La place de l’écriture à l’école primaire
Au sein de leur environnement familial, les enfants sont confrontés à l’écriture dès leur plus jeune âge mais c’est à l’école primaire que l’écriture fait l’objet d’un apprentissage régulier. Dès l’école maternelle, l’enfant se familiarise avec l’écrit sans que cet apprentissage soit mené de manière formelle. Il s’agit là d’une initiation à l’écriture mais « à leur arrivée en première année d’école élémentaire, les enfants sont confrontés à un enseignement explicite de l’écrit : les enseignants leur précisent qu’ils vont apprendre à lire et à écrire. » Par ailleurs, les programmes du cycle des apprentissages fondamentaux précisent qu’à l’issue de ce cycle, les élèves doivent être capables de «copier ou transcrire, dans une écriture lisible, un texte d’une dizaine de lignes en respectant la mise en page, la ponctuation, l’orthographe et en soignant la présentation ; rédiger un texte d’environ une demi-page, cohérent, organisé, ponctué, pertinent par rapport à la visée et au destinataire ; améliorer un texte, notamment son orthographe, en tenant compte d’indications», ce qui atteste l’importance accordée aux apprentissages de l’écriture. De plus, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture stipule que « savoir écrire conditionne l’accès à tous les domaines du savoir et l’acquisition de toutes les compétences » scolaires, soulignant ainsi que l’écriture est un vecteur d’apprentissage à l’école élémentaire. Néanmoins, l’acquisition de cet « objet de savoir scolaire » est le résultat d’un long cheminement.
La mise en œuvre de la correction orthographique
Comme le soulignent Catherine Brissaud et Danièle Cogis, « l’apprentissage de l’orthographe est difficile et […] toute chose difficile prend du temps. » Lors d’un chantier d’écriture, l’enseignant doit « amener progressivement les élèves à prendre en charge la révision orthographique de leurs écrits », ce qui n’est pas chose aisée. En effet, cette phase de révision est complexe car il faut « faire acquérir aux élèves des outils méthodologiques pour organiser des relectures les plus efficaces possibles » afin qu’ils puissent résoudre les problèmes orthographiques présents dans leurs écrits. Pour ce faire, un travail sur le fonctionnement de la langue doit être effectué pour aider les enfants à pallier leurs difficultés. Par ailleurs, même si les élèves font montre de connaissances orthographiques quelque peu lacunaires, Josette Jolibert précise que « les obstacles, de quelque nature qu’ils soient, sont des paramètres normaux de toute situation d’apprentissage. Ils ne sont pas le produit d’un échec d’apprentissage, mais correspondent à un bon conceptuel que l’apprenti doit effectuer pour franchir une étape dans la structuration de ses apprentissages. » En outre, une fois que les élèves ont produit leur écrit, une mise en œuvre de la correction orthographique s’engage et ces derniers font émerger les obstacles qu’ils rencontrent par le biais de balises. À ce propos, Catherine Brissaud et Danièle Cogis mentionnent que « le balisage du texte a pour objectif l’apprentissage de stratégies de révision. On distingue deux types de balises : en cours d’écriture, le signe de doute ; en relecture, les traces de révision. En guise de signe de doute, un trait ondulé par exemple, […] désigne [à l’élève] les mots à reprendre, et lui sert d’indice de rappel pour retrouver son questionnement initial quand il révise son texte pour le mettre au point. » Durant la relecture critique de son écrit, l’élève peut entourer ou encadrer les chaines d’accord, ce qui constitue alors des traces de révision. Ainsi, le balisage du texte26 témoigne des stratégies de révision mises en œuvre par l’élève afin d’améliorer l’écrit produit mais au vu de mon expérience, il me semble que les élèves font guère usage de ces traces de révision. Par conséquent, la mise en œuvre de la correction orthographique est une lourde tâche qui risque de provoquer une surcharge cognitive chez les élèves. C’est pourquoi C. Brissaud et D. Cogis invitent les enseignants à centrer les élèves sur la correction d’une seule catégorie d’erreur en spécifiant que « pour que les élèves apprennent à repérer leurs erreurs, on choisit une catégorie d’erreur. » Cette correction orthographique de l’écrit produit revêt donc quelques difficultés mais les didacticiennes mentionnées ci-dessus soulignent que « la solution réside dans la limitation de la longueur du texte à corriger, dans l’examen d’une seule catégorie d’erreurs et dans la limitation du nombre de justifications écrites demandées. » En outre, « pour que les élèves s’approprient la démarche de balisage du texte, on procède en différentes étapes, du collectif à l’individuel : l’enseignant montre au tableau comment il fait, les élèves le font ensuite à leur tour au tableau, les élèves travaillent par binômes, les élèves travaillent individuellement, pendant que l’enseignant accompagne un petit groupe d’élèves. »29 Ainsi, ce dispositif de balisage conduit les élèves à réfléchir sur le fonctionnement de la langue et par conséquent, à prendre en charge la correction orthographique de l’écrit produit.
La séquence sur la fiche de fabrication
Dans toute séquence de production d’écrits, l’étude de la langue est mise au service de la production d’écrits et cette activité langagière offre l’opportunité de réinvestir et cimenter les connaissances assimilées durant les séances spécifiques consacrées à l’étude de la langue. Tout d’abord, pour que les élèves se prêtent consciencieusement à la révision orthographique de leur écrit produit, deux étapes préliminaires ne doivent être négligées. En premier lieu, l’annonce du projet d’écriture aux élèves (écrire une fiche de fabrication pour une autre classe de CE2 afin que les élèves puissent fabriquer l’objet technique roulant, à savoir la voiture) est un moment capital pour leur transmettre la finalité du projet et décisif pour remporter leur adhésion. Par ailleurs, la phase de planification permet d’engager les élèves dans le projet d’écriture et subséquemment, de mener à bien la révision orthographique de leur production écrite. À cet effet, j’ai choisi de mener la phase de planification, consistant à déterminer les parties de la fiche de fabrication, de manière collective afin d’engager davantage les élèves dans la tâche scripturale. De fait, l’interaction avec leurs pairs a permis à certains élèves fragiles de comprendre plus aisément la tâche demandée et par voie de conséquence, ces derniers se sont davantage investis dans ce projet d’écriture et ont par la suite fait montre de détermination lors de la prise en charge de la révision orthographique de leur écrit. En ce qui concerne l’écriture du brouillon de cette fiche de fabrication, j’ai décidé qu’elle soit réalisée par petits groupes afin de donner confiance aux élèves pour qui les compétences scripturales restent fragiles. Cette modalité de travail s’est en effet avérée bénéfique pour enrôler certains élèves qui témoignent généralement un manque d’intérêt pour les tâches d’écriture. Ce dispositif a donc permis aux élèves fragiles de s’investir dans la rédaction du brouillon de la fiche de fabrication et par conséquent, ces derniers ont pu mener à bien la rédaction de la fiche de fabrication ainsi que la révision orthographique de leur écrit produit. Par ailleurs, j’ai choisi de mettre en commun les brouillons des fiches de fabrication de chaque groupe pour mettre en exergue certaines erreurs récurrentes afin de recenser les besoins linguistiques des élèves. Cette phase leur a alors permis de se rendre compte qu’ils auraient pu éviter un certain nombre d’erreurs et elle a mis en évidence l’importance et l’utilité d’un outil pour réviser l’écrit produit. De ce fait, les élèves ont eux-mêmes proposé d’élaborer un guide de relecture qui les aide à se relire attentivement et à corriger leur premier jet. En effet, depuis le début de l’année scolaire, ces derniers se sont d’ores et déjà accoutumés à utiliser un guide de relecture qui est élaboré de manière collective afin qu’ils puissent se l’approprier. Ainsi, pour mener à bien la future révision orthographique de cette fiche de fabrication, le guide de relecture habituel a été réutilisé, complexifié et étoffé afin de répondre aux caractéristiques de ce nouveau projet d’écriture. Durant cette étape, les élèves ont su élaborer seuls leur outil de révision et je me suis uniquement chargée d’écrire simultanément leurs propositions à l’ordinateur. Toutefois, j’ai rajouté qu’il fallait numéroter les étapes de fabrication afin que la future construction soit réalisée plus aisément. Une fois ce guide de relecture élaboré, j’ai souhaité expliciter la démarche de révision par le biais de cet outil en faisant une démonstration collective afin que les élèves puissent utiliser ce guide de relecture à bon escient. Ces derniers ont alors pris conscience que pour chaque item à vérifier, des « boites » s’ouvraient et plusieurs procédures étaient à suivre. Ainsi, durant l’explicitation de l’utilisation du guide de relecture, ce sur quoi il fallait attirer son attention a été pointé. Par exemple, en ce qui concerne les chaines d’accord dans le groupe nominal au pluriel, l’élève devait tout d’abord trouver le nom commun, le déterminant qui indique la marque que doit posséder le nom commun, puis, si le groupe nominal est accompagné d’une expansion, l’adjectif qualificatif qui reçoit également la marque donnée par le déterminant. Cependant, durant cette phase de démonstration, je reconnais ne pas avoir assez insisté sur l’utilisation des stratégies de révision que les élèves pouvaient mettre en œuvre au moyen de balises : le trait ondulé traduisant le signe de doute en cours d’écriture et les traces de révision durant la phase de relecture critique. Ma fiche de préparation n’était sans doute pas assez détaillée et ma maitrise de ces stratégies de révision était encore insuffisante. Par conséquent, peu sont les élèves qui ont eu recours à ces balises pour réviser l’écrit produit d’un point de vue orthographique.
Les points forts de ce dispositif de travail
Ce chantier d’écriture a globalement été une réussite puisque les élèves ont mené à terme la fiche de fabrication en révisant et en améliorant l’écrit produit d’un point de vue orthographique. En outre, leurs camarades de CE2 ont postérieurement réussi à construire la voiture dont faisait l’objet chaque fiche de fabrication. Tout d’abord, l’insertion de ce chantier d’écriture dans le projet d’école a donné davantage de sens à la tâche scripturale aux yeux des élèves, qui se sont sérieusement engagés dans ce projet d’écriture et ont consciencieusement tâché d’améliorer leur écrit d’un point de vue orthographique. De plus, l’approche socioconstructiviste mise en œuvre durant la phase de correction en vue d’améliorer leur écrit d’un point de vue orthographique a considérablement promu la mise au travail des élèves et la réussite de cette étape importante. La mutualisation de leurs connaissances linguistiques a donc permis aux élèves d’améliorer leur écrit d’un point de vue orthographique. Par ailleurs, les « posture[s] et gestes professionnels didactiques» que l’enseignante s’est appropriée a favorisé l’heureux déroulement de cette séquence d’apprentissage. De la sorte, le tissage des apprentissages (en créant un lien avec la séquence antérieure), l’étayage (en « délimit[ant] la longueur du texte à corriger selon les forces des élèves »), le pilotage (en organisant les groupes de la classe et le temps imparti), et l’atmosphère (en encourageant et stimulant les élèves avec bienveillance) sont les quatre tâches du multi-agenda évoqué par Bucheton et Soulé en 2009 que l’enseignante a réussi à mettre en pratique. Ainsi, ces « gestes professionnels et postures d’étayage » ont favorisé la correction orthographique lors de la révision du texte produit. Enfin, ce mémoire met en évidence les bénéfices de la diversité des modalités de travail qui favorisent la révision et l’amélioration de l’écrit produit
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Table des matières
Introduction
PARTIE THÉORIQUE
1. L’apprentissage de la production d’écrits
1) La place de l’écriture à l’école primaire
2) Les étapes de l’acquisition de l’écriture
3) La mise en œuvre de l’apprentissage de la production d’écrits
2. Apports didactiques sur l’amélioration de l’écrit d’un point de vue orthographique
1) La mise en œuvre de la correction orthographique
2) Les outils et les dispositifs permettant de réviser l’écrit produit
a) Les outils
b) Les dispositifs
PARTIE PRATIQUE
1. Les hypothèses de travail
1) Concernant les dispositifs
2) Concernant les outils
2. La mise en œuvre d’une séquence pour améliorer l’écrit d’un point de vue orthographique
1) Le contexte du chantier d’écriture
2) La séquence sur la fiche de fabrication
3) Les séquences menées en amont en orthographe
a) Orthographe grammaticale
b) Orthographe lexicale
3. Analyse réflexive
1) L’analyse du travail des élèves
2) La vérification des hypothèses
a) Concernant les dispositifs
b) Concernant les outils
3) Les points forts de ce dispositif de travail
4) Les limites de ce dispositif et les améliorations à envisager
Conclusion
Bibliographie
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