Analyse économétrique des déterminants de l’intention entrepreneuriale
L’intention entrepreneuriale : cadre théorique et conceptuel
Ce chapitre a pour principal objet de présenter les bases théoriques de la problématique de notre travail, consistant, rappelons-le, en l’analyse de l’influence de la formation universitaire sur la formation de l’intention entrepreneuriale. Toutefois, est-il utile, voire nécessaire de compléter cette tâche par la présentation des principaux concepts associés au sujet étudié. Ainsi, nous tracerons trois sections dans ce chapitre. La première section sera consacrée pour le concept de l’entrepreneuriat, c’est-à-dire sa signification, son champ d’application, ses principales approches théoriques, et son principal acteur, en l’occurrence l’entrepreneur. La deuxième section, nous nous attarderons sur le concept de l’intention entrepreneuriale en nous concentrant sur la théorie de comportement planifié (Ajzen, 1991), et la théorie de l’événement entrepreneurial (Shapero et Sokol, 1982), et enfin nous jetons un regard sur le phénomène de l’entrepreneuriat dans le contexte de l’Algérie.
L’entrepreneuriat est un phénomène complexe et diversifié si bien que sa signification renvoie à diverses choses. Pour Schumpeter (1928)2, l’essence de l’entrepreneuriat se situe dans la perception et l’exploitation de nouvelles opportunités dans le domaine de l’entreprise. Cela toujours à faire avec l’apport d’un usage diffèrent de ressources nationales qui sont soustraites de leur utilisation naturelle et sujettes à de nouvelles combinaisons. Ainsi, selon Gartner, (1990)3, essayer de définir l’entrepreneuriat n’est pas une affaire de définition de frontières du champ de recherche. C’est aussi et surtout une question d’organisation des connaissances et de positionnement des chercheurs. Pour Schumpeter, « L’entrepreneuriat consiste à prendre des risques. L’entrepreneur et une personne qui est prêtre à mettre enjeu sa carrière, mettre son temps et son capital dans une situation risquée»4. De leur côté, (Fayolle et Fillion, 2006, p 254)5 définissent l’entrepreneuriat comme un « processus par lequel des personnes prennent conscience que le fait de posséder leur propre entreprise constitue une option ou une solution viable, ces personnes pensent à des entreprises qu’elles pourraient créer, prennent connaissance de la marche à suivre pour devenir un entrepreneur et se lancent dans la création et le démarrage d’une entreprise» Ce processus s’articule, selon Bruyat6, autour de quatre axes : l’individu, l’entreprise, l’environnement et son processus.
Les formes d’entrepreneuriat
Intuitivement, quand on parle de l’entrepreneuriat on pense au seul acte de création d’entreprises. Or, les spécialistes en la matière distinguent des formes diverses de l’entrepreneuriat. En effet, comme le rappelle Fillion (2005), nous vivons dans un monde où existent de plus en plus de travailleurs autonomes, de macro-entreprises et de petites entreprises. «Les gens sont appelés à adopter des attitudes de plus en plus entrepreneuriales, même ceux qui vont faire carrière dans les grandes organisations privées ou publiques»7 il n’est pas donc étonnant de constater que les employeurs recherchent des employés chez qui l’on retrouve les même compétences ou qualités que celle qui caractérisent les entrepreneurs. Des auteurs comme Vestraete et Fayolle (2004) divisent le champ de l’entrepreneuriat en paradigme de l’innovation, création de valeur, émergence organisationnelle, et opportunité8.
Selon E.M. Hernandez l’entrepreneuriat couvre plusieurs aspects ; il va de la création d’entreprise, de la franchise, de l’essaimage, à la reprise d’entreprise existante9. Julien, P.A. et codieux, L. (2010) distinguent 05 principales formes de l’entrepreneuriat. la 1ere forme est la création pure (l’entreprise n’existait pas, elle est créée par l’entrepreneur) ; la seconde forme est l’essaimage (c’est-à-dire le salarié d’une entreprise crée sa propre structure, avec le soutien de son entreprise d’origine, qui lui procure souvent une partie de son chiffre d’affaires de d’épart) ; la 3eme forme c’est le reprise (c’est-à-dire, l’entrepreneur rachète une entreprise existante) ; la 4eme forme est de développer une entreprise existante (c’est-à-dire, une fois l’entreprise créée ou reprise, l’entrepreneur continue d’exercer ses compétences d’innovation et de créativité pour développer son entreprise, c’est la réactivation d’entreprise) ; et en fin la dernière c’est la même que la 4eme car l’entrepreneuriat représente un développement à l’intérieure d’une entreprise déjà existante.
Définition et approche de l’entrepreneur
Depuis Cantillion15 (18ème siècle), la notion d’entrepreneur a connu une évolution notoire, puisqu’on est parti de la conception de simple individu au personnage au centre de l’activité économique. La notion concerne tout d’abord l’exploitant agricole, en suite tous ceux ayant pour fonction de faire circuler les denrées de la compagne vers les villes et de transformer ses richesses; sa mission étant de mettre des produits à la disponibilité des acheteurs. J.B. Say (1816) quant à lui, fait de l’entrepreneur la pierre angulaire de la dynamique capitaliste. L’entrepreneur est vu comme un créateur et consommateur de valeur, laquelle est indispensable à la prospérité de la société ; son objectif n’étant pas l’exploitation du travail, mais plutôt d’être économiquement indépendant. Schumpeter (1928), fait la synthèse de Cantillion et Say, et place l’entrepreneur au centre de l’analyse en lui assignant la fonction d’innovation, l’innovation étant définie comme tout changement porteur de profit nouveau.
Le profit quant à lui étant juste sa rémunération. La prise de décision et sa fonction managériale définissent sa particularité majeure ; il n’est ni inventeur, ni capitaliste et par conséquent ne prend aucun risque. Les conceptions nouvelles de l’entrepreneur le définissent comme quelqu’un qui forme et réalise un projet ; l’entrepreneur met en place un projet dont la réussite réside dans la minimisation le plus possible du niveau du risque qui entoure ses décisions ainsi que dans sa capacité à gérer. Mais avant tout, l’entrepreneur est désormais vu comme le produit de son milieu économique et culturel qui cherche à créer une organisation pour son compte pour ses fins socioéconomique, en accomplissant les fonctions suivantes : prendre de risque, de décision, innover, identifier les opportunités d’affaires, employer des facteurs de produits….Ainsi, Louis Jacques FILLION (1988) définit l’entrepreneur comme « une personne imaginative, caractérisée par une capacité à se fixer et à atteindre des buts. Cette personne maintient un niveau élevé de sensibilité en vue de déceler des occasions d’affaires. Aussi longtemps que il ou elle continue d’apprendre au sujet d’occasions d’affaire et qu’il ou elle continue à prendre des décisions modérément risquées qui visent à innover, il ou elle continue de jouer un rôle entrepreneurial »16. En fait, les analyses nouvelles sur l’entrepreneur approchent celui-ci différemment selon l’aspect pris en compte. Deux principales approches nous intéressent dans le présent travail ; il s’agit de l’approche par les traits et celle par les faits.
L’approche par les traits
L’approche par les traits prévalu jusqu’au milieu des années 1980. Elle s’est basée sur une présomption selon laquelle les caractéristiques psychologiques et les attributs personnels de l’entrepreneur sont les seuls facteurs qui le prédisposent à une activité entrepreneuriale (Greenberger et Sexton, 1988 ; Gartner, 1988 ; Shaver et Scott, 1991). Cependant, à la fin des années 1980, Bull et Williard (1987, p. 187) affirment que « There is non (typical) entrepreneur ».17Low et Mac Millan (1988, p. 148) vont dans le même sens: « It seems that any attempt to profile the typical entrepreneur is inherently futile »18 L’approche par les traits est une approche descriptive qui s’intéresse à la mesure des prédispositions à l’entreprise et met l’accent sur les attributs menant logiquement à l’acte entrepreneurial. Selon Fillion19, il existe un ensemble défini de traits de personnalité ou de caractéristiques psychologiques propres aux entrepreneurs (actuels et potentiels) et que l’identification de ces caractéristiques servirait à distinguer l’entrepreneur et mieux encore, à prédire le devenir et le succès entrepreneurial. D’où les nombreux efforts déployés jusqu’ici dans ce sens par les partisans de cette approche (McClelland, 1961, 1965 ; Rotter, 1966 ; Timmons, 1979 ; Hornaday, 1982 ; Brockhans, 1984 ; Fillion, 1989, 1991 ; Gasse & Carrier, 1992).
Plusieurs auteurs font figurent de cette approche. Ainsi, Laufer20 distingue quatre types d’entrepreneurs : le manager ou l’innovateur, l’entrepreneur propriétaire orienté vers la croissance, celui refusant la croissance mais recherchant l’efficacité et l’entrepreneur artisan. Leur motivation diffère sur les plans du désir de réalisation, de croissance et pouvoir, la cellule familiale joue également un rôle important dans la culture entrepreneuriale. Marchesnay21, il esquisse deux types d’entrepreneurs : l’entrepreneur PIC (pour Pérennité- Indépendant-Croissance) il craint l’endettement, ce qui le conduit à utiliser les ressources de la famille. L’entrepreneur CAP (pour Croissance-Autonomie-Pérennité) est d’avantage opportuniste. Marchesnay précise qu’a ces deux catégories types est loisible de montrer la coexistence d’entrepreneurs. Hernandez22 propose une typologie retenant comme axes la volonté de croissance et le désir d’autonomie.
On y distingue quatre types : le manager (c’est un cadre de grande entreprise et tire ses compétences de son cursus professionnel), l’entrepreneur (souhaite de maitriserai; financièrement sa croissance, ce qui traduit l’acharnement qu’il déploie dans son travail et la tendance centralisée de la structure), l’artisan ou dirigeant de TPE (exploitant son savoir-faire), les exclus (les individus rejetés du système productif, la création étant la voie restante). Pour Julien et St Pierre23, les traits de l’entrepreneur tiennent à l’imagination, la confiance en soi, l’enthousiasme, la ténacité, le gout pour la direction et la résolution de problème, la capacité de percevoir précocement dans les données des informations source d’opportunités, la faculté à réunir et à coordonner les ressources économiques pour exploiter de façon efficace l’information possédée.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 01 : L’intention entrepreneuriale : cadre théorique, conceptuel, et contextuel
Section 01 : l’entrepreneuriat
1. Le champ de l’entrepreneuriat
1.1. Définition de l’entrepreneuriat
1.2. Les formes d’entrepreneuriat
1.3. L’importance socio-économique de l’entrepreneuriat
2. Le processus entrepreneuriat
2.1. La théorie de processus entrepreneurial
2.2. Les principales étapes du processus entrepreneurial
3. L’entrepreneur : l’agent central de l’entrepreneuriat
3.1. Définition et approche de l’entrepreneur
3.1.1. Définition ……..
3.1.2. Les approches de l’entrepreneur
3.1.2.1. L’approche par les traits
3.1.2.2. L’approche par les faits
3.2. Les compétences de l’entrepreneur
Section02 : L’intention entrepreneuriale
1. Le concept d’intention : définition et importance
2. Place de l’intention dans le processus entrepreneurial
2.1. L’intention en amont du processus entrepreneurial
2.1.1.Le processus de décision
2.1.2.Les compétences de l’intention entrepreneuriale
2.1.3.L’engagement de l’intention entrepreneuriale dans le temps
2.1.4.Les facteurs structurants de l’intention entrepreneuriale
3. Les approches théoriques de l’intention entrepreneuriale
3.1. Le modèle de la théorie du comportement planifié
3.2. La théorie de l’événement entrepreneurial : Shapero et Sokol (1982)
3.3. Le Modèle modifié de l’intention d’entreprendre de Krueger (2000)
4. La formation de l’intention entrepreneuriale
4.1. Les différents types de formations à l’entrepreneuriat et leurs caractéristiques
4.2. Les niveaux de formation entrepreneuriale
5. Les déterminants de l’intention entrepreneuriale
Section 03 : L’entrepreneuriat en Algérie
1. Historique et évolution de l’entrepreneuriat en Algérie
1.1. L’entrepreneur de l’Algérie indépendante (1960-1990
1.2. Les réformes économiques des années 1990 et l’évolution de l’entrepreneuriat
2. L’impact de l’entrepreneuriat sur l’économie nationale
2.1. L’impact sur la création d’emplois et sur la croissance
2.2. L’impact sur la compétitivité de l’économie nationale
2.3. L’entrepreneuriat comme vecteur de l’épanouissement personnel
2.4. Entrepreneuriat et les valeurs sociales
3. Les procédures de la création d’entreprise en Algérie
3.1. Alignement de la gouvernance sur le processus de création d’entreprise
3.1.1.Les difficultés d’accès au financement
3.1.2.Manque de compétences dans la formation
4. Le niveau de l’intention entrepreneuriat chez les étudiants algériens
4.1. Quelques facteurs expliquant la culture d’entreprendre chez les jeunes
algériens
4.2. La relation entre la formation universitaire et le monde économique
Chapitre 2 : L’intention entrepreneuriale chez les étudiants de l’université de Bejaia
Section 01 : La démarche méthodologique
1. Le terrain de l’enquête
2. L’échantillonnage
3. Les techniques de collecte et de traitement des données
Section 02 : Analyse descriptive des résultats
1. Intention entrepreneuriale et Tendance professionnelle des étudiants de l’échantillon
2. L’intention entrepreneuriale et formation universitaire
3. Les motifs d’entreprendre
Section 3 : Analyse économétrique des déterminants de l’intention entrepreneuriale
1. Le Modèle : spécification et type de régression
2. Les déterminants de l’intention entrepreneuriale chez les étudiants
2.1. la méthode ascendante pas à pas (4 itérations)
2.2. La méthode descendante pas à pas (4 itérations)
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes
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