The only way to find, what I left behind I got to double back again, double back again. (Doubleback, ZZTop – Back to the Future Part III) .
Les premières pierres de la physique quantique ont été posées au tout début du XXe siècle. Les théories de la thermodynamique et de l’électromagnétisme de Maxwell, qui n’avaient jusqu’alors rencontré que des succès, se heurtaient à un problème majeur avec le corps noir. Cet objet idéal est en équilibre thermodynamique avec les modes du champ avoisinant : ils échangent sans cesse de l’énergie lumineuse. Quand on cherche à calculer l’énergie totale émise par ce corps avec la théorie de l’électrodynamique classique, on tombe sur un infini : c’est ce qu’on appelle la catastrophe ultraviolette. En 1900, Max Planck suggéra, pour résoudre le problème, que les échanges d’énergie entre le corps noir et le champ électromagnétique se font par paquets, par quanta, d’énergie hν où ν est la fréquence de la lumière et h une nouvelle constante de la nature qui sera appelée ensuite constante de Planck. En 1905, dans l’article expliquant l’effet photoélectrique [1], Einstein proposa que l’énergie du champ électromagnétique elle-même était quantifiée. Le quantum de lumière, baptisé plus tard photon, transporte l’énergie hν introduite par Planck.
Après les années 1930, la physique quantique est une théorie bien établie. Cependant, sa compréhension n’est pas évidente : de nombreux résultats sont contraires à l’intuition. Parmi ces étrangetés figure la notion même de mesure. Contrairement au cas classique, où nous pouvons tirer de l’information sur une quantité physique d’un système sans le perturber, un système quantique S est profondément modifié par la mesure d’une de ses observables. Rappelons les postulats liés à la mesure :
— La mesure d’une observable O de S ne peut donner que certains résultats oi ∈ R qui sont les valeurs propres de l’opérateur hermitien O. On suppose ici qu’elles ne sont pas dégénérées.
— Le résultat de mesure oi s’obtient avec une certaine probabilité πi qui dépend de la projection de l’état normé |Ψi du système considéré sur l’état propre |oii de O : πi = |hoi |Ψi|2 .
— Après la mesure, le système est dans l’état propre associé au résultat : |Ψi −→ |Ψ0 i = |oii.
Ces postulats décrivent une mesure idéale mais, dans la plupart des cas, la situation est plus compliquée. En effet, le système peut tout bonnement être détruit : c’est le cas, par exemple, de photons absorbés par un photo-détecteur. De plus, une fois mesuré et même s’il n’est pas détruit, un système ne reste pas forcément dans un des états propres de l’observable considérée. Supposons que l’évolution libre de S fasse intervenir un Hamiltonien de la forme H = f(Q) où f est une fonction de l’opérateur Q conjugué à O. Après la mesure et selon sa qualité, O est connue à ∆O près qui peut être proche de 0.
D’autres bizarreries quantiques comme le principe de superposition qui permet à un système d’exister dans plusieurs états à la fois (avant d’être projeté dans l’un d’eux par une éventuelle mesure) ou l’intrication entre particules, qui est l’expression de leur caractère inséparable après certaines interactions, ont contraint les pères fondateurs de la théorie à imaginer nombre d’expériences de pensée. Ces illustrations des aspects contre-intuitifs de la théorie mettent en scène des particules uniques, photons ou atomes. À l’époque, il était impensable de pouvoir mettre en pratique ces expériences dans un laboratoire. En 1952 encore, Schrödinger disait qu’« on ne réalise jamais d’expériences avec un seul électron, atome ou (petite) molécule » et de relever les « conséquences ridicules » de la projection de l’état d’une particule unique après une mesure .
Mais depuis, le raffinement des expériences est devenu tel qu’il est finalement possible de contrôler et de manipuler des systèmes quantiques uniques comme des atomes, des ions, des molécules ou des photons. En 1976, Merli et al. [3] et plus tard, en 1989, Tonomura et al. [4], sont arrivés à enregistrer la figure d’interférence d’une série d’électrons uniques traversant un dispositif type fentes d’Young. En 1973, Wineland et al. rapportent l’observation d’un électron unique dans un piège de Penning [5]. Les premiers ions uniques piégés le furent en 1981 [6, 7].
Éléments de théorie
Description quantique de la lumière
Un mode du champ lumineux quantique est formellement analogue à un oscillateur harmonique quantique unidimensionnel [45]. Nous allons commencer cette section en rappelant les résultats essentiels du formalisme quantique qui s’applique à cet oscillateur et donner quelques exemples importants d’états de la lumière. Si la description que nous allons donner est valable pour le mode d’un champ propageant dans l’espace libre, nous considérons dès maintenant que l’on étudie un mode de champ en cavité. Comme ce mode n’est pas un système isolé en pratique, nous terminerons par une description formelle du couplage du mode avec son environnement.
États cohérents
Les états cohérents ont été introduits la première fois en 1927 par Schrödinger [46] comme solutions au problème de l’oscillateur harmonique quantique dans le but de retrouver les expressions du mouvement classique de la masse oscillante. Dans les années 1960 ces états ont été utilisés comme états de la lumière dans le cadre du développement d’une théorie quantique de l’optique. Glauber a largement contribué à ce développement (on parle aussi d’états de Glauber) dont nous allons très brièvement rappeler certains résultats .
Couplage à l’environnement
Les systèmes quantiques ne sont, en pratique, jamais des systèmes parfaitement isolés. Les atomes peuvent se désexciter grâce au couplage avec les modes du champ électromagnétique présents (processus d’émission spontanée ou stimulée suivant que le mode est vide ou non), une cavité contenant initialement quelques photons peut les perdre au profit des différents degrés de libertés extérieurs à celle ci (transfert à des modes de champ extérieurs, absorption par les miroirs. . .). Dans les paragraphes suivants nous allons donc voir comment décrire la relaxation et la décohérence d’un état du champ en cavité. Nous commencerons par trouver quel est l’état d’équilibre entre le système et son environnement puis nous décrirons brièvement l’évolution temporelle du champ donnée par une équation maîtresse.
Relaxation, décohérence : l’équation maîtresse
Nous allons maintenant chercher à formaliser la dynamique qui mènera le mode à contenir nth photons. L’environnement étant un « grand » système, la description complète du problème serait très compliquée. On peut cependant supposer que l’information du champ contenue dans l’environnement via l’intrication entre les deux systèmes est perdue en un temps très court. Elle est « diluée » rapidement dans la multitude des degrés de libertés du bain. Cette évolution à « mémoire courte » est qualifiée de markovienne [48, 45] et on peut restreindre le problème en n’utilisant que des opérateurs agissant sur le mode de la cavité. En supposant un couplage linéaire entre le mode de la cavité et son environnement, les échanges d’énergie entre les deux systèmes se font photon par photon.
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Table des matières
Introduction
I Éléments de théorie
I.1 Description quantique de la lumière
I.1.1 Description d’un mode du champ quantique
I.1.1.a Hamiltonien du champ lumineux
I.1.1.b États nombre de photons
I.1.1.c États cohérents
I.1.2 Couplage à l’environnement
I.1.2.a État thermique du champ
I.1.2.b Relaxation, décohérence : l’équation maîtresse
I.2 Interaction de l’atome avec le champ
I.2.1 Atome à deux niveaux
I.2.2 Couplage de l’atome à un champ classique
I.2.2.a Hamiltonien d’interaction
I.2.2.b Manipulation de l’état interne de l’atome
I.2.3 Couplage avec un champ quantique
I.2.3.a Hamiltonien de Jaynes-Cummings
I.2.3.b Cas résonant : oscillations de Rabi quantiques
I.2.3.c Cas dispersif : déplacement lumineux
I.3 Compter les photons
I.3.1 Interférométrie atomique de Ramsey
I.3.1.a Un interféromètre pour atomes
I.3.1.b Phase de l’interféromètre
I.3.1.c Effet d’un champ quantique sur les franges d’interférences
II Mesures quantiques non-destructives
II.1 La mesure en physique quantique
II.1.1 Mesure projective – mesure généralisée
II.1.2 Mesure quantique non-destructive
II.2 Mesure QND du nombre de photons
II.2.1 Transformation de la distribution du nombre de photons par la mesure d’une sonde atomique
II.2.2 Direction de mesure du pseudospin
II.2.3 Mesure par décimation
II.2.4 Trajectoires quantiques
II.3 L’état passé du champ
II.3.1 Formalisme de l’état passé du champ
II.3.1.a Idée générale
II.3.1.b Prise en compte du couplage du système avec un bain thermique
II.3.1.c Application du formalisme à notre système
II.3.1.d L’analyse en pratique
II.3.1.e Cas sans relaxation
II.3.2 Application à l’expérience de C. Guerlin et al
III Dispositif expérimental
III.1 Vue d’ensemble
III.2 Les atomes de Rydberg circulaires
III.2.1 Un système atomique à deux niveaux
III.2.2 Préparation et détection
III.3 La cavité de grande finesse
III.3.1 La cavité et le mode du champ utilisé
III.3.2 Facteur de qualité du résonateur
III.3.3 Contrôle de la fréquence de résonance
III.4 L’interféromètre de Ramsey en pratique
III.4.1 Des cavités de faible finesse pour manipuler l’état atomique
III.4.2 Régler la phase de l’interféromètre
III.4.3 Imperfections expérimentales
IV Résultats expérimentaux
IV.1 Calibrations
IV.1.1 Franges de Ramsey
IV.1.2 Déphasage par photon et champ thermique
IV.1.3 Injection initiale
IV.2 Mesure QND du nombre de photons
IV.2.1 Séquence expérimentale
IV.2.2 Un exemple de trajectoire quantique de l’état du champ
IV.2.3 Une meilleure information sur l’état du champ
IV.2.3.a Entropie moyenne des distributions du nombre de photons
IV.2.3.b Corrélations entre sous-ensembles de détections
IV.2.3.c Fidélité des états du champ par rapport aux états de Fock
IV.3 Résolution des sauts quantiques
IV.3.1 Sauts quantiques induits
IV.3.2 Sauts quantiques de nombres de photons élevés
IV.4 Sens physique de la matrice d’effet
Conclusion
