Le héros picaresque dans l’oeuvre de Charles Coypeau d’Assoucy

« Le critique qui après Manon Lescaut, Paul et Virginie, Don Quichotte, Les Liaisons dangereuses, Werther, Les Affinités électives, Clarisse Harlowe, Emile, Candide, Cinq-Mars, René, Les Trois Mousquetaires, Mauprat,Le Père Goriot, La Cousine Bette, Colomba, Le Rouge et le Noir, Mademoiselle de Maupin, Notre-Dame de Paris, Salammbô, Madame Bovary, M. de Camros, L’Assommoir, Sapho, etc., ose encore écrire : « Ceci est un roman et cela n’en est pas un » me paraît doué d’une perspicacité qui ressemble fort à de l’incompétence ». Maupassant, Pierre et Jean, GFFlammarion, 1999, p. 15-16.

Toute considération accordée à la notion du héros se fonde sur l’impact des immenses figures littéraires qui ont nourri l’imaginaire des lecteurs dans les représentations traditionnelles du héros de roman. Il n’y a rien de moins définitif que la conception du héros, notion qui touche à tous les domaines de l’activité humaine, physique, intellectuelle et morale.

Le héros est le personnage auquel on attribue des prouesses et qui représente des valeurs idéales. Le héros tragique domine l’époque classique, et les personnages de Corneille ont beaucoup influencé l’image du héros au XVIIe siècle. Celle-ci est liée aux valeurs aristocratiques de courage, d’honneur et de générosité : L’idée du héros est liée à une valeur capitale : la noblesse de l’âme. Le héros, c’est le type humain idéal qui n’a en vue que le « noble » et ne pense qu’à sa réalisation – il ne se préoccupe donc que des valeurs « pures », et non de valeurs techniques. Sa vertu essentielle est la noblesse naturelle du corps et de l’âme. Le héros se distingue par un excès d’énergie spirituelle et par sa faculté de concentration intellectuelle vis-à-vis de l’instinct. C’est ce qui fait la grandeur de son caractère. La vertu spécifiquement héroïque, c’est la domination de soi-même. Mais la volonté du héros dépasse ses limites et tend à acquérir la puissance, à engager sa responsabilité, à manifester sa hardiesse. C’est pourquoi, il peut se manifester sous les traits de l’homme d’Etat, du grand Capitaine, ou comme dans les temps très anciens, sous les traits du Guerrier.  En revanche, dans les Aventures et les Prisons de Dassoucy, le héros, voyageant à travers la France et l’Italie nous révèle les mœurs et les événements historiques ainsi que les phénomènes sociaux – les traditions culinaires mêmes – de l’époque, sur un mode parodique, puisque ce héros incarne la contestation des valeurs sociales de son époque. Son texte pourrait aussi être abordé comme une réflexion politique et idéologique sur la Cour européenne du siècle classique. Nous nous proposons d’explorer les différentes facettes de ce héros problématique, de cet anti héros qui a vécu à une époque où la tragédie classique trouvait tout son essor.

Il est cependant question d’un héros romanesque. Or, au XVIIe siècle, le roman était considéré comme un genre mineur, il était « traqué par la police, contrôlé par la censure, honni par les dévots, moqué par les philosophes, décrié par les doctes ». Le texte même de Dassoucy – par le genre choisi – est donc en lui-même une contestation de la doxa académique, une aventure littéraire aussi bien que morale et philosophique.

La production romanesque a été néanmoins abondante à cette époque, bien que peu de romans aient survécu. L’exploration de ce domaine reste à faire et les travaux de Magendie et d’Adam ainsi que d’autres études partielles présentent des pistes à suivre. Quoique le genre ait été souvent dénigré, le nombre de ses adversaires n’a fait qu’augmenter le nombre de ses lecteurs – comme cela a été aussi le cas pour le théâtre.

Avant les événements de la Fronde, les romans étaient prisés par les hommes de lettres et leur lecture était recommandée par les écrivains comme Charles Sorel. Des libraires comme Augustin Courbé firent fortune grâce aux romans vendus surtout après 1660, période de stabilité politique favorisant la publication et la reproduction des éditions. Nous notons à titre d’exemples la multiplication des versions de L’Astrée, de l’Histoire comique de Francion de Sorel, des Histoires tragiques de Rosset, du Roman bourgeois de Furetière, où les auteurs décrivent le comportement de tous les milieux sociaux.

Le roman baroque illustre le Grand Siècle : celui d’Honoré d’Urfé, L’Astrée, demeure le plus connu. Ce roman baroque, caractérisé par l’emboîtement des intrigues et des événements dans un cadre luxuriant, met en scène une nature en mutation et des personnages constamment en métamorphose et en gestation, offrant un spectacle fabuleux et une intrigue mouvementée, ainsi que l’expression sublime des sentiments, – combinaison qui remonte à l’époque antique, aux Métamorphoses d’Ovide, notamment.

La tristesse, le chagrin et la pitié n’étaient pas absents du roman du XVIIe siècle, puisque cette époque de l’épanouissement de la tragédie a aussi été celle du roman tragique, représentant des histoires où le sort sinistre ou macabre des personnages est perçu comme inéluctable. Ce qui frappe dans ces textes, ce sont les thèmes traités comme le crime, l’inceste, la trahison, la folie, la mort, les parricides et les fratricides : Les Histoires tragiques de notre temps (1614) de François de Rosset ont connu un grand succès en dépit – ou à cause de – leur dimension cruelle. L’entremêlement de la cruauté et de la dévotion ainsi que l’entrelacement du vice et de la vertu dans l’œuvre de JeanPierre Camus offrent aussi une narration pleine de contradictions et d’imprévus. Les auteurs donnent une dimension imaginaire au réel macabre qu’ils représentent. Ce sera aussi le cas de Dassoucy.

Le roman picaresque plaît aux lecteurs ennuyés par l’idéalisme exagéré des héros des tragédies aussi bien que par les faits d’un réalisme trop simple. Ces règles sont désormais fixées : on assiste à une représentation des gueux dans la fiction romanesque. Cette figure est nouvelle à l’époque classique, puisque ce sont des personnages en marge de la société qui sont qualifiés de héros. C’est cette question que nous allons aborder dans les pages qui suivent. Certes, les picaros ne possèdent pas les mêmes qualités que les héros épiques des romans héroïques de l’époque, qui jouissent d’un succès énorme auprès des lecteurs assoiffés d’histoires de la Cour, des rois et des nobles. Le Polexandre de Gomberville, qui a paru sous trois moutures différentes avant son édition finale en 1637, en est un bon exemple. L’errance de ce prince et chevalier n’est pas gratuite dans la mesure où elle est le prétexte permettant au romancier de révéler son caractère, ses différents ressorts, son courage et ses différents états d’âme au cours des rebondissements de l’intrigue.

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Table des matières

Introduction générale
La « burlesquerie » picaresque du voyageur
Chapitre 1 : Le parcours picaresque
I. Les fondements d’un genre
1. Origines gréco-latines de la picaresca
2. L’héritage espagnol
3. Caractéristiques du roman picaresque français
I. Les voyages de Dassoucy
1. Les rapports de Dassoucy à l’espace
2. Une plénitude sensorielle
3. Promenade ou errance ?
Chapitre 2 : Aventures ou écritures burlesques ?
I. Contexte d’émergence du burlesque
I. Travestissement de l’Antiquité
II. Ecrire le burlesque
1. Le registre familier
2. Expressions proverbiales
3. Jeux de mots
4 . Syntaxe fantaisiste
Chapitre 3 : Du héros à l’antihéros
1.Le héros « bipolaire »
2. Le héros comique
I. Le dépaysement multiple
1. Le « héros-pèlerin »
2. Le dépaysement sociologique
II. Le regard du héros sur lui-même
1. La réflexion du personnage sur l’écriture
2. L’image de soi
3. L’image de l’autre
Conclusion générale 

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