Les homicides représentent la forme la plus grave de violence. Ils se distinguent entre autres de par leurs caractéristiques psychologiques et criminologiques, leur degré de gravité au sens de la loi, mais également selon les particularités psychologiques des individus qui les commettent. Dans la plupart des homicides, la victime connaît son agresseur. En 2014, sur un total de 516 homicides commis au pays, les victimes ont plus souvent été tuées par une connaissance (37 %) ou un membre de la famille (34 %), y compris les conjoints actuels et anciens (16 %) (Statistique Canada, 2014). Dans la littérature scientifique concernant les homicides, une des premières distinctions fut de différencier les crimes passionnels ou expressifs des crimes sexuels ou instrumentaux (Bénézech, 1996). Les enjeux psychologiques, sociaux et criminologiques des homicides permettent de mieux comprendre les diverses motivations des agresseurs. De plus, le type d’homicide, de même que la nature du lien affectif de l’agresseur à sa victime, pourrait impliquer des enjeux psychiques différents.
Définitions et ampleur du phénomène
L’ acte d’ enlever la vie à autrui, ou l’ homicide, représente l’ infraction la plus grave au Code criminel. Le Code criminel canadien (Ministère de la Justice du Canada, 2013) précise: commet un homicide quiconque, directement ou indirectement, par quelque moyen, cause la mort d’un être humain. L’ homicide coupable se divise ensuite en trois catégories distinctes selon ce même Code, soit le meurtre, l’homicide involontaire coupable et l’ infanticide. L’homicide peut également être analysé selon le lien affectif unissant la victime à l’ agresseur: les homicides familiaux, dans lesquels victimes et agresseurs sont membres d’une même famille ; et les homicides, dans lesquels la victime n’est pas un membre de la famille ni une personne en relation intime avec l’agresseur, donc soit une connaissance ou un étranger (Last & Fritzon, 2005).
Selon Statistique Canada (2014), le taux d’ homicide au pays est de 1,45 pour 100000 habitants pour l’ année 2014. Au cours de cette même année, il y a un total de 516 homicides commis au pays, soit une diminution de 86 cas par rapport à l’année 20 Il et une augmentation de quatre cas depuis l’ année précédente (2013). En 2014, les victimes ont plus souvent été tuées par une connaissance (37 %) ou un membre de la famille (34 %), y compris les conjoints actuels et anciens (conjoints mariés ou de fait) (16 %). De plus, 6 % des victimes d’homicide ont été tuées dans le contexte d’une relation criminelle (p.ex. travailleurs du sexe, trafiquants de drogue, usuriers, membres de gangs) et 5 % ont été tuées par un autre partenaire intime (inclut toutes relations intimes/sexuelles sans être mariés ou conjoint de fait). Les homicides entre partenaires intimes comprennent ceux commis par un conjoint ou une conjointe mariée ou de fait, un petit ami ou une petite amie, ou un autre partenaire intime (actuel ou ancien). En 20 Il , 89 homicides entre partenaires intimes sont recensés (76 victimes féminines et 13 victimes masculines).
Dans la plupart des homicides répertoriés, la victime connaît également son assassin. L’ augmentation globale des homicides au Canada en 2011 est en grande partie attribuable à une hausse importante du nombre d’ homicides commis par une connaissance. En 20 Il , 213 personnes ont été tuées par une connaissance ou un ami, soit 46 de plus qu’en 2010. En effet, un individu risque davantage d’être tué par une connaissance ou un ami, ce qui représente près de la moitié des cas d’homicides au Canada. Depuis les dernières années, les homicides familiaux occupent une place significative dans le paysage médiatique canadien. D’ailleurs, en 20 Il, sur un total de 454 homicides au Canada, 145 étaient des homicides intrafamiliaux. La police a déclaré qu’environ 78 000 actes de violence ont été commis à l’endroit des femmes aux mains d’un partenaire intime actuel ou ancien. De plus, le pourcentage d’homicides perpétrés sur des femmes par un partenaire intime a augmenté de 19 % entre 2010 et 20 Il.
Pour leur part, Léveillée et Lefebvre (2008) ont répertorié 268 individus ayant commis un homicide dans la famille au Québec entre 1997 et 2007. De ce nombre, on dénote 33 parricides (parent-s), 68 filicides (enfant-s), Il familicides (conjointe+enfant-s) et 156 homicides conjugaux. Statistique Canada (2011) ont quant à eux répertorié 105 homicides commis au Québec en 20 Il, soit une hausse de 25 % par rapport à 2010. Cette augmentation est principalement due au nombre d’homicides familiaux non conjugaux qui ont été à la hausse dans la province. La même année, 66 homicides conjugaux entre époux ou ex-époux et 23 issus d’une autre relation intime ont été recensés au Canada, dont Il au Québec.
Typologies des homicide
Les homicides se distinguent selon plusieurs caractéristiques psychologiques, criminologiques ou circonstancielles, et également selon le lien affectif qui unit l’agresseur à la victime. Les homicides survenant à l’ intérieur de la famille, c’ est-à-dire que l’ agresseur est un membre de la famille de la victime (père, frère, conjoint, etc.), sont souvent regroupés sous l’appellation homicide intrafamilial. Dans le même ordre d’ idée, les homicides perpétrés envers toutes autres personnes en dehors de la cellule familiale possèdent des caractéristiques psychologiques différentes. En effet, Last et Fritzon (2005) soulignent que les homicides intrafamiliaux sont davantage liés à l’ intensité émotionnelle et teintés d’ impulsivité. Les homicides extrafamiliaux ont souvent quant à eux une composante instrumentale se retrouvant à l’ avant-plan.
Parmi les homicides intrafamiliaux, on retrouve le parricide (parent-s), le filicide (enfant-s), le familicide (conjoint-e + enfant-s), le sororicide (sœur-s), le fratricide (frère-s), l’avitolicide (grand-parent-s) et l’ homicide conjugal (Léveillée & Lefebvre, 2010). Toutefois, le type d’ homicide dans la famille le plus fréquent est l’ homicide conjugal masculin, aussi appelé l’uxoricide, qui signifie l’acte posé par un homme de tuer sa conjointe ou sa partenaire. Le familicide, quant à lui, est l’ homicide du (de la) conjoint(e) et d’ au moins un enfant (Léveillée & Lefebvre, 2008).
Dans cet essai, l’accent sera mis sur deux types d’ homicides familiaux, soit l’homicide conjugal et le familicide. Cusson, Beaulieu et Cusson (2003) regroupent les homicides selon la motivation principale de l’agresseur. On retrouve d’ abord l’homicide par possession, qui inclut les homicides conjugaux masculins. Cette catégorie désigne les meurtres motivés par un désir de possession sexuelle ou affective, et représente d’ailleurs le motif principal de plus de la moitié des homicides conjugaux masculins (Cusson, 2003). Ensuite, les auteurs mentionnent l’ homicide querelleur (survient suite à une bagarre), l’ homicide sexuel (motif d’ assouvissement sexuel de l’ agresseur; implique le viol ou l’ agression sexuelle de la victime) et ensuite l’euthanasie (meurtre par compassion). En terminant, ils relèvent aussi l’ homicide défensif (légitime défense), l’homicide instrumental (meurtre plus détaché émotionnellement et dirigé vers un but spécifique; p.ex. un gain monétaire) et finalement l’accident (homicide involontaire; se caractérise par l’ absence d’ intention de tuer).
Pour sa part, Bénézech (1996) énumère les différentes classifications des homicides établies au fil des ans, incluant la classification utilisée par le FBI depuis plusieurs années. Cette dernière regroupe quatre catégories principales: 1) Homicide par entreprise criminelle; 2) Homicide par motif personnel; 3) Homicide sexuel; et 4) Homicide par motif de groupe. Bénézech a lui-même construit une typologie des homicides volontaires pathologiques qui est la suivante : l’homicide impulsif, l’homicide passionnel, l’ homicide sexuel, l’homicide dépressif, l’ homicide psychotique non délirant, l’ homicide psychotique délirant, l’ homicide de cause organique, et finalement l’ homicide non classable ailleurs. Dans chacune de ces typologies (Bénézech, 1996; Cusson et al., 2003), il est intéressant de noter que certaines catégories rejoignent davantage l’ intensité émotionnelle et l’ impulsivité souvent présente dans les homicides familiaux alors que d’ autres désignent à l’ inverse les meurtres utilitaires, commis de sang froid ou dans un but bien précis.
Hirschelmann (2014) pour sa part porte un regard psychodynamique aux typologies des homicides. Elle souligne que dans les différentes typologies, il existe une opposition entre les crimes témoignant d’ une quasi-absence ou d’ une faible capacité de mentalisation (crimes primitifs ou impulsifs) et les homicides davantage élaborés sur le plan psychique (crimes organisés). L’ auteure décrit certaines caractéristiques présentées par des hommes incarcérés pour homicide en France. Elle compare deux échantillons, soit un groupe de 21 détenus rencontrés en centre pénitentiaire et ne présentant pas de trouble mental au moment des faits et un échantillon de 18 sujets présentant un diagnostic de psychose rencontrés dans des unités pour malades difficiles (UMD). D’abord, Hirschelmann remarque chez les hommes détenus et sans trouble psychotique la présence d’ éléments dépressifs, de relations d’objet superficielles et conflictuelles et d’un milieu familial perturbé et/ou violent. De plus, avant le passage à l’acte, ces hommes ont généralement un mal de vivre et une situation de vie précaire, pouvant inclure une perte sociale ou amoureuse. En ce qui a trait à la planification de l’acte, il est soit impulsif ou planifié mais seules les conséquences immédiates sont envisagées. Ces hommes présentent fréquemment de la colère, une perte de contrôle, se sentent dépassés par les événements ou alors manifestent une froideur affective. Les motifs possibles de l’ homicide sont une réponse à l’humiliation, une blessure narcissique ou un règlement de compte et les types de crimes rencontrés sont utilitaristes, passionnels et pseudojusticiers. L’agresseur a l’ impression de s’ agresser lui-même dans l’autre. En d’autres mots, les limites entre soi et l’ autre sont floues, ce qui dénote que la victime est relativement peu différenciée.
Après le passage à l’ acte, l’agresseur se sent alors souvent vide, triste, honteux et dans un état second et la crainte de représailles est plutôt répandue. Finalement, il y a une reconnaissance partielle de la responsabilité et un lieu de contrôle externe, l’ individu se sentant parfois victime des événements. Pour ce qui est de l’échantillon d’individus psychotiques, ceux-ci présentent de fortes angoisses de morcellement et un mode relationnel caractérisé par un repli sur soi et de l’ isolement. Les sujets sont généralement issus de milieux familiaux perturbés, où la fonction paternelle (figure paternelle stable) est souvent absente. Lors de l’ acte violent, ces individus étaient en épisode psychotique et le crime était soit impulsif ou planifié. Le motif du passage à l’acte est en lien avec une représentation erronée de la réalité ou un sentiment de menace diffus. La victime est indifférenciée et à la suite de l’ acte, il y a absence de sentiment de culpabilité et l’ individu se rend généralement à la police (Hirschelmann, 2014) .
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
Définitions et ampleur du phénomène
Typologies des homicides
La dissociation
Historique et évolution du concept
Définitions
Compréhension du phénomène
Dissociation et mécanismes de défense
Le clivage
Le déni
L’identification projective
Dissociation et prédisposition à la fantasmatique
Passages à l’acte violents et dissociation
Particularités psychologiques du passage à l’acte
Homicide et dissociation
L’homicide conjugal
Le familicide
L’homicide d’un étranger/d’une connaissance
Le lien affectif à la victime dans l’homicide
Objectifs de l’étude
Questions de recherche
Méthode
Participants
Cas 1
Cas 2
Cas 3
Déroulement
Instruments de mesure
Dissociative Experiences Scale
Rorschach
Indices de dissociation intrapsychique
Reality-Fantasy Scale
Indices de dissociation traumatique
Échelle de cotation des mécanismes de défense de Lemer
Résultats
Traits dissociatifs
Indices de dissociation au Rorschach
Prédisposition à la fantasmatique
Dissociation traumatique
Les mécanismes de défense
Synthèse des résultats
Différences et similitudes
Discussion
Résumé des résultats
Richard
Marc
Jean-Pierre
Différences et similitudes
Liens avec la littérature
Dissociative Experiences Scale, homicide et dissociation intrapsychique
Mécanismes de défense
Autres indices de dissociation
Indices de dissociation et impacts cliniques
Forces et limites de l’étude
Études à venir
Conclusion
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