Administrations publiques et paradiplomatie

Administrations publiques et paradiplomatie

Facteurs de développement de la paradiplomatie
Facteurs internes

Dès 1974, Paul Painchaud publiait un article sur les relations internationales des États fédérés intitulé «Fédéralisme et théories de politique étrangère». Dans cet article, l’auteur faisait le constat «que les entités composantes d’un régime fédéral, les États fédérés, peuvent, selon les circonstances, intervenir dans le système international» (Painchaud, 1974). Ce phénomène est devenu plus fréquent, selon Paquin, par l’internationalisation et la régionalisation de la scène internationale depuis la Seconde Guerre mondiale, qui ont diversifié l’ordre du jour international. Ainsi, des questions relevant de compétences plus traditionnellement attribuables aux États fédérés, comme l’environnement, les transports, la culture ou la santé publique, se retrouvent à l’avant-plan des enjeux internationaux (Paquin, 2005). Painchaud est du même avis à propos du Canada, relatant «l’internationalisation du fédéralisme canadien» résultant des changements dans la société canadienne et dans le système international durant la période d’après-guerre. Spécifiquement pour le Québec, il ajoute qu’un autre phénomène a certainement contribué à l’essor de son activité internationale, soit la «mutation de la culture politique qui tend à conférer à l’État provincial une légitimité spécifique en matière internationale» (Painchaud, 1974).
Cette situation relative au Québec sur la scène internationale est conceptualisée par Louis Bélanger comme étant un «espace identitaire» (Bélanger, 1997). Celui-ci est «rattaché à l’enjeu que représente la définition des termes de l’identité québécoise et de la légitimation de l’État québécois» (Ibid.). Paquin aborde également l’aspect du nationalisme, qui se transpose dans l’action internationale du Québec par ce qu’il nomme la «paradiplomatie identitaire» (Paquin, 2005).
Selon Soldatos, il existe plusieurs facteurs des environnements interne et externe de l’État fédéré qui peuvent le pousser à développer une paradiplomatie. Dans les facteurs internes, il identifie la perception de différences qui mène à une segmentation par rapport à l’État fédéral et aux autres entités fédérés, ce qui tend à créer un régionalisme. En conséquence, l’État fédéré ne croit pas être bien représenté à l’international par l’État fédéral, ce qui, comme l’ont noté ses pairs, peut alimenter un sentiment de nationalisme (Soldatos, 1990). La segmentation peut être amplifiée dans le cas où il existe une asymétrie entre les différentes entités fédérées. Ainsi, un État fédéré étant sous l’impression que la politique étrangère sert les élites d’une ou de région(s) particulière(s) du pays pourrait être une motivation d’investir dans des institutions lui permettant d’élaborer des actions internationales selon ses propres intérêts. Dans le cas canadien, cette situation s’applique aux provinces de l’Ouest, qui historiquement, ont perçu que la politique étrangère d’Ottawa était menée par les élites du Centre, soit l’Ontario et le Québec (Ibid.).
Conséquemment au phénomène de la segmentation, celui du «me-tooism» se caractérise par des entités subétatiques qui s’inspirent du développement de la paradiplomatie d’autres entités du même genre dans la région. À ce titre, après que le Québec ait intensifié son action internationale à partir des années 1960 par la multiplication de ses représentations à l’étranger, plusieurs provinces canadiennes et d’États américains ont été influencés par cette volonté politique et ont emboité le pas au Québec (Ibid.).Des erreurs de l’administration fédérale ou une inefficacité de cette dernière dans l’élaboration et la mise en oeuvre d’une politique étrangère peuvent être des moteurs de développement d’une paradiplomatie par les entités subétatiques. Dans le même sens, des problèmes de construction de l’identité nationale (nation-building process) de la part du fédéral, est un autre déclencheur de développement paradiplomatique si les États fédérés sentent que leurs intérêts ne sont pas bien représentés par le fédéral. Ce dernier point a d’ailleurs été, et est toujours, un facteur majeur de la volonté du gouvernement du Québec de soutenir une action internationale (Ibid.). Dans le même ordre d’idées, lorsque les entités fédérées ont les moyens de «permettre une exploitation poussée des compétences régionales», on assiste au phénomène de province building (Dehousse, 1991), ce qui peut certainement contrecarrer les efforts du fédéral de construire une identité nationale.L’asymétrie institutionnelle, entendue comme l’absence d’institution politique au niveau fédéral représentant les intérêts des États fédérés sur les décisions de politique étrangère, est une autre cause interne du phénomène paradiplomatique (Soldatos, 1990). Par exemple, aux États-Unis, le Sénat fédéral est constitué de 100 sénateurs élus par la population des États (2 sénateurs par État). La Constitution américaine donne un pouvoir prépondérant au sénat dans la formulation de la politique étrangère (déclarations de guerre et de paix, ratification des Traités internationaux, pouvoirs budgétaires, approbation des nominations présidentielles). Suivant cette logique, les États américains, bien que certains soient actifs au niveau international, sont assurés que leurs intérêts, donc ceux des électeurs des sénateurs, seront représentés dans la prise de décisions au regard de la politique étrangère (Gagnon, 2015). Cette situation ne s’applique pas au Canada, où le gouvernement, lorsqu’il est majoritaire à la Chambre des Communes, possède le monopole de l’élaboration de la politique étrangère, avec bien peu de considération pour l’opinion des provinces. Cela peut être un facteur explicatif de la volonté de plusieurs provinces canadiennes d’être actives sur la scène internationale.
L’incertitude constitutionnelle est un facteur interne de développement de la paradiplomatie sur lequel le Québec a beaucoup capitalisé depuis la Révolution tranquille. En effet, la Constitution canadienne n’est pas claire sur l’exclusivité fédérale de la compétence de la politique étrangère. En 1965, le gouvernement du Québec s’est donc basé sur cette lacune pour énoncer la Doctrine Gérin-Lajoie, portant sur l’éducation et la culture, qui dicte que les compétences législatives provinciales du Québec sont ses compétences autant en politique interne, qu’en politique étrangère. Ainsi, sur la base de ce principe, le Québec a pu étendre son action internationale (Soldatos, 1990). Dehousse (1991) propose une explication différente au même phénomène, qu’il nomme «théorie des compartiments étanches». Ainsi, «l’idée de base de ce principe consiste à affirmer que les relations avec le monde extérieur ne doivent en rien compromettre la stabilité de la répartition des compétences législatives entre le pouvoir central et les États membres de la fédération. De là découle notamment le rejet dans certains pays d’un chef de compétence propre en vue de la mise en oeuvre des obligations internationales de l’État». De ces principes découle la dernière cause interne du développement de la paradiplomatie.
Finalement, la «foreign-policy domestication», tend à expliquer que l’action internationale des États ne se résume pas qu’aux questions de guerre et de paix (high politics), mais s’intéresse aussi à des questions dites de «low politics», comme l’environnement, la justice sociale, la santé publique, les transports, etc. Ces compétences étant exercées, dans la plupart des États fédéraux, par les États subétatiques, ces derniers ont un intérêt marqué de prendre part à l’action internationale s’y rattachant pour promouvoir leurs intérêts constitutionnels (Soldatos, 1990.).

Facteurs externes

Il convient maintenant d’explorer les causes de l’environnement externe des États fédérés qui influencent les États subétatiques à s’engager dans la voie paradiplomatique. La première cause externe, l’interdépendance, est intimement liée à la dernière cause interne que nous avons abordée. En effet, le phénomène de mondialisation subséquent à la Seconde guerre mondiale a rendu la plupart des frontières poreuses. L’internationalisation des chaînes de valeurs, l’investissement direct international, le commerce intra firmes des multinationales, les joint ventures, la diffusion culturelle, bref le libre-échange, ainsi que toutes les autres questions de low politics abordées au précédent paragraphe, ont un impact direct sur le contexte politique, économique et social des entités subétatiques. Dans ce contexte de haute compétition entre les juridictions pour attirer des entreprises fournissant des emplois de qualité, les entités subétatiques se doivent d’être actives internationalement pour promouvoir leurs intérêts respectifs, spécialement lorsque le gouvernement fédéral est inefficace pour accomplir ce rôle (Ibid.).Le deuxième facteur relatif à l’environnement externe est l’implication d’acteurs externes dans la formulation d’une paradiplomatie. L’exemple historique le plus frappant pour le Québec est le discours du général De Gaulle au balcon de l’hôtel de ville de Montréal avec son fameux «Vive le Québec libre!». Avec cette déclaration, le Québec pouvait réalistement se sentir appuyé par la France dans sa quête d’autonomie internationale (Ibid.). D’ailleurs, l’année suivant cette déclaration, en 1968, une conférence internationale sur l’éducation était en préparation et devait se tenir à Libreville, au Gabon; la Conférence des ministres de l’Éducation d’Afrique et de Madagascar. Le Québec voulant y participer et l’éducation étant une compétence provinciale, le premier ministre Johnson ne voulait pas que Libreville passe par Ottawa pour envoyer une invitation au Québec. Ainsi, le Québec a demandé l’aide de la France, le Gabon n’ayant pas d’ambassade au Canada, pour intercéder en sa faveur auprès des autorités gabonaises. Cette situation a causé un froid diplomatique entre le Canada et la France, mais malgré tout, le Québec fut invité sans le Canada, au même titre que tous les autres pays participants. En 1969 et 1970 se tenaient deux Conférences pour créer l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), qui est devenue l’Agence de la Francophonie, puis l’Organisation internationale de la Francophonie en 1998. Devant le refus catégorique d’Ottawa que le Québec participe à cette nouvelle organisation, la France a encore une fois appuyé la province. Après plusieurs années de négociations entre les acteurs concernés, le Québec a finalement pu participer à la première conférence de la Francophonie à Paris sous la désignation Canada-Québec. Bref, la France a joué un grand rôle dans l’accession du Québec à un statut d’État au sein de la Francophonie (Paquin, 2006). Il est intéressant de noter que la seule autre organisation internationale à laquelle le Québec participe avec un statut d’État à part entière est l’Association mondiale de la route (AIPCR), sous la bannière Canada-Québec. Soit dit en passant, la DAI, unité d’accueil du stagiaire, emploie une conseillère en affaires internationales qui dédie la moitié de sa tâche de travail pour remplir la fonction de conseillère technique au sein du Secrétariat général de cette organisation, basé à Paris.Finalement, outre l’interdépendance engendrée par la mondialisation et l’implication d’acteurs externes, l’interdépendance régionale joue un rôle non négligeable dans le développement d’une paradiplomatie. Il existe des facteurs micro-régionaux, tels la proximité géographique et démographique, la complémentarité économique et les affinités culturelles. Ces facteurs micro-régionaux s’appliquent à la relation entre les États américains et les provinces canadiennes. D’ailleurs, les provinces de l’Est du Canada et les États de la Nouvelle-Angleterre (ainsi que New-York), l’Ontario et les États des Grands Lacs, la Colombie-Britannique et les États de la côte Ouest, tous signent des accords et développent des relations qui reconnaissent leurs intérêts mutuels régionaux, indépendamment des désagréments au niveau fédéral ou international (Feldman et Gardner Feldman, 1990). À ce sujet, les forums internationaux, par l’union de plusieurs États fédérés sur les mêmes enjeux, permettent d’augmenter la pression sur les États centraux et ainsi forcer une action. Par exemple, la CGNA-PMEC a été à l’origine de résolutions et de groupes de travail sur la problématique des pluies acides en 1984. Ces travaux ont donné de la crédibilité aux positions infraétatiques et mis de la pression sur Ottawa et Washington pour trouver une solution au problème (Ibid.). Cet exemple vient appuyer l’affirmation de Painchaud (1974) selon laquelle «les États fédérés qui voisinent une autre fédération ont tendance à développer davantage leurs relations internationales avec les membres de cette fédération». Ensuite, il existe des interactions macro-régionales, qui englobent les interdépendances identifiées au niveau micro, mais pour des régions éloignées géographiquement, comme dans la relation France-Québec (Soldatos, 1990).

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Table des matières

Liste des abréviations
Résumé
Introduction 
Organisation hôte
Mandat du stagiaire
Sujet de recherche
Problématique de recherche
Cadre de référence
Revue de littérature sur la paradiplomatie 
Facteurs de développement de la paradiplomatie
Facteurs internes
Facteurs externes
Administrations publiques et paradiplomatie
Contexte américain
Contexte canadien et québécois
Méthodologie de recherche et d’intervention
Résultats 
(In)actions du Canada, du Québec et des États-Unis en électrification des transports
Le Québec
Le Canada
Les États-Unis
Relations entre le Québec et les États américains en électrification des transports
Vermont
New York
Maine
Massachussetts
CGNA-PMEC
Discussion 
Conclusion 
Bibliographie

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