle car l’apprenant se construit comme un élève et donne donc du sens à ses recherches et à l’école : c’est un lieu où l’on pense et parle. Débattre permet la socialisation cognitive car ils collaborent et coconstruisent ensemble. Dans un second temps, le débat permet de défiger la représentation du savoir, jugée trop « scolaire » selon elle. En effet, cette méthode nécessite le questionnement, le doute, et permet aussi de faire réémerger des connaissances mais dans un contexte différent.

Enfin, Michel Tozzi, didacticien de la philosophie, est aussi présent dans plusieurs articles. Il se focalise sur le débat en affirmant que celui-ci est un fondement démocratique et est civilisateur car il nécessite une éthique de la communication. En effet, durant le débat, chaque élève a pris la parole au moins une fois pour exprimer son avis. Il parle de « démocratie scolaire », c’est-à-dire que, quel que soit l’âge ou le statut chacun a le droit à la parole. Selon lui, le débat est une véritable méthode d’enseignement. Il reprend les recherches de didacticiens qui ont prouvé l’importance des conflits d’idées entre pairs : le conflit socio-cognitif, qui facilite le rapport constructif au savoir. Il met également en avant le fait que le débat ne concerne pas que l’élocution car il mobilise aussi des compétences cognitives (capacité d’écoute, etc.), affectives et sociales (nécessité de garanties au respect de la personne, etc.). En outre, débattre est un objectif d’apprentissage car cela permet de développer davantage la culture de recherche que le résultat final. La classe deviendrait une « communauté de recherche » à condition qu’un effort soit fait au niveau de la problématisation. La question doit poser un réel problème, avec un enjeu pour les élèves.

Ainsi, ces différents auteurs vont contribuer à répondre à mon questionnement sur le débat pour faire entrer les élèves en situation de recherche, puisqu’ils mettent en avant le rôle de celui-ci dans le conflit socio-cognitif et son impact sur les apprentissages des élèves. Ils coconstruisent donc leurs hypothèses et prennent conscience de l’importance d’une communauté. Le débat est un bon mode d’apprentissage puisque leurs recherchent démontrent que ce type de support permet de se rapprocher des pratiques historiennes, c’est-à-dire de délaisser les pratiques trop « scolaires », où les élèves sont passifs, au profit d’une posture de chercheur où les élèves s’interrogent et émettent des hypothèses entre eux, notamment grâce à la problématisation.

L’importance de la problématisation 

Nous l’avons vu précédemment, Doussot a fait de nombreuses recherches en didactique de l’histoire. Il s’est notamment consacré à la problématisation, et ses réflexions furent donc indispensables à mon analyse. En effet, il affirme qu’il est nécessaire de considérer la classe comme une « communauté historienne scolaire » (Bernié, 2002). Pour ce faire, celle-ci se doit d’être un espace d’échange et de confrontation qui engendre des questionnements, et donc par la suite des recherches de la part des élèves. L’objectif n’est pas de demander aux élèves de prélever des informations dans des documents pour les recopier, mais bien d’analyser la source de ces documents, les replacer dans leur contexte spatio temporel afin d’émettre des hypothèses sur pourquoi telle chose s’est passée ainsi. Les documents ne doivent pas être des illustrations du cours. Il faut aménager les contraintes de la forme scolaire et travailler de la même manière que les historiens, en problématisant des données, confrontées à des nécessités, et créant ainsi un espace de contraintes, comme le prônent donc Doussot, Le Marec et Vézier.

Concernant cette problématisation, mes différentes lectures de Doussot mais aussi de M.Fabre, spécialiste en sciences de l’éducation, ont énormément éclairé mes analyses. En effet, ce terme, assez abstrait, me posait quelques difficultés de compréhension et d’interprétation. Pour Fabre, problématiser peut se définir en 4 temps. Dans un premier temps, il faut examiner la question, c’est-à-dire déplacer les problèmes et les reconstruire d’une autre manière. Puis, il faut joindre données et conditions du problème, dans un cadre précis. Ensuite, il donne également une place importante au dialogue entre pairs « dialoguer = problématiser », qu’il nomme « l’union des intelligences ». Enfin, problématiser revient selon lui à « inventer et donner à penser ». J’ai désormais conscience de l’importance de sa place pour réaliser un débat constructif. En effet, au travers de leurs ouvrages, ces auteurs démontrent qu’une véritable enquête historique donne lieu à l’exploration et à la délimitation du champ des explications possibles. Le travail et les recherches des élèves seront ainsi bien plus enrichissants, car elles ne reposeront pas uniquement sur des évocations mais bien sur la « reconstruction de chemins possibles » pour affirmer ou non si quelque chose s’est bien passé comme cela. Le rôle de la problématisation est d’affronter l’obstacle qu’est le sens commun. Doussot prend comme exemple la révolution de 1789. Les élèves prennent appui sur les données transmises par l’enseignant pour appuyer leur point de vue qui est directement inspiré des « modèles de comportement de l’expérience sociale ». C’est-à-dire que pour les élèves, la misère ajoutée à l’injustice = la révolte. Puis ils utilisent la trace pour valider cette idée sans chercher à la confronter. Les élèves inscrivent ce sens commun, ce modèle explicatif, dans un contexte en sélectionnant dans les documents les informations qui ne les contredisent pas. La problématisation va donc être là pour les faire dépasser ce point de vue, par la recherche de données, afin de créer des oppositions qui vont les amener à reconstruire le problème initial. Cette manière de penser des élèves se nomme selon Doussot le « registre des idées explicatives », qui va donc être confronté au « registre empirique » : les données. Ainsi, comme le dit l’auteur, la tâche pour l’historien, ici les élèves, « consiste, sur ce plan, à remettre en discussion les modalités habituelles de jugement des manières d’explorer et cartographier les explications possibles ».

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Table des matières

INTRODUCTION
CADRE THEORIQUE
I. CREER UNE COMMUNAUTE HISTORIENNE SCOLAIRE EN RAPPROCHANT LES PRATIQUES SCOLAIRES DES PRATIQUES HISTORIENNES
1. LES RECHERCHES D’HISTORIENS QUI ONT ENRICHI MA REFLEXION
2. …MAIS AUSSI CES CHERCHEURS DIVERS QUI M’ONT ECLAIREE DANS MES ANALYSES
II. L’IMPORTANCE DE LA PROBLEMATISATION
III. LES OBSTACLES AU DEBAT
1. CES OBSTACLES PRESENTS DANS L’ENSEIGNEMENT EN GENERAL
2. LES OBSTACLES SPECIFIQUES A L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE
MISE EN PLACE DU RECUEIL DE DONNEES
I. CONTEXTUALISATION DE LA PRISE DE DONNEES – SEANCE SUR LA PREHISTOIRE
1. PRESENTATION DE L’ECOLE ET DE MA CLASSE
2. LA SEANCE ENREGISTREE
II. CONTEXTUALISATION DE LA PRISE DE DONNEES – SEANCE SUR LES GAULOIS
1. PRESENTATION DE L’ECOLE ET DE LA CLASSE
2. LA SEANCE D’HISTOIRE ENREGISTREE
ANALYSE ET CONFRONTATION DES PRISES DE DONNEES AUX LECTURES
I. QUELLES SONT LES SPECIFICITES D’UN DEBAT EN HISTOIRE AU CYCLE3?
1. LA PROBLEMATISATION FAVORISERAIT LA CONSTRUCTION DES SAVOIRS ?
2. LA DIMENSION LANGAGIERE DU DEBAT EN HISTOIRE PERMET-ELLE UNE AMELIORATION DE L’EXPRESSION ORALE DES ELEVES ?
II. LE DEBAT FAVORISE-T-IL UNE « COMMUNAUTE HISTORIENNE SCOLAIRE» ?
1. SORTIR DE LA BOUCLE DIDACTIQUE A CINQ TEMPS DE NICOLE TUTIAUX-GUILLON
2. LA PLACE DU CONFLIT SOCIO-COGNITIF
III. LES OBSTACLES AU DEBAT
1. DEBATTRE PERMET-IL DE DECONSTRUIRE ET RECONSTRUIRE LES REPRESENTATIONS DES ELEVES ?
2. DONNER LA PRIMAUTE AU DECHIFFREMENT DE LA TRACE PERMET DE PASSER D’UN SAVOIR THEORIQUE A UN SAVOIR PRATIQUE ?
CONCLUSION

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